Anglais pour philosophes : Introduction à la philosophie analytique Université Paris 8 Gerhard Schmezer Traduction (1) [1] Ludwig WITTGENSTEIN, Tractatus logico-philosophicus, trad. de l’allemand par Gilles Gaston GRANGER, Paris, Gallimard, 1993. 4.111 La philosophie n’est pas une science de la nature. (Le mot « philosophie » doit signifier quelque chose qui est au-dessus ou au-dessous des sciences de la nature, mais pas à leur coté.) 4.112 Le but de la philosophie est la clarification logique des pensées. La philosophie n’est pas une théorie mais une activité. Une œuvre philosophique se compose essentiellement d’éclaircissements. Le résultat de la philosophie n’est pas de produire des « propositions philosophiques », mais de rendre claires les propositions. La philosophie doit rendre claires, et nettement délimitées, les propositions qui autrement sont, pour ainsi dire, troubles et confuses. * 6.53 * * La méthode correcte en philosophie consisterait proprement en ceci : ne rien dire que ce qui se laisse dire, à savoir les propositions de la science de la nature — quelque chose qui, par conséquent, n’a rien à faire avec la philosophie — , puis quand quelqu’un d’autre voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontrer toujours qu’il a omis de donner, dans ses propositions, une signification à certains signes. Cette méthode serait insatisfaisante pour l’autre — qui n’aurait pas le sentiment que nous lui avons enseigné de la philosophie — mais ce serait la seule strictement correcte. * * * [2] A. AYER, Langage, vérité et logique, trad. de l’anglais par J. OHANA, Paris, Flammarion, 1956, p. 39-41. « L’élimination de la métaphysique » 1 Les traditionnelles disputes des philosophes sont pour la plupart aussi injustifiées que stériles. Le plus sûr moyen de les terminer est d’établir, au delà de toute contestation, ce que doivent être le but et la méthode de l’enquête philosophique. Et cela n’est nullement une tâche aussi difficile que l’histoire de la philosophie pourrait le laisser supposer. Car s’il y a des questions dont la science réserve la solution à la philosophie, une procédure méthodique d’élimination doit conduire à leur découverte. 2 Nous pouvons commencer par critiquer la thèse métaphysique selon laquelle la philosophie nous apporte la connaissance d’une réalité transcendant le monde de la science et du sens commun. Plus tard lorsque nous en arriverons à définir la métaphysique et à rendre compte de son existence, nous trouverons qu’il est possible d’être métaphysicien sans croire à une réalité transcendante, car nous verrons que beaucoup d’énonciations métaphysiques interviennent à la faveur d’erreurs de logique plutôt que d’un désir conscient, de la part de leur auteur, d’aller au delà des limites de l’expérience. Mais il nous faut considérer le cas de ceux qui croient qu’il est possible d’avoir la connaissance d’une réalité transcendante, comme un point de départ pour notre discussion. Les arguments que nous employons pour les réfuter se trouveront par la suite valoir pour toute la métaphysique. 3 Un moyen d’attaquer un métaphysicien qui prétendrait avoir connaissance d’une réalité qui transcenderait le monde phénoménal serait de s’enquérir des prémisses dont ses propositions sont déduites. Ne doit-il pas commencer comme d’autres, par le témoignage de ses sens ? Si oui, quelle démarche peut-elle le mener à la conception d’une réalité transcendante ? Il est sûr que de prémisses empiriques, rien concernant les propriétés ou même l’existence de quelque chose de supraempirique ne peut être inféré légitimement. Mais à cette objection, le métaphysicien opposera la négation que ses assertions soient fondées finalement sur le témoignage des sens. Il dira qu’il a été doué d’une faculté d’intuition intellectuelle, qui le rend capable de connaître des faits inconnaissables par l’expérience des sens. Et même s’il pouvait être montré qu’il se fiât à des prémisses empiriques, et que ses pérégrinations vers un monde non empirique fussent par conséquent logiquement injustifiées, il ne s’ensuivrait pas que les assertions qu’il fait concernant ce monde non empirique ne puissent être vraies. Car le fait qu’une conclusion ne suit pas de sa prémisse supposée ne suffit pas à montrer qu’elle est fausse. On ne peut donc renverser un système de métaphysique transcendante en critiquant la voie par laquelle il est introduit. Ce qui est requis c’est plutôt la critique de la nature des affirmations positives qui le constituent. Et c’est le mode d’argumentation que nous choisirions en effet. Car nous maintiendrons qu’aucune affirmation se référant à une « réalité » transcendant les limites de toute expérience possible des sens ne saurait avoir de signification littérale ; d’où il doit résulter que les travaux de, ceux qui se sont efforcés de décrire une telle réalité ont, tous été voués à la production de non-sens. * * 2 *