Jean Jouzel - Lyonnaise des Eaux

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Cycle de l'eau et effet de serre
TRIBUNES & DEBATS
par Jean Jouzel, climatologue
Effet de serre, réchauffement climatique … quelles conséquences sur le cycle de
l’eau ?
Comment explique-t-on l'effet de serre ?
L'effet de serre est un phénomène naturel. D'ailleurs heureusement qu'il existe, sinon la
température sur la terre ne dépasserait pas les - 18° C ! Quand le rayonnement solaire se
réfléchit à la surface de la planète, il change de longueur d’onde. Il est alors piégé par la
vapeur d'eau, le gaz carbonique, le méthane, le protoxyde d’azote,…
Le problème, ce n'est donc pas l'effet de serre en lui-même mais son augmentation. Par nos
activités, nous augmentons la concentration de certains de ces gaz et donc la chaleur piégée
dans les basses couches de l'atmosphère, avec pour résultat un accroissement de leur
température.
Peut-on chiffrer cette augmentation des gaz à effet de serre ?
La proportion de gaz carbonique a augmenté de 35 % en 200 ans. Dès que l’on brûle du
pétrole, du gaz naturel, du charbon, on produit du gaz carbonique : pas loin de 30 milliards
de tonnes par an sur les années récentes.
La déforestation joue aussi un rôle non négligeable augmentant ces émissions de gaz
carbonique de 15 à 20 %. S'y ajoute le méthane produit par exemple lors de la
décomposition de la matière organique sans oxygène (marais, rizières…), et d'autres
composés. Au total la chaleur disponible a crû de 1 % dans les basses couches de
l’atmosphère.
La corrélation entre l'augmentation des gaz à effet de serre et le réchauffement
climatique fait-elle l'unanimité ?
Les scientifiques s'accordent sur deux points. D'abord sur le fait que la concentration des
gaz à effet de serre augmente de façon rapide et importante. Cette augmentation est liée
aux activités humaines. Ensuite, sur le réchauffement. Le rapport du GIEC est sans
équivoque. Un exemple : dix des douze dernières années sont les plus chaudes que
l'humanité ait connues. Autre exemple, le niveau de la mer augmente à cause de ce
réchauffement.
Le débat porte sur la part attribuable aux causes naturelles et celle liée à l'activité humaine.
Notre diagnostic est qu'il y a plus de 9 chances sur 10 que l'essentiel du réchauffement
récent provient de nos activités. D'ici 2020, la température devrait augmenter de 2 à 3
dixièmes de degré, ce n'est pas la fin du monde. Mais le problème, c'est après. Si l'on ne fait
rien tout de suite, la machine va s'emballer.
Quelles pourraient être les conséquences pour le cycle de l'eau ?
Le cycle de l’eau et le climat sont étroitement liés. Le réchauffement aura une influence sur
le niveau des glaciers mais aussi sur les précipitations et donc sur l'approvisionnement en
eau. Pour nombre de populations, la ressource provient de la neige et des glaces. Dans un
premier temps, la fonte des glaciers apportera de l’eau supplémentaire. Mais c'est lorsqu'ils
auront disparu que les problèmes apparaîtront. Pour cette raison, on craint que les grands
fleuves de l’Inde, par exemple, ne deviennent, dans quelques décennies, des rivières
saisonnières, sans eau les mois d'été... Dans le bassin méditerranéen, la quantité de
précipitations devrait se réduire de l'ordre de 20 à 30 %, l'été, durant la seconde partie du
XXIe siècle, Dans le nord de l’Europe, ce devrait être l’inverse.
Enfin, le niveau de la mer devrait s'élever de 20 à 60 cm d'ici la fin du siècle mais certains
scientifiques craignent des valeurs plus élevées.
Dans son film, Al Gore estime à 40 % la population mondiale qui pourrait être affectée
par la pénurie d’eau à cause du recul des glaciers. Qu’en pensez-vous ?
Oui, on pense qu'entre 1 et 2 milliards d’Asiatiques pourraient être touchés car leur
alimentation en eau dépend des précipitations qui tombent sur le massif himalayen. Tout le
problème, c’est l’adaptation. En France, nous pouvons, dans un premier temps, nous
adapter au changement. Ce n’est ni le cas de l'Afrique ni celui de l'Asie. Pour nous, les
véritables difficultés ne devraient apparaître que dans la seconde partie du XXIe siècle. Mais
il sera alors trop tard pour y faire face si rien n'est fait pour diminuer nos émissions dès
maintenant et de façon importante d'ici 2050.
Déjà, l’élévation du niveau de la mer est à l'origine des premiers réfugiés climatiques. Il faut
rappeler que le niveau moyen des océans s'est élevé de 17 cm au cours du XXe siècle.
Certains pays sont déjà vulnérables. On estime qu'une élévation du niveau de la mer de 40
cm entraînerait une migration de 250 millions de personnes qui seront obligées que quitter
l’endroit où elles vivent. A plus long terme, à échéance de quelques siècles, on se pose des
questions sur le comportement du Groenland dont une partie pourrait fondre dans un climat
plus chaud de quelques degrés.
Des conflits sont-ils possible pour l’accès à l’eau ?
Oui c’est clair. C’est l’un des problèmes du réchauffement climatique. Ce ne sera pas le seul
problème environnemental auquel nous aurons à faire face. Le problème de l’eau est déjà un
important dans certains pays. Le réchauffement climatique va l'accentuer.
Jean Jouzel est Climatologue et également membre du Groupement intergouvernemental sur l'évolution du climat
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