Le théâtre Nô - Musée Albert Kahn

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ALBERT-KAHN MUSÉE ET JARDINS
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LE THÉÂTRE NÔ
Une origine sacrée et guerrière
Le nô est la plus ancienne des formes de théâtre classique japonais. Le sarugaku-no-nô (devenu « nô » en
abrégé) naît au début de l’époque Muromachi (1336-1573).
Zeami Motokiyo (1363-1444), acteur dans la troupe de son père, metteur en scène et auteur, codifie le nô
dans son traité intitulé La transmission de la fleur et du style. Il s’appuie sur l’ensemble des traditions théâtrales
réparties en 3 courants :
– la tradition sacrée des danses religieuses primitives,
– la tradition aristocratique des danses de cour,
– et la tradition populaire (qui comportait des spectacles liés aux fêtes agraires et aux rituels).
Entre le XVe et le XVIIe siècle, le nô est consacré comme un art de cérémonie des samouraïs*. La restauration
du pouvoir impérial en 1868 fait tomber en désuétude cette forme théâtrale prisée par l’ancien régime des
shôguns*. Il ressuscite lorsque le gouvernement s’aperçoit de la nécessité d’offrir un divertissement digne
des invités officiels de l’État.
Le nô allie des textes très courts à des chants, de la musique, et des danses.
Les histoires sont simples car elles relatent des épisodes tiré d’une légende, d’une épopée ou de la mythologie.
Dans le nô, le scénario n’est pas important, l’essentiel est d’exprimer une émotion. Ainsi, l’acteur principal
prend des postures figées quelques instants avant de continuer ses mouvements pour mieux faire ressentir
cette émotion.
Une représentation de nô comprend une pièce de nô (drame lyrique) associé à une pièce de kyôgen (farce
d’origine populaire).
La scène
La scène rappelle l’architecture d’un bâtiment japonais
traditionnel construit sur une structure porteuse en
bois. Un escalier inusité conduit à la scène surélevée.
Elle est couverte d’un toit qui repose sur des piliers et
elle est entourée de graviers blancs. Pour accéder à ce
pavillon, à gauche de la scène se trouve une galerie
couverte fermée par un rideau qui permet aux acteurs
de faire leur entrée. Le mur du fond, appelé tableau–
miroir est toujours décoré par l’image d’un pin, pour
rappeler l’origine en plein air des premières représentations.
Cet agencement de la scène rappelant un pavillon,
avec sa galerie couverte, sa toiture soutenue par des
piliers et son mur décoré d’un pin est un héritage direct
de l’origine du théâtre nô, joué dans les demeures des
shoguns.
Albert-Kahn, musée et jardins est une propriété
du Département des Hauts-de-Seine
Le kagami-ita (cloison miroir) de la scène de théâtre
nô du kongô-nô-gako-dô (théâtre couvert de l’école
Kongô). Inv. A 6 584
Les artistes
Les différents artistes qui se partagent la scène se répartissent entre les acteurs, les musiciens et le chœur. Ce
sont exclusivement des hommes.
Le chœur constitué d’une dizaine de chanteurs se place à droite de la scène. Comme l’acteur principal, il
exprime les émotions et les sentiments. Les musiciens prennent place au fond de la scène et forment un petit
orchestre. Les instruments utilisés sont une flûte traversière en bambou et des tambours. La musique contribue
à créer l’atmosphère de la pièce.
Les acteurs sont peu nombreux et sont là pour mettre en valeur l’acteur principal, appelé shite. C’est lui qui
incarne le personnage principal en endossant presque toujours le masque qui lui est consacré. Le waki est
l’acteur qui introduit le shite, en l’appelant et en le questionnant. Le waki joue sans masque et seul le costume
indique de quel personnage il s’agit (toujours un personnage humain et masculin). Lorsque le shite est en scène,
le waki se retire près d’un pilier de la scène. Les autres acteurs sont des personnages secondaires qui n’ont
pas de nom. Ils jouent les serviteurs ou sont des chanteurs qui accompagnent de leurs voix le shite ou le waki.
Les pièces
Les pièces de nô peuvent être réparties en deux grands types :
– les nôs d’apparition,
– les nôs « réalistes » dans lesquelles le shite est un être réel. La représentation se fait en deux temps.
La première phase expose la situation et la seconde est réservée à l’action.
L’ensemble du répertoire est subdivisé en cinq catégories : les « pièces de divinités » , les « pièces de
guerriers », les « pièces de femmes », les « pièces de femmes folles », les « pièces de démons ».
Une représentation de type classique comporte ces cinq catégories de pièces entre lesquelles on intercale
des farces, ou kyogen. Aujourd’hui, les représentations qui représente la formule d’un nô avec un kyogen sont
les plus courantes.
L’histoire de Kokaji
Vers l’an 1000, il advint que l’empereur (Ichijo), sous l’inspiration d’un
songe prémonitoire, dépéchât un messager chez Munechika Kokaiji
(le « petit forgeron ») pour lui ordonner de forger un sabre.
« Sans paroles me laisse l’importance de ce qui m’est donné ! En
pareille entreprise il n’est, je crois, de recours qu’en la puissance divine.
Et puisque le dieu de mon clan est le dieu Inari, sur l’heure, je m’en vais
à Inari adresser mes prières ». Conformément aux règles du nô en deux
actes, qui veut que l’apparition de la divinité soit masquée dans le
premier acte (avant d’être révélée dans le second), un jouvenceau
apparaît qui refuse de dévoiler son identité et qui célèbre en chantant
les vertus des sabres célèbres du passé. Après l’interlude, le shite
rejoint Muneshika dans la forge. Il révèle sa nature divine : Inari, le kami
des céréales, qui a pour messager le renard blanc. Le shite porte
l’image d’un renard immaculé en cimier, juché sur une petite couronne.
Acteur incarnant le rôle d’Inari dans le nô
Elle indique conventionnellement dans le nô, la nature surnaturelle du
Kokaji, Kyôto. Stéphane Passet,
août (?) 1912. Inv. A 6 590
personnage. Le « bijou », qui la surmonte précise cette nature.
Lors, le dieu et le petit forgeron battent le fer ensemble et lorsque la lame est achevée, Munechika frappe
sur l’avers du sabre son nom, sur le revers Inari grave la marque : kokitsune, « petit renard ».
Cette pièce appartient à la cinquième catégorie (« pièce de démons »), bien qu’il s’agisse d’une manifestation d’une divinité, elle n’appartient pas à la première catégorie car les kitsune, messagers d’Inari peuvent
être bénéfique ou maléfique comme un démon.
Catalogue de l'exposition Albert Kahn et le Japon, Confluences, collectif, Espace Albert Kahn, Bpilogne -Billancourt, 1991.
Lexique :
*Samouraï : voir fiche n°3, « Au temps des samouraïs et des châteaux-forts »
*Shôgun : voir fiche n°3, « Au temps des samouraïs et des châteaux-forts »
*Kami : voir fiche n°8, « La voie des dieux, le shintô »
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