T endances INFORMATI Q U E I N D U S T R I E L L E OS embarqués : une mouvance Linux ? Dans l’informatique embarquée, les niveaux d’exigence n’ont rien à voir avec ceux de la bureautique. À l’apparition d’une tâche à exécuter, il faut s’assurer qu’elle est effectivement prise en compte et traitée dans un temps défini à l’avance. C’est là qu’interviennent les systèmes d’exploitation temps-réel (RTOS) qui assurent que les tâches seront traitées dans le temps imparti dans 100 % des cas. D’autres systèmes d’exploitation proposent des solutions qui tendent vers ce critère de qualité, sans toutefois l’atteindre. Ils sont désignés par l’expression temps-réel “mou” puisque leur temps de réaction avoisine les 10 ms. Dans ce secteur, les solutions Linux connaissent une vraie croissance et font parler d’elles. A vec leurs pérégrinations antarctiques, les manchots du film “La marche de l’empereur” ont conquis le public et gravi les marches du box-office. Dans l’informatique, ce volatile polaire est le totem du monde Linux, même si à cause d’une erreur de traduction c’est souvent le pingouin qui y est associé (en anglais, “penguin” signifie manchot). Toujours est-il que nombreux sont les acteurs du monde de l’embarqué à prévoir le succès de la marche du manchot Linux dans ce secteur. Les technologies Linux ont régulièrement été améliorées, ce qui leur ouvre des débouchés plus larges. Elles lorgnent même en direction du pré carré des éditeurs de systèmes d’exploitation temps réels (RTOS) plus anciens. Un marché qui pesait en 2004 environ un demi milliard de dollars selon le cabinet de consultant VDC, ce en ne considérant que les OS temps réels durs, c’est-à-dire ceux qui garantissent l’exécution d’une tâche dans un temps prédéfini, quel que soit le cas de figure ou la charge du processeur. Nativement, le noyau Linux ne possède pas de caractéristiques temps-réel. Il n’est pas sûr qu’il traite une tâche dans le temps imparti et il se peut même que ce traitement n’aboutisse jamais. Ce qui n’est bien entendu pas acceptable dans certains domaines industriels, tels que les tests et essais avec acquisition de données sensibles. Ou encore le contrôle de process ou les asservissements de matériels, comme les moteurs pas à pas. Le monde du MESURES 783 - MARS 2006 - www.mesures.com transport, qu’il soit terrestre mais aussi et surtout aérien, ne peut non plus faire de compromis sur la qualité du L’essentiel logiciel, puisque la sécurité des passagers est en Grâce à des améliorations jeu.Tous ces milieux exisuccessives, le système gent des comportements d’exploitation Linux se informatiques sûrs et fiarapproche du temps réel dur. bles et veulent donc des La version 2.6 du noyau comprend la notion de solutions temps-réel. préemption. De nombreux Telle qu’elle est disponiéditeurs proposent des ble sur Internet, où s’exsolutions Linux incorporant prime la communauté des outils de développement du logiciel libre, la veret parfois des patchs sion 2.4 de Linux n’offre d’amélioration. pas ces garanties de Les éditeurs d’OS temps réel fonctionnement. Patché, Linux devient préemptif « L’éditeur de systèmes d’exploitation Montavista a intégré à son offre Linux un patch préemptif en 1999», expose Abdel Khessam, responsable des ventes de Neomore, distribu- stricts (RTOS) proposent des solutions adaptées selon les métiers. La volonté de faire tourner plusieurs systèmes d’exploitation sur le même processeur se fait sentir chez plusieurs éditeurs. Différentes techniques sont étudiées pour y parvenir. 35 Tendances ciété de service informatique Sogeti High Tech. « Néanmoins, on reste loin des performances des OS temps réels au sens strict du terme », poursuit l’informaticien. L’avis est partagé. Consultant pour la société d’expertise informatique OpenWide, Stelian Pop note les avancées apportées par la version 2.6 de Linux, mais estime qu’ « on se trouve dans des conditions de temps réel mou, avec un respect du timing prévu dans environ 99 % des cas, mais qui ne peut être garanti à 100 %. Le risque d’atteindre un temps de latence infini, et donc qu’une tâche ne s’exécute pas, est toujours présent. » Émulation avec Xenomai Xenomai est un émulateur permettant de faire migrer facilement des applications de systèmes d’exploitation tempsréel vers un environnement GNU/Linux. « Il devient donc possible de récupérer du code source écrit pour VRTX, pSOS+ voire VxWorks et de le faire tourner sur une plate-forme hôte GNU/Linux », note l’un des collaborateurs du projet Bruno Rouchouse. Afin d’émuler le mieux possible les fonctionnalités des RTOS classiques, Xenomai repose sur une déclinaison temps-réel de Linux, obtenue grâce au projet Adeos. Ce patch logiciel permet le partage de ressources matérielles par plusieurs systèmes d’exploitation concurrents. Adeos permet ainsi à plusieurs domaines teur de Montavista. Au centre de ce dispositif complémentaire proposé par cette société américaine se trouve l’ordonnanceur ou scheduler O(1). Ce système met en jeu des niveaux de priorité, affectés aux tâches à exécuter selon leur criticité. L’ordonnanceur garantit notamment que la tâche de plus haute priorité prête à être exécutée sera bien celle qui sera effectivement exécutée. Sans pour autant devenir déterministe, cette technologie offre de bien meilleures performances. Celles-ci sont désormais disponibles pour tous les utilisateurs, puisque ce patch préemptif a été intégré dans la version 2.6 de Linux, disponible depuis 2004 et qui sup- logiciels organisés par priorité de fonctionner sur une même plate-forme matérielle. La couche Adeos permet le partage des interruptions et des évenements entre un noyau annexe et le noyau Linux. Il faut néanmoins adapter certaines parties du code, « notamment la gestion des interruptions », tempère Bruno Rouchouse. Xenomai dispose pour l’instant de modèles implémentant les interfaces de programmation (API) de VxWorks, Posix PSE 51, pSOS+, VRTX, RTAI. En plus d’être un émulateur, Xenomai permet la mise au point du code source sur une station Linux avant d’embarquer ce code vers une carte fonctionnant avec l’un des RTOS sus-cités. porte la plupart des processeurs 32 bits du marché comportant une unité de gestion de la mémoire (MMU). Le noyau est téléchargeable depuis le site www.kernel.org. Le programmateur finlandais Linus Torvalds peut donc être fier de son petit Linux, puisqu’il fonctionne désormais avec préemption, et affiche un temps de latence moyen de 1 à 10 ms. Ce qui peut satisfaire certains utilisateurs : « Le niveau de performances fourni par Linux à l’heure actuelle permet effectivement de répondre aux besoins de certains industriels dans le monde de l’embarqué pour des produits dont le niveau de criticité n’est pas élevé », expose Philippe Gauthier, responsable technique pour la so- Eclipse attire les éditeurs Accelerated Technology, Enea, Lynuxworks, Montavista, QNX Software Systems,Wind River Hormis le fait qu’elles éditent des systèmes d’exploitation temps réel ou destinés à l’embarqué, ces sociétés ont une autre caractéristique commune. Elles font partie, à des niveaux d’implication différents, de la fondation Eclipse. Créée en 2001 sous l’égide d’IBM notamment, cette communauté open-source a pour objectif de proposer une plate-forme et des outils de développement nonpropriétaires. Cela se traduit par un environnement de développement intégré (IDE) commun utilisable sur plusieurs OS. « Du point de vue de l’utilisateur, la partie édition/contrôle de l’interface de développement est unique et disponible sur Internet. Seule l’articulation 36 Vers le temps-réel avec l’OS est spécifique », précise Luc Maître, ingénieur systèmes pour Lynuxworks. Cette interfaçage avec l’OS peut, lui, être payante. « Ceux qui utilisent bien le langage Java peuvent enrichir l’IDE avec leurs propres personnalisations », poursuit Luc Maître. Green Hills n’a néanmoins pas rejoint le consortium. Pour le responsable du marketing Chris Smith, « Eclipse n’a pas été spécifiquement développé pour les applications embarquées ». Selon lui, l’IDE Multi de la société va au-delà des possibilités d’Eclipse. « Dès lors, pourquoi être membre ? », questionne Chris Smith. Néanmoins, Green Hills propose « des plug-ins spécifiques à destination des clients qui insistent pour utiliser l’environnement de travail Eclipse ». Séduisant, mais encore perfectible. Montavista a récemment apporté une nouvelle pierre à l’édifice, en annonçant l’été dernier un temps de latence inférieur à celui que peut obtenir le premier venu en utilisant le noyau Linux 2.6.10. Si l’ordre de grandeur de cette durée donne une idée des performances d’un OS, il ne faut pas se focaliser uniquement sur ce chiffre, qui n’autorise pas vraiment les comparaisons puisque sa détermination dépend du processeur et de sa charge de travail. Cependant, l’annonce de Montavista évoque «une réduction du temps de préemption par un facteur 100 », ce qui n’est représente une avancée considérable et permet à Linux de se rapprocher des performances des RTOS au sens strict. Sans toutefois les atteindre. Pour le temps réel dur, qui garantit que dans tous les cas de figure la tâche soit exécutée et ce dans un temps imparti, il faut encore aller plus loin. « Les travaux en cours du développeur Ingo Molnar portent sur un projet Linux Preempt_RT qui serait un OS temps réel dur », relate Stelian Pop. « J’y travaille avec d’autres », préfère préciser l’intéressé, un des développeurs historiques de Linux. Ce hongrois se concentre sur l’élimination des goulots d’étranglement, notamment en ce qui concerne la gestion des interruptions. L’objectif est d’atteindre un temps de latence moyen d’une dizaine de microsecondes, et que celui-ci ne dépasse jamais 500 µs. Mais il faudra attendre un peu avant que ces travaux n’aboutissent à un Linux temps-réel. Ou plutôt à un Linux temps réel stable et libre. Car des solutions “real-time” existent déjà : à la fin des années 90, un étudiant développait au sein de l’université du Nouveau-Mexique RTLinux, un RTOS Linux. Ce produit était bien Open Source, puisque le code source était disponible dans le domaine public. Sauf que l’étudiant en question a par la suite fondé une société nommée Fsmlabs, emmenant avec lui son code pour le faire évoluer de manière non libre au sein de cette société. MESURES 783 - MARS 2006 - www.mesures.com Tendances Un processeur, plusieurs machines virtuelles Dans le domaine de l’avionique, on partitionne les ressources pour faire tourner plusieurs applications sur le même processeur. La virtualisation se situe encore une étape au-dessus, en utilisant des machines virtuelles. « Cela consiste à faire tourner plusieurs systèmes d’exploitation (OS) sur le même processeur », déclare Pierre Coulombeau de la société grenobloise Trango Systems. Cette entreprise édite la couche logicielle Trango, qui partage les ressources du processeur entre les différents systèmes d’exploitation. Mais Trango ne fournit pas le RTOS : si l’application en nécessite un, alors il faudra se le procurer ailleurs. À chaque OS est associé une fenêtre temporelle durant laquelle il peut s’exprimer. Puisque l’hyperviseur Trango est destiné au temps-réel, la préemption entre les systèmes d’exploitation est prévue : un OS critique prendra la main sur un OS gérant des applications non critiques. Pour l’instant, cet hyperviseur logiciel a Un groupe de développeurs constitué autour d’une épine dorsale d’italiens de l’université polytechnique de Milan a récupéré le projet initial et les lignes de code, avec l’idée de poursuivre et améliorer ce projet. Baptisé RTAI, « cet OS connaît des évolutions un peu chao- Une utilisation sans royalties Une dîme à payer pour chaque produit construit : utiliser un RTOS contre un paiement par royalties, cela peut sembler rigide. D’autant que ce système impose au client de fournir une comptabilité de ses ventes, ce qui n’arrange pas toujours les industriels qui aiment la discrétion, comme dans le milieu de la Défense. Deux bonnes raisons de trouver d’autres méthodes de vente. C’est pour cette raison que les éditeurs proposent à leur clients de souscrire des abonnements annuels, d’autres proposent de payer un droit à développer, valable pour une ligne de produits, définie à l’avance. Le code source est même parfois fourni par l’éditeur. surtout trouvé des débouchés dans le monde des télécoms, certaines applications nécessitant du temps-réel. Pierre Coulombeau insiste sur la garantie de sécurité apportée par Trango : « Dans des équipements de type télécoms, la partie qui communique avec l’extérieur peut être attaquée. Mais cette agression restera confinée à une machine virtuelle sans se propager aux autres, pilotées par des OS différents ». Occupant un emplacement mémoire très faible, autour de 15 ko, Trango est aujourd’hui utilisable avec les processeurs Arm, Mips et bientôt PowerPC. Parmi les combinaisons possibles, on peut par exemple faire tourner un système d’exploitation temps-réel avec un OS Linux. Le système fonctionne également avec les processeurs multicoeurs. Si pour l’instant les applications sont orientées vers le monde des télécoms, la solution peut être déployée en milieu industriel ou dans l’automobile. une offre Linux basée sur le noyau 2.6 pour les cartes qu’elle distribue. RTOS : des solutions verticales adaptées De leur côté, les éditeurs traditionnels de RTOS ont affiné leur offre il y a quelques années, en la verticalisant. Chez nombre d’entre eux, les solutions se déclinent désormais différemment selon le métier de l’utilisateur. Elles peuvent être certifiées, selon les métiers. Ce coup de tampon est primordial pour certains utilisateurs. Avionique. Particulièrement friand de solutions de RTOS pour des raisons évidentes de sécurité, le secteur de l’avionique est chouchouté par les éditeurs. La norme Arinc 653 impose de stricts critères de fonctionnement du système d’exploitation, comme le partitionnement spatial et temporel de l’OS (voir en encadré). Très présent sur ce marché, l’Américain Green Hills propose Integrity178 B, un OS par exemple utilisé sur l’Airbus A380. De même, Lynuxworks propose une version de son RTOS Lynx répondant à la norme DO-178 B, que l’on peut par exemple retrouver sur des appareils de l’US Air Force. Le RTOS VxWorks proposé par le leader WindRiver existe également au sein d’une tiques », selon Stelian Pop. Celui-ci se com- plate-forme dédiée à l’aéronautique nommée pose de deux grandes parties : d’un côté un IMA (Integrated Modular Avionics). La société patch qui ajoute au noyau Linux une couche FSMLabs a récemment emboîté le pas : elle d’abstraction, de l’autre des outils de déve- annonçait en janvier une version Arinc 653 loppement. L’Inria a par exemple utilisé cet du système d’exploitation RTLinux. OS pour certains projets, comme le pilotage Automobile. Dans le secteur de l’automode robot. À l’école polytechnique de Milan, bile, le standard dominant s’appelle OSEK. Il il a également été mis en œuvre pour du est promu par un consortium d’industriels “motion control”. qui réunissait à l’origine essentiellement des Fondateur de la société UXP, Robert Jay dé- sociétés allemandes, avec bon nombre de clare également « utiliser les performances constructeurs automobiles. Aujourd’hui, les temps réel dur de RTAI dans des applications constructeurs français ont également rejoint d’automatismes, avec quelques patches en plus. le mouvement. À l’origine de la création de Mais les projets de supervision se satisfont d’un ce standard, il y a la volonté « d’avoir une counoyau Linux 2.6 ». UXP est d’ailleurs un che entre le noyau et l’application utilisateur qui pionnier dans le domaine du Linux, puis- soit commune », détaille Frédéric Maraval, resque « cela fait plus de dix ans que nous le mettons ponsable du département outils de dévelopen œuvre dans nos applications, comme dans notre pement pour la société I.S.I.T. En appliquant atelier d’automatismes Alograf », poursuit les restrictions suivantes : « peu de ressources, Robert Jay. L’entrepreneur a choisi Linux des contraintes temps-réel, une production de masse « car il est appréhendable par une majorité de gens. avec un faible coût ». Parmi les différents OS Et l’absence de licence permet de démocratiser un respectant cette norme, I.S.I.T distribue peu le temps réel ». OSEKturbo. Ce système édité par Metrowerks Pourtant cette solution n’est pas forcément (aujourd’hui propriété de Freescale) cible un réflexe pour les gens de l’automatisme. des processeurs 8, 16 ou 32 bits. De même, «L’industriel a horreur du vide et ne veut pas avoir Accelerated Technology propose également une pour référent une communauté d’utilisateurs sur le version OSEK de son noyau Nucleus. web. Il est essentiel que le client ait devant lui une L’interface OSEK est disponible chez personne physiquement responsable», estime Elie Wind River avec OsekWorks. Gasnier, responsable marketing de Ecrin Industrie. Pour l’industrie et le contrôle de Systems. Cette société propose également process, les éditeurs ont sorti des versions MESURES 783 - MARS 2006 - www.mesures.com 37 Tendances L’OS divisé, pour mieux régenter Fin de cette tâche et reprise de la tâche 1 Début de la tâche plus prioritaire Fin de la routine d'interruption ISR Niveau de priorité Arrivée d'une tâche de priorité supérieure Début de la routine d'interruption ISR La notion de préemption est primordiale dans les systèmes temps-réel. C’est la capacité d’un processeur à traiter une tâche de haute priorité le plus rapidement possible après son apparition, alors qu’une tâche de priorité inférieure est en cours de traitement. Quand arrive une interruption, synchrone ou non (événement extérieur), si celle-ci implique une tâche de priorité supérieure, une routine d’interruption ISR est lancée. Celle-ci peut durer plus ou moins longtemps selon la complexité de la tâche en cours. Le travail sur des variables partagées induit souvent par exemple une durée plus longue de la routine d’interruption. Une fois celle-ci terminée, le processeur bascule sur sa nouvelle tâche de priorité supérieure. Le temps écoulé entre l’arrivée de l’interruption et le basculement effectif du processeur sur sa nouvelle tâche est appelé temps de préemption. Le processeur mène cette nouvelle tâche à bien, à moins qu’une tierce tâche de priorité encore plus grande n’arrive. Certains métiers ont des exigences Le mécanisme de préemption particulières. Dans le monde de l’avionique par exemple, les exigences sont très fortes alors que cohabitent souvent plusieurs applications. Certaines ont trait à la Tache 2 sécurité et sont donc hypercritiques, ISR Tache 1 Tache 1 d’autres sont Temps de réponse d’incidence plus faible. du processus Temps Avec les évolutions successives des capacités de calcul des processeurs, le même processeur peut gérer toutes ces tâches. Afin que celles-ci ne se perturbent pas mutuellement, la norme Arinc 653 spécifie un partitionnement spatial et temporel des ressources. Spatial, car la mémoire est découpée en zones exclusives. Chaque zone ne peut être atteinte que par une seule application, la seule autorisée à écrire des données dans cette zone. Chacune de ces zones peut donc être vue comme un ordinateur indépendant. Temporel, car la base de temps est divisée. Des fenêtres temporelles sont allouées à chaque application. La succession de ces fenêtres constitue la trame principale, qui se répète. À l’intérieur de chacune des fenêtres, une seule application tourne. Dans cette fenêtre, plusieurs tâches peuvent être lancées. Selon leur niveau de priorité, elles se prennent ou se donnent la main, toujours de façon préemptive. Cette technique permet d’allouer à chaque application un temps minimal d’utilisation du processeur. Niveau de priorité interruption 1- Partitionnement temporel B2 B1 A1 A1 Fenêtre réservée à l'appli 1 Tâche A2 A2 A3 B3 Fenêtre réservée à l'appli 2 Temps Fenêtre réservée à l'appli 3 APPLI 1 APPLI 2 APPLI 3 2- Partitionnement spatial RTOS Hardware 38 appli 1 nommées “61508”, qui certifient une sécurité fonctionnelle conforme à celle prônée dans la norme IEC 61508, de la Commission Électrotechnique Internationale. Dans ce créneau, on peut par exemple retrouver la compagnie suédoise Enea avec son RTOS nommé OSE. Ou encore Green Hills, Integrity se déclinant en version 61508, agréée Safety Integrity Level 3. Télécommunications. Comme les autres, ce domaine est particulièrement ciblé par des distributions spéciales des RTOS propriétaires. On y retrouve la plupart des acteurs déjà cités. RTOS de poche. Enfin, des solutions spécialement conçues pour les petites applications sont disponibles. Leur empreinte mémoire est très faible, ce qui permet d’implémenter ces OS sur de petits processeurs. Micriµm possède par exemple un noyau temps-réel baptisé OS II, distribué par Neomore en France. « Cet OS n’occupe que quelques kilo-octets (moins d’une dizaine), si l’on ne considère que le code et pas les piles protocolaires », précise Abdel Khessam de Neomore. « Ne pas se couper de la communauté Linux » En somme, la palette des systèmes d’exploitation pour le temps réel est large et couvre la plupart des besoins. Cependant, les éditeurs ont bien saisi qu’ils ne pouvaient se couper du monde Linux tant celui-ci s’annonce important pour les années à venir. C’est pourquoi nombre d’entre eux proposent des solutions, plus ou moins récentes, articulées autour de Linux et destinées au monde de l’embarqué et de l’industriel. L’annonce faite à ce sujet par Wind River en 2003 est hautement symbolique : la société avait « étendu son offre en proposant un support aux clients qui développent des applications embarquées sous Linux ». Aujourd’hui, Wind River possède donc une plate-forme de développement articulée autour du noyau Linux 2.6.10. « C’est une volonté de notre part de ne pas nous éloigner de la communauté Linux, précise Éric Faure, responsable service avant-vente de Wind River. Nous ne rajoutons donc pas ou peu de patchs spécifiques ». La part des activités Linux est loin d’être négligeable dans le chiffre d’affaires de l’éditeur, puisque selon Éric Faure, elle oscille « autour de 10 % » et est en augmentation. De même, Lynuxworks commercialise BlueCat. « En étant basé sur le noyau 2.6 de Linux, cet OS atteint des performances de temps-réel mou, avec en plus des outils de développement adaptés aux besoins des utilisateurs », dépeint Luc Maître. On pourrait encore citer la compagnie allemande Sysgo qui propose ElinOS. Sysgo va même un peu MESURES 783 - MARS 2006 - www.mesures.com Tendances L’évolution de Linux et les marchés visés Linux, aujourd’hui, ne répond pas encore à l’ensemble des besoins du temps réel. On voit ici que les versions successives (2.4, 2.6, 3.x etc.) apportent une amélioration du temps de réponse. Le diagramme du bas situe les besoins “temps réel” des grands secteurs d’applications. Montavista plus loin en proposant un concept intéressant mêlant systèmes d’exploitation temps-réel et Linux, nommé PikeOS. Ce logiciel est à la base un RTOS dur. Sauf qu’avec ce produit, il est en plus possible de réaliser un partitionnement des ressources pour faire tourner sur le processeur à la fois des applications sensibles avec le RTOS et d’autres moins critiques. Comme des applications Linux par exemple. Pour Jose Almeida, ingénieur d’application chez Sysgo, « certains souhaitent faire cohabiter Linux et un RTOS pour combiner une certaine ouverture logicielle avec la rigueur du temps réel ». Des partitions OSEK, Posix sont aussi au programme. Les différents sous-ensembles sont séparés. PikeOS est également certifiable avec les standards DO-178B, IEC 61508. Sysgo y voit des débouchés dans le contrôle industriel, ou pour piloter les multiples processeurs présents dans une automobile et qui gèrent à la fois des applications sécuritaires et d’autres de confort. Cette solution se démarque des récentes offres en virtualisation (voir enca- dré) par le fait qu’elle intègre un RTOS, qui peut d’ailleurs être utilisé seul si tel est le besoin. À noter que d’autres éditeurs planchent sur ce type de solutions et comptent bien proposer leurs solutions. Fait “maison” Certains décident malgré tout de se passer de cette valeur ajoutée apportée par les éditeurs. Car il est possible de développer des solutions “maison” de systèmes d’exploitation. Travaillant pour Accelerated Technology et par ailleurs auteur de l’ouvrage « Embedded Software, the works », Colin Walls rapporte que « certaines études montrent qu’environ un équipement embarqué sur deux est implémenté avec un RTOS “maison” ». Selon lui, cela peut s’expliquer par la volonté de contrôler le processus de A à Z, d’obtenir une adéquation parfaite du système aux besoins de l’application mais aussi pour des raisons économiques puisque l’absence de licence à payer fait passer ce coût inaperçu. Mais comme ses concurrents, Colin Walls rappelle que « le développement d’un RTOS engendre aussi un coût même s’il est moins visible et que la solution est dépendante du personnel qui possède la compétence spécifique. » L’ajout d’un debugger ou le développement des pilotes compliquent encore l’affaire. Car finalement « le choix du système d’exploitation n’est qu’un aspect du problème », nuance Éric Faure. L’environnement de développement qui entoure l’OS est également à prendre en compte : « boîtes à outils, formation des collaborateurs, support technique, service, facilité d’adaptation d’une solution, les partenaires, tous ces facteurs ont leur importance », poursuit Éric Faure. Wind River regroupe toutes ces notions sous le sigle de DSO, Device Software Optimization. Ce concept a priori marketing vise à réduire le temps de mise sur le marché et améliorer la fiabilité des logiciels. Et le DSO fait des émules, puisque l’éditeur Enea s’est récemment greffé au projet et contribue à l’animation du site internet www.dso. com. À la une de celui-ci, on peut lire dans un article sur les logiciels embarqués dans le monde de la téléphonie mobile « Linux Calling ! ». Pierre Hardoin Les différentes déclinaisons de Linux Temps de latence moyen Linux Linux préemptif (2.6) Linux Preempt_RT RTLinux RTAI 1-10 ms 1-10 ms 20-30 µs 5 µs 5 µs Temps de latence maximal infini infini 100-500 µs 10 µs 10 µs Etat de la solution stable en développement stable mais propriétaire stable, évolutions chaotiques stable Les temps de latence indiqués donnent surtout un ordre de grandeur, ce temps dépendant du processeur et de sa charge de travail. MESURES 783 - MARS 2006 - www.mesures.com Source : Stelian Pop, Openwide 39