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2007 - 49 - 3ème Trim. - N° 192
B. Les surdités sont classées selon la localisation de la lésion,
en surdités de transmission et surdités de perception (ou neuro-
sensorielles).
Dans les surdités de transmission, le dysfonctionnement porte
sur l’oreille externe (pavillon et conduit auditif) ou l’oreille
moyenne (cavité tympanique et ses trois osselets), tandis que,
dans les surdités de perception, il intéresse la cochlée ou, plus
rarement, les structures nerveuses qui traitent les signaux
électriques délivrés par cet organe sensoriel et les acheminent
jusqu’au cortex auditif. Enfin, certaines surdités sont mixtes :
elles comportent à la fois une composante de transmission et une
composante de perception (voir Fig. 1A) [7].
C. Une surdité peut être syndromique ou isolée, selon qu’elle
est associée ou non à d’autres anomalies.
1) Les surdités syndromiques sont, le plus souvent, congéni-
tales. Elles sont dues, pour la plupart, au développement anor-
mal de l’oreille et concernent souvent plusieurs de ses trois
compartiments (oreille externe, moyenne, interne). Elles sont
associées à d’autres anomalies qui peuvent être très diverses,
rénales, cardiaques, musculaires... Les embryopathies d’origine
infectieuse (dues à la rubéole, à la toxoplasmose ou à l’infec-
tion par le cytomégalovirus) conduisent à des syndromes
polymalformatifs incluant une surdité.
2) Dans la majorité des cas, la surdité est isolée. Environ les 2/3
des cas de surdité à la naissance et la quasi totalité des cas de
surdité apparaissant à l’âge adulte correspondent à une surdité
isolée. Ces surdités sont dues :
- à des facteurs environnementaux, i.e. exposition à des bruits
intenses, prise de médicaments ototoxiques (antibiotiques de la
classe des aminoglycosides) ou certaines infections,
- à des atteintes géniques. Il s’agit presque exclusivement d’at-
teintes monogéniques (i.e. dues à la mutation d’un seul gène). Il
y a encore une douzaine d’années, la part de l’hérédité dans les
diverses formes de surdité isolée était inconnue. Il était commu-
nément admis qu’une fraction importante des surdités de l’en-
Dès le début du XIXème siècle, le mode de fonctionnement de la
cochlée, organe sensoriel auditif des mammifères, a suscité l’inté-
rêt des physiciens et des physiologistes. Les hypothèses alors for-
mulées, notamment par Ohm et Helmholtz, se sont avérées pour
la plupart exactes. En revanche, parce que la cochlée comporte
une vingtaine de types cellulaires dont chacun n’est représenté
que par un tout petit nombre de cellules, elle échappait,
jusqu’au début des années 1990, à toute caractérisation moléculai-
re par les méthodes de biochimie et de génétique moléculaire
classique développées au XXème siècle. Ainsi, la conversion de la
stimulation sonore en un signal électrique (transduction mécano-
électrique) transmis ensuite au cerveau n’est-elle assurée que par
environ 3.000 cellules sensorielles, tandis que, dans la rétine, celle
de la stimulation photonique en un signal électrique (transduction
photo-électrique) l’est par 120 millions de cellules sensorielles
photoréceptrices. Dans une telle situation, l’approche génétique
conduisant à identifier des protéines indispensables au développe-
ment ou au fonctionnement de la cochlée, a paru particulièrement
adaptée pour entreprendre l’étude de cet organe sensoriel à une
échelle moléculaire. Cette approche a permis d’élucider certaines
causes de surdité chez l’homme, et d’en clarifier les mécanismes
moléculaires et cellulaires [1, 2, 10]. Elle devrait également per-
mettre de démêler l’écheveau de l’intégration fonctionnelle des
divers niveaux d’organisation de cet organe complexe [7, 8].
I. LES CAUSES DES SURDITÉS
A. La surdité est le déficit sensoriel le plus fréquent chez
l’enfant. Elle touche environ un enfant sur 700 à la naissance et
un individu sur 500 avant l’âge de 20 ans. Le retentissement
d’une surdité dépend de sa sévérité et de sa date de survenue.
Chez l’enfant sourd, l’acquisition du langage est particulière-
ment difficile. Lorsque la perte de l’acuité auditive survient
chez un adulte, le contact social s’amenuise, occasionnant
souvent un syndrome dépressif.
Association des Anciens Élèves de l’Institut Pasteur
SURDITÉS HUMAINES : LA PART DE L’HÉRÉDITÉ
Professeure Christine PETIT1
Institut Pasteur - Paris
1Professeure au Collège de France, membre de l’Académie des Sciences
Unité de Génétique, des Déficits sensoriels, Département de Neuroscience INSERM UMRS 587 Institut Pasteur, 25, rue du Docteur Roux F75724 Paris Cedex 15.
RÉSUMÉ
Depuis une douzaine d’années, des progrès substantiels ont été réalisés dans la compréhension, en termes moléculaires, des surdités
héréditaires congénitales ou d’apparition précoce. Cet article porte essentiellement sur les surdités isolées (i.e. non syndromiques),
pour lesquelles le nombre de gènes responsables identifiés (plus de 40 à ce jour) continue de s’accroître. En revanche,
les difficultés de l’analyse de liaison génétique, auxquelles s’ajoute l’implication de facteurs environnementaux, ont retardé la
caractérisation des principaux gènes responsables de, ou prédisposant à l’apparition d’une surdité tardive.
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