CURRICULUM Forum Med Suisse No23 5 juin 2002 564
Les troubles anxieux
Près de 90% des alcoolo-dépendants n’ont
aucun trouble anxieux indépendant ni induit,
mais plusieurs études ont montré chez cette
population des taux de prévalence à vie de
trouble panique indépendant et de phobie
sociale environ trois fois supérieurs à ceux de
la population générale [1, 7, 8]. A noter que
certains patients décrivent des accès matinaux
d’attaque de panique typique qui sont dus en
fait au sevrage, et qui s’amendent sans traite-
ment spécifique en cas de maintien d’une abs-
tinence prolongée.
Concernant l’état de stress post-traumatique
(PTSD) et l’anxiété généralisée, certaines
études [9] parlent en faveur d’une association
entre ces troubles et l’alcoolo-dépendance,
mais ces résultats doivent être encore confir-
més par d’autres recherches, avant que l’on
puisse effectivement conclure qu’il existe une
association.
Les troubles psychotiques aigus
et la schizophrénie
Syndrome de Wernicke, delirium et
trouble psychotique induit par l’alcool
5% des alcoolo-dépendants vont développer
en cas de forte consommation et parfois en cas
de sevrage un trouble psychotique induit par
l’alcool d’allure paranoïde, qu’il s’agit de dis-
tinguer d’un délirium ou d’un syndrome de
Wernicke; ces 2 derniers troubles se caractéri-
sent notamment par la présence d’une confu-
sion avec désorientation. Les hallucinations du
trouble psychotique induit sont auditives, alors
que dans le délirium ce sont des hallucinations
tactiles et/ou visuelles. Le syndrome de Wer-
nicke est rare, mais il faut néanmoins exclure
la présence de troubles de la mémoire récente
avec confabulation et des signes neurologiques
associés (ataxie, nystagmus, ophtalmoplégie),
car environ un tiers des patients avec un Wer-
nicke vont présenter des troubles mnésiques
durables (syndrome de Korsakoff). Par précau-
tion dans ces 3 cas de figure, un traitement
parentéral de thiamine est de rigueur.
Le trouble psychotique induit peut nécessiter
une hospitalisation pour protéger le patient
contre lui-même et l’usage temporaire d’une
médication antipsychotique. En l’absence d’un
trouble sous-jacent du spectre de la schizophré-
nie, la symptomatologie du trouble psychotique
s’amende généralement en l’espace de quelques
jours à 4 semaines.
La schizophrénie
La majorité des troubles psychotiques chez les
alcoolo-dépendants sont d’origine toxique, mais
il existe néanmoins une co-occurrence particu-
lière entre l’alcoolisme et la schizophrénie.
La prévalence de la dépendance à alcool dans
la population générale est de 5%, mais 20 à 50%
des schizophrènes ont les critères d’abus ou de
dépendance à l’alcool [10].
Les schizophrènes sont également davantage
dépendants de la nicotine (prévalence de 78 à
88% selon les études) et des psychostimulants
(prévalence de 2 à 5 fois supérieure à la popu-
lation générale). Batel [10] a fait une revue ré-
cente de la littérature du problème des abus de
substance chez les schizophrènes et développe
les 2 hypothèses les plus souvent formulées
concernant cette forte association:
1. L’hypothèse d’une prédisposition génétique
commune entraînant l’installation des deux
troubles comme conséquences de mécanis-
mes neurobiologiques.
2. L’hypothèse de l’auto-médication: les schi-
zophrènes recourent aux psychotropes pour
se traiter contre les symptômes négatifs (re-
trait, émoussement affectif …) et déficitaires
de leur maladie.
Les études d’adoption et de jumeaux n’ont pas
pu démontrer de manière consistante un lien
génétique entre l’alcoolisme et la schizophré-
nie. Des études cliniques ont été faites auprès
de patients schizophrènes pour leur demander
quels étaient les effets qu’ils recherchaient à
l’aide des substances consommées (self-report
studies). Ces recherches montrent des résultats
contradictoires, une même substance pouvant
à la fois être considérée comme bénéfique (car
diminuant les symptômes négatifs et les effets
secondaires des neuroleptiques) et comme né-
faste (accentuation du délire et des hallucina-
tions).
Démarche diagnostique
et aspects thérapeutiques
Troubles psychiatriques induits
1. Distinguer trouble induit / trouble
indépendant: Premièrement, en cas de
consommation à problème, le praticien doit
toujours considérer le diagnostic différentiel
d’un trouble induit face à un trouble psy-
chiatrique surajouté. Les troubles induits
étant plus fréquents, il s’agit d’exclure le dia-
gnostic de trouble psychiatrique indépen-
dant. Pour ce faire, il faut s’assurer que le
trouble n’est pas apparu avant l’installation
de l’abus ou de la dépendance, ou durant
une période prolongée d’abstinence, et qu’il
ne persiste pas après l’arrêt de la consom-
mation (délai d’un mois environ).
2. Informer le patient du caractère causal:
Une fois qu’un trouble indépendant a pu être
exclu, le patient doit être informé du carac-
tère induit et temporaire de ses symptômes