P r o c e e d i n g s 2011 Infomed – dossier patient partagé en Valais Cédric Michelet, Frédéric Fragnière, Alex Gnaegi Service d’informatique médicale et administrative (SIMA), Institut Central des Hôpitaux Valaisans, Hôpital du Valais, Sion Summary Objectifs The project Infomed is part of the strategy of the health information system in the canton of Valais. It aims to implement a shared electronic patient record according to the recommendations of the Confederation eHealth strategy. Its two main goals are firstly to improve the management of patients by sharing medical data, and secondly the provision of indicators about the health status of the population. These objectives involve taking special attention of the patients’ consent. In the absence of insurance cards containing an X509 certificate, a temporary solution based on a PIN code has been developed. The project is divided into several phases to gradually integrate the various components into the system. The first pilot phase will be put into production in early 2012. La mise en œuvre du système d’information sanitaire doit répondre à deux objectifs stratégiques: améliorer la prise en charge des patients et fournir des informations précises sur l’état de santé de la population et l’activité des différents organismes (médecins, hôpitaux, etc.) qui composent l’appareil sanitaire valaisan. Introduction 2. Etat de santé de la population et activité médicale ambulatoire Ce deuxième objectif stratégique du projet Infomed réside dans l’obtention de données sur l’activité médicale ambulatoire. Alors que l’on dispose d’informations très précises dans le secteur hospitalier au travers de la statistique médicale de l’Office fédéral de la statistique, force est de constater l’absence quasi complète de données sur le secteur ambulatoire. Ces objectifs seront réalisés par la mise en place d’un dossier patient partagé (DPP). Le projet concerne en principe tous les établissements sanitaires situés en Valais qui figurent dans le tableau 1. En outre, l’échange de données avec d’autres institutions sanitaires extra cantonales doit être possible dans le cadre des spécifications prévues par la stratégie eHealth de la Confédération [3]. L’Etat du Valais souhaite disposer d’un système d’information sanitaire comme aide à la définition et à la mise en œuvre d’une politique sanitaire [1]. Cette informatisation du système sanitaire valaisan a été décomposée en 3 phases: 1. l’informatisation des hôpitaux (projet Infoval) qui a vu l’implémentation d’un dossier patient informatisé unique à tous les sites de l’Hôpital du Valais (anciennement RSV) et ceci depuis 2005. 2. l’informatisation du secteur médico-social, établissements médico-sociaux (EMS) et centres médico-sociaux (CMS) qui a vu l’implémentation d’un système d’information administratif commun en 2010, et qui prévoit un système d’information clinique en 2011. 3. l’intégration de la médecine ambulatoire (projet Infomed) qui prévoit la collaboration avec les cabinets des médecins praticiens ainsi que les autres institutions sanitaires valaisannes non intégrées dans les précédant projets. La dernière étape, Infomed, à fait l’objet d’une étude sur les besoins des différents acteurs du système ainsi que les données à Les auteurs n’ont pas échanger [2]. Sur cette base, la stradéclaré des obligations tégie de mise en place du projet Infofinancières ou personnelles med, ainsi que les contraintes techen rapport avec l’article niques et sécuritaires, ont pu être soumis. définies. 1. Améliorer la prise en charge des patients grâce à un accès facilité à l’information Il s’agit d’offrir aux médecins et aux autres professionnels de la santé la possibilité de consulter les informations médicales nécessaires pour prendre en charge un patient de manière optimale. L’accès aux données doit être possible indépendamment des contraintes géographiques et temporelles. Correspondance: Cédric Michelet Service d’informatique médicale et administrative Institut Central des Hôpitaux Valaisans Av. Grand-Champsec 86 CH-1950 Sion [email protected] Swiss Medical Informatics 2011; no 72 31 P r o c e e d i n g s 2011 Tableau 1 Etablissements et institutions sanitaires concernés par le projet Infomed. l’Hôpital du Valais avec ses 10 sites, 500 cabinets médicaux, plusieurs cliniques privées et de réadaptation, l’Hôpital du Chablais, 43 établissements médico-sociaux (EMS) et 19 centres médicosociaux (CMS), 113 pharmacies d’officine, plusieurs cabinets de physiothérapie, les laboratoires d’analyses médicales ou de pathologie et les instituts d’imagerie médicale. Matériel et méthodes L’échange de données et documents médicaux s’effectue sur la base d’une plateforme qui doit respecter les principes et recommandations préconisées par l’association IHE (Integrating the Healthcare Enterprise) et par la stratégie cybersanté de la Confédération. Par plateforme, on entend une application informatique capable d’intégrer des documents et données provenant d’autres applications, ainsi que de rendre disponible cette information aux personnes ou applications informatiques autorisées. La plateforme contient également un portail Internet permettant aux utilisateurs concernés de consulter les divers documents par l’intermédiaire d’un navigateur web, sous réserve des droits d’accès. La plateforme s’appuie sur un serveur d’identité qui permet d’assurer une identification univoque du patient. Après analyse approfondie, il a été décidé de faire l’acquisition d’une plateforme commercialisée en lieu et place d’un développement en interne. Résultats Le projet est décomposé en 6 étapes en fonction de l’analyse des besoins et des contraintes technologiques et juridiques, permettant ainsi une intégration progressive des différents acteurs. Etape 1 – transfert des données médicales hospitalières vers les cabinets médicaux L’objectif est de mettre à disposition des médecins praticiens l’information issue du dossier patient informatisé (DPI) de l’Hôpital du Valais. Dès la validation d’un document, celui-ci est envoyé depuis le DPI hospitalier à la plateforme Infomed au format HL7 CDA-CH [4] à un destinataire spécifique. Le document peut ensuite être importé dans le dossier patient électronique du destinataire ou être consulté sur le portail. Seuls les destinataires des documents peuvent consulter ou importer les documents CDA. Etape 2 – transfert de données médicales entre partenaires médicaux En proposant aux autres acteurs de contribuer à l’échange de données médicales, l’étape 2 doit intégrer les données médicales des cabinets, ainsi que des autres institutions sanitaires comme les cliniques privée et de réadaptation, ainsi que les laboratoires d’analyses médicales et pathologie et les instituts d’imagerie médicale. En fonction du degré d’informatisation du dossier médical du partenaire concerné, il est proposé plusieurs méthodes. S’il dispose d’un DPI, celui-ci peut s’interfacer avec la plateforme Infomed pour recevoir ou émettre des documents CDA. Si le partenaire n’est pas équipé d’un DPI, il peut passer par le portail web Infomed pour ajouter des documents via un formulaire permettant l’ajout d’un fichier par exemple en format PDF. Etape 3 – accès aux données médicales par les médecins L’étape 3 est une étape décisive dans le projet Infomed car elle permet aux médecins d’accéder aux documents médicaux même s’ils ne font pas partie des destinataires originaux d’un document. Sous réserve des droits d’accès, le médecin peut accéder à tous les documents relatifs à son patient. Un véritable dossier patient partagé sera ainsi créé. Le consentement explicite du patient pour l’accès aux documents médicaux le concernant par des personnes qui n’ont pas été désignées comme destinataires du document doit être obtenu pour cette étape. Une solution dite de «vitre brisée» permettant aux médecins d’accéder aux données en cas d’urgence doit également être implémentée. Figure 1 Acteurs du dossier patient partagé. Swiss Medical Informatics 2011; no 72 32 P r o c e e d i n g s 2011 d’un formulaire. L’authentification du patient s’effectue au moyen d’un certificat X509. Cette étape intervient relativement tardivement dans le projet car la majorité des assureurs maladies suisses n’ont pas distribué de cartes d’assuré disposant d’un certificat X509. Figure 2 Interfaces d’autorisation d’accès par déclaration. Etape 4 – intégration des pharmaciens Cette étape prévoit l’intégration des pharmaciens d’officine dans le projet, et de rendre accessible le dossier médicament des pharmacies. Il doit ainsi être possible de connaitre la liste actuelle des médicaments du patient, y compris certains médicaments hors ordonnances. Les pharmaciens peuvent avoir accès à certaines données médicales qui restent à définir. Etape 5 – extension aux autres professionnels de santé Cette étape permet aux autres professionnels de santé d’obtenir électroniquement des données du patient et de transmettre également leurs données. Les acteurs concernés par cette phase sont les infirmières des EMS, CMS et hôpitaux, ainsi que les chiropraticiens et physiothérapeutes. Etape 6 – intégration des patients Avec cette étape, les patients peuvent accéder à leur dossier patient et gérer les accès (quel professionnel de santé peut accéder à leur dossier). De plus le patient peut également saisir certaines données personnelles au moyen Figure 3 Exemple d’un épisode de soins. Consentement du patient: l’autorisation d’accès par déclaration Les documents médicaux du patient sont des données personnelles et sensibles. Il convient donc de les traiter en toute confidentialité et sécurité, et ceci en accord avec les souhaits de chaque personne. L’information et la transparence permettent de gagner la confiance des patients. Pour les phases 1 et 2, la transmission de documents ne se fait qu’à des personnes explicitement définies comme destinataires du document. Cette méthode de transmission électronique se substitue donc à la méthode actuelle d’envoi par fax ou courrier postal. Le consentement du patient peut donc rester implicite. Par contre, à partir de la phase 3, l’intégralité du contenu d’un DPP est potentiellement accessible à un professionnel de santé (PS). Le patient doit donc donner son consentement explicite pour la création de son DPP et pour l’accès des PS à ses données. Le consentement écrit a été retenu pour le processus de création du DPP. Pour l’accès aux données, chaque PS peut s’octroyer lui-même des droits via la plateforme. Cependant il doit d’abord recueillir le consentement du patient. Celui-ci devrait idéalement se matérialiser par l’insertion et la lecture de la carte d’assuré de ce dernier. Mais face à l’indisponibilité des cartes d’assurés disposant d’un certificat d’authentification X.509 à grande échelle, un mécanisme temporaire de substitution à été retenu. Chaque patient se voit généré un code PIN (Personal Identification Number) unique, connu de lui seul. C’est ce code PIN qui doit être saisi dans l’interface permettant l’accès d’un PS; entrainant l’inscription de ce dernier sur la liste d’autorisation en niveau d’accès intégral, et ceci pour une durée déterminée (par défaut 5 ans). L’insertion du code PIN ne se fait donc qu’une fois par PS pour cette durée. Pour les cas d’urgence, un mode dit de vitre brisée ne nécessitant pas l’accord du patient est possible, mais chaque accès en vitre brisée génère un courrier d’information au patient. Il est intéressant de faire ici un parallèle avec le dossier patient national en France DMP ou dossier médical personnel inauguré au début 2011 et qui utilise la notion de consentement déclaré [5]. Le médecin doit informer son patient, recueillir son consentement et indiquer via une case à cocher dans son logiciel ou sur le portail qu’il a reçu l’autorisation d’accès. Tout est donc dématérialisé que ce soit pour le consentement de création du DMP ou de l’autorisation d’accès. Cette déclaration d’accès ne peut se faire que par une personne authentifiée sur la plateforme, et l’action est enregistrée dans la liste des traces. Episodes de soins et classification ICPC-2 De manière à pouvoir disposer d’information sur l’état de santé et l’activité ambulatoire, en référence au 2ème objectif stratégique du projet, il est proposé qu’à terme chaque document transféré dans la plateforme soit rattaché à un épisode de soins codifié selon la classification ICPC-2 (In- Swiss Medical Informatics 2011; no 72 33 P r o c e e d i n g s 2011 ternational Classification in Primary Care) [6]. Cette classification composée d’environ 300 codes est beaucoup plus simple que la classification CIM-10 (ou ICD-10) et offre en outre l’avantage de pouvoir codifier les plaintes ou symptômes qui ne correspondent pas à des diagnostics précis. Un épisode de soins est un problème de santé depuis la première présentation du patient à un fournisseur de soins jusqu’à et incluant sa dernière rencontre [7]. Un épisode de soins peut correspondre à des prises en charge médicales et soignantes par plusieurs intervenants mais regroupées autour d’un même problème médical. Chaque intervenant doit reconnaitre le même épisode de soins d’où l’importance d’un système de classification simple pour éviter des erreurs dues à des libellés différents (par exemple cancer du colon vs tumeur du colon). Une fois les documents rattachés à un épisode de soins, il sera plus aisé pour le médecin d’accéder directement aux documents qui l’intéresse au lieu de devoir passer en revue tous les documents disponibles sur la plateforme Infomed. L’analyse des types de documents échangés, en particulier en se basant sur l’émetteur et le destinataire, associée au code ICPC-2 de l’épisode en question, permettront d’avoir un bon reflet des problèmes de santé de la population, ainsi que des intervenants sollicités pour le problème concerné. Ces données pourront ensuite être consolidées de manière anonyme dans le Data Warehouse de l’Observatoire valaisan de la santé. Planning Un cahier des charges pour l’acquisition d’une plateforme à même de gérer le DPP a été rédigé, et un appel d’offres en marché public a été lancé en mai 2011. La mise en production de la phase 1 est prévue pour début de l’année 2012. chaque patient. Par ailleurs il y a un risque de transmission orale du code PIN au médecin au lieu d’une saisie par le patient lui-même avec un potentiel de transmission du code PIN à d’autres PS. Néanmoins le caractère transitoire du code PIN en attente de la généralisation de la carte d’assuré permet d’intégrer le consentement explicite du patient dans le projet. Limitation du système ICPC-2 L’association d’un code ICPC-2 à chaque document présente les avantages d’être relativement simple et rapide à réaliser pour chaque acteur du système, et de permettre une catégorisation du contenu. Cependant, il faut être conscient des limitations de l’approche et des biais potentiels. Ce n’est pas toute l’activité médicale du canton qui est ainsi représentée, mais uniquement les activités générant des documents captés par la plateforme. Il faut en outre craindre un rejet de certains PS voir de catégories de PS de participer au concept pour des raisons de confidentialité, par exemple, le secteur de la psychiatrie. Malgré les limitations indiquées ci-dessus, l’approche adoptée dans Infomed se veut pragmatique afin de répondre au mieux aux attentes des parties prenantes, tout en respectant les impératifs de délais, de coûts et de protection des données. Références 1 2 3 Discussion Limitation du code PIN La mise en place d’un code PIN unique par patient est une solution facile à mettre en place et peu onéreuse, mais comporte néanmoins quelques désavantages. En premier lieu ce n’est pas une authentification forte et nécessite une certaine logistique physique pour l’envoi du code PIN à 4 5 6 7 Gnaegi A, Wieser P, Dupuis G. La stratégie eHealth en Valais. Bulletin des médecins suisses 2010 août;91(33):1247–50. Gnaegi A, Fragnière F. Analyse des besoins d’échanges de données médicales électroniques avec la médecine ambulatoire, premiers résultats du projet Infomed. Swiss Medical Informatics. 2010;(69):50–2. Organe de coordination de cybersanté Confédération Cantons. eHealth Suisse Normes et architecture Recommandations II. 2010. Hanselmann M, Knoepfel C, Schaller T, Steiner P. CDA-CH: Spécification pour l’échange électronique de documents médicaux en Suisse [Internet]. 2009;[cité 2009 déc 9] Available from: http://www.hl7.ch/ default.asp?tab=2&item=standard Vous recueillez le consentement de votre patient [Internet]. Dossier médical personnel [sans date];[cité 2011 mai 16] Available from: http://www.dmp.gouv.fr/web/dmp/professionnel-de-sante/vs-recueillez-le-consentement-de-votre-patient Bhend H. ICPC-2 – Premiers pas. PrimaryCare. 2008;8(6):108–11. Körner T. Die Episode als Grundlage der Dokumentation. Deutsches Ärzteblatt. 2005;102(46):A 3168–72. Swiss Medical Informatics 2011; no 72 34