Le débat porte sur la part attribuable aux causes naturelles et celle liée à l'activité humaine.
Notre diagnostic est qu'il y a plus de 9 chances sur 10 que l'essentiel du réchauffement
récent provient de nos activités. D'ici 2020, la température devrait augmenter de 2 à 3
dixièmes de degré, ce n'est pas la fin du monde. Mais le problème, c'est après. Si l'on ne fait
rien tout de suite, la machine va s'emballer.
Quelles pourraient être les conséquences pour le cycle de l'eau ?
Le cycle de l’eau et le climat sont étroitement liés. Le réchauffement aura une influence sur
le niveau des glaciers mais aussi sur les précipitations et donc sur l'approvisionnement en
eau. Pour nombre de populations, la ressource provient de la neige et des glaces. Dans un
premier temps, la fonte des glaciers apportera de l’eau supplémentaire. Mais c'est lorsqu'ils
auront disparu que les problèmes apparaîtront. Pour cette raison, on craint que les grands
fleuves de l’Inde, par exemple, ne deviennent, dans quelques décennies, des rivières
saisonnières, sans eau les mois d'été... Dans le bassin méditerranéen, la quantité de
précipitations devrait se réduire de l'ordre de 20 à 30 %, l'été, durant la seconde partie du
XXIe siècle, Dans le nord de l’Europe, ce devrait être l’inverse.
Enfin, le niveau de la mer devrait s'élever de 20 à 60 cm d'ici la fin du siècle mais certains
scientifiques craignent des valeurs plus élevées.
Dans son film, Al Gore estime à 40 % la population mondiale qui pourrait être affectée
par la pénurie d’eau à cause du recul des glaciers. Qu’en pensez-vous ?
Oui, on pense qu'entre 1 et 2 milliards d’Asiatiques pourraient être touchés car leur
alimentation en eau dépend des précipitations qui tombent sur le massif himalayen. Tout le
problème, c’est l’adaptation. En France, nous pouvons, dans un premier temps, nous
adapter au changement. Ce n’est ni le cas de l'Afrique ni celui de l'Asie. Pour nous, les
véritables difficultés ne devraient apparaître que dans la seconde partie du XXIe siècle. Mais
il sera alors trop tard pour y faire face si rien n'est fait pour diminuer nos émissions dès
maintenant et de façon importante d'ici 2050.
Déjà, l’élévation du niveau de la mer est à l'origine des premiers réfugiés climatiques. Il faut
rappeler que le niveau moyen des océans s'est élevé de 17 cm au cours du XXe siècle.
Certains pays sont déjà vulnérables. On estime qu'une élévation du niveau de la mer de 40
cm entraînerait une migration de 250 millions de personnes qui seront obligées que quitter
l’endroit où elles vivent. A plus long terme, à échéance de quelques siècles, on se pose des
questions sur le comportement du Groenland dont une partie pourrait fondre dans un climat
plus chaud de quelques degrés.
Des conflits sont-ils possible pour l’accès à l’eau ?
Oui c’est clair. C’est l’un des problèmes du réchauffement climatique. Ce ne sera pas le seul
problème environnemental auquel nous aurons à faire face. Le problème de l’eau est déjà un
important dans certains pays. Le réchauffement climatique va l'accentuer.
Jean Jouzel est Climatologue et également membre du Groupement intergouvernemental sur l'évolution du climat