Translated by Hugo Wagner Reviewed by Patrick Brault
Amber Case
We are all cyborgs now
1.1M views Jan 2011
Fascinating, Informative
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J'aimerais vous dire à tous que vous êtes tous des cyborgs, en fait, mais pas le
genre de cyborgs auquel vous pensez. Vous n'êtes pas RoboCop, ni Terminator,
mais vous êtes des cyborgs à chaque fois que vous regardez un écran
d'ordinateur ou que vous utilisez un téléphone mobile. Quelle est donc la bonne
définition de « cyborg » ? La définition traditionnelle est celle d'un organisme « à
qui l'on a rajouté des composants exogènes dans le but de l'adapter à de
nouveaux environnements. » Cela provient d'un article de 1960 sur le voyage
spatial. Parce que, en y réfléchissant bien, l'espace est assez inconfortable ; les
gens ne sont pas censés s'y trouver. Mais les humains sont curieux, et ils aiment
ajouter des outils à leur corps afin qu'ils puissent explorer les Alpes un jour et
découvrir la vie sous-marine le jour d'après.
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Jetons un coup d'œil au concept d'anthropologie traditionnelle. Quelqu'un va à
l'étranger, et dit : « Comme ces gens sont fascinants, comme leurs outils sont
intéressants, comme leur culture est curieuse. » Ensuite ils écrivent un article, et
peut-être que quelques autres anthropologues le lisent, et nous pensons que
c'est très exotique. Eh bien, ce qui arrive c'est que nous venons soudainement
de découvrir une nouvelle espèce. En tant que cyborg-anthropologue, j'ai
brusquement dit : « Wow. Nous sommes maintenant, tout à coup, une nouvelle
forme d'homo sapiens. Et regardez ces cultures fascinantes. Regardez ces
curieux rituels que tout le monde accomplit avec cette technologie. Ils cliquent
sur des trucs et fixent des écrans. »
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Mais il y a une raison pour laquelle j'étudie cela, par rapport à l'anthropologie
traditionnelle. Et la raison est que l'utilisation de l'outil -- au début, pendant des
milliers et des milliers d'années, tout était modification physique de l'individu.
Cela nous a aidé à améliorer notre nature physique, aller plus vite, frapper plus
fort, et il y a une limite à cela. Mais ce à quoi nous avons affaire maintenant n'est
pas un prolongement de la nature physique, mais un prolongement de la nature
mentale. Et grâce à cela, nous sommes capables de voyager plus vite, de
communiquer différemment. L'autre chose qui se produit est que nous sommes
tous munis d'une technologie digne de Mary Poppins. On peut tout faire rentrer
dans son sac, sans qu'il ne devienne plus lourd, et ensuite on peut en faire sortir
n'importe quoi. À quoi l'intérieur de votre ordinateur ressemble-t-il vraiment ? Si
vous en extrayez le tout, ça ressemble à une demi-tonne de matériel que vous
transportez tout le temps. Et si vous perdez réellement ces informations, ça
signifie que vous avez brusquement cette perte dans votre esprit, que vous
ressentez soudainement qu'il vous manque quelque chose, si ce n'est que vous
ne pouvez pas le voir, donc vous ressentez une émotion très étrange.
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L'autre chose qui survient est que vous possédez une seconde identité. Que vous
le vouliez ou non, vous commencez à exister en ligne, et les gens interagissent
avec votre seconde identité quand vous n'est pas connecté. Vous devez donc
faire attention à ne pas laisser votre portail numérique ouvert, c'est-à-dire
essentiellement votre mur Facebook, pour que les gens n'y laissent pas de
messages en pleine nuit -- parce que c'est comme s'introduire chez vous.
Brusquement, nous devons commencer à entretenir notre seconde identité.
Vous devez vous présenter dans le monde numérique de la même manière que
vous le feriez dans le monde réel. De la même façon que vous vous réveillez,
prenez une douche et vous habillez, vous devez apprendre à faire cela avec
votre identité numérique. Et le problème est que beaucoup de personnes
maintenant, notamment les adolescents, doivent passer par deux
adolescences. Ils doivent passer par leur adolescence originelle, c'est déjà
délicat, et ensuite par l'adolescence de leur seconde identité. C'est encore plus
délicat parce qu'il y a une trace réelle, en ligne, de ce qu'ils ont traversé. Et
quiconque n'étant pas familier de cette technologie, est un adolescent en ligne
en ce moment. C'est donc très délicat, et c'est très difficile pour eux de faire
cela.
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Quand j'étais petite, mon père me faisait asseoir le soir et me disait : « Je vais
t'apprendre le temps et l'espace du futur. » Et je disais : « Génial. » Il m'a
demandé un jour : « Quelle est la plus courte distance entre deux points ? » Et j'ai
dit : « Eh bien, c'est la ligne droite. Tu me l'as dit hier. » Je pensais être très
intelligente. Il m'a dit : « Non, non, non. Voilà un meilleur moyen. » Il a pris un
morceau de papier, il a dessiné deux points A et B d'un côté et de l'autre et il les
a pliés ensemble pour mettre A et B en contact. Et il a dit : « C'est ça, la plus
petite distance entre deux points. » Et j'ai dit : « Papa, papa, papa, comment
fais-tu cela ? » Il a dit : « Eh bien, tu courbes juste le temps et l'espace, cela
demande énormément d'énergie, et c'est précisément comme ça que tu t'y
prends. » J'ai dit : « Je veux faire ça. » Il a dit : « Bon, d'accord. » Donc, à chaque
fois que j'allais me coucher pendant les 10 ou 20 années suivantes, je pensais, la
nuit : « Je veux être la première personne à créer un trou de ver, pour que les
choses accélèrent encore plus rapidement. Et je veux construire une machine à
remonter le temps. » J'envoyais toujours des messages à mon moi du futur avec
des magnétophones.
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Mais ce que j'ai ensuite compris en allant à l'université c'est que la technologie
n'est pas uniquement adoptée parce qu'elle fonctionne ; elle est adoptée
parce que les gens l'utilisent et que c'est fait pour les êtres humains. J'ai donc
commencé à étudier l'anthropologie. Quand j'écrivais ma thèse sur les
téléphones portables, j'ai compris que tout le monde transportait des trous de
ver dans la poche. Ils ne se téléportaient pas physiquement, ils se téléportaient
mentalement. Ils cliquaient sur un bouton, et ils étaient aussitôt reliés comme A
et B. J'ai pensé : "Oh, wow. J'ai trouvé. C'est génial."
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Donc au fil du temps, le temps et l'espace se sont comprimés grâce à ça. Vous
pouvez vous trouver d'un côté du monde, murmurer quelque chose et être
entendu de l'autre côté. L'une des autres idées qui font surface est que vous
avez une différente notion du temps sur chaque appareil que vous utilisez.
Chaque onglet du navigateur Internet vous donne une notion différente du
temps. Et à cause de cela, vous commencez à chercher vos mémoires externes
-- les avez-vous laissées ? Nous sommes donc tous devenus des
paléontologues qui fouillent pour retrouver ce que nous avons perdu dans nos
cerveaux externes que nous transportons dans nos poches. Et cela induit une
structure de panique obsessionnelle. Oh non, est ce truc ? Nous sommes tous
comme dans "I Love Lucy", sur une grande chaîne d'assemblage de
l'information, et nous ne tenons pas le rythme.
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Ce qui arrive alors, quand nous apportons tout notre attirail dans le cercle social,
c'est que nous finissons par contrôler nos téléphones tout le temps. Nous avons
cette chose appelée l'intimité ambiante. Ce n'est pas que nous sommes toujours
connectés à tout le monde, mais c'est qu'à tout moment nous pouvons nous
connecter avec qui nous voulons. Si vous étiez capables d'extraire chaque
personne contenue dans votre téléphone, la salle serait vraiment bondée. Ce
sont les personnes auxquelles vous avez accès dans l'instant, en général -- toutes
ces personnes, tous vos amis et votre famille avec lesquels vous pouvez vous
connecter.
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Il y a alors des effets psychologiques qui surviennent. L'un qui m'inquiète
réellement, est que les gens ne prennent plus le temps de la réflexion mentale,
et qu'ils ne ralentissent pas et ne s'arrêtent pas, à force d'être entourés de toutes
ces personnes dans la pièce en même temps qui essayent de rivaliser pour
attirer leur attention sur des interfaces de temps simultanés, la paléontologie et
la structure de panique. Ils ne sont pas juste assis sans rien faire. Et vraiment,
lorsque vous n'avez pas de stimulus externe, c'est le moment de la création de
l'individu, pendant lequel vous pouvez faire des projets à long terme, pendant
lequel vous pouvez essayer de découvrir qui vous êtes vraiment. Ensuite, après
avoir fait cela, vous pouvez trouver comment présenter votre seconde identité
d'une manière bien fondée, au lieu de simplement traiter toute chose comme
elle se présente -- et oh, je dois faire ça, et je dois faire ça, et je dois faire ça.
C'est donc très important. Je m'inquiète vraiment, notamment pour les enfants
aujourd'hui, s'ils ne gèrent pas ces temps d'arrêts, s'ils n'ont que cette culture du
clic instantané, que tout leur soit donné, et qu'ils deviennent très agités et très
dépendants de cela.
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En y réfléchissant, le monde ne s'arrête pas non plus. Il possède ses propres
appareils prothétiques, et ces appareils nous aident tous à communiquer et à
interagir les uns avec les autres. Mais quand vous visualisez vraiment la chose,
tous les liens que nous établissons maintenant -- voici une cartographie d'Internet
-- ça n'a pas l'air technologique ; ça a l'air organique, en réalité. C'est la
première fois dans toute l'histoire de l'humanité que nous sommes reliés de cette
manière. Et ce n'est pas que les machines prennent le dessus ; c'est qu'elles nous
aident à être plus humains, elles nous aident à nous relier les uns aux autres.
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La technologie la plus réussie s'efface et nous aide à vivre nos vies. Et vraiment,
cela finit par devenir plus humain que technologique, parce que nous nous
créons mutuellement en permanence. Voilà donc l'aspect important que j'aime
étudier : les choses sont belles, le lien est toujours humain ; la manière de faire est
juste différente. Nous augmentons simplement notre humanité et notre capacité
à nous lier aux autres, indépendamment de la position géographique. C'est la
raison pour laquelle j'étudie l'anthropologie cyborg.
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Merci.
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