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Jusqu’à 50
couches peuvent
être représentées
dans le modèle
Crocus pour
simuler finement un
manteau neigeux
épais d’un ou deux
mètres.
58 • Les Dossiers De La recherche | DÉCEMBRE 2012 • N° 1
surface comprise entre 400 et 1 000 km². Les
Alpes sont ainsi découpées en 23 massifs, les Pyrénées
en 11, et la Corse en 2. Au sein de ces massifs, le risque
d’avalanche est calculé par palier d’altitude de 300
mètres et pour chaque exposition de pente. » La phase
opérationnelle au cours de laquelle sont émis
les bulletins d’estimation du risque d’avalanche
(BRA) dure de novembre à mi-juin. Ce travail
est fait en étroite collaboration avec les centres
montagne de Météo-France, responsables des
prévisions opérationnelles du risque d’avalanche.
Le CEN forme les prévisionnistes avalanche,
coordonne leur travail quotidien et recueille leur
expérience, ce qui contribue à l’amélioration des
systèmes de simulation et des connaissances sur
ce phénomène.
Un autre facteur est à prendre en compte dans
la prévision du risque d’avalanche : le transport
de la neige par le vent. Il est à l’origine de la
formation de la majorité des plaques, ces mêmes
plaques dont le déclenchement accidentel est
la cause de la plupart des victimes d’avalanche.
En collaboration avec IRSTEA, le CNRM-
GAME étudie ce phénomène au col du Lac
blanc, non loin de l’Alpe-d’Huez. À 2 720 m
d’altitude, des capteurs mesurent les hauteurs
de neige qui diminuent ou augmentent de part
et d’autre de la station balayée par les vents. « Les
données nous servent à mettre au point des modèles
qui calculent les quantités de neige transportées selon
les conditions météorologiques et la nature des grains
en surface du manteau neigeux », détaille Pierre
Etchevers. Cette nouvelle approche a été inté-
grée à Safran et Crocus, et est expérimentée cet
hiver sur quelques massifs en Isère.
Quand la neige fond. En aval de ces
études, les chercheurs établissent le bilan d’eau
correspondant à la quantité de neige fondue. C’est
notamment le travail d’Éric Martin, du CNRM-
GAME, à Toulouse : « Nous cherchons à prévoir
l’apport d’eau lié à la fonte de la neige au printemps,
mais aussi les crues nivales qui peuvent se produire
durant cette période. » Pour simuler les bilans d’eau
et d’énergie de surface, un outil de modélisation
a été développé : la chaîne Safran-Isba-Modcou.
Safran analyse les conditions météorologiques à
l’échelle de la France. Isba représente les échanges
entre l’atmosphère et la surface à la résolution
de 8 km, en incluant le manteau neigeux via un
modèle de complexité intermédiaire (voir info-
graphie p.56), le ruissellement de surface et le
drainage profond. Ses données sont reprises par
Modcou, qui calcule le débit des rivières. « C’est
une modélisation dont les enjeux économiques sont
importants, souligne Éric Martin. L’agriculture,
l’industrie, les villes sont concernées par la dispo-
nibilité de la ressource en eau. Nous continuons à
développer les actions de recherche dans ce sens, la
dernière en date étant Scampei. » (voir focus) •
à retenir
• Des études à l’échelle du grain sont nécessaires pour améliorer
la compréhension des transformations de la neige.
• La chaîne de modèles de Météo-France donne une estimation
de plus en plus fine du risque d’avalanche dans les Alpes,
les Pyrénées et en Corse.
• Les scientifiques tiennent compte de l’effet de la neige et de
sa fonte pour calculer les bilans hydrologiques.
de la météo au climat
de la météo au climat
Quel type de données est important
pour faire avancer les recherches
sur les propriétés physiques de la neige ?
Il nous manque des mesures objectives sur
la forme des cristaux et sur leur taille. Nous
avons voulu documenter ces variables et
les intégrer dans une nouvelle version du
modèle détaillé Crocus dans le cadre du
projet Quaspper* (QUantitative Assess-
ment and modelling of the Snow Physical
PropERties), que nous avons commencé
en 2010. Le modèle décrira alors de façon
plus objective l’évolution des propriétés
physiques des couches de neige sous l’effet
des conditions météorologiques de surface.
À l’aide de quels instruments
allez-vous faire les études de terrain ?
En parallèle avec les approches convention-
nelles utilisées de longue date au CEN, nous
utilisons des outils issus de la recherche
menée en amont sur les propriétés optiques
ou mécaniques de la neige, par exemple
le SnowMicroPen (développé au WSL-SLF,
Davos, Suisse) et plusieurs instruments déve-
loppés à Grenoble, qui mesurent la réflec-
tance de la neige dans le proche infrarouge
jusqu’à un ou deux mètres de profondeur.
Le travail de terrain est complémentaire
d’études en chambre froide pour lesquelles
plus de variables peuvent être contrôlées.
Sur quelle autre expertise
vous appuyez-vous ?
Nous collaborons étroitement sur ces
aspects avec la communauté de recherche
locale (Observatoire des sciences de
l’Univers de Grenoble – OSUG). Le LGGE
(Laboratoire de glaciologie et géophysique
de l’environnement) a apporté une contribu-
tion importante à ce projet en développant
un profileur de « rayon optique » des grains
de neige.
* Le projet a associé le CNRM-GAME/CEN et le LGGE,
et a été financé par l’Institut national des sciences de
l’Univers (INSU-LEFE).
TROIS QUESTIONS À
SAMUEL MORIN
chercheur et responsable
de l’équipe Manteau
neigeux au Centre
d’études de la neige du
CNRM-GAME depuis
2009
• Thèse au LGGE,
Grenoble, Université Paris-
Est (2005-2008)
• Magistère de sciences
de la Terre à l’ENS Paris -
Université Paris VI
(2002-2005)
« Décrire et modéliser de façon plus objective l’évolution
des propriétés physiques des couches de neige. »
© BM