Nous présentons toujours le Jardin d'Alice comme un collectif d'artistes à
qui la mairie concède des bâtiments inoccupés afin d'y mener nos
activités. C'est une erreur !
Le Jardin d'Alice est à la fois un centre social, une maison de quartier, une
épicerie associative, une université populaire, une salle de spectacle et un lieu
d'expérimentation artistique et écologique. C'est un espace de respiration
citoyenne, un laboratoire du vivre ensemble où s'inventent les pratiques de
demain. Le fait qu'il soit géré par des artistes est une force : cela permet un
fonctionnement ouvert, souple et horizontal ; une inclusivité, une
inventivité dont sont souvent incapables les structures citées plus haut
Nous mesurons le manque cruel d'espaces interstitiels dans Paris. C'est
précisément ce manque d'espace qui nous a poussé -depuis plus de dix ans
pour certains- à franchir les marges de la légalité et à occuper des bâtiments
sans droit ni titre.
Ce type d'occupation relève d'un choix profond : nous refusons que cette
ville -notre ville- ne devienne un espace totalement marchand, uniquement
tourné vers la rentabilité ; que l'escalade des loyers repousse les classes
populaires de plus en plus loin en périphérie, que nos rues se couvrent des
mêmes enseignes que celles des rues de New York, Prague, Stockholm ou
Pékin. Que cette ville -notre ville- ne devienne une ville musée, uniquement
investie, accessible, occupée par ceux qui en ont les moyens, au moins pour
un temps…
Au lieu de permettre aux initiatives populaires de s'épanouir, la politique
de la Ville enchaîne les opérations destinées à brader son patrimoine au
plus offrant. Citons notamment le projet "Réinventer Paris" dont les grands
favoris sont actuellement l'entreprise MK2 et diverses fondations financées
entre autre par le Qatar. Toutes les grandes surfaces de bâti potentiellement
disponibles ont été aspirées par ce projet ultra-médiatisé. Il s'agit d'un choix
politique, effectué sur la seule base de la rentabilité à court terme.
Notons ici que la destruction de cet outil qu'est le Jardin d'Alice entraînerait la
mort de l'écosystème qu'il représente au cœur du monde associatif parisien. En
effet, le Jardin accueille en son sein une multitude de collectifs œuvrant
dans des domaines aussi variés que : les nouvelles technologies, le spectacle
vivant, l'édition et la critique sociale, les arts visuels, l'agriculture biologique et
les circuits courts, et sert de base arrière à un certain nombre d'organisations
citoyennes à vocations environnementales, artistiques ou sociales...