Vol. 97 - Mars 2003 Christophe LAGOUTE
BULLETIN DE L’UNION DES PHYSICIENS 441
À propos des ondes de la cuve
à ondes
par Christophe LAGOUTE
Lycée Bellevue - 31400 Toulouse
RÉSUMÉ
L’étude de la dispersion des ondes à la surface d’un fluide conduit à des résultats
très différents selon les conditions expérimentales (houle, bassin, cuve à ondes…). En
effet, le milieu peut être ou non dispersif, et la célérité des ondes peut croître ou décroître
avec la longueur d’onde. Cet article propose un inventaire des différentes situations pos-
sibles et analyse le cas particulier des cuves à ondes de lycée. Les mesures de longueurs
d’ondes effectuées conduisent à la valeur de la tension superficielle de l’eau.
1. INTRODUCTION
Le nouveau programme de physique de la classe de terminale scientifique, en vigueur
dès la rentrée 2002, comporte une partie conséquente d’étude des phénomènes ondula-
toires. De nombreux domaines de la physique peuvent être mis à contribution pour obser-
ver en travaux pratiques deux propriétés fondamentales des ondes : la propagation et la
diffraction. Les notions de longueur d’onde, de fréquence et de célérité se dégagent à par-
tir d’expériences réalisées en acoustique sonore ou ultrasonore, mais aussi en optique et
en mécanique dans les milieux matériels continus solides ou fluides. Le programme incite
par ailleurs à présenter des exemples de milieux dispersifs, et suggère à cet effet l’utili-
sation de cuves à ondes. C’est ce dernier point qui a retenu notre attention.
On trouve des cuves à ondes dans presque toutes les collections de matériel des
lycées. On peut aussi en construire à coût réduit (moins de 20 e) selon le plan donné par
M. GYR [1], à l’usage des élèves. Outre son prix, ce modèle de cuve s’avère particuliè-
rement intéressant : il permet de faire varier la hauteur d’eau dans des proportions consé-
quentes, mais surtout, de mesurer des longueurs d’ondes grâce à un dispositif d’éclairage
stroboscopique synchronisé sur le mécanisme pneumatique de production des ondes. On
évite ainsi les difficultés liées à la dérive inertielle des éclairages stroboscopés mécani-
quement, couramment utilisés. Les résultats présentés dans cet article ont été obtenus à
l’aide d’une cuve inspirée de ce plan.
La cuve à ondes permet d’observer une catégorie particulière d’ondes : les ondes de
surface, encore appelées ondes d’interface. Elles sont le plus souvent dispersives, et for-
ment la houle à la surface des mers et des océans. En observant attentivement la houle
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À propos des ondes de la cuve à ondes BUP no852
depuis un rivage, il est possible de se rendre compte du caractère dispersif du milieu en
remarquant que les ondes de grandes longueurs d’ondes se propagent plus rapidement
que les ondes de courtes longueurs d’ondes. En tentant de reproduire ce phénomène dans
une cuve à ondes de quelques décimètres, on peut être surpris d’observer le contraire :
les ondes de courtes longueurs d’ondes ont les célérités les plus grandes ! Ce fait est
d’autant plus surprenant, que l’on trouve dans certains manuels de terminale la relation
λπ
v
g/2
ϕ=
, conforme à la houle, mais qui ne s’applique pas aux cuves à ondes…
Commençons par rappeler les principaux résultats du modèle théorique simplifié des
ondes de gravité superficielles. Pour plus de détails, on pourra se reporter aux annexes
ou aux références [2 à 4].
2. ONDES SUPERFICIELLES
Considérons l’eau contenue dans une cuve à ondes. Sur les bords de la cuve, une
plage en feutre est disposée sur laquelle l’eau vient d’affleurer pour limiter la réflexion
des ondes. Les hypothèses sont les suivantes :
(1) le milieu est supposé infini (pas d’effets de bords) ;
(2) la hauteur d’eau H est uniforme dans la cuve ;
(3) la masse volumique
ρ0
de l’eau est constante (fluide incompressible) ;
(4) la pression atmosphérique
p0
en tout point situé au-dessus de la surface est uniforme
et constante ;
(5) les mouvements du fluide sont petits (approximation linéaire) ;
(6) l’écoulement est irrotationnel (pas de tourbillon) et unidimensionnel (ondes planes) ;
(7) la viscosité est négligée ;
(8) la tension superficielle est négligée.
L’ensemble est placé dans le champ de pesanteur terrestre d’intensité g = 9,81
N.kg 1-
.
Le problème se modélise à l’aide de :
l’équation d’Euler, qui décrit la dynamique de l’écoulement ;
l’équation de continuité qui traduit la conservation de la masse ;
l’écriture des conditions aux limites : annulation de la composante verticale de champ
des vitesses au fond de la cuve et identification en surface à la vitesse ascensionnelle
d’un point de l’interface ;
la continuité de la pression en surface.
On montre alors (cf. annexe 1) que le vecteur d’onde des ondes de surfaces est relié
à la célérité (ou vitesse de phase) des ondes par :
vg
k
th(kH)
ϕ=
(1)
où le vecteur d’onde k est relié à la longueur d’onde par
πλk2/=
.
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Deux cas limites se présentent :
Pour les ondes de très grandes longueurs d’ondes, ou en eaux peu profondes (
λ>>
H
ou
<< 1kH
),
th(kH) kH.
, le milieu n’est pas dispersif car
vϕ
est indépendant de λ.
En effet, la relation (1) devient :
gHvϕ.
(2)
Pour les ondes de très courtes longueurs d’ondes, ou en eaux profondes (
<<λH
ou
>> 1kH
),
1th(kH) .
, le milieu est dispersif et l’on retrouve les propriétés de la houle :
π
λgg
2k
vϕ.=
(3)
En utilisant les variables sans dimension
v/ gH
ϕ
et
λ/H
, on peut représenter gra-
phiquement ce résultat (cf. figure 1). La célérité obtenue par le modèle croît avec la longueur
d’onde.
Figure 1 : Évolution de la vitesse de phase en fonction de la longueur d’onde,
pour les ondes de gravité superficielles.
3. MESURES DANS LA CUVE À ONDES
Soumettons ce modèle à l’épreuve de l’expérience. La cuve à ondes utilisée est de
confection « artisanale » [1]. Un dispositif pneumatique alimenté par un générateur basses
fréquences, produit des ondes planes, de fréquence fréglable. Un oscilloscope numérique
est utilisé pour contrôler la qualité des signaux électriques d’alimentation et mesurer f.
Pour trois hauteurs d’eau différentes
H1
= 1 mm,
H2
= 5 mm et
H3
= 2 cm, nous
avons mesuré les longueurs d’ondes dans un domaine de fréquences variant de 20 à 100 Hz.
Par définition, la vitesse de phase se calcule selon :
λvf
ϕ=
(4)
Les résultats sont représentés sur la figure 2 (cf. page ci-après). On observe que les
trois séries de mesures se confondent aux courtes longueurs d’ondes. Aux longueurs d’ondes
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À propos des ondes de la cuve à ondes BUP no852
supérieures à 5 mm, les données relatives à la profondeur d’eau H = 1 mm se détachent
des autres. Remarquons que les points de mesures dans cette région sont entachés d’er-
reurs plus importantes : le nombre total de longueurs d’ondes comptées sur la longueur
de la cuve est plus faible, ce qui limite la précision des mesures. Par ailleurs, il convient
d’être prudent quand au respect de l’hypothèse 5 du modèle. Il est donc nécessaire de
limiter l’amplitude des oscillations afin d’assurer la linéarité en milieu très peu profond.
La profondeur d’eau pourtant explicitement présente dans l’équation 1, ne semble influen-
cer les mesures qu’aux très faibles profondeurs. Par ailleurs, la célérité mesurée décroît
au lieu de croître, contredisant le résultat théorique !
Figure 2 : Mesure des vitesses de phase dans une cuve à onde pour plusieurs hauteurs d’eau.
Le modèle s’avère défaillant, et la relation
λπvg/2
ϕ=
inapte à décrire le phéno-
mène ondulatoire observé dans la cuve.
4. RIDES CAPILLAIRES
Le modèle des ondes superficielles doit être revu. Une approximation trop sévère
dans le cas de la cuve à ondes a été faite : nous avons négligé les effets de la tension
superficielle (ou capillarité).
Révisons le modèle précédent en introduisant la tension superficielle, ce qui revient
à abandonner l’hypothèse (8). Au franchissement de l’interface air-eau, les actions méca-
niques dues à la tension superficielle produisent une discontinuité de la pression donnée
par la loi de Laplace [5] :
γ
pR
=
(5)
γest la tension superficielle du fluide. Pour de l’eau pure à 20 °C, γ=73
mN.m 1-
.
L’étude théorique donne (cf. annexe 2) :
γρ
vg
k
k
th(kH)
ϕ
0
2
=+
J
L
K
K
N
P
O
O
(6)
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Si l’on compare ce résultat à l’équation 1, on observe que g est remplacé par le fac-
teur
γρgk/
2
0
+
qui dépend de la longueur d’onde. Comparons l’importance relative des
deux termes, g pour les effets gravitationnels et
γρk/
2
0
pour les effets capillaires :
γργρ
π
λλ
k
g
g
4l
0
2
0
2
2
c
2
==
J
L
K
K
N
P
O
O
(7)`
avec :
,.
.
g
22
9 81 1000
73 10
l m 1,7 cm
0
3
c.==rt
cr
-
(8)
La longueur caractéristique
lc
est appelée longueur d’onde capillaire.
Ainsi, aux courtes longueurs d’ondes, la propagation des ondes de surface est domi-
née par la tension superficielle. Les ondes obtenues sont appelées rides capillaires. Notons
que les effets relatifs de la tension superficielle dans
v2
{
diminuent comme
λl/ 2
et devien-
nent négligeables aux grandes longueurs d’ondes. Le domaine des ondes de gravité ne
commence qu’au-delà de la longueur d’onde capillaire. Or l’observation d’ondes de lon-
gueurs d’ondes supérieures à quelques centimètre n’est pas des plus confortable dans une
cuve à onde. Les éclairages stroboscopiques correspondants ont des périodes de l’ordre
de la seconde et plus !
Représentons sur la figure 3a (cf. page ci-après) l’évolution de la vitesse de phase
pour une profondeur d’eau conséquente H=2m qui va nous permettre de mener plus
aisément la discussion. Remarquons qu’il est nécessaire de préciser la profondeur d’eau
H, même en variables sans dimension, puisque la relation (6) en dépend :
(/ ) /
/
v
HH H
H
12
2
gH
lth
22
c
2
=+
mm
r
r
m
{
J
L
K
K
e
N
P
O
O
o
(9)
L’échelle de la figure est logarithmique, et nous avons conservé les variables sans
dimension. On observe que la courbe présente un minimum qui peut être évalué en
remarquant que
πth(2 / X) 1.
pour X < 3 (en effet :
,3097πth(2 / ) .
). En effet, si l’on
suppose cette condition réalisée, et en posant
/XH=m
, la relation (9) devient :
v
HX
lX
12
gH
c
22
2
=+ r
{
J
L
K
K
N
P
O
O
(10)
et on trouve que le minimum est pour
/XlH
c
.
, c’est-à-dire pour une longueur d’onde
λ
lc
.
, précisément égale à la longueur d’onde capillaire. La vitesse de phase est alors
/vlgc
.r
{
. Lorsque
>>Hlc
(cas de la figure 3a) on distingue nettement trois domaines :
λ<< lc
: domaine des rides capillaires,
vϕ
décroît ;
>>λlc
: domaine des ondes de gravité superficielles,
vϕ
croît ;
>>λH
: domaine des ondes non dispersives.
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