CONSEIL DE L'EUROPE COMITÉ DES MINISTRES RECOMMANDATION N° R (89) 6 DU COMITÉ DES MINISTRES AUX ÉTATS MEMBRES RELATIVE À LA PROTECTION ET À LA MISE EN VALEUR DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL RURAL (adoptée par le Comité des Ministres le 13 avril 1989, lors de la 425e réunion des Délégués des Ministres) Le Comité des Ministres, en vertu de l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe, Considérant que le but de l'Organisation est de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de favoriser notamment leur progrès économique et social; Vu la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe ouverte à la signature à Grenade le 3 octobre 1985; Vu la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales ouverte à la signature à Madrid le 21 mai 1980; Observant que l'évolution de la production agricole et les mutations sociales, qui en ont résulté au cours des dernières décennies, mettent en question l'existence même de l'architecture rurale traditionnelle et de son paysage; Estimant que ce patrimoine constitue aujourd'hui non seulement l'une des composantes les plus authentiques de la culture européenne, mais qu'il reste un facteur privilégié de développement local; Soulignant que la prise en considération du patrimoine bâti comme du patrimoine naturel s'impose de manière impérative aux Etats membres et aux institutions européennes dans la définition de leurs politiques agricole et de l'environnement, Recommande aux gouvernements des Etats membres de s'inspirer, dans l'élaboration de leur politique en matière de protection et de mise en valeur du patrimoine rural, des lignes directrices contenues dans l'annexe à la présente recommandation. 40 Quarante ans Conseil de l'Europe 1 Annexe à la Recommandation n° R (89) 6 I. Sauvegarder la mémoire collective de l'Europe rurale par le développement d'instruments de recherche et d'identification de son patrimoine architectural: 1. En poursuivant l'établissement à la fois d'inventaires scientifiques détaillés et de typologies géographiques plus sommaires, directement utilisables pour les politiques de protection et de mise en valeur; 2. En conduisant les travaux d'identification du patrimoine rural sur une base multidisciplinaire qui rapproche les données architecturales et artistiques des données géographiques, historiques, économiques, sociales et ethnologiques. II. Intégrer la sauvegarde du patrimoine bâti dans le processus de planification, d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement: 1. En mettant en oeuvre les législations du patrimoine, de l'environnement et de l'urbanisme en vue d'une meilleure gestion de l'espace visant à assurer: i. la protection juridique, au sens de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe, des éléments les plus représentatifs du patrimoine bâti (monuments, ensembles architecturaux, sites); ii. l'élaboration de stratégies conjuguées de sauvegarde et de mise en valeur de l'ensemble des patrimoines bâti et naturel à partir d'une planification combinant ces deux aspects indissociables du patrimoine rural; iii. un contrôle suffisant de l'utilisation des sols comportant: - la limitation des implantations anarchiques de constructions ou d'équipements qui dégradent progressivement et irrémédiablement l'équilibre du paysage, - l'amélioration des qualités d'intégration des constructions nouvelles par la définition d'un minimum de normes imposées; 2. En complétant les mesures de planification normatives, parfois insuffisantes ou inappropriées, par le développement de structures solides d'incitation, de conseil et d'assistance architecturale ayant pour vocation: i. d'encourager la réutilisation du bâti existant aussi humble soit-il (habitat, bâtiments agricoles ou industriels) en recherchant son adaptation à des fonctions nouvelles préservant autant que possible son caractère initial; ii. de faire valoir, auprès du public et des intervenants économiques, les valeurs de l'architecture locale s'exprimant dans un usage séculaire de matériaux, d'échelles, de techniques et de détails constructifs; iii. d'appliquer pour les édifices protégés les principes de la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, adoptée à Venise en 1964 par le 2e Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, et de préconiser pour l'entretien et la réhabilitation de l'ensemble du bâti, à défaut des matériaux traditionnels, l'utilisation des matériaux de substitution les plus adaptés; iv. de promouvoir une architecture locale contemporaine renouvelant la création à partir des enseignements et de l'esprit de l'architecture traditionnelle; 3. En poursuivant une politique volontariste de développement équilibré du milieu rural sans lequel ne peut se concevoir de politique du patrimoine dans l'optique des principes de la Charte européenne de l'aménagement du territoire de 1983, qui tend à la réalisation d'un meilleur équilibre régional en Europe. III. Dynamiser la mise en valeur du patrimoine comme facteur privilégié de développement local: 1. En maintenant et accroissant les investissements publics en raison de leur effet induit sur l'ensemble de l'économie et notamment en matière de création d'emplois par le biais: i. d'une impulsion financière de l'Etat, des régions et collectivités locales à la réhabilitation immobilière et à la protection des sites: - subventions ou octroi de prêts bonifiés pour l'amélioration de l'habitat existant, - subventions pour travaux sur des édifices protégés et aménagements des sites bâtis, - subventions pour l'amélioration des espaces publics dans les petites agglomérations; ii. du soutien d'activités économiques et d'une prospérité locale dont dépendent en définitive l'entretien, la restauration et la mise en valeur du bâti: - aides publiques à la modernisation des exploitations agricoles, 2 - aides aux diverses entreprises développant la pluriactivité, l'implantation de commerces et l'artisanat, - aides aux aménagements touristiques et à la création de gîtes ruraux; iii. de la réalisation d'équipements collectifs et d'infrastructures appropriées au maintien et à l'essor des activités économiques en milieu rural, notamment en ce qui concerne les nouvelles technologies et l'accès aux réseaux télématiques; 2. En renforçant, sur le plan régional ou local, la formation aux techniques et métiers du bâtiment par: i. l'introduction de cours dans l'enseignement spécialisé destiné aux architectes, urbanistes, conservateurs, techniciens du bâtiment, traitant: - des matériaux et techniques traditionnelles du bâtiment, - de la durée de vie des matériaux et de leur combinaison possible avec des matériaux contemporains, - du coût de ces techniques traditionnelles et des conditions de leur utilisation actuelle ou de leur remplacement par des techniques et matériaux contemporains; ii. la création de centres de formation aux métiers manuels intégrés étroitement à l'économie locale et aux programmes de réhabilitation; iii. l'organisation de cycles de formation sur l'entretien du bâti destinés aux propriétaires et exploitants agricoles; 3. En favorisant, par des mesures réglementaires, fiscales et des dotations budgétaires, des expériences pilotes rassemblant des partenaires publics et privés telles que la réalisation: i. de « parcs naturels », ou « écomusées » articulant la protection des espaces naturels et bâtis avec un développement économique et social local, dans des zones devant affronter des handicaps naturels ou des problèmes de mutation économique; ii. de grands travaux d'aménagement du patrimoine rural, bâti et naturel, avec le concours d'actifs et de demandeurs d'emploi; 4. En suscitant la mise en place de cellules pédagogiques et d'agents de développement apportant aux collectivités locales un appui pour la réalisation de projets de développement rural global. IV. Promouvoir une valorisation et une pédagogie du patrimoine rural sur le plan européen: 1. En lançant d'urgence une réflexion approfondie: i. quant aux effets de certaines normes de production et d'organisation des marchés agricoles, sur l'environnement, la dégradation ou l'abandon du patrimoine bâti; ii. quant au juste prix de la dégradation du patrimoine rural dans la vie socio-économique de l'Europe; 2. En poursuivant sous les auspices du Conseil de l'Europe, et sur une base multidisciplinaire, la recherche sur les conditions d'une meilleure préservation du paysage, en lui-même patrimoine irremplaçable; 3. En encourageant, par des dispositions réglementaires et financières appropriées et notamment en mettant en oeuvre la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, des programmes d'échanges transnationaux ou transrégionaux, en particulier dans le domaine de la formation professionnelle, de l'assistance technique mutuelle, de l'information réciproque sur les métiers et les savoir-faire du bâtiment; 4. En facilitant l'organisation de concours et d'expositions, la production de publications et de supports audiovisuels, sensibilisant les élus, le public et la jeunesse, les propriétaires et exploitants agricoles aux richesses du patrimoine rural et aux justifications de sa préservation. I 23 784 3