CCllaaiirree VVaallllaatt--AAzzoouuvvii 11,,22
1Antenne UEROS- UGECAMIF, Hôpital Raymond Poincaré, Garches
2 INSERM-UPMC 731
RReemmeerrcciieemmeennttssààttoouuss cceeuuxx qquuii oonntt ppaarrttiicciippééàà llaa rrééaalliissaattiioonn eett àà llaa vvaalliiddaattiioonn ddee ccee mmaattéérriieell::
A Madame Catherine Tessier, orthophoniste,
Au Docteur P. Pradat-Diehl et au Professeur P. Azouvi
Aux étudiants orthophonistes : R. Meffert, H. Ardisson, B. Martin, M. Bonnaud, diplômés
depuis.
A Adeline Kernin et Catherine Chasles, pour leur collaboration.
Et bien sûr à CPP, AC, C, CDA et tous les patients qui ont participé aux études permettant de
valider l’efficacité de ce matériel.
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Avant-propos
Rééducation de la mémoire de travail
Rééducation de la mémoire de travail
Après avoir sitle cadre théorique, nous exposerons le principe général de ce programme de
rééducation ainsi que quelques études de cas permettant d’illustrer les rééducations réalisées
dans un cadre expérimental, validant l’efficacité et la spécificité du matériel. Pour une revue
plus détaillée, voir le chapitre « Rééducation cognitive de la mémoire de travail » in Neuro-
psychologie de la mémoire de travail (Vallat-Azouvi, C. , Azouvi, P., Pradat-Diehl, P., 2007)
.
CCaaddrree tthhééoorriiqquuee
Le concept de mémoire à court terme a progressivement laissé place à celui de «mémoire de
travail» permettant de rendre compte du maintien et du traitement simultané des informa-
tions. La mémoire de travail a donc pour fonction de maintenir temporairement une petite
quantité d’information pendant la réalisation d’opérations cognitives plus ou moins com-
plexes. Elle joue un rôle clé dans différentes activités de vie quotidienne, comme le raison-
nement, la compréhension du langage oral et écrit, l’apprentissage du vocabulaire ou encore
la lecture… Les plaintes des patients pouvant évoquer un trouble de la mémoire de travail
sont nombreuses et variées. Pour exemple, citons : la perte rapide d’information, les difficul-
tés à maintenir ou à comprendre une conversation, les difficultés pour lire de façon suivie sans
être obligé de revenir en arrre, les problèmes de calcul mental, les difficultés de prise de note
(en réunion, au téléphone, en cours pour les étudiants), la perte d ’informations en cours
d’activités, la difficulté de gestion des interruptions ou des éléments distracteurs dans la réa-
lisation d’une tâche, les difficultés en doubles tâches.
Baddeley et ses collègues décrivent un modèle de mémoire de travail comportant trois com-
posantes : un système central, à capacité limitée (administrateur central) et deux systèmes es-
claves (la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial). L’administrateur central
s’apparente à un système de contrôle attentionnel, comparable au système de supervision at-
tentionnel décrit dans le modèle des fonctions exécutives de Norman et Shallice.
L’administrateur central supervise et coordonne la régulation du flux d’information, et sert
d’interface avec les systèmes esclaves, permettant le maintien et le traitement des informa-
tions. Il est impliqué par exemple dans des ches de raisonnement, de calcul mental, de com-
préhension de texte, et intervient notamment dans les situations de doubles tâches et
d’interférences. La boucle phonologique permet le maintien et le traitement de l’information
verbale. Plusieurs études récentes suggèrent que la boucle phonologique soit impliquée dans
le contrôle verbal de l’action et n’ait donc pas uniquement un rôle «passif», mais aussi une
fonction exécutive plus active. Le calepin visuo-spatial permet le maintien et la manipulation
d’images mentales. Baddeley propose également en 2000, d’ajouter une quatrième compo-
sante à ce modèle. Il s’agit d’une mémoire tampon épisodique (ou «buffer épisodique») consti-
tuant un système à capacité limitée, permettant le stockage temporaire d’informations
multimodales et l’intégration au sein d’une représentation épisodique d’une part, des infor-
mations venant des systèmes esclaves et de la mémoire à long terme d’autre part. Cette com-
posante constituerait donc une interface avec la mémoire épisodique à long terme.
Les troubles de la moire de travail sont fréquents (Azouvi P. et al, 2007) aps sion brale
acquise (traumatismes crâniens, accidents vasculaires cérébraux, tumeurs) ou dans les patholo-
gies dégénératives
.
Dans la littérature, peu d’études concernent la rééducation de ces troubles.
Ce matériel a été conçu dans une approche cognitive de rééducation de la mémoire de travail,
et il nous a semblé pertinent de se situer dans une conception proche de ce qui avait été fait dans
le domaine de l’attention puisque l’administrateur central est comparable à une composante at-
tentionnelle, et donc de tenter d’appliquer le même type d’approche thérapeutique dans les cas
de déficits de l’administrateur central.
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Un certain nombre de travaux portant sur la rééducation des troubles de l’attention chez des
patients cérébrolésés adultes ont conduit, ces dernières années, à des résultats positifs. Sturm
et al. avaient montré l’intérêt d’une rééducation spécifique des composantes de l’attention
chez des patients victimes d’accidents vasculaires cérébraux et de traumatismes crâniens. De
même, des études récentes (Couillet, 2002) ont montré l’efficacité de techniques de réédu-
cation de l’attention divisée, qui est une des fonctions classiquement attribuées à l’adminis-
trateur central de la mémoire de travail.
Une des premières études publiées concernant la rééducation de la mémoire de travail après
traumatisme crânien est celle de Cicerone (2002). Cette étude a por sur un groupe de
quatre patients traumatisés crâniens légers en phase subaiguë (plus de trois mois après l’ac-
cident). Les patients étaient sélectionnés sur la base de plaintes subjectives et d’un échec à au
moins deux tests attentionnels sur six. Ils étaient comparés à un groupe de contrôle de pa-
tients non rééduqués (car domiciliés trop loin du centre) appariés en âge, sexe, durée d’édu-
cation, et délai depuis l’accident (8,25 vs. 7 mois). Le programme de rééducation était centré
sur les opérations d’allocation et de régulation des ressources attentionnelles. Les tâches vi-
suelles de type n-back (1-, 2-, et 3- back) étaient effectuées soit en tâche unique soit avec des
tâches interférentes de complexivariable : générations aléatoires ou tâches reproduisant des
situations de vie quotidienne individualisées (prise de notes, vérification d’inventaire…). La
rééducation était proposée au rythme d’une séance d’une heure par semaine, durant 11 à 27
semaines selon les cas. Les résultats montraient une amélioration sur 58,3% des mesures
pour les quatre patients traités (vs. 12,5% des mesures dans le groupe contrôle). Une amé-
lioration était constatée sur un test de mémoire de travail (Paced Auditory Serial Addition
Test, PASAT) et sur un test mesurant la vitesse de détection automatique ou contrôlée (Test
2 & 7), mais il n’existait pas d’effet sur la vitesse de traitement évaluée par le Trail Making
Test. Il faut cependant souligner que les déficits cognitifs étaient relativement peu importants
chez ces patients. Les auteurs montraient par ailleurs, une diminution des difficultés en vie
quotidienne évaluées avec l’échelle d’évaluation des comportements attentionnels, compara-
tivement au groupe de contrôle pour qui les difficultés restaient stables.
Coyette et al. ont décrit une rééducation de l’administrateur central chez un patient trauma-
tisé crânien grave en phase chronique, présentant un déficit électif de l’administrateur central
avec préservation des systèmes esclaves. Cette rééducation, basée sur des mécanismes de res-
tauration, était réalisée pendant 15 mois, à raison de deux séances hebdomadaires et propo-
sait des tâches au sein desquelles la charge en mémoire de travail augmentait progressivement.
Il s’agissait de tâches de mémorisation en situation d’interférence (type Brown Peterson), de
mémorisation avec charge mentale (impliquant un stockage et un traitement simultané) et de
simulation informatisée d’une activité professionnelle du patient (relevés de mesures topo-
graphiques). Les résultats post-thérapeutiques montraient une amélioration sensible dans des
tests de mémoire de travail mais avec une fluctuation des performances et des scores qui ne
s’étaient pas normalisés. A noter qu’en parallèle à cet entraînement, il était proposé au patient
une approche plus écologique ayant pour objectif de lui apprendre à pallier les difficultés de
mémoire de travail en situation de vie courante.
Plus cemment, un groupe italien a rapporté une étude de rééducation de l’administrateur cen-
tral de la moire de travail chez neuf patients traumatisés cniens res . Les patients étaient
compas à un groupe de contrôle de six patients appariés en âge et en sévérité du traumatisme,
présentant un ralentissement cognitif mais sans atteinte de l’administrateur central. La métho-
dologie utilisait une premre mesure cognitive de ligne de base avant tout traitement, puis une
phase de pré-traitement, comprenant un « entraînement métacognitif » reposant sur un travail
de la conscience du trouble et l’anxié. Une deuxième évaluation cognitive était alors réalisée
à la fin de cette phase, puis les patients recevaient l’entraînement cognitif proprement dit, repo-
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sant sur une che de PASAT dont les intervalles inter-stimuli étaient progressivement diminués.
Les auteurs rapportent une amélioration aps entraînement cognitif sur des tâches variées (at-
tention divisée, n-back, fluences verbales, mémoire épisodique) alors que les épreuves de vigi-
lance et de vitesse de traitement ne s’amélioraient pas. Cette amélioration dans des domaines
variés, y compris sur des épreuves ne mettant pas spécifiquement en jeu l’administrateur central,
pose toutefois la question de la spécifici du traitement.
Une équipe suédoise a réali plusieurs travaux portant sur l’entraînement de la moire de tra-
vail couplé à des études d’imagerie fonctionnelle cérébrale dans différentes pathologies, ainsi
que chez des sujets sains. Ces auteurs ont étud en imagerie cérébrale l’effet de l’entraînement
cognitif de la mémoire de travail chez des sujets sains. Dans la première partie de cette étude,
trois sujets étaient entraînés à réaliser trois tâches de mémoire de travail visuo-spatiale pendant
cinq semaines. A la fin de la période d’entraînement, il existait une amélioration significative
(par comparaison avec un groupe non entraîné) sur des tâches non travaillées : l’empan visuo-
spatial, la vitesse de alisation du test de Stroop et les Matrices de Raven. L’IRMf montrait une
augmentation de l’activité dans le cortex préfrontal et pariétal après entraînement. Dans la
deuxième partie de cette étude, huit sujets sains réalisèrent cinq IRMf au cours de la période
de cinq semaines d’entrnement. Les performances des sujets sur la che de moire de travail
visuo-spatiale utilisée en IRMf (plus difficile que lors de la première étude) s’améliorèrent si-
gnificativement avec l’entraînement, tant en terme de vitesse que de précision. La plupart des
sujets (6/8) rapportaient ne pas avoir changé de stratégie au cours de l’entraînement, utilisant
d’emblée une stratégie de « chunking » (regroupement des items en une entité globale). L’IRMf
montrait par ailleurs une augmentation d’activité corlée avec l’amélioration des performances
dans les régions préfrontale et pariétale ainsi que dans le thalamus et le noyau caudé. Ces ré-
sultats sont intéressants car ils démontrent une plasticité cérébrale induite par l’entraînement
dans des régions cérébrales impliquées dans la mémoire de travail, en particulier dans le gyrus
frontal moyen et dans lesgions pariétales supérieure et inférieure.
Cette équipe a réalisé également des études de rééducation de la mémoire de travail chez des
enfants souffrant d’un déficit d’attention avec hyperactivité (ADHD), montrant également
une amélioration significative se généralisant à des épreuves non travaillées ainsi que sur le
comportement évalué par les parents.
Ce même groupe a récemment présenté une rééducation informatisée des troubles de la mé-
moire de travail dans des cas de lésions cérébrales variées (vasculaires ou traumatiques) . Les
résultats montraient une amélioration des performances dans les tâches entraînées et égale-
ment dans des tests d’attention et d’inhibition (test de Stroop). Une étude anatomo-fonc-
tionnelle en IRMf (Wersterberg H., et Klingberg T., 2007) a été également réalisée pour un
des patients, montrant une augmentation de l’activité cérébrale dans la région du striatum du
côté de la lésion, après la rééducation.
PPrriinncciippee ggéénnéérraall dduu pprrooggrraammmmee ddee rréééédduuccaattiioonn
Ce protocole expérimental de rééducation de la mémoire de travail a fait l’objet d’études
expérimentales démontrant son efficacité. La thérapie repose sur une hypothèse de restau-
ration des processus de mémoire de travail avec une méthodologie de type réentraînement
spécifique. Les différentes tâches proposées mettent en jeu à la fois les opérations de stockage
et de traitement et sollicitent :
- la boucle phonologique et l’administrateur central pour une partie des tâches : reconstitu-
tion de mots sur épellation orale, reconstitution de mots sur épellation orale avec lettres
manquantes, épellation orale, reconstitution de mots à partir des syllabes, estimation du
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nombre de lettres dans un mot, arrangement de mots dans l’ordre alphabétique, acronymes,
défilés de mots et de questions, et empan de Daneman ;
- le calepin visuo-spatial et l’administrateur central pour une autre partie : déplacement sur
un échiquier, déplacement dans un cube, et défilés de cartes.
Dans l’objectif d’augmenter progressivement la charge mentale requise pour réaliser les tâches,
chaque tâche comprend plusieurs niveaux de difficulté. Les niveaux de difficultés ont été dé-
finis et hiérarchisés en fonction de la longueur des items, du niveau de traitement, du degré
d’imagerie, de la fréquence d’utilisation dans la langue française et pour certaines tâches, de
la vitesse de présentation. Les listes de mots sont différentes d’un exercice à l’autre.
A noter que nous avons étudié la faisabilité de ce matériel avant de le proposer aux patients
cérébrolésés et afin de réajuster les niveaux de difficultés.
Le schéma expérimental pour démontrer l’efficacité et la spécifici de la méthode de réédu-
cation était une étude en cas unique consistant en une ligne de base multiple selon les compor-
tements (multiple baseline across behaviours). Il comportait deux mesures pré-trapeutiques
pour évaluer le déficit et sa stabili, et deux mesures post-thérapeutiques pour évaluer l’effi-
cacité et la spécifici de la méthode ainsi que la stabilité des progrès. A chaque évaluation, plu-
sieurs variables correspondant à des fonctions différentes étaient mesurées : des variables
« cibles » spécifiques non entraînées (empans auditivo-verbaux et visuo-spatiaux, empans de let-
tres et de mots, tâches de Brown-Peterson, Tâches de Corkin), des variables « cibles » non spé-
cifiques (tâche informatisée d’attention divisée, résolution orale de problèmes arithmétiques,
compréhension orale de texte) et des tâches non cibles (temps de réaction simple et à choix,
rappel de figures complexes et de listes de mots). L’intérêt d’utiliser plusieurs types de variables
étaient d’évaluer différents effets : un effet de spécifici avec une amélioration des variables
cibles aps la rééducation sans modification des variables non cibles ; un effet de néralisation
avec une amélioration des variables cibles non spécifiques ; un effet de transfert dans la vie
quotidienne avec une diminution des plaintes évaluées avec des questionnaires écologiques :
l’Echelle de Communication Verbale de Bordeaux (ECVB) , l’Echelle d’évaluation du compor-
tement attentionnel et le questionnaire de mémoire de travail.
CCaass 11
Une première étude a porté sur la rééducation de l’administrateur central et de la boucle
phonologique chez un patient victime d’un accident vasculaire cérébral. Le patient, CCP, âgé
de cinquante-trois ans, avait présenté un infarctus pariétal gauche responsable d’une aphasie
de conduction et avait bénéficié d’une rééducation classique de l’aphasie pendant un an. A
un an de l’accident vasculaire cérébral, il avait une bonne récupération du langage mais il
gardait des plaintes en vie quotidienne : difficultés pour maintenir et comprendre une
conversation, difficultés de calcul mental (par exemple pour évaluer le coût des achats ou
la monnaie dans les magasins).
La rééducation expérimentale a débuté quatorze mois après l’accident vasculaire cérébral, à
raison de trois séances par semaine pendant six mois. Les exercices utilisés ciblaient l’admi-
nistrateur central et la boucle phonologique.
Les tests ont montré des déficits avant rééducation spécifique et une évolution après réédu-
cation. Les tâches cibles spécifiques de mémoire de travail, à savoir les empans de chiffres au-
ditivo - verbaux endroit et envers et l’évaluation de l’administrateur central par l’épreuve de
Brown Peterson avec des tâches interférentes de suppression articulatoire et de calcul mental,
montraient des performances diminuées par rapport aux contrôles en pré-thérapie, et une
amélioration significative en post-thérapie, montrant ainsi l’efficacité de la rééducation de la
mémoire de travail. Pour les tâches cibles non-spécifiques, impliquant la mémoire de travail,
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