ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT Année 2012 ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE MUQUEUSE DANS L’APPAREIL GÉNITAL DE LA JUMENT NON GESTANTE - APPLICATIONS CLINIQUES - THÈSE Pour le DOCTORAT VÉTÉRINAIRE Présentée et soutenue publiquement devant LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL le…………… par Thibaut, Gilles, Serge LE DAFNIET Né le 13 mars 1987 à Évreux (Eure) JURY Président :Pr. Professeur à la Faculté de Médecine de CRÉTEIL Membres Directeur : Ludovic FREYBURGER, Maître de conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon Assesseur : Fabienne CONSTANT, Maître de conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANT Directeur : M. le Professeur MIALOT Jean-Paul Directeurs honoraires : MM. les Professeurs MORAILLON Robert, PARODI André-Laurent, PILET Charles, TOMA Bernard Professeurs honoraires: MM. et Mme : BRUGERE Henri, BRUGERE-PICOUX Jeanne, BUSSIERAS Jean, CERF Olivier, CLERC Bernard, CRESPEAU François, DEPUTTE Bertrand, MOUTHON Gilbert, MILHAUD Guy, POUCHELON Jean-Louis, ROZIER Jacques DEPARTEMENT D’ELEVAGE ET DE PATHOLOGIE DES EQUIDES ET DES CARNIVORES (DEPEC) Chef du département : M. POLACK Bruno, Maître de conférences - Adjoint : M. BLOT Stéphane, Professeur - UNITE DE CARDIOLOGIE Mme CHETBOUL Valérie, Professeur Melle GKOUNI Vassiliki, Praticien hospitalier - UNITE DE CLINIQUE EQUINE M. AUDIGIE Fabrice, Professeur* M. DENOIX Jean-Marie, Professeur Mme GIRAUDET Aude, Praticien hospitalier Mme CHRISTMANN Undine, Maître de conférences Mme MESPOULHES-RIVIERE Céline, Maître de conférences contractuel Mme PRADIER Sophie, Maître de conférences Melle DUPAYS Anne-Gaëlle, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel - UNITE D’IMAGERIE MEDICALE Mme BEDU-LEPERLIER Anne-Sophie, Maître de conférences contractuel Mme STAMBOULI Fouzia, Praticien hospitalier - UNITE DE MEDECINE M. BLOT Stéphane, Professeur* M. ROSENBERG Charles, Maître de conférences Mme MAUREY-GUENEC Christelle, Maître de conférences Mme BENCHEKROUN Ghita, Maître de conférences contractuel - UNITE DE MEDECINE DE L’ELEVAGE ET DU SPORT M. GRANDJEAN Dominique, Professeur * Mme YAGUIYAN-COLLIARD Laurence, Maître de conférences contractuel - DISCIPLINE : NUTRITION-ALIMENTATION M. PARAGON Bernard, Professeur - DISCIPLINE : OPHTALMOLOGIE Mme CHAHORY Sabine, Maître de conférences - UNITE DE PARASITOLOGIE ET MALADIES PARASITAIRES M. CHERMETTE René, Professeur * M. POLACK Bruno, Maître de conférences M. GUILLOT Jacques, Professeur Mme MARIGNAC Geneviève, Maître de conférences M. HUBERT Blaise, Praticien hospitalier M. BLAGA Radu Gheorghe, Maître de conférences (rattaché au DPASP) - UNITE DE PATHOLOGIE CHIRURGICALE M. FAYOLLE Pascal, Professeur * M. MOISSONNIER Pierre, Professeur M. MAILHAC Jean-Marie, Maître de conférences M. NIEBAUER Gert, Professeur contractuel Mme VIATEAU-DUVAL Véronique, Maître de conférences Mme RAVARY-PLUMIOEN Bérangère, Maître de conférences (rattachée au DPASP) M. ZILBERSTEIN Luca, Maître de conférences - UNITE DE REPRODUCTION ANIMALE M. FONTBONNE Alain, Maître de conférences* M. NUDELMANN Nicolas, Maître de conférences M. REMY Dominique, Maître de conférences (rattaché au DPASP) M. DESBOIS Christophe, Maître de conférences Mme CONSTANT Fabienne, Maître de conférences (rattachée au DPASP) Mme MASSE-MOREL Gaëlle, Maître de conférences contractuel (rattachée au DPASP) M. MAUFFRE Vincent, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel, (rattaché au DPASP) - DISCIPLINE : URGENCE SOINS INTENSIFS Mme ROUX Françoise, Maître de conférences DEPARTEMENT DES PRODUCTIONS ANIMALES ET DE LA SANTE PUBLIQUE (DPASP) Chef du département : M. MILLEMANN Yves, Maître de conférences - Adjoint : Mme DUFOUR Barbara, Professeur - DISCIPLINE : BIOSTATISTIQUES M. DESQUILBET Loïc, Maître de conférences - UNITE D’HYGIENE ET INDUSTRIE DES ALIMENTS D’ORIGINE ANIMALE M. BOLNOT François, Maître de conférences * M. CARLIER Vincent, Professeur Mme COLMIN Catherine, Maître de conférences M. AUGUSTIN Jean-Christophe, Maître de conférences - UNITE DES MALADIES CONTAGIEUSES M. BENET Jean-Jacques, Professeur* Mme HADDAD/HOANG-XUAN Nadia, Professeur Mme DUFOUR Barbara, Professeur Melle PRAUD Anne, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel, - UNITE DE PATHOLOGIE MEDICALE DU BETAIL ET DES ANIMAUX DE BASSE-COUR M. ADJOU Karim, Maître de conférences * M. MILLEMANN Yves, Maître de conférences M. BELBIS Guillaume, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel, M. HESKIA Bernard, Professeur contractuel - UNITE DE ZOOTECHNIE, ECONOMIE RURALE Mme GRIMARD-BALLIF Bénédicte, Professeur* M. COURREAU Jean-François, Professeur M. BOSSE Philippe, Professeur Mme LEROY-BARASSIN Isabelle, Maître de conférences M. ARNE Pascal, Maître de conférences M. PONTER Andrew, Professeur DEPARTEMENT DES SCIENCES BIOLOGIQUES ET PHARMACEUTIQUES (DSBP) Chef du département : Mme COMBRISSON Hélène, Professeur - Adjoint : Mme LE PODER Sophie, Maître de conférences - UNITE D’ANATOMIE DES ANIMAUX DOMESTIQUES M. CHATEAU Henry, Maître de conférences* Mme CREVIER-DENOIX Nathalie, Professeur M. DEGUEURCE Christophe, Professeur Mme ROBERT Céline, Maître de conférences - DISCIPLINE : ANGLAIS Mme CONAN Muriel, Professeur certifié - UNITE DE BIOCHIMIE M. MICHAUX Jean-Michel, Maître de conférences* M. BELLIER Sylvain, Maître de conférences - DISCIPLINE : EDUCATION PHYSIQUE ET SPORTIVE M. PHILIPS, Professeur certifié - UNITE DE GENETIQUE MEDICALE ET MOLECULAIRE Mme ABITBOL Marie, Maître de conférences* M. PANTHIER Jean-Jacques, Professeur -UNITE D’HISTOLOGIE, ANATOMIE PATHOLOGIQUE M. FONTAINE Jean-Jacques, Professeur * Mme LALOY Eve, Maître de conférences contractuel Mme CORDONNIER-LEFORT Nathalie, Maître de conférences M. REYES GOMEZ Edouard, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel, - UNITE DE PATHOLOGIE GENERALE MICROBIOLOGIE, IMMUNOLOGIE Mme QUINTIN-COLONNA Françoise, Professeur* M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur M. 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Merci également d’avoir été un enseignant proche de ses élèves et toujours à leur écoute. J’espère que notre relation survivra à cet exil lyonnais. A Madame Fabienne Constant, Maître de conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, Merci d’avoir accepté d’être accesseur pour cette thèse. Merci d’avoir su faire partager votre intérêt pour la Reproduction Equine. À ma famille, qui m’a soutenu pendant la rédaction de cette thèse. J’étais heureux de passer un peu de temps à la maison. Merci en particulier à ma petite maman, car c’est elle qui m’a transmis sa passion des chevaux. Merci à mon petit papa, que j’embrasse fort. Merci à mes deux grand-pères, qui nous ont quittés trop tôt, et à mes deux grands-mères pour être toujours à l’écoute de leurs petits-enfants. À Gwen et Audrey, chers amis de lycée qu’il faudrait vraiment que j’essaie de voir plus souvent. À Pierro, N1n1, Hélène, Thomas, Manu, Caro et Aline, que j’ai connue plus tard, la prépa crée des liens, surtout à l’internat. Merci pour ces folles soirées à Rennes, pour avoir dansé sur le canapé, et pour d’autres moments moins glorieux ! Au groupe 10, pour ces incroyables moments passés avec vous au cours de ces 5 années à l’ENVA ! En particulier à Jocelyn, le coloc’ qui m’aura supporté pendant 5 ans ! Je suis heureux d’avoir fait ce bout de chemin avec toi. À Caro, pour sa patience avec sa chouquette depuis une certaine soirée flamboyante de notre Accueil. À Nono pour sa goutte et son rire si communicatif ! À Alice, pour ses déguisements et son dynamisme associé à un petit brin de folie ! À Nico D, pour sa fun attitude, ses imitations et tout le reste ! À Damien, alias Martin Pécheur, alias Daniel Tulipotte ! À Nico K, pour les bons moments passés au Club Voile et ton humour si ...personnel ! À Arnaud C, qui a réussi à ne pas devenir fou au milieu de nous ! À Éléonore, pour les lactates aux SI et les soirées Grisby ! À Audrey, pour son franc-parler et sa bonne humeur ! Merci à Marine et Latifa, mes co-T1 équines. On aura passé une bonne année et de bons moments, y compris dans les petits chalets de Goustranville ! Merci à toute la promo des Polasses, ce fut un honneur de parcourir cette route avec vous. Merci également à la promo des Sulnix, nos poulots, et en particulier à Alex. Ma poulotte, je serais toujours là si tu as besoin de moi. Merci enfin à ma demi-orange, qui se reconnaitra et que j’embrasse. TABLE DES MATIÈRES TABLE DES FIGURES .................................................................................................................. 4 TABLE DES TABLEAUX ............................................................................................................. 5 LISTE DES ABRÉVIATIONS ....................................................................................................... 6 INTRODUCTION........................................................................................................................... 9 PREMIÈRE PARTIE : LA RÉPONSE IMMUNITAIRE MUQUEUSE. ............................... 11 A. ORGANISATION ANATOMIQUE ET CYTOLOGIQUE DU SYSTÈME IMMUNITAIRE. MUQUEUX..........................................................................................................................14 1) L’organisation cytologique des MALT. ....................................................................... 14 2) Le tissu lymphoïde associé à l’intestin : le GALT. ...................................................... 15 a) Les plaques de Peyer. .................................................................................................. 16 b) Les autres structures lymphoïdes de l’intestin. ............................................................ 19 3) Le tissu lymphoïde associé à l’appareil respiratoire. ................................................. 20 a) L’anneau de Waldeyer. ................................................................................................ 20 b) Le tissu lymphoïde associé au naso-pharynx : le NALT. ........................................... 21 c) Le tissu lymphoïde associé aux bronches : le BALT................................................... 22 4) Le tissu lymphoïde associé à l’œil. .............................................................................. 22 5) Le tissu lymphoïde associé aux organes génitaux ....................................................... 23 a) Chez le mâle. ............................................................................................................... 23 b) Chez la femelle. ........................................................................................................... 23 B. LES CELLULES IMMUNITAIRES MUQUEUSES ET LES PARTENAIRES DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE MUQUEUSE. ................................................................................................................ 25 1) Les cellules M. ............................................................................................................. 25 2) Les cellules dendritiques. ............................................................................................ 26 a) Les différents types de cellules dendritiques impliquées dans la réponse immunitaire muqueuse. ................................................................................................................................. 27 b) Le rôle des DC dans l’induction de la réponse immunitaire muqueuse....................... 29 3) Les lymphocytes T muqueux. ....................................................................................... 30 a) Les différents lymphocytes T et leur répartition dans les sites muqueux. ................... 30 b) L’activation des lymphocytes T................................................................................... 30 4) Les lymphocytes B muqueux. ....................................................................................... 32 a) Les différents lymphocytes B et leur répartition dans les sites muqueux. ................... 32 b) L’activation des LB. .................................................................................................... 33 5) Les immunoglobulines sécrétées au niveau des muqueuses. ....................................... 34 a) Les immunoglobulines A............................................................................................. 34 i. Structure des IgA. ......................................................................................................................... 34 ii. Fonction des IgA dans la réponse immunitaire muqueuse. ............................................. 35 iii. Les IgA et la vaccination. .......................................................................................................... 37 b) Les immunoglobulines G............................................................................................. 37 C. LA COMMUNICATION ENTRE LES SITES MUQUEUX. ......................................................... 39 1) Les systèmes de circulation. ........................................................................................ 39 a) Le système lymphatique. ............................................................................................. 39 b) La circulation sanguine : adressage spécifique des lymphocytes dans les HEV. ........ 39 2) Le concept de système immunitaire muqueux commun. .............................................. 41 D. LES PRINCIPALES DIFFÉRENCES D’AVEC LA RÉPONSE IMMUNITAIRE SYSTÉMIQUE. ...... 43 1) Des différences de signalisation. ................................................................................. 43 2) La conséquence : une orientation et des effecteurs différents de la réponse immunitaire. .................................................................................................................................. 44 DEUXIÈME PARTIE : LES PARTICULARITÉS DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE MUQUEUSE DANS L’APPAREIL GÉNITAL DE LA JUMENT NON GESTANTE. ............... 45 1 A. LE ROLE DE LA CONFORMATION ANATOMIQUE DANS LA PROTECTION DE L’APPAREIL GÉNITAL.............................................................................................................................................47 Conformation anatomique de l’appareil génital de la Jument. .................................. 47 a) Conformation externe. ................................................................................................. 47 b) Conformation interne. .................................................................................................. 47 2) Les barrières anatomiques. ......................................................................................... 48 a) La vulve. ...................................................................................................................... 48 b) L’anneau vestibulaire................................................................................................... 49 c) Le col du vagin. ........................................................................................................... 49 B. LES EFFECTEURS DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE INNÉE DANS L’UTÉRUS DE LA JUMENT..............................................................................................................................51 1) La clairance utérine. ................................................................................................... 51 2) L’activité antibactérienne des sécrétions génitales. .................................................... 51 a) Le mucus cervical. ....................................................................................................... 51 b) Les facteurs humoraux innés. ...................................................................................... 52 i. Le SLPI. ........................................................................................................................................... 52 ii. La lactoferrine. .............................................................................................................................. 53 iii. Les défensines. .............................................................................................................................. 53 iv. Les protéines de surfactant. ....................................................................................................... 53 3) Les cellules immunitaires non spécifiques et leur mode d’action dans l’appareil génital............................................................................................................................................54 a) Les granulocytes neutrophiles. .................................................................................... 54 b) Les macrophages. ........................................................................................................ 56 c) Les granulocytes éosinophiles. .................................................................................... 57 C. LES EFFECTEURS DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE SPÉCIFIQUE DANS L’UTÉRUS DE LA JUMENT...............................................................................................................................................58 1) Les populations cellulaires spécifiques dans l’appareil génital de la jument............. 58 a) Les cellules présentatrices d’antigènes. ....................................................................... 58 i. Les cellules dendritiques. ........................................................................................................... 58 ii. Les cellules épithéliales. ............................................................................................................. 58 b) Les lymphocytes. ......................................................................................................... 59 i. Les lymphocytes B. ...................................................................................................................... 59 ii. Les lymphocytes T. ...................................................................................................................... 59 2) Les immunoglobulines dans l’appareil génital de la jument....................................... 61 a) Dans les conditions physiologiques. ............................................................................ 61 b) Dans des conditions non physiologiques. .................................................................... 62 D. LE ROLE ET L’ACTION DES HORMONES SEXUELLES. ........................................................ 64 1) Rappel sur la physiologie du cycle sexuel de la jument. ............................................. 64 2) L’action sur les effecteurs de la réponse immunitaire innée. ...................................... 66 a) Les contractions utérines. ............................................................................................ 66 b) Les facteurs humoraux innés. ...................................................................................... 66 c) Les granulocytes neutrophiles. .................................................................................... 66 3) L’action sur les effecteurs de la réponse immunitaire spécifique. .............................. 67 1) TROISIÈME PARTIE : APPLICATIONS CLINIQUES - LA COMPRÉHENSION ET LA GESTION DE L’ENDOMÉTRITE CHRONIQUE CHEZ LA JUMENT. ................................... 69 A. B. DÉFINITIONS. ................................................................................................................... 71 LA PHYSIO-PATHOLOGIE DE L’ENDOMÉTRITE POST-SAILLIE. ......................................... 72 1) La réponse inflammatoire à l’insémination : une endométrite post-saillie physiologique. ............................................................................................................................... 72 a) Le chimiotactisme des spermatozoïdes........................................................................ 72 b) Le rôle du plasma séminal. .......................................................................................... 72 2) La persistance de l’inflammation : installation d’une endométrite chronique. .......... 73 a) Une clairance utérine inefficace. ................................................................................. 73 b) L’activité des neutrophiles et l’opsonisation. .............................................................. 73 c) Les autres populations cellulaires. ............................................................................... 74 2 d) Le rôle des cytokines. .................................................................................................. 74 e) Une réponse humorale spécifique. ............................................................................... 75 f) L’effet de l’âge et de la parité. ..................................................................................... 76 C. LES TRAITEMENTS ACTUELS ET LES PISTES DE RECHERCHE. .......................................... 77 1) La prévention des contaminations ascendantes. ......................................................... 77 2) Le rétablissement d’une clairance utérine efficace. .................................................... 77 a) Le lavage utérin. .......................................................................................................... 77 b) L’administration d’ecboliques. .................................................................................... 77 3) Les pistes de recherche. .............................................................................................. 78 a) Utilisation de différents diluants du sperme pour les inséminations. .......................... 78 b) L’utilisation d’immunomodulateurs. ........................................................................... 78 c) Le développement de vaccins ? ................................................................................... 79 CONCLUSION ............................................................................................................................. 81 BIBLIOGRAPHIE........................................................................................................................ 83 3 TABLE DES FIGURES Figure 1 : Caractéristiques morphologiques des MALT d'après Liebler-Tenorio et Pabst, 2006 [118] ................................................................................................................................ 15 Figure 2 : Schéma d'une crypte de Lieberkühn, d'après Bernex [20]. ................................ 16 Figure 3 : Répartition des plaques de Peyer et des complexes lympho-glandulaires du côlon, de plusieurs espèces, d’après Liebler-Tenorio et Pabst, 2006 [118]. ............................ 17 Figure 4 : Coupe histologique d'une plaque de Peyer,d'après Cesta, 2006 [44] ................ 18 Figure 5 : Distribution du tissu lymphoïde de l'anneau de Waldeyer, d’après Liebler-Tenorio et Pabst, 2006 [118]. ...................................................................................... 20 Figure 6 : Image en microscopie électronique d’une plaque de Peyer et d’une cellule M, d’après Miller et al., 2007 [147]. ............................................................................................. 25 Figure 7 : Schéma d'une cellule M, d'après Neutra et al., 1996 [156]. .............................. 26 Figure 8 : Les différents types de cellules dendritiques rencontrées suivant le type de muqueuse, d’après Iwasaki, 2007 [97] ..................................................................................... 28 Figure 9 : Polarisation Th1 ou Th2 des LT dans les muqueuses, d’après Neurath et al., 2002 [155]. ............................................................................................................................... 31 Figure 10 : Répartition des phénotypes de plasmocytes dans les sites effecteurs muqueux, d’après Brandtzaeg et Johansen, 2005 [28]. ............................................................ 32 Figure 11 : Phénotypes des LB, intégrines et cytokines conditionnant leur tropisme pour le NALT ou le GALT, d’après Brandtzaeg et Johansen, 2005 [28] ................................ 33 Figure 12 : Interactions membranaires et moléculaires conduisant à la commutation isotypique α des LB, d’après Brandtzaeg et Johansen, 2005 [28]............................................ 34 Figure 13 : Structure des IgA, d’après Quintin-Colonna et Freyburger, 2006 (polycopié) [175]. ........................................................................................................................................ 35 Figure 14 : Excrétion active des IgA et des IgM à la surface de l'endothélium, d’après Brandtzaeg et Johansen, 2005 [28] .......................................................................................... 36 Figure 15 : Structure d'une IgG, d'après Day et Schultz, 2011 [63]. .................................. 37 Figure 16 : Interactions moléculaires intervenant dans la migration lymphocytaire, d’après Bono et al., 2007 [26]. ................................................................................................. 41 Figure 17 : Vulve et périnée de la Jument, d'après Barone, 1978 [16]............................... 47 Figure 18 : Vue dorsale de l'appareil génital de la jument, d'après Budras et al., 2003 [37] .................................................................................................................................. 48 Figure 19 : Mauvaise conformation vulvaire chez une jument âgée, d'après Blanchard et al., 2003 [22] ....................................................................................................................... 49 Figure 20 : Phagocytose, formation du phagosome et fusion avec les granules du neutrophile, d’après Nordenfelt et Tapper, 2010 [162] ............................................................ 55 Figure 21 : Les molécules antimicrobiennes des granulocytes neutrophiles, d'après King et al., 2003 [107]. ..................................................................................................................... 56 Figure 22 : Phagocytose et présentation d'antigènes par les macrophages, d’après Freyburger et Quintin-Colonna (polycopié) [75]. ................................................................... 56 Figure 23 : Concentration plasmatiques des hormones intervenant dans le cycle sexuel de la jument au cours des différentes phases de ce cycle, d’après Blanchard et al., 2003 [22]. ................................................................................................................................. 65 Figure 24 : Schématisation du contrôle de l'activité ovarienne de la jument pendant l'œstrus et le diœstrus, d'après Blanchard et al., 2003 [22]. .................................................... 65 4 TABLE DES TABLEAUX Tableau 1 : Les différences majeures entre les muqueuses de type 1 et de type 2, d'après Iwasaki, 2007 [97]. ................................................................................................................... 13 Tableau 2 : Principales différences entre épithélium muqueux et FAE, d'après Acheson et Luccioli, 2004 [1]. ................................................................................................................ 18 Tableau 3 : Différences entre le MALT des amygdales et des plaques de Peyer, d'après Liebler-Tenorio et Pabst, 2006 [118]. ...................................................................................... 21 Tableau 4 : Principales différences des cytokines et molécules d'adressage tissulaire entre réponse immunitaire muqueuse et réponse immunitaire systémique, d’après Bono et al., 2007 [26], Brandtzaeg et Johansen, 2005 [28], Iwasaki, 2007 [97] et MacPherson et Uhr, 2004 [134]. ....................................................................................................................... 43 Tableau 5 : Densités cellulaires des différentes familles de lymphocytes dans l'endomètre et l'oviducte de la jument, d’après Watson et Thomson, 1996 [230] et Brinsko et Ball, 2006 [31]. ..................................................................................................................... 60 Tableau 6 : Comparaison de la composition en immunoglobulines du sérum et des sécrétions utérines, d'après les résultats de Mitchell et al., 1982 [149]. .................................. 61 Tableau 7 : Moyennes des concentrations relatives en IgG, IgA et IgM dans l'oviducte et l'utérus en mg d’Ig par mg de protéines totales, d'après Widders et al., 1984 [234]. .......... 62 Tableau 8 : Moyennes des titres arrondis en Ac par mg d'IgG dans l'utérus et le vagin, d'après Widders et al., 1985 [237]. La moyenne est faite pour un effectif de 4 juments. ........ 63 Tableau 9 : Moyennes arithmétiques des titres relatifs en immunoglobulines dans l'utérus et le vagin pendant l'œstrus et le diœstrus, en mg/mg de PT, d'après Widders et al., 1985 [235]. ............................................................................................................................... 67 Tableau 10: Concentrations absolues en immunoglobulines dans l'utérus et le vagin pendant l'œstrus et le diœstrus, en mg/mL, d'après Widders et al., 1985 [235]. ...................... 68 5 LISTE DES ABRÉVIATIONS Ac: Anticorps Ag: Antigène BALT : Bronchus associated lymphoid tissue CALT : Conjonctival associated lymphoid tissue CD : Cluster of differenciation CFU : Colony-forming unit CMH : Complexe majeur d’histocompatibilité CMIS : Common mucosal immune system CPA : Cellule présentatrice d’antigènes DC : Dendritic cell ELAM : Endothelial leukocyte adhesion molecule ELISA : Enzyme-linked immunosorbent assay FAE : Follicle associated epithelium FSH : Follicle stimulationg hormon GnRH : Gonadotrophin releasing hormon HEV : High endothelial veinules HLA : Human leukocyte antigen ICAM : Intercellular adhesion molecule IFN : Interféron Ig : Immunoglobuline IL : Interleukine ILF : Isolated lymphoid follicle IPP : Ileum Peyer patch JAM : Jonctionnal Adhesion molecule JPP : Jejunum Peyer patch LB : Lymphocyte B LC : Langerhans cell LDALT : Lacrimal drainage associated lymphoid tissue LE : Lymphoid epithelium LGC : Lymphoglandular complex LH : Luteinizing hormon LPS : Lipopolysaccharide LT : Lymphocyte T MADCAM : Mucosal adressin cell adherence molecule MALT : Mucosae associated lymphoid tissue NALT : Nasopharynx associated lymphoid tissue NL : Nœud lymphatique NO : Monoxyde d’azote 6 NOD : Nucleotide Oligomerization Domain NOX-2 : NADPH oxydase 2 PBS : Phosphate buffered saline PGF2α : Prostaglandine F2α pIgR : Polymeric immunoglobulin receptor PNAd : Peripheral node adressin PP : Peyer patch ou plaque de Peyer PT : Protéines totales RFc : Récepteur au fragment Fc S-IgA : Secretory immunoglobulin A SIDA : Syndrome d’immunodéficience acquise SLPI : Secretory leuko-protease inhibitor SP-A : Surfactant protein A SP-D : Surfactant protein D TCR : T-cell receptor TGF : Transforming growth factor Th : T helper TLR : Toll-like receptor TNF : Tumor necrosis factor UEA : Ulex europagus agglutinin VCAM : Vascular cell adhesion molecule VIH : Virus de l’immunodéficience humaine 7 8 INTRODUCTION Ces trois dernières décennies ont vu progresser les connaissances dans le domaine de la réponse immunitaire muqueuse chez l’Homme de façon assez spectaculaire. Ces découvertes ont été permises d’abord grâce à l’étude du système immunitaire de la souris, l’animal de laboratoire de choix. Cela a permis de commencer à comprendre avec précision les mécanismes immunitaires intervenant notamment dans la contamination par le virus du SIDA au niveau génital ; ceci fut un grand moteur de recherche. Le développement de vaccins muqueux a, de la même façon, pris son essor, et pour ne retenir que lui, citons le vaccin contre le papillomavirus responsable du cancer du col de l’utérus chez la femme. Cependant, l’avancée des connaissances, en ce qui concerne la réponse immunitaire muqueuse, ne s’est pas limitée à l’Homme et aux animaux de laboratoire. Les animaux de compagnie et de production ont également fait l’objet de recherches poussées dans ce domaine, que ce soit par intérêt économique ou affectif. Le cheval, appartenant à la fois aux deux catégories précédentes, ne fait pas exception. Par exemple, les vétérinaires ont su profiter des ces connaissances nouvelles en ce qui concerne la pathologie respiratoire, grand volet de la médecine équine. Nous nous sommes intéressés à l’appareil génital de la jument car les troubles de la reproduction ont un impact économique fort dans la filière équine. Nous avons donc cherché à poser l’état actuel des connaissances de la réponse immunitaire muqueuse dans le tractus génital. L’organisation du système immunitaire muqueux y est-elle la même que dans les autres espèces ? La réponse immunitaire muqueuse s’orchestre-t-elle de la même façon ? Et surtout, cela nous permet-il de comprendre les mécanismes de ce frein majeur à la reproduction, que sont les endométrites chroniques chez la jument ? C’est à ces questions que nous allons tenter de répondre dans ce travail. L’étude sera cependant limitée à la jument non gestante, la réponse immunitaire pendant la gestation constituant un sujet à part entière. Dans la première partie, nous verrons quelle est l’organisation cytologique du système immunitaire d’un point de vue général et nous effectuerons des comparaisons entre les espèces d’intérêt vétérinaire, la souris, et l’Homme, car c’est dans ces deux dernières espèces que les données sont les plus fournies. La structure histologique, les cellules immunitaires et les partenaires de la réponse immunitaire dans les MALT (mucosae associated lymphoid tissue) sont globalement les mêmes chez les mammifères avec l’existence de follicules lymphoïdes organisés et le rôle clé des cellules M, ou cellules membraneuses. Des différences notables interspécifiques sont toutefois à relever, de même que des différences intraspécifiques, en fonction du tissu concerné. Nous verrons comment s’orchestre la réponse immunitaire dans les muqueuses et quels en sont les partenaires et effecteurs principaux, en soulignant notamment le rôle des cellules dendritiques, des lymphocytes et des immunoglobulines. La communication entre les sites muqueux est un pan important de cette réponse immunitaire muqueuse. Elle dépend de molécules d’adressage spécifiques et se fait par l’intermédiaire des systèmes lymphatique et sanguin ; elle aboutit à l’existence d’un système immunitaire muqueux commun, ou CMIS (common mucosal immune system). Cette première partie nous donnera l’occasion d’exposer les différences entre la réponse immunitaire muqueuse et la réponse immunitaire systémique. Dans la deuxième partie, nous nous pencherons plus avant sur les particularités de la réponse immunitaire muqueuse dans l’appareil génital de la jument. En effet, s’il y a des similitudes avec d’autres espèces, nous verrons que la connaissance des spécificités de la jument permet d’appréhender plus facilement les mécanismes immunologiques dans cette 9 espèce. La conformation anatomique et l’existence de barrières naturelles dans le tractus génital sont les premières lignes de défense contre la contamination par des agents pathogènes. La réponse immunitaire innée, nécessitant l’action conjuguée de la clairance utérine mécanique, de cellules immunitaires et de facteurs humoraux innés intervient en second. Les connaissances dans ce domaine n’ont cessé de s’actualiser depuis les années 80 où les travaux s’étaient avant tout porté sur la forte réponse neutrophilique dans l’utérus de la jument. La réponse adaptative, si elle est moins connue chez la jument non gestante, n’est cependant pas à oublier, la jument présentant de fortes singularités en ce qui concerne la production d’immunoglobulines dans le tractus génital. Par ailleurs, étant donné que l’étude porte sur l’appareil génital, après avoir brièvement rappelé la physiologie du cycle œstral de la jument, nous verrons que les hormones sexuelles ont un effet non négligeable sur les effecteurs de la réponse immunitaire muqueuse. Dans la troisième et dernière partie, nous tenterons d’expliquer les mécanismes physiopathologiques conduisant à une endométrite. Pour cela, nous nous focaliserons principalement sur l’endométrite post-saillie et l’endométrite chronique. En effet, ce sont les entités pathologiques les plus fréquentes et elles ont donc un impact majeur sur la fertilité de la jument, un environnement inflammatoire dans l’utérus étant évidemment incompatible avec la survie et le développement d’un embryon. Nous avons fait ce choix car l’endométrite postsaillie ou insémination est physiologique et constitue donc un passage obligé pour toutes les juments destinées à la reproduction. Il est donc primordial de connaître les mécanismes impliqués. Cependant, c’est l’incapacité à éliminer cette inflammation qui est pathologique et il existe des juments plus susceptibles que d’autres de développer une endométrite chronique après insémination. Les particularités du système immunitaire de ces juments ont fait l’objet de plusieurs études qui permettraient d’expliquer cette sensibilité. Elles ont conduit au développement de traitements adaptés et surtout à la recherche de nouvelles thérapies et moyens préventifs, grâce à l’éclairage apporté par l’étude des mécanismes immunopathologiques impliqués. Les connaissances dans le domaine de la réponse immunitaire muqueuse sont loin d’être exhaustives, surtout en médecine vétérinaire. En revanche, elles ouvrent déjà la voie à de nouvelles pistes de recherche, notamment en ce qui concerne la vaccination muqueuse. Dans le cas de la jument, cela est déjà exploité dans le cas de vaccins faisant intervenir le CMIS, en induisant une réponse génitale via une stimulation intra-nasale. Cependant, ces travaux sont récents et nécessiteront à l’avenir un approfondissement. 10 PREMIÈRE PARTIE : LA RÉPONSE IMMUNITAIRE MUQUEUSE 11 12 Les muqueuses représentent la principale porte d’entrée des agents pathogènes dans l’organisme. Cependant, le système immunitaire est très présent au niveau de toutes les muqueuses de l’organisme sain. Le système immunitaire muqueux regroupe 80% du total des cellules immunitaires d’un individu [91] et la moitié des lymphocytes [44, 57]. Le système immunitaire muqueux revêt donc une importance capitale dans le maintien de l’intégrité de l’organisme mais il doit aussi être capable de tolérer certains antigènes pour permettre l’absorption des nutriments, la fécondation et la gestation. On distingue deux types de muqueuses. Les muqueuses de type 1, rencontrées au niveau des appareils respiratoire et digestif, assurent les rôles physiologiques de la nutrition et de la respiration. Leur épithélium est fin pour que les échanges gazeux et l’absorption des nutriments puissent se faire. Les muqueuses de type 2 sont retrouvées dans l’appareil génital, les cavités orales et l’œsophage par exemple. L’épithélium est pluristratifié, donc plus épais, et constitue une barrière physique. Le MALT n’est rencontré que dans les muqueuses de type 1. Le tableau 1 ci-dessous montre les principales différences entre les deux types de muqueuses. Tableau 1 : Les différences majeures entre les muqueuses de type 1 et de type 2, d'après Iwasaki, 2007 [97] Type 1 Type 2 Épithélium Simple Stratifié Présence de MALT + - Isotype d’Ig dominant IgA IgG Cellules en gobelet + - Cellules de Langherans - + On ne détaillera ici que les mécanismes immunologiques spécifiques et acquis. En effet, il existe de nombreux autres mécanismes impliqués dans la protection des muqueuses, comme la production de mucus et la réponse immunitaire innée. Nous les détaillerons en ce qui concerne l’appareil génital de la jument dans la seconde partie. Dans cette partie, nous verrons quelle est l’organisation cytologique et la répartition anatomique du système immunitaire muqueux avant d’aborder plus en détail les partenaires et les modes d’action de la réponse immunitaire muqueuse, ensuite nous verrons les systèmes de communication entres les différents sites inducteurs et effecteurs ainsi qu’entre différents sites muqueux. Nous terminerons en décrivant les principales différences avec le système immunitaire systémique. 13 A. ORGANISATION ANATOMIQUE ET CYTOLOGIQUE DU SYSTÈME IMMUNITAIRE MUQUEUX La répartition des cellules immunitaires dans les muqueuses est variable d’un site muqueux à un autre et dépend de plusieurs facteurs : - l’environnement des tissus au cours du développement (antigènes et anticorps maternels, flores commensale et pathogène) [11], - l’espèce, - l’âge de l’individu, - l’état du tissu (normal ou inflammé de façon chronique) [29]. On distingue en outre deux grands groupes structuraux : - les MALT correspondent à des structures anatomiques et histologiques bien définies, - les infiltrations disséminées de lymphocytes ou de cellules immunitaires dites accessoires (macrophages, mastocytes, etc.), qui sont présentent dans la quasitotalité des muqueuses. Ces deux groupes correspondent à deux fonctions distinctes : le premier concerne les sites inducteurs, où les antigènes vont stimuler les lymphocytes T et B naïfs et le second concerne les sites d’intérêts effecteurs où les cellules, après diapédèse et différenciation vont contribuer à la protection de l’organisme, en sécrétant des S-IgA (immunoglobulines A sécrétoires) par exemple [29]. Dans cette partie, nous verrons quelle est l’organisation cytologique des MALT et des follicules lymphoïdes qui les composent, leur localisation dans les différents épithéliums muqueux de l’organisme ainsi que quelques exemples de variations inter-espèces. 1) L’organisation cytologique des MALT Certains critères précis permettent de définir les MALT [29, 118] : - ils sont localisés au contact d’une muqueuse, - ils sont organisés en follicules lymphoïdes (principalement des lymphocytes B intégrés dans un réseau de cellules dendritiques folliculaires et quelques macrophages et lymphocytes T CD4+), et des aires inter-folliculaires T-cell dépendantes (LT CD4+ et LT CD8+). Le centre du follicule contient un centre germinatif. Les follicules contiennent environ cinq fois plus de LB que de LT, - ces follicules sont soit isoléss soit regroupés en ensemble de follicules agrégés, - les MALT sont recouverts par un lympho-épithélium (LE) ou épithélium associé aux follicules (FAE) qui est un épithélium particulier infiltré de nombreux lymphocytes et pouvant contenir des cellules M. Ces cellules tirent leur nom de leur morphologie dans les plaques de Peyer de l’intestin (M pour membraneuse car le cytoplasme apical est réduit à une fine membrane, permettant la capture d’antigènes et leur transport vers la région du dôme sous-épithélial [156, 165]), - l’arrivée d’antigènes aux tissus lymphoïdes se fait à travers le LE via les cellules M ou les cellules dendritiques : il n’y a pas de vaisseaux lymphatiques afférents, 14 - certains composants du MALT sont présents de façon constitutive sur des sites anatomiques précis (les amygdales par exemple), d’autres sont présents de façon constitutive mais à des localisations anatomiques variables (les plaques de Peyer par exemple) et d’autres enfin sont induits par l’exposition aux antigènes (Tissu Lymphoïde Associé aux Bronches – BALT – ou follicules lymphoïdes disséminés), - les lymphocytes circulants entrent dans les MALT via des High Endothelial Venules (HEV) [10], situées dans les aires inter-folliculaires et possédant des marqueurs et récepteurs qui conditionnent la migration spécifique des lymphocytes. La figure 1 ci-dessous montre les caractéristiques morphologiques des MALT. Figure 1 : Caractéristiques morphologiques des MALT d'après Liebler-Tenorio et Pabst, 2006 [118] L’exemple est ici celui d’une plaque de Peyer (voir ci-dessous). Le follicule lymphoïde (1) comprend une zone claire apicale, une zone sombre basale et une zone du manteau. On distingue l’aire inter-folliculaire (2), la région du dôme (3) et une HEV (4). Les muqueuses sont drainées par des nœuds lymphatiques propres à chacune d’entre elles, comme les nœuds lymphatiques mésentériques pour les muqueuses digestives, les nœuds lymphatiques cervicaux, sternaux et trachéo-bronchiques pour les muqueuses trachéales et bronchiques. Nous verrons plus tard qu’ils sont impliqués dans la réponse immunitaire muqueuse. 2) Le tissu lymphoïde associé à l’intestin : le GALT La muqueuse intestinale représente une surface considérable chez tous les mammifères et elle est en permanence exposée à des micro-organismes, des nutriments et des substances de l’environnement. Il s’agit d’une muqueuse de type 1, dont l’épithélium simple est constitué de plusieurs familles de cellules différentes ayant chacune un rôle spécifique (voir figure 2 cidessous) : 15 - - - les entérocytes sont très majoritaires. Ils ont pour rôle l’absorption de l’eau et des nutriments. Ils sont formés à partir des entéroblastes, cellules souches présentes dans les cryptes de Lieberkühn, et remontent progressivement à l’apex de la villosité intestinale. Ils sont habituellement renouvelés en 2 à 4 jours suivant les espèces, les cellules endocrines argento-chromaffines, impliquées dans la régulation de la physiologie intestinale, les cellules de Paneth, présentes uniquement dans l’intestin grêle au fond des cryptes de Lieberkühn. On les retrouve chez l’Homme, la souris, les ruminants et les Equidés, mais sont absentes chez le chien et le chat. Elles ont un rôle protecteur des cellules souches voisines en sécrétant des substances anti-microbiennes telles que les défensines et le lyzozyme. Leur durée de vie est d’environ trois semaines, les cellules mucipares caliciformes sécrètent du mucus qui a un rôle protecteur pour la muqueuse. Figure 2 : Schéma d'une crypte de Lieberkühn, d'après Bernex [20] Le GALT, pour Gut Associated Lymphoid Tissue, est inclus dans cette structure histologique et illustre bien la double structure décrite plus haut, avec d’une part les plaques de Peyer, structures lymphoïdes bien organisées et de localisation précise, et d’autre part des infiltrations cellulaires lymphoïdes situées tout au long du chorion ou lamina propria. Il s’agit du MALT le plus étudié. a) Les plaques de Peyer Les plaques de Peyer sont des structures lympho-réticulaires organisées et réparties dans l’intestin grêle, surtout dans le jéjunum, sur le bord anti-mésentérique. Leur nombre et leur répartition varient suivant les espèces. On en compte 12 chez la souris, 15 chez le rat, 20 chez le chien et plus de 200 chez le cheval et l’Homme [10]. Chez les ruminants, on trouve des agrégats de follicules lymphoïdes atteignant parfois plusieurs mètres. La figure 3 ci-dessous montre la répartition des plaques de Peyer pour différentes espèces. 16 Figure 3 : Répartition des plaques de Peyer du jéjunum (JPP), de l'iléon (IPP) et des complexes lymphoglandulaires du côlon, de structure proche des plaques de Peyer, de plusieurs espèces, d’après LieblerTenorio et Pabst, 2006 [118] Les plaques de Peyer sont formées de plusieurs follicules lymphoïdes dont la structure a été évoquée plus haut. La figure 4 est une coupe au microscope d’un follicule lymphoïde d’une plaque de Peyer. 17 Figure 4 : Coupe histologique d'une plaque de Peyer. On reconnait le follicule (F), son centre germinatif (GC), la zone du manteau ou couronne (C), les régions inter-folliculaires (IFR), la région du dôme subépithélial (SED) et le lympho-épithélium ou épithélium associé au follicule (FAE), d'après Cesta, 2006 [44] Le FAE qui recouvre les plaques de Peyer présente des différences notoires avec l’épithélium intestinal classique (tableau 2). Il contient des cellules M dont les replis basaux du cytoplasme sont en relation avec des lymphocytes B et T. Nous reviendrons plus tard sur le rôle précis des cellules M. Tableau 2 : Principales différences entre épithélium muqueux et FAE, d'après Acheson et Luccioli, 2004 [1] Epithélium intestinal FAE Epithélium polarisé et formation de jonctions serrées OUI OUI Membrane basolatérale indentée NON OUI Présence d’un pôle apical en brosse OUI REDUIT Présence de glycocalix membranaire OUI REDUIT Membranes recouvertes de clathrines NON OUI Présence d’hydrolases membranaires OUI PEU OU PAS Production de mucus OUI PEU OU PAS Cellules de Paneth dans l’épithélium OUI PEU OU PAS CMH de classe II OUI NON Transport d’IgA OUI NON Ces différences permettent de comprendre pourquoi les plaques de Peyer sont plutôt des sites inducteurs et non effecteurs : on n’observe pas transport d’IgA au niveau de l’épithélium des plaques de Peyer, ni de signe de la présence de réponse immunitaire innée, comme la présence des cellules de Paneth, la présence d’hydrolases membranaires ou la production de mucus. La mise en place des plaques de Peyer au cours du développement embryonnaire et du jeune varie d’une espèce à une autre. Chez les ruminants, les plaques de Peyer se développent d’abord dans le jéjunum puis dans l’iléon. Chez les bovins, on les détecte au 5e mois de 18 gestation dans le jéjunum et dès 6 à 7 mois dans l’iléon. Les follicules lymphoïdes disséminés sont présents dès le 6e mois [118]. Chez les ovins, les plaques de Peyer primordiales sont détectées dans le jéjunum dès 60 jours de gestation [181]. Chez le cheval, les plaques de Peyer se mettent en place dans le jéjunum et l’iléon pendant la gestation et des follicules lymphoïdes isolés (ILF) sont rencontrés dans le côlon. La disposition des plaques varient avec l’âge de l’individu. Ainsi chez le mouton, il a été montré que les plaques de Peyer de l’iléon (IPP) régressent progressivement après un an de vie, pour ne laisser que quelques follicules à 18 mois [181]. Chez le cheval, de 245 à 320 plaques de Peyer jéjunales (JPP) sont présentes à la naissance, alors que chez l’adulte, on n’en compte que 100 à 200, de forme irrégulière [118]. Chez l’Homme, elles sont présentes avant la naissance et toujours en grand nombre même à un âge avancé [168]. b) Les autres structures lymphoïdes de l’intestin De nombreux follicules lymphoïdes non regroupés en plaque de Peyer sont également présents dans le chorion, sur le bord anti-mésentérique de l’intestin grêle. Ils sont plus petits que ceux des plaques de Peyer et forment des agrégats lymphoïdes en forme de tonneau, sur des villosités intestinales plus courtes. La composition cellulaire de ces ILF est similaire à celle des plaques de Peyer [167] : - un ou 2 follicules de LB avec parfois un centre germinatif, - une faible population CD4+, - un FAE avec des cellules M, - des cellules dendritiques et quelques macrophages. Leur nombre et leur présence varient selon l’espèce, la race et l’âge de l’individu. Ainsi, ils ne sont pas présents chez la souris nouveau-née et apparaissent par la suite. On en compte plus de 30 000 chez l’Homme, avec une forte densité chez l’enfant (8 à 14 par cm²) [10]. On trouve également des « plaques des cryptes » [44] qui sont situées dans la lamina propria entre les cryptes dans l’intestin grêle. Ce sont des agrégats lymphoïdes de cellules T et de cellules dendritiques. Elles sont extrêmement nombreuses (plus de 1700 chez la Souris). Leur fonction est controversée mais elles seraient du tissu lymphoïde primaire impliqué dans la génération extra-thymique de lymphocytes intraépithéliaux [70]. Dans le côlon, on trouve des complexes lympho-glandulaires [44, 166], ressemblant aux plaques de Peyer, mais en plus petits, avec moins de follicules et des centres germinatifs plus petits également. Leur distribution est aléatoire sur le bord anti-mésentérique. Les plaques rectales et caecales ont toutefois une localisation constante. Enfin, on trouve des lymphocytes intra-épithéliaux, principalement des LB. La muqueuse intestinale est drainée par les nœuds lymphatiques mésentériques qui jouent un rôle prépondérant dans la réponse immunitaire. Leur structure ne sera pas rappelée ici. 19 3) Le tissu lymphoïde associé à l’appareil respiratoire Le système immunitaire muqueux de l’appareil respiratoire peut être séparé en trois parties, suivant les étages anatomiques : l’anneau de Waldeyer, le tissu lymphoïde associé au nasopharynx (NALT) et le tissu lymphoïde associé aux bronches (BALT). a) L’anneau de Waldeyer Il s’agit d’une structure située au carrefour des voies respiratoires et digestives, dans l’oroet le nasopharynx. L’anneau de Waldeyer est formé par l’amygdale palatine, les amygdales pharyngiennes et l’amygdale linguale. Il est bien développé chez l’enfant (puis régresse vers l’adolescence), chez le porc (ce qui en fait un bon modèle d’étude pour la vaccination orale et nasale [62]) et chez le cheval, modérément développé chez les bovins, et faiblement développé chez les ovins [118]. La structure cryptique des amygdales permet d’établir une grande surface de contact entre antigènes et cellules immunitaires, ce qui fait de l’anneau de Waldeyer un site inducteur privilégié de l’organisme. La figure 5 schématise la disposition de cet anneau : Figure 5 : Distribution du tissu lymphoïde de l'anneau de Waldeyer en coupe longitudinale (a) et transversale (b) de différentes espèces. 1-Amygdale pharyngée, 2-Amygdales tubaires, 3-Amygdale du palais mou, 4-Entrée de l’amygdale palatine, 5-Amygdale linguale, 6- Tissu lymphoïde associé au larynx et à la trachée (LTALT) et 7- Tissu lymphoïde du naso-pharynx (NALT) d’après Liebler-Tenorio et Pabst, 2006 [118] 20 Il faut cependant relever l’existence de quelques différences structurelles et donc fonctionnelles entre les amygdales et le MALT d’autres structures, comme les plaques de Peyer. Le tableau 3 ci-dessous expose quelques-unes de ces différences. Tableau 3 : Différences entre le MALT des amygdales et des plaques de Peyer, d'après Liebler-Tenorio et Pabst, 2006 [118] Expression de PNAd* dans les HEV Expression de MADCAM-1** dans les HEV Proportion de LT-Helper naïfs Proportion de LT-Helper mémoire B7 Amygdales Plaques de Peyer Importante Plus faible Moyenne Importante Importante Plus faible Moyenne Plus importante *PNAd : Peripheral lymph-Node Adressin, reconnait spécifiquement sur le CD62L des LT-H naïfs. **MADCAM-1 : Mucosal Adressin Cellular Adhesion Molecule, qui se lie préférentiellement aux LT-H mémoire B7. Les molécules PNAd et MADCAM-1 sont des molécules d’adressage exprimées à la surface des cellules endothéliales des HEV. Elles conditionnent le trafic des lymphocytes dans les tissus. On comprend donc que les LT-Helper naïfs soient plus nombreux dans les amygdales car l’expression de PNAd est plus importante dans les HEV des amygdales que dans celles des plaques de Peyer. Nous y reviendrons ultérieurement, dans la partie concernant les systèmes de circulation. b) Le tissu lymphoïde associé au naso-pharynx : le NALT La présence du NALT est bien connue chez les petits animaux de laboratoire [196, 242]. Il est composé d’agrégats pairs lymphoïdes sur le plancher des cavités nasales. Le NALT a également été relativement bien décrit et étudié chez le mouton [197] et le cheval [135, 136]. Cependant, chez ces deux espèces, on ne retrouve pas les agrégats comme chez le rat et la souris, mais plutôt des ILF répartis dans la muqueuse nasale. Le NALT n’est pas décrit chez les autres espèces de mammifères domestiques mais cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas. En effet, son étude est difficile car la dissection de la muqueuse nasale est délicate et la préparation histologique nécessite une décalcification qui perturbe par la suite les caractérisations immuno-histochimiques [118]. Les ILF sont mis en évidence grâce à une technique de traitement à l’acide acétique [136, 197]. Chez le mouton, les ILF ont une structure classique avec un centre germinatif bien développé et un FAE contenant des cellules M et sont concentrés postérieurement à l’abouchement de la trompe d’Eustache [197]. Chez le cheval, les ILF sont retrouvés de façon constante à des sites précis des cavités nasales : le vestibule nasal, les méats ventraux et moyens, le cornet nasal caudal ventral et sur les parois du naso-pharynx [136]. On y retrouve un FAE, une région du dôme, et des régions inter-folliculaires [135]. La concentration de ces follicules et leur répartition dépend de l’âge de l’animal, comme nous l’avons vu plus haut. Mair et al. ont montré en 1988 [136] que ces ILF sont présents dès 9 mois de gestation. Leur nombre croît jusqu’à l’âge de 5 ans, puis diminue chez les adultes plus âgés. 21 c) Le tissu lymphoïde associé aux bronches : le BALT Contrairement aux structures immunitaires muqueuses de l’anneau de Waldeyer ou du GALT, le BALT n’est pas présent avant la naissance chez les ruminants, le porc ou le cheval [4, 136]. Sa présence post-natale varie beaucoup selon les espèces : on en trouve chez 100% des lapins et des rats, 33% des porcs mais est absent chez le chien [34], le chat et chez l’Homme sans affection pulmonaire [169]. Les structures lymphoïdes du BALT sont placées généralement aux bifurcations bronchiques. Leur développement, au sein des espèces pour lesquelles il n’est pas présent de façon constitutive, est vraisemblablement lié à la stimulation antigénique et le BALT est très développé chez les animaux souffrant de pneumonies. Il a été montré que le BALT est absent chez le porc non soumis à une stimulation antigénique [99]. Chez le cheval, le système immunitaire muqueux de l’appareil respiratoire revêt une importance sportive et économique particulière. En effet, 100 000 litres d’air passent chaque jour par le système respiratoire du cheval adulte [67], et quantité de matières inertes ou infectieuses peuvent donc se retrouver dans les poumons. C’est pourquoi le BALT a été si étudié dans cette espèce. Les lavages broncho-alvéolaires montrent que les poumons du poulain contiennent plus de macrophages et moins de lymphocytes que chez l’adulte [13, 15]. Cette différence liée à l’âge tend bien à montrer que le développement du BALT est lié à la stimulation antigénique dans cette espèce. La structure du BALT diffère quelque peu des autres structures immunitaires muqueuses [194]. Les macrophages et les centres germinatifs sont moins communs que dans les follicules du GALT ou du NALT, l’épithélium contient peu de lymphocytes intra-épithéliaux. En outre, la séparation entre aires T et aires B dans les follicules est plus floue. Des similarités existent cependant : la taille des aires B et T et le ratio T/B de 0,7 sont proches de ceux du NALT [194]. Il a été montré chez l’Homme que les LT CD8+, bien que type cellulaire immunitaire prédominant dans l’épithélium bronchique, n’expriment que rarement le TCR (T-cell Receptor) γδ, à la différence de l’épithélium intestinal où les cellules majoritaires sont CD8+ γδ+ [85]. 4) Le tissu lymphoïde associé à l’œil En ce qui concerne l’œil et les structures apparentées, on retrouve du tissu lymphoïde muqueux en plusieurs localisations. Tout d’abord, le CALT (Conjonctival-Associated Lymphoid Tissue) se trouve dans l’épithélium conjonctival. Il a été identifié chez les bovins, ovins, caprins et porcins [8, 48]. Il est composé d’un nombre variable d’ILF situés préférentiellement sur la conjonctive palpébrale. Chez la chèvre, des ILF et des agrégats lymphoïdes sont présents sur les paupières inférieures et supérieures et sur la membrane nictitante [8]. Les cellules M en tant que telles ne sont pas retrouvées, mais chez la chèvre, des cellules morphologiquement et fonctionnellement proches des cellules M ont été isolées dans le FAE des ILF [8]. Chez le mouton, le CALT revêt un intérêt diagnostique particulier pour l’identification de la tremblante (encéphalopathie spongieuse à prion du mouton), car il représente un pool de lymphocytes pouvant être aisément prélevés sans effet secondaire pour l’animal. Chez le cheval, le CALT est présent constitutivement [115]. Il comporte des ILF, des LT intraépithéliaux (principalement des LT CD8+) ainsi que des LT CD4+ et des LB dans la lamina propria. La présence de TLR-2 et TLR-4 est confirmée sur l’épithélium cornéen [140]. 22 Ensuite, on retrouve du tissu lymphoïde dans la muqueuse du canal lacrymal. Il forme le LDALT (Lacrimal Drainage-Associated Lymphoid Tissue) [118]. Cependant, il reste peu étudié à ce jour. 5) Le tissu lymphoïde associé aux organes génitaux Le système immunitaire muqueux des organes génitaux revêt une importance majeure chez l’Homme en Santé Publique à cause des Infections Sexuellement Transmissibles, et notamment la transmission du VIH. Chez les animaux domestiques, il a été également beaucoup étudié pour son implication dans les infections génitales et l’importance économique de la reproduction en élevage. a) Chez le mâle Nous ne développerons que succinctement cette partie, car notre étude porte sur l’appareil génital de la jument. Le testicule peut être divisé en deux parties fonctionnellement distinctes, d’un point de vue histologique : - les tubes séminifères, contenant les cellules germinales et assurant la fonction de spermatogénèse, - la zone interstitielle, entre les tubules, qui contient les cellules endocrines productrices d’androgènes et les cellules du système immunitaire. On retrouve dans le testicule des macrophages, des mastocytes, des cellules dendritiques et des lymphocytes T [73]. Du tissu lymphoïde est également présent dans les voies du tractus génital. Les précurseurs des spermatozoïdes, ainsi que ces derniers, expriment des antigènes reconnus comme étrangers par le système immunitaire. Cela est dû à la réorganisation du matériel génétique lors de la spermatogénèse et au fait que celle-ci ne commence qu’à la puberté de l’animal. Les gamètes apparaissent donc après que la reconnaissance du soi est acquise par le système immunitaire. Les cellules germinales sont « protégées » de la réponse immunitaire délétère à leur multiplication par l’existence d’une barrière hémato-testiculaire qui prévient normalement l’entée des cellules immunitaires dans les tubes séminifères. D’autres mécanismes interviennent. Les macrophages testiculaires ont une capacité limitée à induire une réponse inflammatoire. De plus, les cellules dendritiques testiculaires, ou DC (pour dendritic cells), inhibent l’activation des LT et l’induction d’une réponse immunitaire spécifique T-dépendante. Enfin, il y a sécrétion de cytokines anti-inflammatoires et les androgènes produites localement inhibent l’action des cytokines pro-inflammatoires [73]. En outre, il a été montré que des régulateurs des facteurs du complément sont excrétés dans le plasma séminal et sont exprimés par les spermatozoïdes, qui peuvent ainsi « esquiver » la réponse immunitaire dans l’appareil génital femelle et féconder l’ovocyte [87]. b) Chez la femelle Anatomiquement et du point de vue du système immunitaire, l’appareil génital femelle est divisé en trois compartiments [174]: - le vagin et la partie externe du col, non stériles de façon physiologique, - la partie interne du col, qui établit une barrière physique s’opposant au passage des éléments pathogènes. Cette imperméabilité diminue en période d’œstrus et permet ainsi le passage du sperme dans l’utérus, 23 le tractus génital supérieur, composé de l’utérus, des oviductes et des ovaires, stériles dans les conditions physiologiques. Bien que faisant partie du système immunitaire muqueux, le système muqueux de l’appareil génital présente de nombreuses différences avec les structures étudiées plus haut. Il doit en effet être capable de différencier le soi du non-soi, et ce en fonction des différents stades du cycle sexuel. Le sperme représente un matériel étranger pour l’appareil génital femelle et le fœtus peut être apparenté à une allogreffe d’un point de vue immunologique. Cependant, nous ne détaillerons pas ici les mécanismes de tolérance liés à la gestation. Le système immunitaire muqueux génital est en outre soumis à l’action des hormones sexuelles. - Dans l’endomètre, on ne retrouve pas de structures lymphoépithéliales ressemblant aux plaques de Peyer comme décrites précédemment pour les autres structures [144]. Cela laisse penser que le système immunitaire muqueux génital ne contient pas de site inducteur d’une réponse immunitaire. On observe des agrégats lymphoïdes dont la présence et la concentration sont variables suivant le stade du cycle [247]. Ils sont répartis entre les glandes endométriales et le stratum bursalis. Leur taille s’accroit pendant la phase sécrétoire (lorsque les taux d’œstradiol et de progestérone augmentent), puis diminue pendant la phase proliférative. Chez les femmes ménopausées, ces structures lymphoïdes sont absentes. Chez la jument, il a été montré que des plasmocytes sont retrouvés à tous les étages du tractus génital mais que leur nombre diminue depuis les oviductes vers le vagin [236]. Les particularités de la réponse muqueuse chez la jument seront vues dans la partie suivante. Ici, nous avons seulement parlé de la structure histologique du tissu lymphoïde. Le système immunitaire muqueux est complexe quant à son organisation histologique. Il est très présent à tous les niveaux dans l’organisme des Mammifères et on observe de grandes similitudes structurelles et fonctionnelles d’un site muqueux à un autre, mais également de nombreuses différences. Il existe une grande variabilité inter-spécifique ainsi qu’au sein d’une même espèce, selon l’âge de l’individu notamment. Après nous être intéressés à l’organisation cytologique et anatomique de ce système immunitaire muqueux, nous allons maintenant nous pencher sur le rôle des partenaires de la réponse immunitaire muqueuse, ce qui comprend bien sûr les cellules du système immunitaire mais également d’autres types cellulaires, les cellules M notamment, et les molécules sécrétées. 24 B. LES CELLULES IMMUNITAIRES MUQUEUSES ET LES PARTENAIRES DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE MUQUEUSE De nombreux acteurs interviennent dans la réponse immunitaire muqueuse. Les premiers sont les cellules de l’épithélium muqueux, dont les cellules M du FAE. Les cellules dendritiques muqueuses occupent une place centrale dans l’orchestration de cette réponse immunitaire. Plusieurs populations cellulaires, de lymphocytes notamment, sont ensuite mises en jeu, depuis le site muqueux jusqu’au nœud lymphatique drainant. Enfin, les immunoglobulines jouent un rôle particulier au niveau des muqueuses. 1) Les cellules M Les cellules M sont un type particulier de cellules épithéliales rencontrées dans le FAE. Elles ont été décrites pour la première fois dans le FAE recouvrant les plaques de Peyer, mais ont ensuite été identifiées dans le FAE de plusieurs sites muqueux, qu’il s’agisse de structures organisées ou d’ILF : l’anneau de Waldeyer, le NALT (dont ceux des Equidés [113]), le BALT et le CALT [80, 120]. Le nom de ces cellules vient de « membraneuse » ou « microfold », car chez l’Homme, dans l’intestin, elles sont quasiment dépourvues de villosités (figure 6). Figure 6 : Image en microscopie électronique : à gauche, le dôme d’une plaque de Peyer au milieu des villosités intestinales, au centre un grossissement d’une plaque de Peyer avec visualisation des cellules M au milieu des entérocytes, et à droite un grossissement d’une cellule M, d’après Miller et al., 2007 [147] Le cytoplasme apicale est très mince (d’où le nom de « membraneuse ») et la partie basale forme des replis dans lesquels sont logés des lymphocytes T ou B, ou des macrophages. Ceci en fait des cellules petites, et la distance apex-base est très faible, de l’ordre de quelques microns [156]. Cette structure particulière est très bien adaptée à leur fonction : la capture d’antigènes. En effet, elles sont capables de transporter les antigènes solubles luminaux, des micro-particules ou des micro-organismes entiers de leur pôle apical à leur pôle basal [147]. Les mécanismes sont variés (phagocytose pour les plus grosses particules, endocytose, ou pinocytose pour les antigènes solubles), mais semblent tous faire intervenir des molécules de la famille des intégrines [147]. Ces antigènes sont ensuite captés par les cellules immunitaires 25 situées dans les replis cytoplasmiques de la cellule M (figure 7). Les cellules M expriment à leur surface, dans le glycocalix, des marqueurs particuliers, notamment en ce qui concerne la famille des intégrines et des lectines, différents des marqueurs des autres cellules épithéliales du FAE [49], ce qui leur permet de reconnaître d’autres molécules, comme des antigènes exprimés à la surface d’agents pathogènes. Figure 7 : Schéma d'une cellule M en relation avec les lymphocytes et macrophages situés dans les replis cytoplasmiques, d'après Neutra et al., 1996 [156] Cependant, le rôle de cellule présentatrice d’antigènes (CPA) de ces cellules épithéliales reste peu clair. On sait toutefois qu’elles expriment la cathepsine E caractéristique des CPA et qu’elles peuvent sécréter de l’IL-1, une cytokine pro-inflammatoire [147]. Elles expriment également les molécules de co-stimulation CD86 et parfois CD80 [28], qui interviennent dans la présentation antigénique et la coopération LB-LT au niveau des replis cytoplasmiques. Le glycocalix recouvrant ces cellules est très variable d’un site à l’autre, et même au sein d’un même FAE [156]. Cela explique la faculté des cellules M à reconnaître un grand nombre d’antigènes. A titre d’exemple, il a été montré chez la souris que les cellules M des plaques de Peyer et du caecum expriment des marqueurs différents : celles des PP (plaques de Peyer) sont Alkaline-phosphatase négatives mais expriment Ulex europagus agglutinin-1 (UEA-1), alors que les cellules M du caecum sont Alkaline-phosphatase positives et sont dépourvues de Ulex europagus agglutinin-1 [50]. L’alkaline-phosphatase est une molécule membranaire dont la fonction est d’hydrolyser les macromolécules luminales. UEA-1 est une molécule membranaire de la famille des lectines. Ces molécules de surface se lient à des dérivés glucidiques exprimés par les agents pathogènes ou à des protéines endogènes. Les antigènes reconnus par les cellules peuvent donc varier selon l’étage du tube digestif. La facilité d’accès de ces cellules par les antigènes en fait des cibles pour de nombreux agents pathogènes pour lesquels elles représentent une porte d’entrée dans l’organisme, mais également pour le développement de vaccins oraux [156]. 2) Les cellules dendritiques Les cellules dendritiques sont ces cellules présentatrices d’antigènes dites « professionnelles » qui initient, coordonnent et régulent la réponse immunitaire spécifique 26 [14]. En fonction du site muqueux (incluant les nœuds lymphatiques qui drainent les muqueuses), on trouve différents types de cellules dendritiques. Ces cellules jouent un rôle fondamental et complexe dans l’orchestration de la réponse immunitaire muqueuse. Elles sont présentes à l’état immature dans les épithéliums muqueux et les tissus lymphoïdes organisés appartenant au système du MALT où elles assurent un rôle de capture d’antigènes. Suite à différents signaux de maturation, elles acquièrent leur capacité maximale de présentation d’antigènes. Ce processus fait intervenir une migration dans les nœuds lymphatiques drainant les muqueuses [142]. Nous verrons comment ces DC sont impliquées dans la différentiation et la stimulation des populations lymphocytaires notamment. a) Les différents types de cellules dendritiques impliquées dans la réponse immunitaire muqueuse Il existe de nombreux phénotypes de DC en fonction des marqueurs cellulaires exprimés à la surface de ces cellules. Les DC ont un rôle différent en fonction de leur phénotype. De nombreux phénotypes de DC différents sont retrouvés au niveau des surfaces muqueuses. Les phénotypes de DC varient en fonction du type de muqueuse (muqueuse de type 1 ou de type 2) et leur répartition varie selon le site muqueux considéré et au sein d’un même site muqueux. Le marqueur CD11c caractérise les DC myéloïdes [193], par opposition aux DC plasmacytoïdes (qui sont CD11c-). Chez la souris, deux sous-populations majeures sont présentes dans les tissus lymphoïdes : les DC CD8α+ et CD8α-. Le phénotype CD8α+ indique qu’il s’agit de DC de lignée lymphoïde [193], exprimant le CLR (récepteur lectine de type C) DEC-205. Elles sont spécialisées dans la capture et la présentation croisée d’antigènes provenant des cellules apoptotiques. Une fois activées, elles produisent l’IL-12 et stimulent les LT CD8+ (réponse Th1) [205]. Une souspopulation de DC CD8α+ sont de phénotype FasL+/CD8α+ et sont impliquées dans la régulation de la réponse immunitaire en induisant l’apoptose des lymphocytes T grâce à l’interaction de la molécule Fas exprimée par les LT avec son ligand FasL sur les DC [202]. Le phénotype CD8α- est signe d’une lignée myéloïde, stimulant la prolifération des lymphocytes CD4+ [193] par une présentation d’antigènes par le CMH II [205]. Les LT activés par les DC CD8α- produisent plus d’IL-2, cytokine impliquée dans la prolifération des lymphocytes et la commutation isotypique des LB. D’une manière générale dans le MALT, les DC CD8α+ sont plutôt réparties dans les aires inter-folliculaires T-dépendantes, tandis que les DC CD8α- sont surtout présentes dans les follicules. Dans la lamina propria intestinale, on trouve 90% de DC de phénotype CD11c+ dont la majorité est CD11b+CD8α- [47], ainsi que quelques-unes de phénotype CD11b-CD8α+ et CD11b-CD8α-. Dans les épithéliums muqueux, on observe également la présence de cellules de Langerhans (LC). Ce sont un type particulier de cellules dendritiques de la lignée myéloïde [193]. Elles sont issues de monocytes circulants portant le marqueur Gr-1, qui se différencient en cellules de Langerhans après fixation dans l’épithélium. Ce processus fait intervenir le Colony Stimulating Factor 1 (CSF-1) [82]. Ces cellules expriment fortement le CMH II. Il y a plusieurs différences entre les LC et les DC « classiques ». Les LC contiennent des granules de Birbeck et expriment l’antigène Lag, elles portent des récepteurs au fragment Fc des immunoglobulines et expriment le marqueur CD1a [183]. La figure 8 ci-dessous illustre la répartition différente des cellules dendritiques et de Langerhans suivant le type de muqueuse considéré. 27 Figure 8 : Les différents types de cellules dendritiques rencontrées suivant le type de muqueuse, d’après Iwasaki, 2007 [97] Dans les muqueuses de type 1, on rencontre des cellules de Langerhans (LC) intra-épithéliales, des DC subépithéliales situées dans la lamina propria, et dans les structures du MALT, des DC dans le FAE, dans la région du dôme et dans les espaces interfolicullaires. Dans les muqueuses de type 2, en plus des cellules de Langerhans présentes dans l’épithélium, on trouve des cellules dendritiques sous-muqueuses qui restent sous la lame basale de l’épithélium pluristratifié. La bibliographie sur les cellules dendritiques du bas appareil génital chez la Femme et la souris est très fournie car les données sont primordiales pour la lutte et le développement de vaccins contre les Infections Sexuellement Transmissibles (IST), en particulier le VIH. Dans les voies génitales supérieures, il a été montré chez la Souris que la présence des DC est sous dépendance hormonales, puisque ces cellules (CD11c+, F4/80-, CMH II+) sont absentes chez les sujets ovariectomisés [105]. Dans l’épithélium vaginal humain, on rencontre de nombreuses LC de type Langerin+ HLA-DR/DP/DQ+ (les molécules HLA-DR, -DP et-DQ sont des molécules du CMH II), ainsi que des LC CD1a+, moins nombreuses [96]. Au moins quatre phénotypes de LC ont été identifiés dans l’épithélium vaginal et cervical de la Souris [172]. Malheureusement, il n’y a que peu de données sur les phénotypes de cellules dendritiques muqueuses dans les espèces d’intérêt en médecine vétérinaire. Une étude portant sur le macaque rhésus a toutefois permis de montrer la présence de cellules de Langerhans CD1a+ dans l’épithélium stratifié du vagin et de la partie externe du col [146], ainsi que dans des nodules lymphoïdes présents dans la sous-muqueuse vaginale. Il a été montré chez l’Homme 28 que les cellules exprimant CD1a sont une source majeure d’IL-12 et polarisent les LT CD4+ vers une réponse Th1 [43]. b) Le rôle des DC dans l’induction de la réponse immunitaire muqueuse Les cellules dendritiques ont deux rôles principaux au niveau des muqueuses : l’induction d’une tolérance de l’organisme vis-à-vis des antigènes commensaux, des nutriments, des spermatozoïdes et du conceptus et l’induction d’une réponse immunitaire contre les organismes ou particules pathogènes. Ces deux fonctions font intervenir les mêmes mécanismes, à savoir la capture et la présentation d’antigènes, ainsi qu’une migration dans les nœuds lymphatiques et une maturation. Ceci est permis grâce à la présence de différents phénotypes de DC dans les muqueuses. En effet, nous avons vu plus haut qu’une souspopulation de DC CD8α+ est impliquée dans la régulation de la réponse immunitaire. Les DC sont les CPA les plus puissantes, capables d’activer les LT naïfs et mémoires [248]. Les cellules dendritiques peuvent capter les antigènes circulant dans le milieu extérieur au contact des muqueuses dans lesquelles elles sont présentes. En effet, grâce à l’interaction de leur récepteur membranaire CX3CR1 avec la chimiokine CX3CL1, elles peuvent former des dendrites qui s’intercalent entre les cellules épithéliales en exprimant des protéines de jonctions serrées (occludine, claudine 1 et JAM, Junctional Adhesion Molecule) [112, 179, 180]. La barrière épithéliale reste donc intacte. Elles reconnaissent les micro-organismes grâce à plusieurs récepteurs dont des TLR (Toll-like Receptor). Le TLR9 a ainsi été isolé sur une sous-population de DC (les DC-SIGN+ qui résident dans la lamina propria du col et l’épithélium vaginal) dans le vagin de la Femme [178]. Elles peuvent se lier à différents agents pathogènes grâce à leur récepteur membranaire CD209, qui est une lectine de type C [81]. D’autres récepteurs dont les NOD-like Receptor (Nucleotide Oligomerization Domain receptors) et les RIG-like Receptor sont impliqués dans la reconnaissance antibactérienne ou antivirale, mais leur fonction précise reste inconnue [145]. Elles migrent ensuite dans les nœuds lymphatiques qui drainent les muqueuses. Les DC muqueuses du GALT et de la lamina propria intestinale orientent généralement la réponse immunitaire vers une réponse Th2 en stimulant les LT CD4+ en établissant un contexte cytokinique de IL-4 et IL-10 [98]. Nous verrons par la suite que cela constitue une différence notable d’avec les DC du système immunitaire systémique. Ce sont les nœuds lymphatiques iliaques et inguinaux qui drainent les organes génitaux. Dans les nœuds lymphatiques iliaques, les cellules dendritiques sont capables d’induire une forte réponse CD4 mais aussi CD8 [250]. A l’état basal, les DC muqueuses de la lamina propria intestinale induisent une tolérance vis-à-vis de certains antigènes [134], ce dont les DC des PP et des ILF ne sont pas capables. Dans le poumon du rat, il a été montré que les DC au repos induisent une réponse Th2 et nécessitent un contexte cytokinique particulier pour induire une réponse Th1 [200]. Dans les nœuds lymphatiques drainant les muqueuses, les DC expriment également la molécule SLPI (Secretory LeucoProtease Inhibitor), impliquée dans la tolérance de l’organisme vis-à-vis des micro-organismes commensaux passant par une tolérance du Lipo-Poly-Saccharide (LPS) bactérien [185]. Les cellules dendritiques sont donc à la fois capables d’induire une réponse immunitaire, plutôt Th2 au niveau des muqueuses, rapide et efficace face à de nombreux agents pathogènes, mais également de maintenir l’homéostasie de l’organisme par le biais d’une tolérance de celui-ci vis-à-vis de nombreux antigènes commensaux, des nutriments, mais aussi du sperme et du fœtus dans le cas de l’appareil génital femelle. L’orientation vers cette réponse Th2 en elle-même est responsable d’une immunosuppression, car elle fait intervenir 29 l’IL-10 anti-inflammatoire. De plus, les IgA produites captent les antigènes et diminuent leur présentation aux DC, ce qui limiterait le développement d’une réponse immunitaire forte [56]. 3) Les lymphocytes T muqueux a) Les différents lymphocytes T et leur répartition dans les sites muqueux Nous avons vu dans la partie précédente que de nombreux lymphocytes T sont présents dans les sites muqueux. Les lymphocytes T sont caractérisés par le marqueur membranaire CD3 et la présence d’un TCR. On trouve quelques lymphocytes T CD4+ dans les follicules du MALT, mais la majeure partie se trouve dans les aires interfolliculaires. Les LT CD8+ sont quant à eux présents dans les aires interfolliculaires et sont prédominants au sein des lymphocytes intra-épithéliaux, particulièrement dans l’intestin. Chez le cheval, l’expression des chaines CD8α et CD8β intraépithéliale est semblable à celle rencontrée dans les autres espèces [219]. La répartition et la proportion de lymphocytes T varie, au sein d’une espèce, suivant le site muqueux considéré et l’âge de l’individu. Ainsi, chez le cheval, il a été montré que les LT CD8+ sont plus nombreux dans l’amygdale naso-pharyngée que dans l’amygdale tubaire [113]. Dans l’appareil respiratoire du cheval, le nombre de cellules CD3+ diminue progressivement de la partie supérieure vers la partie inférieure [15]. Cependant, chez le fœtus équin, les LT sont peu nombreux dans l’appareil respiratoire et il n’y a pas de variation suivant l’étage de l’appareil respiratoire [15]. L’application de la technique à l’immuno-peroxydase et l’utilisation d’anticorps monoclonaux dirigés contre les marqueurs cellulaires des lymphocytes a permis à Brinsko de montrer en 2006 que les LT sont abondants dans l’oviducte de la jument, avec une forte proportion de CD8+ et un nombre plus faible de CD4+ [31]. b) L’activation des lymphocytes T Les lymphocytes T subissent une présentation antigénique au sein des structures lymphoïdes organisées. Ils acquièrent alors leur capacité de migration dans les muqueuses, qui dépend de plusieurs molécules d’adressage et de reconnaissance membranaire, ce que nous verrons dans la partie suivante. Les lymphocytes T activés arrivant au niveau des sites effecteurs muqueux sont encore à l’état fonctionnellement immature. Des signaux complémentaires apportés par les CPA sont nécessaires : - l’interaction TCR/CD3 avec le complexe formé par le CMH de la CPA et le peptide qu’elle présente - l’interaction avec les molécules de co-stimulation, notamment CD80 et CD86. Dans les muqueuses, la présence de TGF-β dans l’environnement cytokinique induit l’expression par le LT d’intégrine αEβ7, qui reconnait la cadhérine E des cellules épithéliales [84]. La fonction exacte de cette intégrine n’est pas connue mais elle permettrait la rétention des LT activés dans les muqueuses [106]. Les LT CD4+ peuvent induire ensuite une réponse immunitaire Th1, à médiation cellulaire, ou Th2, à médiation humorale, selon les signaux qu’ils ont reçus et le contexte cytokinique les environnant. Les cellules dendritiques muqueuses jouent un rôle majeur dans l’orientation de la réponse immunitaire. Au niveau muqueux, les cellules dendritiques orientent généralement la réponse immunitaire vers une réponse Th2, via la sécrétion d’IL-4 et d’IL-10, et surtout la non30 expression d’IL-12 [98, 199]. Chez le cheval, ces mécanismes ont été beaucoup étudiés en ce qui concerne la pousse, ou Recurrent Airway Obstruction [55], la rhodococcose [124] ou les infestations parasitaires [60]. Ces trois entités pathologiques font intervenir le système immunitaire muqueux en premier lieu. Les LT Helper 2 activent et attirent les cellules immunitaires (surtout les plasmocytes dans ce cas) par la sécrétion des cytokines IL-4, IL-5, IL-9 et IL-13 [110]. L’orientation vers une réponse Th1 est induite majoritairement par la production d’IL-12 par les DC. Les LT Helper 1 sécrètent ensuite principalement l’IFNγ et le TNFβ [155]. Dans l’appareil génital, une réponse Th1 est induite par les cellules dendritiques Langerin- et c’est plutôt une réponse dite Th17 qui est induite par les cellules de Langerhans muqueuses de l’appareil génital dans les noeus lymphatiques (NL), via un profil cytokinique majoritaire d’IL-17 [71, 177]. La figure 9 ci-dessous illustre la polarisation Th1 ou Th2 des lymphocytes muqueux. Figure 9 : Polarisation Th1 ou Th2 des LT dans les muqueuses, d’après Neurath et al., 2002 [155] La dérégulation des LT et notamment de leur apoptose est impliquée dans les mécanismes physio-pathologiques de maladies de type allergique comme la RAO du cheval [151]. 31 4) Les lymphocytes B muqueux a) Les différents lymphocytes B et leur répartition dans les sites muqueux C’est dans le système immunitaire muqueux que se trouve la plus grande partie de l’activité lymphocytaire B de l’organisme. En effets 80 à 90% des plasmocytes sont concentrés dans les muqueuses [27]. La plupart synthétisent des IgA polymériques (p-IgA) associées à une chaine J. Dans les structures lymphoïdes, on trouve principalement des lymphocytes B dans le centre germinatif des follicules lymphoïdes du MALT, mais aussi dans la lamina propria des muqueuses de l’organisme. Les MALT font office de réservoirs des LB de type 2, lymphocytes mémoires et effecteurs, qui expriment à leur surface des IgA [28]. Les LB-2 sont les lymphocytes B « conventionnels » de phénotype CD5-, par opposition aux LB-1 dits « innés » de phénotype CD5+, présents surtout chez les nouveau-nés [5, 21]. Les LB-1 sont capables d’auto-renouvellement et n’ont pas besoin de reconnaître un antigène donné pour se multiplier. Chez la souris, ils expriment des IgM de faible affinité, capables de reconnaître plusieurs antigènes. Ces lymphocytes innés produisent des anticorps naturels qui peuvent être des auto-anticorps, mais de faible affinité pour les antigènes. Les plasmocytes à IgA prédominent au niveau muqueux mais leur proportion et surtout la proportion des autres phénotypes de plasmocytes varie suivant les sites, comme le montre la figure 10 ci-dessous. Figure 10 : Répartition des phénotypes de plasmocytes dans les sites effecteurs muqueux, d’après Brandtzaeg et Johansen, 2005 [28] Chez le cheval, les poches gutturales, situées au carrefour des voies respiratoires et digestives, revêtent une importance particulière dans la réponse immunitaire muqueuse. Il a été montré l’expression d’IgA dans la lamina propria de ces structures, dans et à la surface de l’épithélium, mais également d’IgGa, IgGc (2 des trois sous-classes d’immunoglobulines G chez le cheval [233]) et IgM [138]. Peu de LB intra-épithéliaux sont mis en évidence chez le cheval [15]. 32 La répartition des LB varie au sein d’un même site muqueux. Ainsi, on sait que chez le cheval comme dans les autres espèces, les LB sont significativement plus nombreux dans les régions entre les cryptes que dans les villosités intestinales [170]. Par ailleurs, on trouve moins de LB dans l’amygdale tubaire que dans l’amygdale nasopharyngée [113], deux structures de l’anneau de Waldeyer. Peut-être pourrait-on supposer une différence de fonction entre ces deux organes, sans que cela ait été démontré à notre connaissance. b) L’activation des LB Les LB mémoires, au contact des cellules M, peuvent être stimulés via l’interaction avec les molécules de co-stimulation CD80 et CD86, impliquées dans la présentation d’antigènes. Les LB naïfs passent dans le follicule primaire à travers un réseau de cellules dendritiques qui présentent les antigènes fixés par des IgM et IgG membranaires. Ils interagissent ensuite avec les LT CD4+ de la périphérie du follicule puis réintègrent celui-ci et prolifèrent dans le centre germinatif [125]. C’est dans ce centre germinatif qu’ont lieu les hypermutations somatiques de la chaine V ainsi qu’une commutation de la chaine Cμ vers une chaine Cα [125]. De plus, ces cellules synthétisent préférentiellement la chaine légère λ [125]. Les lymphocytes B activés migrent des sites inducteurs vers les sites effecteurs, suivant les molécules d’adressage exprimées à leur surface et les cytokines les attirant lors de la diapédèse, que nous développerons plus bas. Suivant le lieu de leur stimulation antigénique, ces LB ont un tropisme préférentiel. Ainsi, les LB activés par les DC du GALT expriment l’intégrine α4β7 qui reconnait MadCAM-1 et leur confèrent un tropisme intestinal [27]. La figure 11 ci-dessous présente les principales caractéristiques phénotypiques des LB en fonction de leur lieu d’induction et les intégrines et cytokines intervenant dans leur tropisme intestinal ou respiratoire. Figure 11 : Phénotypes des LB, intégrines et cytokines conditionnant leur tropisme pour le NALT ou le GALT, d’après Brandtzaeg et Johansen, 2005 [28] On note notamment la possibilité pour des LB induits dans le NALT ou le GALT de migrer dans la muqueuse utérine, cervicale ou vaginale. La commutation isotypique des LB activés vers le phénotype IgA se déroule dans les centres germinatifs et est dépendante de l’interaction entre le CD40 des LB et son ligand CD40L, exprimé à la surface des lymphocytes T CD4+. Cette commutation dépend en outre de la présence de nombreuses cytokines et fait intervenir l’acide rétinoïque [134]. La figure 12 ci-dessous schématise ces interactions. 33 Figure 12 : Interactions membranaires et moléculaires conduisant à la commutation isotypique α des LB, d’après Brandtzaeg et Johansen, 2005 [28] 5) Les immunoglobulines sécrétées au niveau des muqueuses Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, l’isotype d’immunoglobuline dominant au niveau des muqueuses est l’isotype α. Les IgA sont les immunoglobulines produites en plus grosse quantité au niveau des surfaces muqueuses et des sécrétions organiques. Il existe cependant des variations interspécifiques importantes. Dans le colostrum équin par exemple, ce sont les IgGb qui dominent [191] et non les IgA. Cependant l’isotype γ est également important, notamment au niveau des muqueuses de type 2 [97] et des sécrétions génitales. Dans l’appareil respiratoire du cheval, les plasmocytes sécrétant des IgA sont en proportion décroissante par rapport à ceux sécrétant des IgG de la partie supérieure vers la partie inférieure de l’appareil respiratoire [137], suggérant que l’action des IgG est plus importante que celle des IgA dans les voies respiratoires inférieures. Une étude de 1984 [234] portant sur les concentrations en immunoglobulines au niveau de différentes surfaces muqueuses chez le cheval montre qu’il y a en moyenne 0,06 mg d’IgG par mg de protéines totales contre 0,07 mg d’IgA par mg de protéines totales dans l’intestin. Ce rapport est inversé dans les sécrétions utérines puisqu’en moyenne on observe 0,13 mg d’IgG et 0,10 mg d’IgA par mg de protéines totales. Nous développerons donc ici la structure et la fonction des IgA et IgG équines dans la réponse immunitaire muqueuse. a) Les immunoglobulines A i. Structure des IgA Les IgA sont caractérisées par la classe α du domaine constant de la chaine lourde [187]. Ce sont le plus souvent des IgA polymériques qui sont sécrétées au niveau des muqueuses (dimériques ou tétramériques), la chaine J permettant la liaison des monomères d’IgA. 34 Les IgA sont composées de deux chaines lourdes α, reliées par des ponts disulfures intercaténaires et de deux chaines légères κ ou λ, également liées aux chaines lourdes par des ponts disulfures. La figure 13 ci-dessous illustre cette structure. Lorsqu’elles sont sécrétées (S-IgA, pour IgA sécrétoire) elles comprennent également une pièce sécrétoire qui est en fait un fragment de la partie externe du récepteur aux immunoglobulines polymériques des cellules épithéliales (pIgR). Ce récepteur fixe les immunoglobulines polymériques (IgA et IgM), mais aussi d’autres molécules, comme des antigènes bactériens ou des cytokines [100]. Figure 13 : Structure des IgA. A gauche, mise en évidence de la pièce sécrétoire et à droite, visualisation des chaines légères et lourdes, d’après Quintin-Colonna et Freyburger, 2006 (polycopié) [175] ii. Fonction des IgA dans la réponse immunitaire muqueuse Grâce à la pièce sécrétoire liée au fragment du pIgR, les IgA sont sécrétées activement au niveau des muqueuses. En effet, le pIgR est exprimé à la surface basolatérale des cellules épithéliales puis est internalisé par endocytose, qu’il ait fixé ou non une immunoglobuline. Il traverse ensuite la cellule épithéliale et est excrété dans la lumière de l’organe soit libre, soit en tant que pièce sécrétoire d’une IgA ou d’une IgM. La figure 14 ci-dessous schématise ce mécanisme. L’expression du pIgR peut être augmentée par l’action de cytokines et des œstrogènes chez la femelle [184]. 35 Figure 14 : Excrétion active des IgA et des IgM à la surface de l'endothélium, d’après Brandtzaeg et Johansen, 2005 [28] La figure schématise également la sécrétion passive des IgG à travers les épithéliums. Dans l’appareil génital femelle comme dans les autres organes, les IgA protègent la muqueuse de plusieurs manières : - les S-IgA participent au contrôle de la flore commensale et pathogène en fixant les antigènes dans la lumière, en inhibant l’adhérence et l’entrée de micro-organismes et de macro-molécules et en neutralisant les adhésines bactériennes, les toxines et les virus [184], - les IgA intracellulaires exercent une protection intraépithéliale car elles peuvent fixer les micro-organismes situés dans les cellules épithéliales, - elles contribuent également à épurer la lamina propria car elles peuvent y fixer des antigènes, qui seront ensuite excrétés dans le milieu extérieur à travers la cellule épithéliale, - leur fixation sur leur récepteur RFcα (le récepteur au fragment Fc de la chaine α) permet l’induction de la phagocytose par les cellules myéloïdes concernées (ce récepteur membranaire aux IgA est le marqueur cellulaire CD89, isolé dans l’espèce équine en 2005, il se lie à la fois aux IgA sériques et aux S-IgA [153]), - elles possèdent une action anti-inflammatoire, via la suppression de la production de médiateurs du complément et l’inhibition de la phagocytose complémentdépendante et de la libération de molécules pro-inflammatoires [83]. Cette activité anti-inflammatoire est capitale dans le maintien de l’intégrité de la muqueuse, constamment exposée aux antigènes. Cela revêt une importance particulière dans l’appareil génital où la présence de sperme induit une inflammation qui pourrait nuire à la fécondation, comme nous le verrons plus loin. 36 iii. Les IgA et la vaccination L’efficacité de la réponse IgA muqueuse la rend particulièrement intéressante dans le développement de vaccin dans l’espèce équine, principalement contre les maladies de l’appareil respiratoire, si nombreuses et d’importance économiques et sportives [92]. Plusieurs études ont été menées chez le Cheval pour mesurer la réponse immunitaire muqueuse et notamment la production d’IgA muqueuses après immunisation. Ainsi, après immunisation intra-nasale contre le virus de l’influenza A [195], ou la bactérie Streptococcus equi [79], on observe une réponse IgA muqueuse dans les voies respiratoires supérieures, mais pas après une immunisation intramusculaire contre la protéine M-like de S. equi [190]. De même, une réponse IgA muqueuse est observée après inoculation du virus EHV-1 mais pas avec une souche atténuée ou inactivée [30]. Cela montre l’importance de l’antigène utilisé et du lieu d’induction de la réponse immunitaire. Les pistes de recherche sont donc nombreuses à ce sujet. b) Les immunoglobulines G Chez le cheval, 7 sous-classes d’immunoglobulines G ont pu être identifiées [222]. Il s’agit des IgG1 (ou IgGa), IgG2 (ou IgGc), IgG3 (ou IgG(T) car présentes en grande quantité chez les chevaux qui produisent le sérum antitétanique), IgG4 (ou IgGb) et les IgG5, 6 et 7. Cette découverte ne date que de 2004, c’est pourquoi auparavant la bibliographie fait référence uniquement aux IgGa, b, c et (T) chez le cheval. Les IgG sont constituées de deux chaines lourdes γ appariées et liées à deux chaines légères κ ou λ. La chaine lourde est constituée des parties constantes CH 1, 2 et 3 et d’une partie variable VH. Les chaines légères sont formées d’une partie constant CL et d’une partie variable VL (figure 15) [63]. Le fragement Fc est formé par les parties CH2 et CH3 après clivage par la pepsine. Figure 15 : Structure d'une IgG, d'après Day et Schultz, 2011 [63] 37 Les immunoglobulines G occupent une part non négligeable dans la protection de l’organisme au niveau des muqueuses .Chez le poulain de moins de 14 jours, il a été montré que ce sont les sous-classes IgGa et IgGb qui dominent dans les sécrétions nasales, alors que chez l’adulte et le poulain de plus de 14 jours, ce sont les IgA [191]. La production endogène d’IgGb n’a pas été mise en évidence avant 63 jours de vie. Il s’agirait donc d’anticorps maternels. Par ailleurs, suivant le site muqueux, les IgG peuvent avoir une part plus importante. Ainsi, on retrouve plutôt des IgG dans la lamina propria des cavités nasales et au niveau des cellules glandulaires, et les plasmocytes à IgG sont plus nombreux dans l’appareil respiratoire profond que les plasmocytes à IgA [136]. 38 C. LA COMMUNICATION ENTRE LES SITES MUQUEUX 1) Les systèmes de circulation Nous avons vu qu’au cours des différentes phases de la réponse immunitaire, les cellules immunitaires migrent des sites inducteurs vers les sites effecteurs. Au cours de leur parcours, ces cellules, principalement les lymphocytes, empruntent deux systèmes de circulation : le système lymphatique puis le réseau sanguin. En effet les lymphocytes quittent les sites inducteurs du MALT via le réseau lymphatique, gagnent les nœuds lymphatiques et rejoignent la circulation sanguine au niveau du canal thoracique, qui fusionne avec la veine cave crâniale. Les lymphocytes circulants gagnent ensuite les sites effecteurs muqueux en passant par les HEV (High Endothelial Veinules) situées dans les aires inter-folliculaires du MALT. a) Le système lymphatique Les poumons, la peau et les intestins sont les organes dans lesquels le système lymphatique est le plus actif. Ce sont aussi les organes les plus exposés à l’environnement [164]. Chez le cheval, le système lymphatique muqueux a été beaucoup étudié au niveau intestinal [127, 128, 158, 159]. En effet, l’une des particularités anatomiques du cheval est d’avoir un côlon ascendant et un cæcum de très grande taille, d’où l’importance du drainage lymphatique de ces organes. On compte plusieurs milliers de nœuds lymphatiques drainant la lymphe provenant des intestins [158]. La circulation lymphatique efférente du MALT commence dans la lamina propria par des canaux pré-lymphatiques intercellulaires formant un plexus de sinus lymphatiques dans la lamina propria autour des follicules [128]. Ces sinus constituent la seule porte d’entrée à la circulation générale pour les lymphocytes qui migrent à partir du GALT. Les vaisseaux circulent dans le tissu inter-folliculaire entre les structures des ILF et des LGC (complexes lympho-glandulaires du côlon). Ces vaisseaux transportant la lymphe provenant de la paroi intestinale circulent ensuite dans la sous-muqueuse. Ils possèdent des valves [128] et aboutissent à des nœuds lymphatiques dits primaires formant des groupes [158]. Les vaisseaux lymphatiques efférents aux nœuds lymphatiques primaires forment un réseau au voisinage immédiat des groupes de NL. Dans ce réseau, on peut observer la présence de ramifications et d’anastomoses. Les vaisseaux s’enroulent les uns autour des autres et forment parfois des boucles recirculantes. De 2 à 9 vaisseaux lymphatiques [158] rejoignent ensuite les nœuds lymphatiques secondaires et les vaisseaux lymphatiques provenant d’un même groupe de NL primaires rejoignent généralement plus d’un NL secondaire. La complexité de cette circulation permet un mélange de la lymphe provenant de différentes parties de l’intestin et de plusieurs nœuds lymphatiques, potentialisant ainsi la réponse immunitaire dans les NL [158]. La paroi des vaisseaux lymphatiques est recouverte de cellules musculaires lisses et de fibres élastiques, leur conférant une capacité de contraction intrinsèque, ce qui permet la bonne circulation de la lymphe provenant des intestins du cheval. b) La circulation sanguine : adressage spécifique des lymphocytes dans les HEV Les HEV sont situées dans les aires inter-folliculaires T dépendantes essentiellement. Les cellules endothéliales expriment à leur surface plusieurs marqueurs de ciblage tissulaire reconnus par les lymphocytes, appartenant à la famille des cytokines, des intégrines et des sélectines. 39 Dans les muqueuses, les interactions entre les récepteurs membranaires des lymphocytes et ces molécules d’adressage spécifiques sélectionnent les cellules qui vont pénétrer dans le site muqueux et dirigent les lymphocytes vers le site effecteur où ils seront actifs. L’expression de ces intégrines, sélectines et cytokines dépend donc du tissu. Les lymphocytes, une fois attirés, traversent la paroi endothéliale par diapédèse, mécanisme faisant d’abord intervenir des phases de liaison, de rolling et d’adhésion avant la traversée de la paroi endothéliale. Dans les HEV, les cellules endothéliales sécrètent les chimiokines CCL19 et CCL21 qui attirent les lymphocytes possédant le récepteur membranaire CCR7. La L-sélectine exprimée par les lymphocytes reconnait PNAd (Peripheral Node Adressin) dans les nœuds lymphatiques périphériques (NLP), MadCAM-1 (Mucosal Adressin Cell Adhesion Molecule) dans l’intestin et VCAM-1 (Vascular Cell Adhesion Molecule) dans les autres sites muqueux et les sites systémiques [26]. Elle reconnaitrait également l’endomucine, une sialomucine sécrétée par les cellules endothéliales des HEV [102]. Ces molécules d’adressage sont exprimées à la surface des cellules endothéliales. MadCAM-1 interagit aussi avec l’intégrine α4β7 des lymphocytes. L’interaction des cytokines CCL19 et CCL21 avec leur récepteur active les intégrines lymphocytaires et permet une adhésion du lymphocyte. L’intégrine α4β7 activée se lie avec une forte affinité à MadCAM-1 au niveau intestinal. Dans les HEV des NLP, les signaux d’adressage sont différents. La figure 16 ci-dessous illustre ces interactions moléculaires en fonction du site. 40 Figure 16 : Interactions moléculaires intervenant dans la migration lymphocytaire, (à gauche, dans les nœuds lymphatiques périphériques et les sites systémiques et à droite dans les sites muqueux intestinaux), d’après Bono et al., 2007 [26] L’expression des intégrines à la surface des lymphocytes dépend des organes et du site inducteur où a lieu la stimulation antigénique. On comprend bien ainsi le tropisme préférentiel des lymphocytes pour tel ou tel site effecteur muqueux. Dans l’intestin, l’interaction entre l’intégrine lymphocytaire αEβ7 et la cadhérine E exprimée par les cellules de l’endothélium intestinal permet la rétention des lymphocytes mémoires et effecteurs dans l’épithélium [106]. 2) Le concept de système immunitaire muqueux commun Cette notion est née à la fin des années 70 quand McDermott et Bienenstock ont montré que des réponses immunitaires induites par un site muqueux peuvent entrainer une réponse immunitaire muqueuse à d’autres localisations de l’organisme [132, 133] 41 L’existence de ce CMIS (Common Mucosal Immunologic System) explique les liens entre les sites inducteurs et effecteurs muqueux et ouvre la voie à la recherche de vaccins muqueux, pour lesquels la réponse immunitaire attendue ne serait pas induite sur le site effecteur mais ailleurs dans l’organisme, pour des facilités d’administration (vaccins oraux ou nasaux ciblant l’appareil génital par exemple, ou plus communément des vaccins nasaux ciblant l’arbre pulmonaire). Ainsi, plusieurs vaccins nasaux contre des maladies touchant préférentiellement les poumons existent ou sont en cours de développement chez le cheval. On trouve ainsi des vaccins contre le virus de l’influenza [129, 208] ou contre la rhodococcose [126]. 42 D. LES PRINCIPALES DIFFÉRENCES D’AVEC LA RÉPONSE IMMUNITAIRE SYSTÉMIQUE Outre quelques différences d’ordres histologique et structurel (les structures lymphoïdes muqueuses ne sont pas capsulées, contrairement aux structures lymphoïdes systémiques), il existe des différences fonctionnelles entre la réponse immunitaire muqueuse et la réponse immunitaire systémique. Ces différences sont liées principalement à des signaux différents envoyés et reçus par les cellules (marqueurs cellulaires et cytokines). Il en résulte une différence dans l’orientation de la réponse immunitaire et dans les effecteurs de celle-ci. Par ailleurs, suivant les espèces et les organes, la présence des structures lymphoïdes muqueuses est inductible par une stimulation antigénique [11] et n’est pas toujours intrinsèque. 1) Des différences de signalisation Les cellules dendritiques muqueuses, nous l’avons vu, sécrètent principalement les interleukines 6 et 10, du TGF-β [97], mais aussi de l’acide rétinoïque [134]. Les cellules dendritiques systémiques, quant à elles, sécrètent plus abondamment de l’IL-12 et du TNF-α, et ne sécrètent pas d’acide rétinoïque. Les lymphocytes muqueux n’expriment pas les mêmes intégrines et les mêmes récepteurs aux cytokines que ceux induits dans le système immunitaire systémique. Les cellules endothéliales du site de diapédèse des lymphocytes n’expriment pas non plus les mêmes molécules. Le tableau 4 ci-dessous regroupe les principales différences. Tableau 4 : Principales différences des cytokines et molécules d'adressage tissulaire entre réponse immunitaire muqueuse et réponse immunitaire systémique, d’après Bono et al., 2007 [26], Brandtzaeg et Johansen, 2005 [28], Iwasaki, 2007 [97] et MacPherson et Uhr, 2004 [134] SYSTEME IMMUNITAIRE MUQUEUX SYSTEME IMMUNITAIRE SYSTEMIQUE Cytokines sécrétées par les cellules dendritiques IL-6, IL-10, TGF-β, acide rétinoïque IL-12, TNF-α Récepteurs cytokiniques des lymphocytes / Cytokines endothéliales reconnues CCR9 / CCL25 CCR4, CCR10 / CCL17, CCL27 Intégrines exprimées par les lymphocytes α4β7, αEβ7 (β7- intégrines) α4β1, LFA-1 Molécules endothéliales dans les HEV PNAd, VCAM-1, ICAM-1 et ICAM-2 MadCAM-1 *, ICAM-1, ICAM-2 E-sélectine et P-sélectine dans les veinules postcapillaires * vrai dans l’intestin seulement. Dans les autres sites muqueux, on trouve VCAM-1. 43 2) La conséquence : une orientation et des effecteurs différents de la réponse immunitaire Dans les conditions physiologiques, les cytokines sécrétées par les cellules dendritiques muqueuses, surtout en ce qui concerne l’intestin et les poumons orientent la réponse immunitaire vers une réponse Th2 [60, 98, 199]. Les cellules dendritiques du système immunitaire systémique ou des structures lymphoïdes secondaires non muqueuses, telle que la rate, sécrètent de l’IL-12 lorsqu’elles sont dans les mêmes conditions que les DC muqueuses [97]. La réponse immunitaire induite est donc préférentiellement de type Th1. Par ailleurs, nous avons vu plus haut que les DC muqueuses induisent un état de tolérance vis-à-vis de la flore commensale et des nutriments dans l’intestin, ou des spermatozoïdes et du fœtus dans l’appareil génital femelle. Au niveau des muqueuses, nous avons vu que la réponse humorale est très majoritairement une réponse IgA. Au niveau systémique, c’est la réponse IgG qui domine. Dans le sérum équin, une étude de 2009 sur la répartition des isotypes d’immunoglobulines montre qu’il y a environ 200 mg/dL d’IgA contre plus de 2700 mg/dL d’IgG [64]. Cependant, nous allons voir plus loin que dans l’appareil génital de la jument, la réponse IgG semble prédominante, avec des évidences d’une production locale. 44 DEUXIÈME PARTIE : LES PARTICULARITÉS DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE MUQUEUSE DANS L’APPAREIL GÉNITAL DE LA JUMENT NON GESTANTE 45 46 A. LE ROLE DE LA CONFORMATION ANATOMIQUE DANS LA PROTECTION DE L’APPAREIL GÉNITAL 1) Conformation anatomique de l’appareil génital de la Jument a) Conformation externe La vulve de la jument est formée de deux lèvres délimitant une fente vulvaire. Ces deux lèvres se réunissent en commissures : une commissure ventrale et une commissure dorsale. La commissure ventrale est située au-dessus de l’arcade ischiatique [16]. La commissure dorsale est à moins de 5 cm au-dessus du plancher du bassin chez les juments normales. En écartant les lèvres de la vulve, on tombe sur la fosse du clitoris, qui loge le clitoris enveloppé par un pli muqueux appelé le prépuce du clitoris [65]. La figure 17 ci-dessous représente la vulve. Figure 17 : Vulve et périnée de la Jument, d'après Barone, 1978 [16] b) Conformation interne Le vagin, long de 20 à 25 cm, est séparé du vestibule du vagin par l’anneau vestibulaire qui forme un pli muqueux transversal. Le vestibule du vagin mesure 10 à 15 cm [65]. Le vagin est intra-pelvien, seule sa partie crâniale est recouverte par le péritoine. Il est dorsal à la vessie et à l’urètre et ventral au rectum. Le vagin est parcouru de plis longitudinaux. Le vagin se termine crânialement par le col du vagin, ou cervix. Celui-ci se trouve dans la cavité pelvienne et repose généralement sur la vessie [37]. Il mesure de 5 à 7,5 cm de long et 4 à 5 cm de diamètre [22]. On le reconnait aisément à la palpation transrectale par sa consistance ferme. Il est fermé durant le diœstrus et la gestation. Ses plis longitudinaux lui permettent de se dilater lors du coït ou lors du passage du fœtus. L’utérus de la jument est formé du corps mesurant une vingtaine de centimètres de long et de deux cornes de 18 cm de long en moyenne [65]. L’utérus est suspendu dans la cavité abdominale par le mésometrium, un méso court s’insérant sur le bord dorsal des cornes. En 47 dehors des périodes de gestation, la lumière de l’utérus est presque virtuelle, oblitérée par les plis endométriaux qui sont longitudinaux. Les oviductes, ou trompes utérines, sont dans la continuité des cornes utérines. Ce sont de longs conduits tortueux d’environ 20 à 30 cm de long. Leur épithélium est recouvert de cils produisant un courant dirigé vers l’utérus. Les oviductes sont composés de trois parties [22] : - l’isthme, portion étroite assurant la connexion avec la corne utérine, - l’ampoule, partie dilatée, - l’infundibulum, en forme d’éventail, relié à la fosse ovulatoire de l’ovaire par la fimbria ovarica. Chez la jument, l’ovaire mesure 7à 8 cm de long et 3 à 4 cm d’épaisseur [22]. Ils comportent une fosse ovulatoire et sont suspendus par le mésovarium, qui forme avec le mésometrium le ligament large. La figure 17 ci-dessous est une vue dorsale de l’appareil génital de la jument. Figure 18 : Vue dorsale de l'appareil génital de la jument, d'après Budras et al., 2003 [37] 2) Les barrières anatomiques La conformation anatomique de l’appareil génital de la jument entraine l’existence de trois barrières anatomiques protégeant l’utérus de l’entrée de micro-organismes. a) La vulve La première barrière est formée par les lèvres de la vulve [22, 94]. Une mauvaise conformation de celle-ci ou du périnée prédispose la jument concernée aux infections de l’utérus [90]. En effet, chez une jument normale, la vulve est bien verticale et ne permet pas l’entrée d’air ou de débris fécaux dans le vestibule du vagin. Cependant, chez les juments en 48 mauvais état corporel, chez les vieilles juments et chez les juments avec une mauvaise conformation, le rectum peut être tiré crânialement et la commissure dorsale des lèvres peut se retrouver à plus de 5 cm au-dessus du plancher du bassin, ce qui horizontalise la vulve et permet l’aspiration d’air, ou la chute de matières fécales dans le vagin [22, 94] (figure 19). Les juments concernées souffrent alors de pneumo-vagin et de vaginite de manière chronique. Par ailleurs, les lèvres de la vulve contiennent des fibres musculaires permettant une fermeture quasi hermétique de la vulve [22]. Figure 19 : Mauvaise conformation vulvaire chez une jument âgée, d'après Blanchard et al., 2003 [22] b) L’anneau vestibulaire La seconde barrière est formée par l’anneau vestibulaire. Celui-ci est situé à la jonction entre le vestibule et le vagin, en arrière de l’abouchement de l’urètre [22]. Cet anneau, formé d’un pli muqueux transversal, en étant relié aux muscles constricteurs de la vulve et du vagin, permet une fermeture de l’entrée du vagin. Il en résulte une moindre pénétration des débris fécaux et de l’air dans le vagin. Cependant, l’efficacité de cette barrière est compromise lorsqu’un pneumo-vagin est présent, car l’anneau se ferme moins bien [22]. c) Le col du vagin La troisième barrière est formé par le cervix [22, 93]. En effet, en dehors de la période d’œstrus pendant laquelle il est moins tonique, le col du vagin est fermé et la lumière du canal cervical est virtuelle. Il est formé de fibres musculaires circulaires assurant la contraction du col et sa fermeture. Cependant, il ne comporte que des plis longitudinaux et pas de plis transversaux, ce qui rend l’utérus plus facile d’accès, tant pour le manipulateur que pour les micro-organismes [22], en comparaison avec l’espèce bovine notamment. Une étude sur l’histo-morphologie du col du vagin amis en évidence dans la lamina propria du col un réseau vasculaire dense surtout composé de veines et veinules [93]. Les auteurs émirent l’hypothèse que ce plexus veineux agirait comme un corps caverneux, renforçant ainsi la capacité du cervix à fermer l’entrée de l’utérus. L’épithélium du col du vagin est formé d’au moins deux types cellulaires : des cellules en gobelets sécrétrices de mucus et des cellules ciliées [93]. Les cils entretiennent un courant 49 dirigé vers l’extérieur, permettant une élimination des déchets cellulaires et des microorganismes. L’épais mucus sécrété agit comme un bouchon pendant le diœstrus et la gestation [22]. 50 B. LES EFFECTEURS DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE INNÉE DANS L’UTÉRUS DE LA JUMENT 1) La clairance utérine La paroi de l’utérus comporte une couche musculeuse appelée myomètre. De ce fait, l’utérus est capable de se contracter. Cette capacité est bien sûr fondamentale lors du part, mais elle permet également au tractus génital d’éliminer les débris cellulaires, les produits de l’inflammation et les bactéries [116, 117, 161, 210, 212]. Les contractions utérines sont stimulées par la prostaglandine F2α (PGF2α) libérée lors d’inflammation utérine [210]. Une étude de 1993 permet d’apporter des précisions sur l’activité électrique et les contractions du myomètre [217]. L’intensité des contractions dépend de la localisation dans l’utérus. Elles sont plus fortes dans le milieu de la corne utérine et plus faible à la base du corps. Cela permet de créer un flux dirigé vers la sortie de l’utérus et le milieu extérieur ; la clairance utérine en est plus efficace. Cependant, il a été montré par Nikolakopoulos et Watson que si les contractions utérines sont essentielles à l’élimination du liquide utérin contenant déchets (cellules mortes, plasma séminal, spermatozoïdes morts) et produits de l’inflammation (molécules pro-inflammatoires et cellules immunitaires mortes), elles le sont moins à l’élimination des bactéries [161]. Leur étude a été réalisée sur un lot de juments saines, considérées comme résistantes aux infections (c’est-à-dire qu’elles ne présentaient pas d’endométrite après une insémination, nous y reviendrons plus loin). Une suspension de Streptococcus zooepidemicus a été instillée dans l’utérus pour mimer une infection bactérienne de l’utérus, d’abord lors d’un cycle sexuel de contrôle, puis lors d’un cycle durant lequel les contractions utérines étaient bloquées par le clenbutérol, un agoniste des récepteurs β2-adrénergiques. Il y avait bien une quantité de liquide utérin plus importante durant le cycle 2 mais pas de différence de turbidité du liquide, du nombre de cellules par millilitre ou de vitesse de croissance bactérienne comparé avec le cycle témoin. Cependant, il a été montré à plusieurs reprises que les juments ayant des contractions utérines retardées ou de faible amplitude sont plus sensibles aux infections utérines [94, 210, 212]. Les contractions utérines sont donc un facteur important de la protection muqueuse de l’utérus mais elles ne suffisent pas. Nous verrons en outre, dans la partie consacrée à l’action des hormones sexuelles, que celles-ci sont impliquées dans la régulation des contractions utérines. 2) L’activité antibactérienne des sécrétions génitales a) Le mucus cervical Le mucus cervical est produit par des cellules glandulaires spécialisées de l’endocervix : les cellules en gobelets [93]. Ce mucus est composé de polymères glucidiques et de glycoprotéines polymérisées. Ce tapis de mucopolysaccharides est retrouvé au niveau de toutes les muqueuses du règne animal. Le mucus cervical de la jument n’a été l’objet que de peu d’études dont celles de Causey en 2007 [41]. La composition de ce mucus est proche de celle rencontrée dans les autres espèces de mammifères, dont l’Homme et la bibliographie concernant le mucus cervical chez la Femme est fournie. 51 La composition du mucus est dépendante du stade du cycle sexuel mais il contient en moyenne 95% d’eau. La matière sèche principale est constituée de mucopolysaccharides et on trouve environ 1,1% de protéines [150] dont des globulines et de l’albumine provenant du plasma sanguin [188]. Les glycoprotéines du mucus sont reliées entre elles par des ponts disulfures et forment un maillage de fibrilles piégeant les débris cellulaires, les complexes immuns et les microorganismes [18]. Les cellules ciliées de la muqueuse entretiennent un flux descendant permettant, en association avec les contractions utérines, d’évacuer ces éléments figurés piégés dans le mucus et participent ainsi à l’aseptisation des voies génitales [41, 93]. L’importance de ce flux muco-ciliaire est bien connu dans le développement de maladies respiratoires comme les broncho-pneumonies et pleuropneumonies dans l’espèce équine [176]. b) Les facteurs humoraux innés Les sécrétions génitales contiennent, outres des immunoglobulines, plusieurs protéines ayant une action délétère sur les bactéries : le Secretory Leucocyte Protease Inhibitor (SLPI), du lysozyme, des défensines et de la lactoferrine [18]. Il a été montré que le liquide utérin de juments saines cyclées inhibent la croissance de colonies bactériennes [198]. Ces molécules, si elles ont fait l’objet de nombreuses recherches en médecine humaine [69, 163], sont toutefois peu connues dans l’espèce équine. Cependant, compte tenu des similitudes entre les appareils génitaux des mammifères, il est tentant de penser que les mécanismes d’actions de ces facteurs humoraux sont proches. i. Le SLPI Le Secretory Leucocyte Protease Inhibitor est une protéine régulatrice de l’activité de l’élastase et de la cathepsine G sécrétées par les granulocytes neutrophiles [206], molécules essentielles à la phagocytose, mais ayant également un effet protéolytique néfaste sur les tissus dans lesquels elles sont présentes. Il est rencontré dans les sécrétions muqueuses salivaires [206] et dans le tractus génital [18, 69, 163]. Il est produit par les cellules épithéliales. Chez l’Homme, le SLPI est connu pour avoir un effet inhibiteur de l’entrée du Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH) dans les lymphocytes et monocytes [163]. L’action antivirale de cette molécule n’a pour l’instant pas été montrée chez le cheval, ni son implication dans la protection immunitaire innée de l’utérus. Toutefois sa présence est bien connue dans le tractus génital d’autres mammifères comme le rat [45]. L’action inhibitrice du SLPI envers l’élastase des neutrophiles est importante dans la protection de l’utérus. En effet, l’élastase libérée par les neutrophiles lors d’inflammation ou d’infection utérine clive l’élastine, dégrade le collagène, la fibronectine et la laminine, quatre molécules structurales essentielles, ainsi que les protéoglycanes, composant du mucus [206, 220]. Cette cascade protéolytique entraîne une perte de l’intégrité et de l’étanchéité de l’épithélium muqueux génital, ainsi qu’une diminution de l’efficacité du mucus, rendant le tractus génital plus sensible aux agents pathogènes. En outre, nous avons vu plus haut que le SLPI est également impliqué dans la tolérance de l’organisme vis-à-vis de la flore commensale [185]. Par son activité régulatrice des effets néfastes de l’inflammation, le SLPI contribue à la protection immunitaire muqueuse. 52 ii. La lactoferrine La lactoferrine est une glycoprotéine de la famille des transferrines dont les activités antibactériennes et immuno-modulatrices sont bien décrites. Elle a été isolée dans l’endomètre de la jument en 2006 [108]. La lactoferrine y est exprimée dans l’épithélium glandulaire, dans l’épithélium luminal (en plus faible quantité) et dans les granules secondaires des neutrophiles (cf infra). La lactoferrine a tout d’abord une activité bactériostatique : elle possède une forte affinité pour le fer libre et chélate celui-ci [17], privant ainsi les bactéries d’une molécule essentielle à leur croissance [12]. Elle possède également une activité bactéricide sur les bactéries Gram négatif et Gram positif, conférée par une région en boucle de 18 acides aminés formée par un pont disulfure entre deux molécules de cystéine [19]. Enfin, la lactoferrine est également impliquée dans la régulation de la réponse immunitaire. Il a été montré qu’elle inhibe la libération des cytokines pro-inflammatoires TNF-α, IL-1β et IL-2 par les cellules mononuclées [59] ainsi que la production d’IL-6 [88] grâce à son affinité pour le LPS des bactéries, qui, une fois lié à la lactoferrine, ne peut plus se lier à son récepteur CD14 à la surface des monocytes et activer la libération d’IL-6 par ces derniers. La lactoferrine exerce ainsi un rétrocontrôle négatif sur l’activité et le recrutement des leucocytes. iii. Les défensines Les défensines sont une famille de petites protéines cationiques de 3,5 à 4,5 kDa [243], composées de trois feuillets β [239] maintenus par des ponts disulfures et participant à la réponse immunitaire innée grâce à leurs propriétés antibactériennes, antifongiques et antivirales [107]. Chez les mammifères, on compte trois sous-familles distinctes : les αdéfensines, les β-défensines et les θ-défensines [35] selon l’organisation des ponts disulfures entre les molécules de cystéines dans le peptide. Le répertoire de ces défensines est bien détaillé chez l’Homme et la souris [141]. Ces « antibiotiques endogènes » présentent des similarités structurales entre les espèces de mammifères avec la conservation de la position de 6 molécules de cystéine dans le peptide [244]. Chez le cheval, le répertoire des défensines dans l’appareil génital est méconnu, mais ces molécules ont été toutefois mises en évidence à plusieurs niveaux dans l’organisme. On trouve notamment dans l’intestin l’expression de pas moins de 38 transcrits d’ARN pour les α-défensines, dont au moins 20 codent pour des peptides fonctionnels [35]. Elles sont produites par les granulocytes neutrophiles et les cellules de Paneth. Les β-défensines sont produites dans les glandes apocrines et sébacées [245, 246] ainsi que dans le foie [61]. Le mode d’action des défensines est varié. Leur libération est stimulée par le LPS bactérien et le TNF-α [243]. Grâce à leur petite taille, leur propriété amphotère et leur charge positive, elles sont capables de s’attacher et de s’insérer dans la bicouche des phospholipides de la membrane plasmique des micro-organismes et d’y former des pores, faisant éclater la cellule ou la particule virale enveloppée visée [32]. Il existe de nombreux autres peptides antimicrobiens, tel que le lysozyme. Si ceux-ci ont fait l’objet de nombreuses études chez l’Homme, leur implication dans la réponse immunitaire innée, notamment dans le tractus génital, est méconnue chez le cheval. iv. Les protéines de surfactant Il existe 4 types de surfactant qui ont d’abord été mis en évidence dans les poumons. Les protéines de surfactant appartiennent à la famille des collectines, une sous-famille de lectines de type C. Les protéines de surfactant A et D (SP-A et SP-D) sont hydrophiles (contrairement 53 aux SP-B et C qui sont lipophiles) et ont un poids moléculaires de respectivement 34 à 36 kDa et 43 kDa. Ces molécules sont présentes à d’autres niveaux dans l’organisme. Ainsi, SP-A et SP-D ont été mises en évidence à tous les niveaux de l’appareil génital de la jument par immuno-histochimie et Western Blot [103]. Les SP-A et D sont ainsi présentes dans les ovaires et à la surface des cellules épithéliales des oviductes. On les trouve aussi dans l’endomètre, sur les cellules épithéliales et dans les glandes tubulaires. Dans le cervix, ou col du vagin, elles sont également mises en évidence sur l’épithélium et dans les cellules des glandes. Elles tapissent de la même façon l’épithélium vaginal et on en rencontre dans le stratum corneum de la vulve ainsi que dans les glandes sébacées entourant cette dernière. [103]. Il est intéressant de noter que ces protéines de surfactant sont plus concentrées au niveau de la vulve et du vagin, porte d’entrée de l’appareil génital, et de moins en moins concentrées lorsqu’on remonte dans les voies génitales. En outre, leur localisation préférentielle sur les surfaces épithéliales confère un avantage stratégique aux défenses immunitaires. En effet, ces protéines SP-A et SP-D font partie des effecteurs de la réponse immunitaire innée. Appartenant à la famille des lectines, elles sont impliquées dans la reconnaissance des pathogènes et dans les interactions cellulaires conduisant à leur neutralisation. Outre une propriété antibactérienne directe par augmentation de la perméabilité membranaire des bactéries [241], elles ont des propriétés opsonisantes, c’est-à-dire qu’elles facilitent la phagocytose des micro-organismes par les cellules immunitaires [186, 241]. Les corps étrangers et les agents pathogènes sont ainsi mieux pris en charge par les défenses de la jument. Par ailleurs, SP-A et SP-D ont une action anti-inflammatoire mise en évidence dans les poumons [58] et bien que cela n’ait pas été démontré à notre connaissance, on pourrait supposer que c’est également le cas dans l’appareil génital. 3) Les cellules immunitaires non spécifiques et leur mode d’action dans l’appareil génital a) Les granulocytes neutrophiles Les granulocytes neutrophiles sont la première ligne de défense cellulaire de l’utérus. C’est également la population cellulaire la plus représentée en cas d’infection de cet organe chez la jument [121, 224, 228]. Ils sont surtout présents dans la région sub-épithéliale du stratum compactum [201]. Lors d’inflammation ou d’infection de l’utérus, les neutrophiles sanguins migrent dans cet organe, attirés par chimiotactisme. Les neutrophiles sont les cellules les plus mobiles du système immunitaire. De nombreuses études ont été menées sur la migration des neutrophiles dans l’utérus après inoculation de Streptococcus zooepidemicus [7, 24, 33, 122]. Le pic d’entrée des neutrophiles dans la lumière utérine se situe 12 heures après l’inoculation [24] et le nombre moyen de neutrophiles retrouve un taux basal environ 72 h après l’inoculation chez une jument saine, résistante aux endométrites chroniques [154]. Chez une jument saine, le nombre de neutrophiles dans le liquide utérin 12 heures après l’inoculation a été mesuré à 12,42.106 cellules/mL par l’équipe de Liu en 1986 [122]. Il a été montré que les propriétés chimio-attractives du liquide utérin sont augmentées en cas d’infection [24]. Une des molécules jouant un rôle clé dans le chimiotactisme est l’IL-8 [78, 148, 249]. L’activation du complément est un autre mécanisme important du chimiotactisme [24]. Les neutrophiles sont recrutés dans l’utérus car le contexte inflammatoire provoque l’augmentation de l’expression de molécules d’adressage et 54 d’adhésion cellulaire ELAM-1 (Endothelial Leukocyte Adhesion Molecule) et ICAM-1 (Intercellular Cell Adhesion Molecule) à la surface des cellules endothéliales des capillaires sanguins. Les neutrophiles sont des cellules capables de phagocyter les agents pathogènes. Cette activité nécessite l’intervention de molécules opsonisantes tel que le facteur C3b du complément (non spécifique) ou des immunoglobulines spécifiques du pathogène considéré [33, 224, 228]. Les neutrophiles possèdent des récepteurs à ces molécules à la surface de la membrane plasmique (récepteur au complément et récepteur au fragment Fc des immunoglobulines) et vont fixer les complexes immuns ou le facteur du complément fixé à la bactérie [75]. L’agent pathogène est ensuite internalisé dans un phagosome qui fusionne avec les granules du neutrophile grâce à l’action du cytosquelette cellulaire sous dépendance du calcium [162] (figure 20). Figure 20 : Phagocytose, formation du phagosome et fusion avec les granules du neutrophile, d’après Nordenfelt et Tapper, 2010 [162] Les granules commencent à fusionner avec le phagosome à peine l’agent pathogène internalisé, sous dépendance calcique. Une fois le phagosome complètement formé, la fusion avec les granules continue mais indépendamment du calcium. Les granulocytes neutrophiles contiennent de nombreuses molécules antimicrobiennes tels que les peptides décrits plus haut, faisant intervenir des mécanismes non oxydatifs (cf figure 21) ainsi que des ions et des radicaux libres, détruisant l’agent pathogène via des mécanismes oxydatifs [40]. On trouve ainsi dans le phagosome l’ion nitrite, la molécule H2O2 et l’anion superoxyde O2- . Il a été montré que l’enzyme NADPH-oxydase 2 (NOX-2) joue un rôle clé dans la formation des molécules bactéricides [40]. 55 Figure 21 : Les molécules antimicrobiennes des granulocytes neutrophiles, d'après King et al., 2003 [107] b) Les macrophages Les macrophages constituent la deuxième population cellulaire de la réponse immunitaire innée dans l’utérus. Ils ont été détecté dans l’endomètre de la Femme [101] et de la vache [51]. Ces cellules jouent un rôle clé dans la réponse immunitaire car elles sont capables de phagocyter les agents pathogènes et de présenter par la suite les antigènes (figure 22). Cela, ajouté à leur capacité à sécréter des cytokines, en font un lien entre réponse immunitaire inné et acquise. Figure 22 : Phagocytose et présentation d'antigènes par les macrophages, d’après Freyburger et QuintinColonna (polycopié) [75] Les macrophages possèdent plusieurs récepteurs membranaires dont les récepteurs au facteur C3b du complément et le récepteur RFcγ aux IgG, contribuant à la phagocytose des bactéries opsonisées [75]. Les macrophages sont capables de sécréter les cytokines IL-1, IL-6 et TNF-α pro-inflammatoires et les cytokines IL-8 et IL-12 immuno-modulatrices, ainsi que des facteurs de régulation du complément. L’IL-6 a également un rôle régulateur intervenant à la fn du processus inflammatoire. Elle stimule notamment la phagocytose des neutrophiles par les monocytes. Chez le cheval, il a été montré que les macrophages peuvent également exprimer les marqueurs CD4 et CD8 normalement exprimés par les lymphocytes T [86]. 56 Leur présence a été mise en évidence dans l’utérus de la jument (dans l’endomètre et dans les agrégats lymphoïdes) en 1993 par Watson et Dixon [225]. Leur répartition précise dans l’endomètre a été établie en 1998 par Summerfield et Watson [201], grâce à une technique de détection par des anticorps monoclonaux WS 33 et WS 36 reconnaissant les monocytes et les macrophages. Les macrophages sont répartis essentiellement dans le stratum spongiosum mais ils sont absents dans l’épithélium glandulaire et dans l’épithélium luminal. Toutefois, on peut observer une accumulation péri-glandulaire de ces cellules dans le stratum spongiosum. Des macrophages seraient aussi présents dans l’oviducte de la jument, comme l’ont suggéré Brinsko et Ball [31], dans une étude visant à caractériser la répartition des lymphocytes dans l’oviducte. A l’état basal, les macrophages sont de mauvaises cellules présentatrices d’antigènes et n’expriment qu’à bas niveau les molécules du CMH II [96]. Dans un contexte inflammatoire, les macrophages stimulés, par l’interféron γ principalement (dans une orientation Th1 de la réponse immunitaire), expriment à plus haut niveau les molécules du CMH II, deviennent plus efficaces dans la présentation d’antigènes et voient leurs capacités de phagocytose et de destruction des agents pathogènes au sein des phagolysosomes améliorées. c) Les granulocytes éosinophiles Les granulocytes éosinophiles sont des cellules impliquées dans la lutte antiparasitaire mais également antibactérienne. Ils jouent de plus un rôle clé dans la pathophysiologie de l’inflammation et de certains phénomènes allergiques comme l’hypersensibilité aux piqûres d’insectes observée dans la dermite estivale récidivante équine [74]. Les éosinophiles possèdent des granules contenant de l’histamine et plusieurs anions super-oxydes qu’ils peuvent déverser à la surface des agents pathogènes. Cette lignée cellulaire, bien que relativement secondaire dans la réponse immunitaire muqueuse a été mise en évidence dans le cervix de la jument en 2005 [232]. C’est dans la lamina propria que ces cellules sont les plus nombreuses, avec une densité cellulaire moyenne de 1,9 cellule par mm². On les observe aussi dans la tunique musculeuse épaisse du cervix mais à des densités cellulaires plus faibles de l’ordre de 0,1 cellule par mm². En revanche, aucun éosinophile n’est observé dans l’épithélium muqueux du cervix. Par ailleurs, les auteurs rapportent que la densité des éosinophiles est décroissante du vagin vers l’utérus, ce qui rejoint les observations faites plus haut pour les facteurs humoraux innés, plus concentrés dans le vagin, porte d’entrée de l’appareil génital pour les micro-organismes. Auparavant, les éosinophiles n’avaient pas pu être mis en évidence dans le cervix de femelles mammifères non gestantes, comme la rate par exemple [130]. Cette découverte chez la jument amène les auteurs à conclure que les éosinophiles font partie du système immunitaire cellulaire local dans le col du vagin dans l’espèce équine, ce qui constitue une différence d’avec les autres espèces étudiées jusqu’à présent [232]. 57 C. LES EFFECTEURS DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE SPÉCIFIQUE DANS L’UTÉRUS DE LA JUMENT 1) Les populations cellulaires spécifiques dans l’appareil génital de la jument a) Les cellules présentatrices d’antigènes i. Les cellules dendritiques Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, les cellules dendritiques sont des pivots dans l’organisation de la réponse immunitaire spécifique. Ce sont des cellules présentatrices d’antigènes qui orientent la réponse immunitaire dans une voie ou dans une autre, en fonction de l’environnement cytokinique qu’elles sécrètent. Dans l’appareil génital de la jument, ces cellules ont été peu étudiées. Elles ont été mises en évidence dans l’endomètre en 1993 par Watson et Dixon [225] dans une étude visant à caractériser l’expression des molécules du CMH de classe II dans l’endomètre. Le complexe majeur d’histocompatibilité de classe II est exprimé à la surface des cellules capables de présenter des antigènes aux lymphocytes [204]. Les cellules dendritiques ont été observées au sein d’agrégats lymphoïdes dans l’endomètre, mais en quantité très faible. Le fait qu’il n’y ait pas de follicules lymphoïdes organisés dans l’appareil génital de la jument [225] peut expliquer ce faible nombre de cellules dendritiques, car comme nous l’avons vu plus haut, au niveau des surfaces muqueuses, ces cellules sont surtout présentes dans les follicules lymphoïdes. ii. Les cellules épithéliales Les cellules de l’épithélium luminal de l’endomètre de la jument expriment les molécules du CMH II [225]. Chez les juments saines, les molécules du CMH II ne sont en revanche pas retrouvées dans l’épithélium glandulaire. Il a été montré chez le rat que les cellules épithéliales exprimant les molécules du CMH II peuvent présenter les antigènes aux lymphocytes T [23]. Chez la jument, cela n’a pas été montré directement, mais l’expression épithéliale du CMH II dans l’endomètre est fréquemment associée à la présence sousépithéliale d’agrégats lymphoïdes [225]. Compte tenu des similitudes de fonctionnement entre les systèmes muqueux des différentes espèces de mammifères, il est tentant de penser que les cellules épithéliales de l’endomètre, exprimant les marqueurs du CMH II, sont capables de présenter des antigènes aux lymphocytes sous-jacents. Par ailleurs, l’expression du CMH de classe II par les cellules épithéliales est dépendante du statut sanitaire de la jument. En effet, chez les juments présentant une infection bactérienne de l’utérus, les cellules épithéliales expriment à plus forte concentration les molécules du CMH II et celles-ci sont retrouvées dans l’épithélium glandulaire, d’où elles sont normalement absentes chez les juments saines [225]. L’expression accrue du CMH II par les cellules épithéliales de l’endomètre en cas d’infection avait déjà été prouvée chez la Femme en 1986 [203]. L’interféron γ, une des cytokines exprimée par les lymphocytes Th1 activés, est capable d’induire l’expression de CMH II par les cellules endométriales chez la Femme [204]. Les mécanismes précis ne sont toutefois pas connus à ce jour chez la jument. 58 b) Les lymphocytes i. Les lymphocytes B Chez la jument saine, peu de lymphocytes B sont observés dans l’endomètre, et ils sont absents de l’épithélium, que ce soit luminal ou glandulaire [230]. De même, peu de cellules CD79a+ (marqueur des lymphocytes B) ont été retrouvées dans l’oviducte dans une étude de 2006 [31]. Cependant, il a été montré chez l’Homme que certains plasmocytes n’expriment pas le marqueur CD79a [139] et des plasmocytes sécréteurs d’IgG et d’IgA avaient déjà été mis en évidence en 1985 par Widders et al. dans l’endomètre et l’oviducte [236]. Une étude de 1996 portant sur les densités des familles de lymphocytes dans l’endomètre a montré que la densité de LB était plus grande dans le stratum compactum que dans le stratum spongiosum mais cette différence n’était pas significative chez les juments saines [230]. En revanche, en cas d’infection bactérienne chronique de l’utérus, il y avait significativement plus de LB dans le stratum compactum que dans le stratum spongiosum. En outre, la densité totale de cellule B augmentait significativement en cas d’infection de l’utérus. Les résultats sont exprimés en densité de cellules, graduée sur une échelle allant de 0 à 5. Chez les juments saines, la densité de lymphocytes B dans l’endomètre était d’environ 1, alors que chez les juments avec une endométrite (inflammation de l’endomètre le plus souvent liée à une infection bactérienne), la densité était de 2,8 dans le stratum compactum et 2 dans le stratum spongiosum [230]. Les LB n’ont pas été identifiés dans les agrégats lymphoïdes de l’endomètre chez les juments saines. Rappelons que dans les autres sites muqueux, les centres germinatifs des follicules lymphoïdes sont principalement constitués de LB. Cependant, les LB étaient présents dans les agrégats lymphoïdes, ainsi que dans l’épithélium, chez les juments présentant une endométrite [230]. Une étude similaire, publiée en 2006, a été menée par Brinsko et Ball et porte sur les densités des différentes population lymphocytaire dans l’oviducte chez des juments saines, inséminées d’une part et non inséminées d’autre part [31]. La médiane des densités de LB par mm² de tissu oviductal va de 0,00 à 0,03 chez les sujets non inséminés et de 0,01 à 0,49 chez les sujets inséminés. Nous verrons plus loin que ces résultats, regroupés dans le tableau 5, sont faibles par rapport à ceux des lymphocytes T. ii. Les lymphocytes T La répartition des LT est différente en fonction des couches histologiques de l’endomètre. Il y a significativement plus de LT CD4+ et CD8+ dans le stratum compactum que dans le stratum spongiosum [230]. Cela rejoint les observations faites pour les LB, même si la différence n’est alors pas significative dans l’étude de Watson et Thomson [230]. Toujours dans l’étude de Watson et Thomson de 1996, chez les juments normales, les LT CD4+ sont plus nombreux que les LT CD8+, mais cette différence n’est significative que dans le stratum compactum [230]. Dans les agrégats lymphoïdes présents dans l’endomètre, les CD4+ et les CD8+ sont en quantité égale. Ces agrégats sont généralement plus grands dans le stratum spongiosum et sont à proximité des glandes utérines, ainsi que des vaisseaux sanguins et lymphatiques. Cette disposition est stratégique pour la réponse immunitaire et est à mettre en relation avec l’organisation cytologique des follicules lymphoïdes décrite dans la première partie. La proximité avec les systèmes de communication que sont les vaisseaux sanguins et lymphatiques fait que la circulation des lymphocytes est facilitée. Dans l’oviducte, ce sont les LT CD8+ qui sont plus nombreux que les LT CD4+ [31]. Les auteurs ont également observé des lymphocytes intra-épithéliaux, de phénotype CD4+ et CD8+, mais en faible quantité. 59 Les LT ont été mis en évidence dans l’oviducte par Brinsko et Ball [31] où ils sont très supérieurs en nombre aux LB. Les LT CD8+ sont significativement plus nombreux que les LT CD4+. La médiane des densités de LT CD4+ va de 3,08 à 7,00 cellules par mm² de tissu chez les sujets inséminés et de 0,78 à 3,78 chez les juments non inséminées. Quant aux LT CD8 +, ces valeurs vont de 3,57 à 12,85 chez les sujets inséminés et de 2,44 à 5,66 chez les sujets non inséminés. L’insémination entraîne une inflammation de l’appareil génital, comme nous le développerons dans la troisième partie. De cette étude, il ressort que la somme des cellules CD8+ et CD4+ est supérieure au nombre de cellules CD3+ (marqueur général des lymphocytes T). Les auteurs suggèrent que certaines des cellules CD4+ ou CD8+ seraient des macrophages, car ceux-ci peuvent exprimer ces deux molécules, comme nous l’avons vu plus haut. Par ailleurs, les auteurs ont identifiés une population cellulaire CD8+/CD3-, suggérant l’existence de cellules NK (Natural Killer) dans l’oviducte. Chez les juments présentant une endométrite, il y a significativement plus de LT dans l’endomètre que chez les juments saines. De plus, les agrégats lymphoïdes observés sont de taille augmentés, et contiennent deux fois plus de LT CD4+ que de LT CD8+ [230] (ces observations ont été faites lors d’infection par des bactéries extracellulaires et les auteurs ne s’avancent pas sur les résultats attendus en cas d’infection virale ou par des bactéries intracellulaires). Par ailleurs, le nombre de LT CD8+ intra-épithéliaux augmentent en cas d’endométrite. Ce dernier résultat concorde avec les observations faites chez la vache [51] et la Femme [152], où la plupart des lymphocytes intra-épithéliaux de l’utérus sont de phénotype CD8+. Le rôle précis dans la physiologie de la réponse immunitaire muqueuse de ces lymphocytes intra-épithéliaux est à ce jour inconnu, mais Morris et al.. ont suggéré en 1985 [152] que ceux-ci seraient capables de migrer dans les agrégats lymphoïdes et les nœuds lymphatiques drainant l’appareil génital après une stimulation antigénique pour y amplifier la réponse immunitaire. Le tableau 5 ci-dessous regroupe les résultats des études portant sur les populations lymphocytaires dans l’endomètre et l’oviducte citées plus haut. Tableau 5 : Densités cellulaires des différentes familles de lymphocytes dans l'endomètre et l'oviducte de la jument, d’après Watson et Thomson, 1996 [230] et Brinsko et Ball, 2006 [31] Endomètre (densités cellulaires sur une échelle de 0 à 5) [230] Populations lymphocytaires Oviducte (médiane des densités cellulaires par mm² de tissu) [31] Juments normales Juments en endométrite Juments inséminées Juments non inséminées Lymphocytes B De 0,9 à 1,1 De 2,0 à 2,8 De 0,01 à 0,49 De 0,00 à 0,01 Lymphocytes T CD4+ De 1,8 à 3,0 De 3,3 à 3,8 De 3,08 à 7,00 0,78 à 3,78 Lymphocytes T CD8+ De 1,4 à 2,4 De 2,7 à 3,2 De 3,5 à 12,85 De 2,44 à 5,66 L’épreuve statistique réalisée par les auteurs sur les résultats dans l’oviducte montre que les différences observées dans le nombre de cellules ne sont pas significatives. Cependant, les auteurs rappellent que le statut d’activation de ces lymphocytes peut être différent. Cela nécessite des recherches complémentaires. 60 2) Les immunoglobulines dans l’appareil génital de la jument Les 3 classes principales d’immunoglobulines (IgG, IgA et IgM) ont été mises en évidence dans les sécrétions génitales de la jument [6, 149]. Des plasmocytes producteurs d’IgA, d’IgG et d’IgM ont été identifiés dans le cervix, le vagin, l’utérus et l’oviducte de la jument grâce à des techniques immunocytochimiques [121]. a) Dans les conditions physiologiques Mitchell et al. ont comparé en 1982 les concentrations des différentes classes d’Ig dans l’utérus et le sérum [149]. Dans cette étude, les IgA sont les plus représentées. Les résultats, exprimés en pourcentage d’immunoglobulines totales, sont condensés dans le tableau 6. Tableau 6 : Comparaison de la composition en immunoglobulines du sérum et des sécrétions utérines, d'après les résultats de Mitchell et al., 1982 [149] Utérus Sérum IgA 49,0% 5,0% IgG 31,2% 66,2% 14,0% 24,4% 5,7% 4,4% IgG(T) IgM Le pourcentage d’IgA dans les sécrétions utérines, bien supérieur à celui du sérum, amène les auteurs à penser qu’il y a une sécrétion active d’IgA par l’endomètre [121]. Cela sera démontré plus tard, en 1985 par Widders et al. [237]. Les travaux de Widders et al. en 1984 [234] quantifient de façon plus précise les immunoglobulines et l’albumine dans les sécrétions de l’oviducte et de l’utérus de la jument. Les résultats seront toutefois non comparables avec ceux de Mitchell, car les IgG(T) ne sont pas comptabilisées à part. Les résultats sont exprimés en mg d’Ig par mg de protéines totales (PT), pour s’affranchir des facteurs de dilution. En effet, la technique de prélèvement dans le tractus génital nécessite d’injecter du liquide puis de le récupérer, introduisant inévitablement une dilution de l’échantillon. Dans l’oviducte, seules les IgG et l’albumine ont pu être mesurées. Les auteurs obtiennent une concentration relative en IgG de 0,06 mg/mg de PT [234]. Le rapport IgG/albumine étant très proche de celui obtenu dans le sérum, les auteurs en concluent que c’est le sérum qui est la source principale d’Ig locales dans l’oviducte. Ces conclusions sont similaires à celles tirées chez l’Homme [119] et chez la truie [95]. Dans l’utérus, les IgG sont la classe la plus représentée dans cette étude, avec une concentration relative de 0,13 mg/mg de PT. La concentration en IgA est de 0,10 et celle en IgM est de 0,06. Les résultats sont regroupés dans le tableau 7, exprimés en mg d’Ig par mg de PT. 61 Tableau 7 : Moyennes des concentrations relatives en IgG, IgA et IgM dans l'oviducte et l'utérus en mg d’Ig par mg de protéines totales, d'après Widders et al., 1984 [234] Type d’Ig (mg d’Ig/mg de PT) IgG IgA IgM Oviducte 0,06 (SD=0,025 ; n=16) Non mesurable Non mesurable Utérus 0,13 (SD=0,082 ; n=77) 0,10 (SD=0,060 ; n=52) 0,06 (SD=0,046 ; n=49) *La variabilité entre les résultats est exprimée par la déviation standard (SD), la taille de l’effectif est noté « n ». Cette étude a également permis de mettre en évidence les IgA sous leur forme sécrétoire S-IgA. En moyenne 60% des IgA sont liées à la pièce sécrétoire dans l’utérus [234]. Les études antérieures à celle présentée, et notamment celle de Mitchell et al. citée plus haut [149] pourraient donc avoir sous-estimé la quantité totale d’IgA locales dans l’utérus. Cette mise en évidence de S-IgA dans les sécrétions utérines montre l’existence d’un système immunitaire sécrétoire muqueux génital chez la jument [234]. Dans les sécrétions utérines, le rapport Ig/albumine des 3 classes d’Ig mesurées est significativement supérieur à celui mesuré dans le sérum. Ceci, ajouté à la présence de S-IgA, indique qu’une transsudation passive à partir du sang ne représente qu’une faible part de l’apport en Ig dans les sécrétions utérines. Cependant les résultats de cette étude ne permettent pas de faire la différence entre un transport actif à partir du sang et une production locale d’Ig. Les résultats des deux études ci-dessus révèlent une différence entre le système immunitaire génital de la jument et celui de l’Homme et de la vache. Dans ces deux dernières espèces, les rapports IgG/albumine dans les sécrétions cervico-vaginales sont très proches de ceux dans le sérum, indiquant que celui-ci est la source principale d’IgG dans les sécrétions génitales [54, 207]. b) Dans des conditions non physiologiques Toujours dans l’étude de Widders et al. [234], les concentrations relatives en IgG et IgA chez les deux juments présentant un pyomètre étaient proches des conditions physiologiques (respectivement 0,16 et 0,07 mg/mg de PT), mais la concentration relative en albumine était très faible, suggérant une réponse de l’utérus majoritairement locale. Dans cette étude, cinq juments présentaient une endométrite. Chez ces juments, la concentration en IgG et IgA est augmentée de façon significative par rapport aux juments saines. On a 0,29 mg d’IgG / mg de PT et 0,22 mg d’IgA / mg de PT. Ces résultats rejoignent ceux d’Asbury et al. en 1980 [6] et Mitchell et al. en 1982 [149] qui avaient également obtenu des taux absolus en IgG et IgA plus élevés chez les juments présentant une endométrite. C’est en 1985 que l’on a obtenu la preuve d’une production locale d’anticorps dans l’appareil génital de la jument. Widders et al. ont conduit une série de tests ELISA pour étudier la production d’anticorps après immunisation sous-cutanée, intra-utérine et intravaginale de juments contre de l’albumine sérique humaine dinitrophénylée (DNP-HSA) [237]. Les résultats sont exprimés en titre par mg d’IgG pour chaque istotype d’immunoglobulines, pour s’affranchir du facteur de dilution du à la technique de prélèvement. Grâce à la mise en place d’un protocole d’hyper-immunisation chez l’une des juments, les auteurs ont estimé que seuls 5 à 10 % des IgG utérines et vaginales ont une origine sérique [237]. La production locale d’IgG dans le tractus génital de la jument est donc avérée. 62 Quelle que soit la voie d’immunisation (sous-cutanée, intra-vaginale ou intra-utérine), aucune réponse humorale n’est détectée dans les sécrétions gastro-intestinales. Chez la jument, les sites muqueux vaginaux et utérins ne semblent donc pas inducteurs pour les sites muqueux gastro-intestinaux [237]. De même, une vaccination par voie systémique, classiquement effectuée en routine, ne semblerait donc pas adaptée si l’on recherche une protection intestinale. Cela est vrai en tout cas pour cet antigène DNP-HSA. De plus, la vaccination contre le DNP-HSA ne provoque pas de réponse IgM ni systémique, ni locale. Les résultats des titres obtenus sont arrondis dans le tableau 8 ci-dessous. Tableau 8 : Moyennes des titres arrondis en Ac par mg d'IgG dans l'utérus et le vagin (la moyenne est faite pour un effectif de 4 juments), d'après Widders et al., 1985 [237] Voie d’immunisation Titres en Ac dans l’utérus Titres en Ac dans le vagin IgG IgA IgG IgA Intra-utérine 0,2 12 0,5 6 Intra-vaginale 0,0 0,0 0,1 0,0 La voie vaginale ne provoque pas de réponse IgG ou IgA intra-utérine avec cet antigène. De plus, la voie intra-utérine est plus efficace que la voie intra-vaginale pour induire une réponse intra-vaginale ou intra-utérine, pour les IgG et les IgA. En ce qui concerne la réponse IgA, elle est plus importante dans l’utérus que dans le vagin après vaccination intra-utérine. En revanche, la réponse IgG est plus importante dans le vagin que dans l’utérus, quelle que soit la voie de vaccination. Cependant, compte-tenu du flux des sécrétions génitales de l’utérus vers le vagin, il faut rester prudent dans l’interprétation de ces résultats, car les sécrétions utérines diluent les sécrétions vaginales s’il y a peu d’Ac utérins, mais font monter le titre vaginal s’il y a une production d’Ac importante dans l’utérus. La réponse IgG n’est pas identique pour chaque sous-classe. Les auteurs ont montré qu’après vaccination intra-utérine, bien que le titre en IgG total et en IgGa et b soient plus élevés dans le vagin, le titre en IgGc est plus élevé dans l’utérus. Enfin, l’élévation des titres locaux pour toutes les sous-classes d’IgG et les IgA par rapport au sérum constitue l’évidence d’une production locale d’Ig dans le tractus génital de la jument. Seuls les titres en IgG(T) sont plus hauts dans le sérum que dans les sécrétions locales, indiquant un faible rôle local pour cette sous-classe pourtant importante au niveau systémique [237]. Cette étude a permis d’accentuer la particularité du système immunitaire muqueux de l’appareil génital chez la jument par rapport à la Femme [207], la vache [53], la truie [95] et la lapine [131]. En effet, pour ces espèces, bien qu’il y ait une production locale d’immunoglobulines, c’est le système immunitaire systémique qui est la source principale des Ac dans les sécrétions génitales. 63 D. LE ROLE ET L’ACTION DES HORMONES SEXUELLES 1) Rappel sur la physiologie du cycle sexuel de la jument La jument est un animal à polyœstrus saisonnier [22], c’est-à-dire qu’elle présente plusieurs cycles œstraux au cours d’une saison de reproduction, s’étalant généralement de la fin de l’hiver à la fin de l’été. Chez la jument, la durée moyenne du cycle œstral est de 21 jours, avec néanmoins une grande variabilité [68]. Il est divisé en deux phases : une phase folliculaire (qui correspond plus ou moins à l’oestrus et une phase lutéale (ou diœstrus) [22]. La première phase a une durée variable de 4 à 7 jours chez la jument. Durant cette phase, des follicules vont croître dans l’ovaire de la Jument, sous l’influence de la FSH (FollicleStimulating Hormone) et de la LH (Luteinizing Hormone), deux hormones sécrétées par l’hypophyse. La production de ces deux hormones est sous dépendance de la sécrétion pulsatile de GnRH (Gonadotrophin Releasing Hormone) par l’hypothalamus [22]. La FSH intervient plutôt dans le recrutement des follicules tandis que la LH stimule la maturation folliculaire et la sécrétion d’œstrogènes, l’ovulation et la lutéinisation du corps jaune. Le follicule en croissance produit des œstrogènes, responsable du comportement d’œstrus au sens strict (acceptation du mâle). Les œstrogènes exercent un rétrocontrôle positif sur la sécrétion de LH, mais un rétrocontrôle négatif sur la sécrétion de FSH, de même que l’inhibine, autre hormone produite par le follicule en croissance. Le follicule contient deux types de cellules principales : les cellules thécales et les cellules de la granulosa. Les premières produisent des androgènes grâce à l’action de la LH et les secondes transforment ces hormones androgènes en œstradiol-17β grâce à l’action de la FSH [68]. Chez la jument, on parle de vague folliculaire pour faire référence au fait que plusieurs follicules croissent en même temps, mais seulement un seul (voire deux) continue sa croissance jusqu’à l’ovulation, alors que les autres régressent et s’atrésient. La jument présente généralement une seule vague folliculaire par cycle et parfois deux, la seconde se développant pendant le diœstrus. L’ovulation marque la fin de la phase folliculaire et le début de la phase lutéale. La seconde phase du cycle a une durée quasi constante de 14 jours chez la jument. Le follicule dominant a ovulé et se transforme en corps jaune sécréteur de progestérone sous l’action de la LH [22]. La progestérone exerce un rétrocontrôle négatif sur la sécrétion de LH par l’hypophyse. L’endomètre de la jument sécrète une prostaglandine PGF2α en grande quantité entre J13 et J16 après l’ovulation (= J0), ce qui provoque la lyse du corps jaune, entrainant une chute rapide du taux de progestérone dans le sang. Le rétrocontrôle négatif sur la LH est alors levé et une nouvelle vague folliculaire croît. Les deux figures 23 et 24 ci-dessous extraites du Manual of Equine Reproduction par Blanchard et al., 2003 [22] schématisent le cycle œstral et les interactions hormonales entre l’hypothalamus, l’hypophyse et l’appareil génital. 64 Figure 23 : Concentration plasmatiques des hormones intervenant dans le cycle sexuel de la jument au cours des différentes phases de ce cycle, d’après Blanchard et al., 2003 [22] Figure 24 : Schématisation du contrôle de l'activité ovarienne de la jument pendant l'œstrus et le diœstrus, d'après Blanchard et al., 2003 [22] 65 Suivant le stade du cycle ovarien de la jument, la concentration des hormones stéroïdes dans le plasma sanguin change, et nous allons voir maintenant que cela a une influence sur les défenses immunitaires de l’appareil génital. 2) L’action sur les effecteurs de la réponse immunitaire innée a) Les contractions utérines La fréquence des pics d’activité électrique ne varie pas suivant le stade du cycle [213] mais la durée moyenne des pics électriques est plus élevée pendant le diœstrus que pendant l’œstrus. De même, la durée totale d’activité électrique est plus élevée pendant le diœstrus. Cependant, l’intensité des pics électriques plus importante pendant l’œstrus et les contractions utérines sont plus synchronisées [213]. Globalement, l’activité électrique et donc contractile de l’utérus est plus importante pendant l’œstrus que pendant le diœstrus. On peut relier ces données à la fonction de reproduction. En effet, l’œstrus correspond à la phase du cycle pendant laquelle la jument est saillie ou inséminée. Les contractions utérines synchronisées permettraient une ascension plus facile du tractus génital pour les spermatozoïdes et une meilleure élimination des fluides inflammatoires, agents pathogènes et matériel étranger qui auraient pu entrer dans l’utérus par le cervix alors ouvert. b) Les facteurs humoraux innés Il a été montré par Kolm et al. en 2006 que la synthèse de lactoferrine augmente de façon importante pendant l’œstrus [108]. En effet, la transcription d’ARNm codant pour la lactoferrine dans l’endomètre est 5500 fois plus importante que pendant le diœstrus. En recoupant ces informations avec des études plus anciennes [3, 9] portant sur l’expression des récepteurs hormonaux à l’œstradiol et à la progestérone, ainsi que grâce à des études similaires chez la souris [36, 114], Kolm et al. ont montré que la période où l’expression de lactoferrine dans l’utérus est minimale correspond à la période d’expression maximale des récepteurs à la progestérone sur les cellules endométriales, laissant supposer une régulation de la sécrétion de lactoferrine sous l’influence des hormones ovariennes. c) Les granulocytes neutrophiles Cette population cellulaire étant la première ligne de défense de l’appareil génital, leur activité et leur nombre suivant le stade du cycle sexuel ont fait l’objet de plusieurs études. En 1982, Blue et al. ont montré que la phagocytose de Streptococcus zooepidemicus par les neutrophiles préalablement incubés avec du fluide utérin est significativement plus importante pendant l’œstrus que pendant le diœstrus [25]. Ce résultat est retrouvé par Watson et al. en 1987 lors d’une étude portant sur des juments ovariectomisées et soumises à différents traitements hormonaux [229]. La capacité des neutrophiles à tuer les bactéries était significativement plus faible si ceux-ci avaient été incubés avec du liquide utérin provenant des juments traitées à la progestérone par rapport aux juments traitées à l’œstradiol et aux juments du groupe témoin (traitement placebo). Dans cette étude, cela est vrai avant l’inoculation bactérienne, 24 heures après et jusqu’à 144 heures après l’inoculation, où les mesures ont été arrêtées. Chez les juments traitées à la progestérone, environ 50% des bactéries étaient tuées à 0 heure après inoculation contre près de 70 % chez les juments traitées à l’œstradiol. A 144 heures après inoculation, on a 10% de bactéries mortes après 66 incubation avec du liquide utérin provenant des juments traitées à la progestérone et environ 75% après incubation avec du liquide utérin provenant des juments traitées à l’œstradiol. Ces pourcentages sont un rapport entre le nombre de CFU obtenues dans le fluide utérin et le nombre de CFU dans des tubes témoins. En ce qui concerne le chimiotactisme et la vitesse de migration des neutrophiles dans l’utérus après inoculation, il n’y a pas de différence significative en fonction du stade du cycle. Blue et al. ont montré en 1984 que la distance parcourue par les neutrophiles dans le liquide utérin ne varie pas de façon significative entre l’œstrus et le diœstrus [24]. Il n’y a pas non plus de différence significative dans la vitesse de mobilisation des neutrophiles dans l’utérus les 6 premières heures après inoculation dans l’étude de Watson et al. [231]. Cela constitue une différence avec d’autres espèces dont le mouton, où il a été montré que des concentrations plasmatiques élevées en progestérone retardent la mobilisation des neutrophiles [89]. Cependant, dès 24 heures après l’inoculation, les juments traitées à la progestérone ont significativement plus de neutrophiles dans l’utérus que les juments traitées à l’œstradiol et les juments du groupe témoin [229]. Ce nombre important de neutrophiles dans les prélèvements chez les juments traitées à la progestérone est corrélé à une activité bactéricide diminuée des neutrophiles. Dans cette étude, 2 des 4 juments du groupe « progestérone » ont succombé à l’infection utérine. Globalement, bien qu’il n’y ait pas de différence de vitesse migratoire des neutrophiles, leur capacité à phagocyter et à tuer les bactéries est meilleure quand la concentration plasmatique en progestérone est faible, c’est-à-dire pendant l’œstrus, dans les conditions physiologiques. 3) L’action sur les effecteurs de la réponse immunitaire spécifique L’étude de Watson et Dixon de 1993 a permis de montrer que, pendant l’œstrus, il y avait une augmentation significative de l’expression du CMH II par l’épithélium luminal et une tendance à l’augmentation dans les couches sous-épithéliales de l’endomètre [225]. Cependant, le nombre de lymphocytes T ne varie pas de façon significative au cours du cycle œstral. D’après les auteurs, l’augmentation de l’expression du CMH II pendant l’œstrus aurait été due à une augmentation du nombre de macrophages et de lymphocytes B ainsi que des cellules épithéliales [225]. En ce qui concerne les immunoglobulines, Asbury et al. ont montré en 1980 que les IgA étaient plus concentrées dans les sécrétions génitales pendant l’œstrus [6], et Mitchell et al. ont rapporté en 1982 une augmentation de la concentration en IgG pendant le diœstrus [149]. L’étude de Widders et al. de 1985 a donné des résultats quelque peu différents. Les quantités d’IgA et d’IgG étaient plus élevées pendant le diœstrus que pendant l’œstrus (bien que cette différence ne soit pas statistiquement significative pour les IgG) [235]. Le tableau 9 cidessous regroupe les concentrations relatives arrondies, exprimées en mg/mg de PT. Tableau 9 : Moyennes arithmétiques des titres relatifs en immunoglobulines dans l'utérus et le vagin pendant l'œstrus et le diœstrus, en mg/mg de PT, d'après Widders et al., 1985 [235] Utérus Vagin IgG IgA IgG IgA Œstrus (n = 19) 0,17 0,10 0,21 0,10 Diœstrus (n = 28) 0,18 0,20 0,18 0,11 67 Cependant, une modification de la concentration en protéines totales dans les sécrétions génitales peut masquer une modification dans les concentrations absolues des immunoglobulines. L’augmentation significative des protéines totales pendant le diœstrus a conduit les auteurs à exprimer les résultats en concentrations absolues, regroupés dans le tableau 10 ci-dessous. Tableau 10: Concentrations absolues en immunoglobulines dans l'utérus et le vagin pendant l'œstrus et le diœstrus, en mg/mL, d'après Widders et al., 1985 [235] Utérus Vagin IgG IgA IgG IgA Œstrus (n=14) 0,2 0,2 0,4 0,3 Diœstrus (n=21) 0,3 0,3 0,5 0,4 La tendance pour les valeurs absolues était la même que pour les concentrations relatives, à savoir une augmentation du taux d’anticorps pendant le diœstrus par rapport à l’œstrus. Les résultats des différentes études portant sur l’influence du stade du cycle œstral sur la concentration en immunoglobulines dans l’appareil génital trouvés dans la littérature ne sont pas tous en accord. Cela est du à des techniques de prélèvement et de mesures différentes, ainsi qu’à la difficulté de s’affranchir des facteurs de dilution inhérents aux prélèvements de sécrétions génitales. La conformation anatomique et l’organisation histologique de l’appareil génital sont les premières lignes de défense et ne sont pas à négliger en cas de troubles de la reproduction. La réponse immunitaire à médiation cellulaire est présente de même qu’une réponse humorale. On retrouve dans l’appareil génital de la jument l’organisation commune au système immunitaire muqueux. Bien que dépourvu de MALT au sens propre, le tractus génital contient tous les éléments nécessaires à l’induction et la production d’une réponse immunitaire muqueuse locale. Cependant, nous avons soulevé dans cette partie plusieurs particularités du système immunitaire muqueux génital de la jument par rapport aux autres espèces,notamment la forte production locale d’IgA et d’IgG. L’importance de l’élevage dans la filière économique équine fait que les troubles de la reproduction ont un impact grave. C’est pourquoi nous allons aborder maintenant les applications cliniques de l’étude du système immunitaire muqueux génital de la jument. Pour cela, nous nous focaliserons sur l’endométrite chronique, qui est l’affection la plus souvent rencontrée et dont les conséquences économiques sont importantes [224]. 68 TROISIÈME PARTIE : APPLICATIONS CLINIQUES - LA COMPRÉHENSION ET LA GESTION DE L’ENDOMÉTRITE CHRONIQUE CHEZ LA JUMENT 69 70 Dans cette partie, nous nous intéresserons aux mécanismes immuno-pathologiques permettant de comprendre comment une endométrite chronique peut s’installer après une saillie ou une insémination et pourquoi certaines juments sont plus sensibles que d’autres pour cette affection. Nous tenterons également, au vu des données de la littérature, d’expliquer pourquoi les traitements actuels ont été mis en place et quelles peuvent être les pistes de recherche dans ce domaine. A. DÉFINITIONS L’endométrite chez la jument est l’une des causes majeures de baisse de la fertilité. Un sondage de 1991 aux Etats-Unis place cette affection au troisième rang des maladies les plus fréquentes chez le cheval adulte [209]. L’endométrite se caractérise par un état inflammatoire de l’utérus, limité à l’endomètre, avec accumulation de liquide en quantité plus ou moins importante selon la cause ou l’animal [224]. Pendant longtemps, les juments ont été classées comme résistantes ou sensibles au développement d’une endométrite selon la durée nécessaire à l’élimination d’une infection utérine ou le résultat de biopsie utérine [224]. Désormais, les endométrites ont été subdivisées en plusieurs catégories, suivant la physiopathologie et l’étiologie. On distingue l’endométrite chronique dégénérative, les maladies transmises sexuellement, l’endométrite post-saillie ou post-insémination et l’endométrite chronique infectieuse [123, 215, 224]. C’est l’endométrite post-saillie qui nous intéressera plus particulièrement dans cette partie. En effet, nous verrons qu’il s’agit avant tout d’un processus physiologique, qui touche donc toutes les juments destinées à la reproduction. De plus, c’est la cause la plus fréquente de troubles de la fertilité chez la jument et celle qui offre le plus de possibilités de recherche en ce qui concerne les vaccins muqueux et l’identification des mécanismes physio-pathologiques incriminés. L’endométrite dégénérative est un processus dégénératif considéré irréversible, lié à l’âge et à des inflammations répétées de l’utérus [224]. Elle fait suite à une endométrite chronique et se caractérise par une fibrose péri-glandulaire et une infiltration monocytaire et plasmocytaire de l’endomètre [221]. Les endométrites sexuellement transmissibles sont des infections aiguës, transmises au cours d’une saille avec un étalon porteur de Taylorella equigenitalis (agent de la métrite contagieuse équine, maladie à déclaration obligatoire), Pseudomonas aeruginosa ou Klebsiella pneumoniae [173]. L’endométrite post-saillie est une inflammation liée à la présence de sperme et de spermatozoïdes dans l’utérus, mais aussi de bactéries introduites par la même occasion, malgré toutes les précautions d’hygiène [22]. Un état inflammatoire transitoire est considéré comme physiologique. On parle d’endométrite post-saillie récidivante lorsque la jument est incapable d’éliminer l’inflammation en 24 à 72 heures suivant les auteurs [22, 215, 224]. Ces juments sont considérées comme sensibles à l’endométrite post-saillie. Une endométrite chronique peut être l’évolution d’une endométrite post-saillie ou résulter d’une contamination de l’appareil génital chez les juments ayant une mauvaise conformation vulvaire ou vaginale [22]. 71 B. LA PHYSIO-PATHOLOGIE DE L’ENDOMÉTRITE POST-SAILLIE 1) La réponse inflammatoire à l’insémination : une endométrite post-saillie physiologique a) Le chimiotactisme des spermatozoïdes Que ce soit lors de monte naturelle ou d’insémination artificielle, chez la jument, le sperme est déposé directement dans l’utérus. La présence des spermatozoïdes, souvent accompagnés de bactéries malgré toutes les précautions hygiéniques prises, conduit à une inflammation de l’utérus. Comme nous l’avons vu, cette inflammation est d’abord caractérisée par un afflux de neutrophiles dans l’utérus. Ceux-ci ont été détectés dès 30 minutes après l’insémination [215]. Il a été montré qu’une insémination parfaitement aseptique de spermatozoïdes dans l’utérus entraîne une réaction inflammatoire similaire à une inoculation bactérienne [109]. Troedsson et al. ont montré en 1995 que les spermatozoïdes n’ont pas un effet chimio-attractif direct sur les neutrophiles, mais déclenchent l’activation du complément, dont plusieurs facteurs, notamment C3a et C5a, sont chimiotactiques pour les neutrophiles [218]. Le chimiotactisme des spermatozoïdes envers les neutrophiles via l’activation du complément suggère que l’inflammation post-insémination est physiologique, voire nécessaire à l’élimination des spermatozoïdes non fécondants et du plasma séminal [215]. b) Le rôle du plasma séminal Le plasma séminal module la réponse immunitaire dirigée contre les gamètes mâles dans l’utérus. Troedsson et al. ont montré en 2000 que le plasma séminal inhibe le chimiotactisme envers les neutrophiles, l’opsonisation des spermatozoïdes et leur phagocytose par les neutrophiles, et l’activité hémolytique du complément in vitro [211]. Il a ainsi été observé cliniquement que les juments inséminées en sperme congelé (faible volume de sperme et donc moins de plasma séminal) développent plus facilement une endométrite post-insémination récidivante [215] par rapport aux juments inséminées avec du sperme frais. Le plasma séminal réduirait donc les conséquences inflammatoires de l’insémination et limiterait les risques de développement d’une endométrite. Cependant, dans l’hypothèse où une contamination bactérienne aurait eu lieu lors de l’insémination, la phagocytose de Streptococcus zooepidemicus, germe ubiquitaire le plus fréquemment rencontré dans ce cas de figure [224], est également inhibée par le plasma séminal, rendant les juments plus sensibles à une infection utérine persistante [210]. Il a été montré chez l’Homme que le plasma séminal contient de l’IL-8 (facteur de chimiotactisme pour les neutrophiles) et de l’IL-10 (anti-inflammatoire) [66] et stimulent la sécrétion de ces deux cytokines par l’utérus. Le plasma séminal a donc une action mixte sur la réponse immunitaire de l’utérus contre les gamètes. L’action conjuguée de ces deux cytokines permettrait d’abord aux spermatozoïdes de survivre des les voies génitales, puis faciliterait leur élimination et la clairance utérine [78]. 72 2) La persistance de l’inflammation : installation d’une endométrite chronique Pourquoi certaines juments sont-elles plus susceptibles que d’autres de développer une endométrite chronique après la saillie ou l’insémination ? C’est la question que se sont posé plusieurs auteurs depuis le début des années 1980. De nombreuses études comparent le système immunitaire des juments résistantes et sensibles à l’endométrite post-saillie récidivante. a) Une clairance utérine inefficace Nous l’avons vu plus haut, la capacité de l’utérus à se contracter est l’une des défenses innées de l’appareil génital. Les juments susceptibles de développer une endométrite ont des contractions myométriales diminuées et retardées en réponse à l’inflammation par rapport aux juments normales [210]. Elles sont donc moins aptes à éliminer les produits de l’inflammation causée par la présence des spermatozoïdes ou une infection bactérienne de l’utérus. Une étude de 1991 de Troedsson et Liu utilisant un marqueur non-antigénique sur des micro-sphères montre que tandis que les juments résistantes éliminent les micro-sphères en moins de 24 heures, les juments sensibles mettent jusqu’à 96 heures à les éliminer [212]. La PGF2α joue un rôle majeur dans le déclenchement des contractions myométriales. L’injection d’antiinflammatoire non stéroïdiens pour prévenir la production de PGF2α résulte en une clairance utérine retardée chez des juments normales [224]. De plus, l’injection d’ocytocine, hormone hypophysaire déclenchant, entre autres, les contractions utérines, n’entraîne qu’une faible production de PGF2α chez les juments sensibles par rapport aux juments résistantes à l’endométrite [160]. Ces données amènent les différents auteurs à conclure que la différence de sensibilité entre les deux groupes de juments peut s’expliquer par un défaut en récepteurs à l’ocytocine dans le myomètre (il n’y a pas de différence de concentrations des récepteurs à l’ocytocine dans l’endomètre des deux groupes de juments [39]) ou un dysfonctionnement dans la chaîne de mécanismes post-récepteur. Des études complémentaires sont ici nécessaires. Une étude de 2005 [2] suggère un rôle du monoxyde d’azote (NO) dans cette clairance utérine déficiente. Cette molécule, produite lors d’inflammation, provoque un relâchement des muscles lisses d’où des contractions inefficaces. b) L’activité des neutrophiles et l’opsonisation Comme nous l’avons vu, les neutrophiles sont la population cellulaire la plus impliquée dans la défense de l’utérus contre les infections. C’est pourquoi les auteurs se sont d’abord intéressés à ces cellules. Il a été montré en 1986 que les neutrophiles collectés dans l’utérus des juments sensibles à l’endométrite chronique ont des capacités migratoires moins bonnes que ceux des juments résistantes [122]. Cependant, il a ensuite été montré en 1993 que ces neutrophiles seuls (donc retirés des sécrétions utérines) sont identiques chez les juments sensibles et résistantes [214]. Par ailleurs, il n’y a pas de défaut de migration des neutrophiles sanguins vers l’utérus chez les juments sensibles [214, 223]. Les neutrophiles utérins des juments sensibles ont des capacités de phagocytose moindres que ceux des juments résistantes [46, 214, 228] mais ils sont parfaitement fonctionnels s’ils sont placés dans un environnement idéal, contenant tous les facteurs nécessaires [214]. 73 Ces résultats ont conduit les différents auteurs à penser que la différence de sensibilité à l’endométrite chronique proviendrait d’une différence d’opsonisation de certains facteurs dans les sécrétions utérines. C’est pourquoi les études comparatives entre juments sensibles et résistantes se sont portées sur l’activité du complément dans les sécrétions utérines et le titre et l’efficacité des immunoglobulines. Chez les juments sensibles à l’endométrite, l’activité du complément est plus importante, probablement à cause de la présence d’une inflammation chronique [228]. En outre, bien que leur capacité d’opsonisation soit moindre, les titres en anticorps dans les sécrétions utérines sont identiques chez les deux catégories de juments [227]. Les raisons de l’efficacité moindre des neutrophiles utérins dans leur environnement et des Ig ne sont pas connues avec précision. Cependant, l’environnement inflammatoire contient de nombreux facteurs protéolytiques et délétères pour l’endomètre, produits notamment par les neutrophiles (voir plus haut) et au cours de leur apoptose, qui pourraient être responsables de la dégradation des immunoglobulines, qui perdent alors leurs capacités opsonisantes, et du maintien d’un environnement inflammatoire [210]. c) Les autres populations cellulaires Les travaux de Watson et Thomson en 1996 ont montré que les densités de LT CD4+, CD8+ et des LB sont augmentées de façon significative chez les juments sensibles à l’endométrite chronique par rapport aux juments normales [230]. Fumuso et al. ont aussi montré que les juments sensibles à l’endométrite ont de plus fortes densités de LT dans l’endomètre que les jument résistantes [78]. En ce qui concerne les macrophages, bien que leur activité soit normale chez les juments sensibles [226], l’augmentation de leur nombre est faible en cas d’endométrite [201]. Summerfield et Watson suggèrent alors que la non-augmentation du nombre de macrophages en parallèle avec l’augmentation du nombre de lymphocytes CD4+ provoquerait un déficit dans la phagocytose et la présentation d’antigènes [201], expliquant ainsi la sensibilité de certaines juments. d) Le rôle des cytokines Ce sont les cytokines et chimiokines qui sont responsables de la communication entre les différents effecteurs de la réponse immunitaire ainsi que de la différenciation et de la multiplication des cellules immunitaires. Fumuso et al. se sont intéressé à ces molécules dans l’endomètre des juments résistantes et sensibles au développement d’une endométrite, afin d’essayer de déterminer l’origine de cette sensibilité. Dans une première étude, trois expériences ont été réalisées : au cours d’un cycle sans insémination, après insémination artificielle et après administration d’un immunomodulateur à l’insémination [76]. L’expression, dans l’endomètre, des ARNm codant pour l’IL-1β, l’IL-6 et le TNF-α (3 chimiokines pro-inflammatoires, produites à la fois par les leucocytes et les cellules endométriales) a été quantifiée par PCR en temps-réel. Au cours du cycle sans insémination, les juments sensibles expriment plus d’ARNm pour les trois molécules pendant l’œstrus. Pendant le diœstrus, les quantités d’ARNm codant pour l’IL-1β et le TNF-α sont significativement plus élevées chez les juments sensibles que chez les juments résistantes (la différence n’est pas significative pour l’IL-6). Aucune variation significative n’est observée entre l’œstrus et le diœstrus chez les juments réistantes. Après insémination, il n’y a pas de différence entre les deux catégories de juments à l’œstrus : on observe l'augmentation de l'expression des ARNm codant pour les 3 molécules étudiées. En effet, l’insémination 74 entraîne une inflammation physiologique de l’utérus, y compris chez les juments résistantes. Cependant au diœstrus, les quantités d’IL-1β et de TNF-α sont plus élevées chez les juments sensibles, indiquant que l’inflammation ne régresse pas. Après administration d’extrait de paroi bactérienne de Mycobacterium phlei, aucune différence d’induction des cytokines n’est observée entre les deux groupes. Fumuso et al. ont montré en 2000 que lorsque les juments sensibles reçoivent cet immunomodulateur lors de l’insémination, le nombre de neutrophiles décroît significativement jusqu’à atteindre des valeurs similaires à celles observées chez les juments résistantes [77]. Cependant, les mécanismes impliqués dans cette réduction de l’infiltration de l’endomètre par les neutrophiles n’ont pas été étudiés. L’IL-6 a une action pro-inflammatoire au début de la phase inflammatoire et est impliquée dans le recrutement des neutrophiles. Cependant, elle est également responsable de l’apoptose des neutrophiles et de leur phagocytose par les monocytes [104], entrainant la clôture du processus inflammatoire. Chez les juments sensibles à l’endométrite, bien que les ARNm de l’IL-1 et du TNF-α soient produits en plus grande quantité au diœstrus après une insémination, ce n’est pas le cas de l’ARNm de l’IL-6. Cela pourrait être un des facteurs expliquant une mauvaise régulation de l’inflammation chez ces juments [76]. Ces résultats doivent être compris comme une réponse endométriale globale à l’insémination, car l’étude ne permet pas de faire la différence entre un plus grand nombre de cellules sécrétrices de ces cytokines ou une activité sécrétrice par cellule plus importante. De même, on ne peut ici pas savoir quel type cellulaire est responsable de cette plus grande quantité de cytokines produites. Dans une seconde étude, Fumuso et al. se sont intéressés notamment à l’IL-8 et à l’IL-10 [78]. L’IL-8 est une chimiokine produite par les macrophages, les LT activés, les cellules épithéliales et endothéliales et les neutrophiles et joue un rôle clé dans le chimiotactisme et l’activation des neutrophiles (et d’autres populations cellulaires comme les monocytes et les lymphocytes). L’IL-10 est une cytokine anti-inflammatoire. Les juments sensibles à l’endométrite produisent significativement plus d’ARNm codant pour l’IL-8, que ce soit dans les conditions physiologiques ou après une insémination, par rapport aux juments résistantes. En revanche, les taux d’ARNm codant pour l’IL-10 sont plus bas chez les juments sensibles, avant et après insémination. Les taux élevés d’IL-8 permettent d’expliquer un afflux de neutrophiles plus importants chez les juments sensibles et les taux plus faibles d’IL-10 permettent de comprendre pourquoi l’inflammation persiste, à cause d’un manque de stimulus anti-inflammatoire [78]. De plus, l’IL-10 est un puissant inhibiteur du NO [72]. Les taux faibles d’IL-10 pourrait aboutir à une sécrétion plus importante de NO et donc des contractions utérines retardées et déficientes. La grande quantité d’IL-8 associée à la faible concentration en IL-10 chez les juments sensibles permettent d’expliquer pourquoi ces animaux développent plus facilement une endométrite persistante après l’insémination. Cependant, les raisons de cette variation de concentration des cytokines entre les deux catégories de juments sont, à ce jour, inconnues. e) Une réponse humorale spécifique Il existe une réponse humorale adaptative dirigée contre les antigènes des spermatozoïdes et du plasma séminal. On parle d’anticorps EASA pour anticorps anti-sperme équins. Une étude portant sur des lots de juments préalablement sensibilisées avec des antigènes de spermatozoïdes (n=2) ou de plasma séminal (n=2) par voie sous-cutanée a montré une réponse IgG sérique dirigée contre les antigènes des spermatozoïdes plus importante que celle dirigée contre les antigènes du plasma séminal [157]. Cette étude a permis également de mettre également en évidence dans l’utérus la présence d’IgA et d’IgG dirigés contre les 75 antigènes des spermatozoïdes et du plasma séminal, mains néanmoins en faible quantité et sans différence significative selon l’origine des antigènes. Une jument a toutefois montré un taux élevé d’IgA anti-spermatozoïdes durant 5 cycles sexuels. Bien que cela n’est pas été étudié ni démontré, il pourrait s’agir là d’une piste permettant d’expliquer une différence de facilité à éliminer une inflammation et de sensibilité à l’endométrite, et en tout cas une différence de fertilité. f) L’effet de l’âge et de la parité Des changements dégénératifs de l’endomètre se produisent chez la jument âgée, à cause des gestations répétées, des manipulations obstétricales et des involutions utérines successives [210]. On observe alors l'apparition de diverses lésions histologiques, telles que la formation de kystes endométriaux, une dilatation des glandes endométriales, une infiltration monocytaire, ainsi qu’une fibrose périglandulaire [182]. Ces lésions ont pour conséquence une sensibilité plus grande à l’installation d’une endométrite chronique car elles facilitent l’accumulation de liquide (dilatation des glandes) et réduisent la clairance utérine [210]. 76 C. LES TRAITEMENTS ACTUELS ET LES PISTES DE RECHERCHE 1) La prévention des contaminations ascendantes Une mauvaise conformation du bas appareil génital est responsable de la contamination de l’utérus par des matières fécales qui tombent dans le vagin. Outre d’évidentes mesures hygiéniques lors de l’insémination artificielle, la solution consiste en une vulvoplastie, pour limiter l’entrée de matière fécale [94]. Cette technique est connue sous le nom de procédure de Caslick. 2) Le rétablissement d’une clairance utérine efficace a) Le lavage utérin L’incapacité à éliminer efficacement les sécrétions utérines contenant les produits de l’inflammation et les résidus de l’insémination est un facteur de sensibilité à l’endométrite. C’est pourquoi l’un des traitements de choix de l’endométrite chronique consiste à effectuer des lavages de l’utérus [224]. Ceux-ci peuvent être réalisés à l’aide de chlorure de sodium isotonique ou de Ringer lactate [94]. Le liquide est ensuite récupéré par gravité. Ces lavages sont effectués à titre curatif ou bien préventif, chez les juments connues comme sensibles et donc susceptibles de développer une endométrite. Dans ce cas, ils sont réalisés 6 à 12 heures après la saillie ou l’insémination : les spermatozoïdes ont déjà gagné l’oviducte et cela permet d’assurer que le milieu utérin soit prêt à recevoir le conceptus, une fois les produits de l’inflammation éliminés [216]. Comme les juments concernées ont également des difficultés à éliminer une potentielle infection bactérienne (que ce soit au cours de l’insémination ou à cause d’une mauvaise conformation vulvaire et vaginale), les praticiens ajoutent fréquemment des antibiotiques dans la solution de lavage. Cependant, Troedsson et al. ont montré en 1995 qu’un lavage seul, sans antibiotique est aussi efficace pour réduire l’inflammation [216]. b) L’administration d’ecboliques Les ecboliques sont des médicaments servant à déclencher les contractions utérines. L’administration intraveineuse d’ocytocine à la dose de 2,5 à 10 UI de 4 heures à 24 heures après l’insémination [94] augmente l’activité myométriale de l’utérus dès la première minute, avec un pic de pression intra-utérine obtenu dans les premières 5 à 10 minutes [38]. L’utilisation de PGF2α pour stimuler la clairance utérine a également été étudiée. L’administration de PGF2α entraîne jusqu’à 5 heures d’augmentation de l’activité myométriale [224], contre une heure pour l’ocytocine. Cependant, l’administration d’ocytocine est plus efficace pour éliminer les sécrétions utérines, comme cela a été montré grâce à l’utilisation de radio-colloïdes [52]. Actuellement, le traitement de choix de l’endométrite post-saillie et de l’endométrite chronique consiste en un lavage de l’utérus avec de grandes quantités de liquide (1 à 2 litres, répétés jusqu'à l'obtention d'un liquide de retour clair) associé à l’injection intra-veineuse de 2,5 à 10 UI d’ocytocine [94]. 77 3) Les pistes de recherche a) Utilisation de différents diluants du sperme pour les inséminations Nous l’avons vu, le plasma séminal joue un rôle plutôt régulateur dans la réponse inflammatoire provoquée par les spermatozoïdes. Cependant, il n’est pas possible de garder le plasma séminal lors de la confection des paillettes. Une étude de 2008 compare la réponse inflammatoire dans l’utérus (nombre de neutrophiles et expression des cytokines IL-1β, IL-6 et TNF-α) après inoculation lors de l’œstrus, de différents produits pouvant être utilisés comme milieu de conservation pour les spermatozoïdes [171] : PBS (pour phosphate buffered saline, utilisé comme témoin), plasma séminal, diluant à base de lait écrémé et de jaune d’œuf. Les 4 produits entraînent une réaction inflammatoire dans l’utérus, y compris le PBS, qui ne peut donc pas être considéré comme un témoin non-irritant. Le jaune d’œuf produit la réaction inflammatoire la plus modérée d’entre les 4 produits, mais le nombre de neutrophiles est toutefois significativement plus important que ce qui était obtenu avant inoculation. On obtient environ 1000 leucocytes par µL après inoculation de jaune d’œuf contre des valeurs approximativement 4 fois plus élevées pour les 3 autres produits. Le plasma séminal est connu pour inhiber le chimiotactisme des neutrophiles et la phagocytose des spermatozoïdes par ces cellules, mais il n’est pas exclu qu’il provoque une réponse inflammatoire de la part de l’endomètre, c’est d’ailleurs le cas dans cette étude. L’expression des cytokines pro-inflammatoires après inoculation des 4 produits est plus importante qu’avant le début de l’expérience. Il n’y a cependant pas de différence significative d’expression de ces cytokines entre les 4 produits utilisés. Le jaune d’œuf contient notamment des androgènes, de la progestérone et des corticostéroïdes qui ont une action anti-inflammatoire et pourraient expliquer cette réponse plus faible [171]. L’identification des molécules contenues dans les diluants de semence modulant la réponse inflammatoire demande des travaux complémentaires, mais ces résultats offrent déjà la preuve que l’utilisation de différents diluants permettrait de réduire l’inflammation postinsémination et donc l’incidence de l’endométrite chronique. b) L’utilisation d’immunomodulateurs Fumuso et al. ont montré que l’ajout d’extrait de paroi cellulaire de Mycobacterium phlei au moment de l’insémination réduit l’expression d’IL-8 et stimule la sécrétion d’IL-10 chez les juments sensibles à l’endométrite [78]. Cet antigène, en se fixant sur les récepteurs des cellules immunitaires, déclenche la production de plusieurs cytokines dont l’IL-10. Dans une autre étude, Fumuso et al. ont montré que ce même immunomodulateur provoque une baisse de sécrétion d’IL-1β et d’IL-6 chez les juments sensibles à l’endométrite [76]. Il semble que l’ajout de cet immunomodulateur déclenche une réponse immunitaire qui modifie l’environnement endométrial de ces juments. Le traitement avec cet immunomodulateur aide à restaurer l’homéostasie dans la régulation des mécanismes immunitaires, à travers une forte stimulation de la production d’IL-10 [78]. Une autre étude, parue en 2010 et concernant des juments sensibles à l’endométrite [189], montre qu’un traitement combiné à l’aide d’ocytocine et de LPS d’Escherichia coli (aux propriétés immunomodulatrices) après l’insémination permet de réduire significativement le degré d’inflammation dans l’utérus et d’augmenter le taux de gestation à 21 jours, en comparaison avec les juments qui ne reçoivent aucun traitement ou seulement de l’ocytocine. 78 Des travaux complémentaires sont nécessaires pour comprendre avec précision les mécanismes impliqués, mais cela donne déjà des pistes de traitements préventifs de l’endométrite post-saillie. c) Le développement de vaccins ? Dans la plupart des cas, la persistance de l’inflammation dans l’utérus n’est pas due à une infection bactérienne. Cependant, une contamination de l’utérus au cours de l’insémination ou lors de la saillie n’est pas impossible. Le germe le plus souvent incriminé dans ce cas est S. zooepidemicus [238]. Widders et al. ont étudié, en 1995, la réponse immunitaire de juments saines préalablement vaccinées par voie intramusculaire et intra-utérine contre S. zooepidemicus inactivé. Les juments ont ensuite été soumises à une contamination par ce germe. Significativement moins de S. zooepidemicus sont retrouvés sur les écouvillons cervicaux chez les juments vaccinées et le degré d’inflammation du tractus génital est également réduit de façon significative [238]. Cette réponse immunitaire protectrice contre l’infection est associée à une réponse IgG spécifique dans le sérum et une réponse IgA et IgG dans les sécrétions utérines. De faibles titres en IgG spécifiques sont retrouvés dans les sécrétions utérines des juments non vaccinées, mais il n’y a pas de réponse IgA chez aucune de ces juments. Cette étude montre qu’une vaccination avec un antigène adapté peut permettre de contrôler une infection utérine. Cependant, les juments utilisées ici sont des juments saines, non sensibles à l’endométrite chronique. Comme la réponse immunitaire muqueuse de l’utérus n’est pas la même entre ces deux catégories d’animaux, on peut supposer que la réponse à la vaccination serait différente. De plus, il semble qu’une vaccination systémique seule ne soit pas suffisante pour induire une protection satisfaisante dans l’utérus [237]. Des études supplémentaires sont donc nécessaires pour permettre le développement de vaccins muqueux utérins pour lutter contre les endométrites infectieuses. On se souvient que chez l’Homme, des LB induits dans le GALT ou le NALT peuvent migrer ensuite dans l’utérus et le cervix (cf. figure 11 dans la première partie) [28] grâce à l’existence d’un CMIS. De plus l’immunisation intra-nasale dans le but d’obtenir une réponse génitale semble très prometteuse chez l’Homme [143]. Ces données ont été exploitées chez la jument dans la recherche de vaccins intra-nasaux engendrant une réponse génitale contre l’antigène SpZ de Streptococcus zooepidemicus [42]. Le vaccin a été administré par voie intra-nasale en utilisant une souche atténuée de Salmonella Typhimurium comme vecteur. Cette bactérie est un bon adjuvant des vaccins muqueux car elle est endocytée par les cellules M de l’épithélium recouvrant les follicules lymphoïdes [111, 192]. Les auteurs ont pu mettre en évidence une réponse utérine IgA contre le LPS de Salmonella Typhimurium et contre l’antigène SpZ. Une forte réponse IgG sérique est également observée, de même qu’une réponse IgA intra-nasale. Cette réponse semble a priori protectrice, mais des travaux complémentaires sont nécessaires : il y avait 1000 fois moins de S. zooepidemicus dans l’utérus des juments vaccinées que dans l’utérus des juments du groupe témoin. Cette étude apporte la preuve qu’une vaccination intra-nasale peut stimuler une réponse immunitaire muqueuse dans le tractus génital dans l’espèce équine. Le développement de vaccins intra-nasaux pour induire une réponse génitale permettrait une vaccination pendant la gestation. De plus, il y a une grande facilité d’administration par rapport à des vaccins intra-utérins, et l’on ne court pas le risque d’introduire des contaminants dans l’utérus, d’autant plus que la manipulation seule de l’appareil génital y provoque une inflammation [240]. 79 80 CONCLUSION Dans ce travail, nous avons voulu faire un état des lieux des connaissances sur la réponse immunitaire muqueuse génitale de la jument et nous avons tenté d’en dégager les particularités. En effet, il était intéressant de comparer l’avancée des recherches en matière de physiologie de la réponse immunitaire muqueuse dans l’espèce équine avec les données acquises chez l’Homme et la souris : si certains principes et mécanismes peuvent être extrapolés de la médecine humaine à la médecine vétérinaire, il existe de nombreuses spécificités d’espèces qui nécessitent des connaissances précises. Dans la première partie, nous avons vu que l’organisation cytologique du système immunitaire muqueux est similaire entre les espèces, malgré quelques particularités. Cette structure histologique dépend du type de muqueuse (type1, avec un épithélium simple ou type 2 avec un épithélium pluristratifié). Les MALT sensu stricto ne sont présents que dans les muqueuses de type 1 et sont organisés en follicules lymphoïdes contenant des centres germinatifs (majoritairement composés de lymphocytes B), avec des aires interfolliculaires Tdépendantes. Dans les muqueuses de type 2, comme le sont les muqueuses de l’appareil génital, l’organisation du système immunitaire est moins systématisée. On retrouve cependant les mêmes types cellulaires, mises à part les cellules M. Ces cellules M du FAE jouent un rôle clé dans l’induction de la réponse immunitaire, de même que les cellules dendritiques, en stimulant les lymphocytes et en orientant la réponse immunitaire vers une réponse Th1, Th2 voire Th17. L’existence d’un système immunitaire muqueux commun permet la communication entre les sites muqueux, sous contrôle de molécules d’adressage spécifiques. La réponse immunitaire muqueuse comporte des différences notables d’avec la réponse systémique, comme le souligne le rôle prépondérant des IgA dans la protection des muqueuses. Dans la deuxième partie, nous avons dégagé les particularités de la réponse immunitaire muqueuse dans l’appareil génital de la jument. Celle-ci fait d’abord intervenir la conformation anatomique, avec notamment l’existence des trois barrières que sont la vulve, l’anneau vestibulaire et le cervix. La réponse immunitaire innée est dominée par une réponse neutrophilique importante chez la jument (plus que d’autres espèces telles que les bovins) et fait intervenir de nombreux facteurs humoraux innés, comme le complément mais aussi la lactoferrine et les défensines. L’existence de ces facteurs innés est également avérée chez l’Homme et d’autres mammifères. La réponse adaptative cellulaire est assez méconnue chez la jument, mais des lymphocytes T CD4+, CD8+ ainsi que des lymphocytes B ayant été identifiés dans le tractus génital, les mécanismes sont probablement proches de ceux d’autres espèces. La principale particularité de la jument réside dans la forte production locale d’immunoglobulines A et G. En effet, chez d’autres animaux comme la vache, la truie ou même chez l’Homme, la principale source d’immunoglobulines dans le tractus génital est le système immunitaire systémique. L’appareil génital étant sous le contrôle des hormones sexuelles, il apparait normal que la réponse immunitaire dans cet organe varie avec le cycle œstral. Globalement, la réponse innée est plus forte en période de dominance œstrogénique. On peut mettre cela en relation avec une plus forte probabilité de contamination par la saillie durant l’œstrus. Une forte concentration plasmatique en progestérone entraîne une baisse de la réponse immunitaire innée dans l’utérus. Ceci serait à mettre en relation avec la gestation, bien que notre travail ne porte pas sur cette condition physiologique tout à fait particulière. L’influence du cycle œstral sur la réponse immunitaire spécifique chez la jument est moins précise et nécessiterait sans doute des travaux complémentaires. 81 Dans la troisième et dernière partie, nous nous sommes intéressés à une entité pathologique d’importance majeure en reproduction des équidés : l’endométrite. Une endométrite post-saillie est physiologique chez la jument, car une réponse immunitaire, modulée dans une certaine mesure par le plasma séminal, est dirigée contre les spermatozoïdes. L’inflammation créée permet ensuite une élimination des déchets de l’insémination. Cependant, certaines juments dites sensibles, sont susceptibles de développer une endométrite chronique par la suite, étant incapables d’éliminer cette inflammation. Grâce à l’éclairage fourni par l’étude des mécanismes immuno-pathologiques, nous avons tenté d’expliquer pourquoi. Cette sensibilité semble due à des contractions utérines inefficaces et à un profil cytokinique déséquilibré, ayant pour conséquence un afflux trop important de neutrophiles et une non-résolution de l’inflammation. Le rôle des immunoglobulines dans l’endométrite est peu clair. On sait que les juments sensibles à cette pathologie produisent plus d’IgG et d’IgA localement, mais celles-ci semblent moins aptes à opsoniser les bactéries. D’autres facteurs dans les sécrétions utérines pourraient expliquer cette sensibilité. En conclusion, bien qu’ayant beaucoup progressé ces trois dernières décennies, les connaissances en ce qui concerne des mécanismes de la réponse immunitaire muqueuse chez la jument sont loin d’être exhaustives. Elles permettent toutefois de dégager certaines particularités de cette espèce et de mieux appréhender la physio-pathologie de ce frein majeur à la reproduction que sont les endométrites chroniques. Il est ainsi possible de développer des vaccins muqueux visant à produire une réponse immunitaire dans l’appareil génital via une stimulation intra-nasale, comme c’est le cas chez l’Homme. La modulation de la réponse immunitaire grâce aux cellules dendritiques serait un but intéressant à atteindre en médecine vétérinaire mais des recherches complémentaires sont évidemment nécessaires à ce sujet. Cela permettrait d’avancer dans le développement de vaccins efficaces contre les agents pathogènes les plus courants ou virulents mais également, comme chez l’Homme, de faire progresser la thérapie anticancéreuse. 82 BIBLIOGRAPHIE 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. ACHESON D. W., LUCCIOLI, S., Microbial-gut interactions in health and disease. Mucosal immune responses. Best Pract Res Clin Gastroenterol, 2004, 18(2): 387-404. ALGHAMDI A. S., FOSTER D. N., CARLSON C. S., TROEDSSON M. H., Nitric oxide levels and nitric oxide synthase expression in uterine samples from mares susceptible and resistant to persistent breeding-induced endometritis. Am J Reprod Immunol, 2005, 53(5): 230-7. AMRI H., SILBERZAHN P., AL-TIMIMI I., GAILLARD J. L., Aromatase activity in the mare ovary during estrous cycle. Measurement of endogenous steroids and of their in vitro inhibitory effect. Acta Endocrinol (Copenh), 1993, 129(6): 536-42. ANDERSON M. L., MOORE P. F., HYDE D. 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La principale différence d’avec la réponse immunitaire systémique est le rôle prépondérant des IgA au niveau des muqueuses. L’appareil génital de la jument est recouvert par des muqueuses de type 2 et contient tous les effecteurs de la réponse immunitaire. Outre l’importance capitale des trois barrières anatomiques, la réponse immunitaire y est dominée par une forte réponse neutrophilique et une importante production locale d’IgA et d’IgG. Ce dernier point est une particularité de la jument par rapport à d’autres mammifères. Le système immunitaire muqueux génital est soumis à l’action des hormones sexuelles et il existe des variations au cours du cycle œstral. La réponse immunitaire est globalement plus forte pendant l’œstrus. Ces particularités permettent de mieux comprendre pourquoi certaines juments sont plus susceptibles que d’autres de développer une endométrite chronique. Un défaut de clairance utérine et un déséquilibre du profil cytokinique seraient les principales causes. Le développement de nouveaux traitements et notamment de vaccins intra-nasaux induisant une réponse utérine est en cours. La connaissance des particularités de la réponse immunitaire muqueuse chez la jument pourrait permettre d’avancer dans la modulation de la réponse immunitaire par les cellules dendritiques et dans la découverte de nouvelles thérapies anticancéreuses comme c’est le cas chez l’Homme. MOTS-CLÉS REPONSE IMMUNITAIRE, MUQUEUSE, IMMUNOGLOBULINE, IgG, ENDOMETRITE, MALT, APPAREIL GENITAL, CHEVAL, JUMENT, EQUIDE JURY Président : Pr Directeur : Dr Ludovic FREYBURGER Assesseur : Dr Fabienne CONSTANT IgA, BIBLIOGRAPHICAL STUDY OF MUCOSAL IMMUNE RESPONSE IN THE NON PREGNANT MARE’S GENITAL TRACT Ŕ CLINICAL APPLICATIONS - ABSTRACT Mucosal immune system organization shows many similarities among mammals. It depends of mucosa type (type 1 or type 2). MALT is only seen in type 1 mucosae, but there are lymphoid follicles also in type 2 mucosae. Mucosal immune response is orchestrated by dendritic cells but M cells play an important role in some mucosal sites. The existence of a common mucosal immune system lets mucosal sites communicate between each other. The main difference between systemic immune response and mucosal immune response is the key role of IgA in mucosae. The mare’s genital tract is layered with a type 2 mucosa and contains every necessary effector for an immune response. Besides the critical importance of the three anatomical barriers, the immune response is characterized by a strong neutrophilic response and a great local production of IgA and IgG. This last point is a particularity of the mare in comparison with other mammals. The genital mucosal immune system is submitted to sexual hormons’ action and there are changes going along with the estrous cycle. Globally, immune response is stronger during estrous. These particularities give us a better understanding to the susceptibility of some mares to chronic endometritis. An impaired uterine clearance and a loss of balance in cytokinic profiles may be incriminated. Development of new treatments, in particular intra-nasal vaccines which lead to a uterine response, is in progress. Knowledge of genital mucosal immune response particularities in the mare could lead to modulating the immune response with dendritic cells and to discovering of new anticancer therapies, as in human species. KEY-WORDS IMMUNE RESPONSE, MUCOSA, IMMUNOGLOBULIN, IgA, IgG, ENDOMETRITIS, MALT, GENITAL TRACT, HORSE, MARE, EQUINE JURY President : Pr Director : Dr Ludovic FREYBURGER Assessor: Dr Fabienne CONSTANT