« aux cent bouddhas » ; en 386, les Wei du
Nord (386-534), au Shenxi, adoptent le boud-
dhisme fo comme religion officielle ; en 399,
le moine Faxian (337-422) part, par l’ouest,
visiter les lieux saints du bouddhisme, en
revient par l’est et la mer ; en Inde, il a copié
des textes et rencontré des sages bouddhistes
que la réaction hindouiste n’a pas encore jetés
dehors. En 404, Huiyuan, supérieur du
monastère de Donglin, au Jiangxi, revendique
l’indépendance totale des communautés
bouddhistes. Andi, des Jin orientaux (8),
refuse et lance une persécution qui tourne
court… En 489, les Wei du Nord s’installent
à Luoyang (9). Dans le dessein toujours de
mieux connaître la doctrine, en 518, l’impéra-
trice douairière Hou envoie aux Indes un
ambassadeur et quelques moines ; l’empereur
Yang, des Sui (605-616), en fait autant. L’aire
du bouddhisme s’étend, ses textes en chinois
se multiplient. « Le plus savant de tous les
bouddhistes de la Chine (10) » est Xuanzang,
alias Tripitaka (11). En 629, l’empereur
Taizong, des Tang (626-649), a missionné l’il-
lustre moine qui, au cours de son voyage,
visite des princes de toutes races, multiplie les
relations diplomatiques. De même fit Wang
Xuanze, sous Gaozong (649-683). « Les Tang,
reprenant la politique d’expansion des Han,
surent utiliser à des fins politiques la foi que
les dynasties barbares avaient laissée s’établir
en Chine (12). » Dès la fin désastreuse de l’ère
Xuanzong (712-754) longtemps brillante, les
Tang déclinent. En 763, les Tibétains prennent
Chang’an et monnaient cher leur départ, puis
les Ouïghours attaquent le Gansu. Wuzong,
des Tang encore (840-846), taoïste, veut
renflouer les finances et occuper réellement le
trône ; il ferme les sanctuaires bouddhistes,
disperse 250 000 moines, confisque leurs
biens : c’est le Grand Interdit de 845. Or, son
fils (846-859) qui lui succède l’année suivante
le lève… Xizong (874-888) voit le début de la
révolte de Huang Chao, lettré bouddhiste qui
veut « réparer les injustices » et va dévaster le
pays. En 880, Huang prend la capitale.
Xizong, en dernier recours, fait appel à un
« barbare » du Gobi, Li Keyong qui liquide
Huang (884) et les Tang (907). Contestable,
la constante intrusion des bouddhistes dans le
pouvoir ? Oui. Mais le bouddhisme, ce n’est
pas que cela. C’est aussi l’initiative de Bai-
zhang Huaihai (749-814) qui insiste sur la
nécessité pour les moines de vivre du fruit de
leur travail aux champs. Baizhang, il est vrai,
est maître chan.
Le bouddhisme chan
et la civilisation chinoise
« Sitôt que le bouddhisme fut bien en cour,
la haute société chinoise trouva, dans les
doctrines de l’une de ses sectes, les éléments
d’un mysticisme distingué en faveur duquel
l’avait prédisposée la fréquentation des philo-
sophes taoïstes. Dès le VIesiècle, un boud-
dhisme contemplatif, le dhyâna, fut introduit en
Chine (13). » Dhyâna, l’oreille chinoise l’entend
chan na ; l’usage l’abrège en chan (14). Fondé
vers 520 par un moine indien, le chan est en
vogue sous les Tang. Lisez Wang Wei (701-759),
poète et peintre jugé sublime ! Chanshi,
« Maître de Contemplation », il recherche dans
sa poésie un état de communion quasi amou-
reuse avec la nature, ses vers appellent au
recueillement. Même quête chez le peintre :
Wang, maître du shanshui (15), s’y abandonne à
la rêverie… Si « l’honnête homme » du confu-
céisme original « fait fond sur les ressources de
son cœur (16) », le chan est « intuition du
cœur », dit Marcel Granet. « Ce qui donna
quelque solidité à l’engouement mondain en
faveur du bouddhisme fut le sentiment de la
valeur que possède comme principe d’inspira-
tion artistique l’intuition contemplative (17) » –
Confucius n’est pas loin, ni le taoïsme. Phéno-
mène comparable sous les Song du Nord (960-
1126). Su Dongpo (XIesiècle), « lettré confu-
céen vivant dans un retirement bouddhiste, sans
pour autant vivre en moine (18) », poète et
LE BOUDDHISME EN CHINE
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(8) Leur capitale est à Jiankang (Nankin) ; ils règnent de 317 à
419. Andi règne de 361 à 365.
(9) Ils régnaient au Shanxi, à Datong, depuis 386 ; ils disparaî-
tront sous le coup des Sui (589-618) en 586.
(10) Paul Demiéville, Manuel des études indiennes. L’Inde clas-
sique, Imprimerie nationale, 1953, p. 404.
(11) Le héros du célébrissime Xiyou ji, « La Pérégrination vers
l’Occident » – titre donné à l’édition de La Pléiade, traduction
d’André Lévy. Le Xiyou ji, écrit au XIVesiècle (dynastie mongole
des Yuan) a été revu et augmenté au XVIe(dynastie des Ming) par
Wu Cheng’en (vers 1500-vers 1582).
(12) Marcel Granet, op. cit., p. 141.
(13) Marcel Granet, op. cit., p. 142.
(14) Zen en japonais.
(15) Shan, montagne, shui, eau : paysages dont l’art naît sous les
Six Dynasties (265-589).
(16) Confucius, Lunyu, IV, 11.
(17) Marcel Granet, op. cit., p. 152.
(18) Lin Yutang (1895-1976), My Country & My People, Londres,
Heinemann Ltd, 1938, p. 118.
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