Financement public de la recherche clinique en France

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Financement public de la recherche clinique en
France
Propositions du groupe d'experts inter-Instituts Thématiques MultiOrganismes de recherche Clinique d'Aviesan
Serge Adnot, ITMO Immunologie, Hématologie, Pneumologie
Francis Berenbaum, ITMO Circulation, Métabolisme, Nutrition
Christian Chabannon, ITMO Cancer
Jean- Marc Chalopin, ITMO Immunologie, Hématologie, Pneumologie
Geneviève Chêne, ITMO Microbiologie et Maladies Infectieuses
Jacques Demotes, ECRIN
Daniel Fagret, ITMO Technologies pour la Santé
Odile Launay, Réseau National des Centres D'investigation Clinique
Marion Leboyer, ITMO NeuroSciences, Sciences Cognitives, Neurologie, Psychiatrie
Stéphane Lehéricy, ITMO NeuroSciences, Sciences Cognitives, Neurologie, Psychiatrie
Vincent Lévy, ITMO Cancer
Claire Lévy-Marchal , ITMO Santé Publique
Jean-Paul Moatti, ITMO Santé Publique
Richard Moreau, ITMO Circulation, Métabolisme, Nutrition
Olivier Rascol, Réseau National des Centres D'investigation Clinique
Pascal Roy, ITMO Santé Publique
Eric Vicaut, ITMO Technologies pour la Santé
Yazdan Yazdanpanah, ITMO Microbiologie et Maladies Infectieuses
1
Les deux premières parties de cette note s’efforcent, dans les limites des données
disponibles, de dresser un état actuel du financement public de la recherche clinique dans
notre pays (les aspects de partenariat avec le secteur industriel privé ayant été couverts par
ailleurs en particulier par les réflexions communes entre l’Alliance pour la Recherche et
l’Innovation des Industries de Santé –ARIIS- et AVIESAN). La troisième partie synthétise
une série de 10 propositions pour faire évoluer la situation actuelle dans le sens d’une
meilleure efficacité et de la simplification institutionnelle réclamée de façon convergente
par l’ensemble des acteurs de la recherche publique.
INTRODUCTION
Le financement de la recherche clinique est une question délicate dans tous les pays. Il
s’agit d’une activité dotée d’un impact fort et assez immédiat sur la santé et sur
l’économie1-2. Cependant plusieurs facteurs font que le besoin d’un financement public et
la nature de ce financement ne sont pas toujours bien compris par les décideurs. Les
essais cliniques de médicament et de dispositif médical promus par l’industrie sont une
activité importante qui, même si elle a eu tendance à décliner dans les dernières
années3, peut être estimée à plus de €3Mds par an en France4. Cela peut parfois faire
oublier que la recherche clinique académique coexiste, avec des objectifs différents, et
avec un besoin de financement spécifique.
La recherche clinique est par ailleurs perçue comme une activité onéreuse. Elle est aussi
perçue comme une recherche appliquée, moins gratifiée dans certaines instances
scientifiques d’évaluation que les travaux fondamentaux qui font appel à des technologies
plus pointues. Le problème majeur de la recherche clinique est d’être située à l’interface
de multiples acteurs : entre l’hôpital, l’Université et les organismes publics de recherches
(EPST), entre le monde du soin et celui de la recherche, entre industrie et académie,
entre pilotage administratif et pilotage scientifique, entre financement ‘santé’ et
financement ‘recherche’.
La recherche clinique se définit comme la recherche biomédicale effectuée à
partir de données recueillies sur des participants humains, avec ou sans
intervention (thérapeutique ou diagnostique). Elle correspond donc à un spectre
extrêmement large d’activités, souvent intriquées car une étude donnée peut avoir
plusieurs objectifs – par exemple un essai thérapeutique de médicament comportant
aussi une recherche sur le mécanisme de la maladie. Il est toutefois nécessaire, pour
analyser et proposer une clarification du rôle des différents acteurs de la recherche
clinique en France, d’opérer certaines distinctions.
1
Johnston SC et al., Effect of a US National Institutes of Health programme of clinical trials on
public health and costs. Lancet 2006, 367:1319-27.
2
Medical research: What’s it worth ? Wellcome Trust Report
www.wellcome.ac.uk/About-us/Publications/Reports/Biomedical-science/WTX052113.htm
3
Les chiffres de l’EMA montrent une diminution de l’ordre de 20% en cinq ans du nombre d’essais
cliniques de médicaments en Europe, et indiquent que désormais 40% de ces essais ont un
promoteur non-commercial. Ce chiffre était autour de 25% en 2006. Si l’on considère les études
cliniques en général, la proportion est plus élevée car la quasi-totalité des études hors produits de
santé est à promotion académique.
4
La recherche clinique représente environ 2/3 des dépenses R&D de l’industrie pharmaceutique,
qui correspondent à 10-12% du chiffre d’affaires du secteur (>€50Mds par an). L’investissement
du secteur du dispositif médical est moindre, mais devrait s’accroitre dans le nouveau contexte
réglementaire.
2
Une typologie des objectifs et composantes de la recherche clinique
3
A – OBJECTIFS DE LA RECHERCHE CLINIQUE
La recherche clinique, telle que très largement définie ci-dessus, peut avoir 6 types
d’objectifs, un projet particulier pouvant poursuivre simultanément plusieurs de ces
objectifs :
1 la connaissance des déterminants de la maladie : recherche physiopathologique,
étude de l’histoire naturelle de la maladie, identification de biomarqueurs diagnostiques,
identification de potentielles cibles thérapeutiques. Les techniques sous-jacentes incluent
la biologie, la génétique, l’imagerie, mais aussi l’épidémiologie lorsque l’étude porte par
exemple sur l’identification de facteurs environnementaux en tant que déterminants de la
maladie. Il s’agit d’une recherche visant à produire des connaissances, au même titre
que l’étude de modèles cellulaires ou d’animaux transgéniques. Classiquement cette
recherche d’amont est menée par les institutions académiques, mais les industriels
s’intéressent de plus en plus précocement au mécanisme de la maladie afin d’identifier
des cibles thérapeutiques potentielles fiables. Cette recherche génère avant tout de la
connaissance, avec éventuellement un impact à distance sur la santé dès lors qu’elle
débouche sur des innovations en matière de produits ou procédures de prévention, de
diagnostic ou de traitement.
2 la recherche translationnelle, incluant la preuve du concept clinique représente,
une fois identifiée la cible thérapeutique potentielle, l’étape de découverte et
d’optimisation du produit, puis son développement préclinique et les premières étapes du
développement clinique5. Cette étape à forte attrition, volontiers comparée à la ‘vallée de
la mort’, a pour objectif direct l’innovation. Il s’agit classiquement d’une activité
industrielle. Cependant l’émergence d’une capacité de recherche translationnelle en
milieu académique (dont la mise en place d’Instituts Hospitalo-Universitaires -IHUs- par
grands domaines a constitué une avancée récente en France), ou en partenariat avec des
PME de biotechnologie ou de dispositif médical, fait qu’un nombre substantiel d’études de
preuve du concept clinique sont maintenant initiées par des investigateurs académiques
– en particulier dans le domaine des biopharmaceutiques ou des biothérapies. Cette
recherche génère des connaissances tout en participant directement au développement
de produits innovants.
3 le développement clinique d’un nouveau produit de santé (phases I-II-III)
jusqu’à l’accès au marché, relève dans la majorité des cas d’un promoteur industriel
(grand groupe ou PME), avec toutefois une composante académique en particulier dans
les biothérapies. Cette recherche profite donc avant tout au développement industriel, et
à l’économie en promouvant l’innovation, et bien entendu aux patients.
4 l’exploration de nouvelles indications pour un produit déjà commercialisé
(« repurposing trials »). Il s’agit typiquement d’études de phase II-III initiées par des
investigateurs académiques (plus rarement par l’industrie, surtout quand il y a une
incitation en termes d’extension du brevet, ce qui est le cas en pédiatrie), visant à établir
de nouvelles indications pour des produits existants dans les maladies rares, le cancer,
ou pour de nouvelles populations. Cette recherche profite donc aux patients, aux
professionnels de santé, au système de santé, et à l’économie en améliorant l’état de
santé de la population, et aussi potentiellement au fabricant du médicament.
5
Selon le Conseil Scientifique de l'Inserm, la recherche translationnelle concerne «l’échange, la
synthèse et l’application éthique des connaissances – dans un système complexe d’interactions
entre chercheurs et utilisateurs – pour accélérer la concrétisation des avantages de la recherche
(…), à savoir une meilleure santé, de meilleurs produits et services de santé et un système de
santé renforcé»
(http://www.rickhanseninstitute.org/fr/ce-que-nous-faisons/domaines-prioritaires/recherchetranslationnelle/definition).
4
5 l’optimisation des stratégies de prise en charge (comparaison de stratégies
thérapeutiques faisant partie du soin courant, avec des produits déjà sur le marché ou
des procédés établis par la pratique, ou comparaison de stratégies incluant diagnostic et
prise en charge). Ces études sont essentiellement initiées par des investigateurs
académiques. Leur objectif est de déterminer quelle est la meilleure stratégie de prise en
charge en termes de sécurité, d’efficacité clinique et de rapport coût/efficacité. Cette
recherche indépendante du fabricant, centrée non pas sur le produit mais sur le patient
profite donc aux patients, aux professionnels de santé, aux autorités de santé (HAS,
ANSM), au système de soin, et à l’économie en améliorant l’état de santé de la
population et en optimisant l’allocation des ressources aux soins.
6 enfin les études portant sur la santé des populations ont pour objectif principal la
surveillance de la maladie dans une perspective d’indentification des facteurs de risque et
de prévention. Cette activité s’appuie sur les outils de l’épidémiologie, dont les cohortes
de patients ou en population générale. Il convient de distinguer les grandes cohortes,
instruments construits pour répondre à plusieurs questions dont certaines ne sont pas
définies par avance, et qui soulèvent la question du volume et de la pérennité de leur
financement, des cohortes (souvent de moindre taille) destinées à répondre à une
question précise et à tester des hypothèses d’intervention. Cette activité de recherche à
la fois clinique et épidémiologique profite essentiellement au système de santé, dans
toutes ses composantes.
B – FINANCEMENT DE LA RECHERCHE CLINIQUE : ETAT DES LIEUX EN FRANCE
L’exigence de qualité des données et de crédibilité des résultats s’impose à toute
recherche biomédicale6-7, et requiert un niveau de financement suffisant pour garantir
une méthodologie appropriée, des données fiables et une analyse dépourvue de biais.
Cette exigence est d’autant plus cruciale en recherche clinique que patients et volontaires
prennent des risques personnels pour réaliser ces études, et que les résultats de la
recherche ont un impact certain sur l’économie et la santé. En conséquence, le niveau de
financement des projets et l’accès à une infrastructure professionnelle constituent deux
questions cruciales en recherche clinique.
1 Financement de l’infrastructure et financement de projets
1.1 Infrastructure
En recherche clinique, le besoin d’équipement reste limité, mais la pérennité des
structures de support est capitale pour maintenir le savoir-faire, s’appuyer sur
l’expérience passée, et pour assurer la continuité dans le recueil et le traitement des
données (un essai clinique dure plusieurs années). Un financement récurrent de
l’infrastructure est donc nécessaire8, mais la part entre ce qui relève de l’infrastructure et
6
Begley CG, Ellis LM. Raise standards for preclinical cancer research. Nature 2012, 483 :531-533.
Prinz F, Schlange F, Asadullah K. Believe it or not: how much can we rely on published data on
potential drug targets ? Nat Rev Drug Discov. 2011, 10:712.
8
En France l’infrastructure est constituée essentiellement de :
- support à l’investigation: centres d’investigation clinique ou centres de recherche clinique,
personnel CeNGEPS, peu de réseaux thématiques. Ce support concerne aussi bien la recherche
clinique académique que celle promue par l’industrie, car dans les deux cas l’investigation
s’effectue au sein du système de soins.
- support à la méthodologie, au traitement de données et à la gestion de l’essai: cette
mission, essentiellement portée dans les autres pays par les ‘clinical trial units’, qui sont des
formations de recherche avec un pilotage scientifique et une évaluation compétitive, souvent
thématisées, est principalement assurée par les promoteurs institutionnels en France, avec un
pilotage plus administratif et une logique de proximité. Parfois le promoteur a mis en place des
structures-relais (URC). Ce support à la gestion et à la méthodologie concerne quasi-exclusivement
les études académiques, car les promoteurs industriels disposent de ce savoir-faire en interne ou
par l’intermédiaire de sous-traitants (CRO).
7
5
ce qui relève du projet varie considérablement d’un pays à l’autre. De plus le
financement de l’infrastructure inclut dans certains pays l’accès aux services de soins
eux-mêmes, qui apparaissent gratuits pour l’utilisateur (c’est le cas des projets acceptés,
sur la base de l’excellence scientifique dans le portefeuille du NIHR-CRN anglais, qui
supporte dans ce cas les coûts d’investigation).
1.2 Le financement par projet (non récurrent) est cependant le mécanisme le plus
répandu, avec des volumes très différents d’un pays européen à l’autre (en Allemagne
par exemple le BMBF consacre 30M€ par an aux essais cliniques), entre autres parce que
le support des projets par l’infrastructure diffère, et selon qu’une partie variable de la
masse salariale est ou non prise en compte (le projet finançant une part importante des
coûts salariaux ou au contraire les seuls coûts marginaux). En Europe, on trouve
volontiers des niveaux de financement de l’ordre de 1 à 2M€ par projet (AIFA en Italie,
BMBF/DFG en Allemagne), ce qui est sensiblement plus élevé qu’en France. Le
financement des essais cliniques par le 7e PCRD se situe en moyenne à 6M€ par essai. Le
mode de calcul des coûts varie donc considérablement, le plus approprié à un suivi et
une évaluation comparatives rigoureux étant sans doute celui proposé par le NIH
américain qui comporte un coût fixe par patient inclus, plus des frais généraux
("overheads") de l’ordre de 30% destinés à financer l’infrastructure.
Les cohortes posent un problème particulier dans la mesure où elles nécessitent un
suivi prolongé qui n’est habituellement pas possible avec les sources habituelles de
financement par projet. Certains pays les financent comme des programmes, d’autres
ont un appel d’offres spécifique permettant de couvrir un financement sur longue période
(6 à 10 ans). A l’occasion des programmes dits TGIR (Très Grandes Infrastructures de
Recherches) puis des Initiatives d’Excellence du « Grand Emprunt » la France a fait le
choix de considérer les grandes cohortes comme de grands instruments de recherche,
ouverts à la communauté des chercheurs qui peuvent bénéficier des données de la
cohorte pour répondre à une question de recherche spécifique. Ainsi la colonne
vertébrale de la cohorte peut être considérée comme une infrastructure de recherche,
éligible à un financement pérenne, tandis que les projets connexes peuvent bénéficier
d’un financement propre à l’occasion de différents appels à projets. Il faut cependant
souligner que de nombreuses questions de recherche clinique nécessitent des suivis
longitudinaux de longue durée et qu’à l’exception des grandes cohortes ayant bénéficié
des financements TGIR et/ou grand emprunt, ces cohortes visant à tester des
hypothèses spécifiques continuent de se heurter à une difficulté intrinsèque à assurer
la pérennité de la collecte de données au cours du temps : un récent appel à projets de
l’ITMO Santé Publique d’AVIESAN a ainsi fait apparaître de très importants besoins non
couverts dans ce domaine (119 projets déposés à l’été 2012).
2 – Sources et mécanismes de financement
2.1 Financement de l’infrastructure de recherche clinique
La part prépondérante dans le financement de l’infrastructure est apportée via le
budget des MERRI9 (santé / assurance maladie), qui alloue une somme récurrente
Par comparaison avec ses voisins, la France dispose de financements récurrents assez conséquents
concernant l’infrastructure de support à l’investigation (CIC, CRC, qui apparaissent très nombreux
mais de faible dimension), mais aussi de financements récurrents importants pour les structures de
promotion. Cela soulève la question de la défragmentation de l’infrastructure (investigation,
méthodologie, promotion) sur un même site.
Ceci devrait également se traduire par des coûts de gestion plus faibles, au moins jusqu’à un
certain seuil de services (par exemple au Danemark, les ‘Good Clinical Practice units’ proposent
gratuitement 100h de monitorage pour chaque essai, et au-delà le facturent).
9
Les Missions d’Enseignement, de Recherche, de Référence et d’Innovation
6
aux CIC (27 M€/an), aux CRC (14 M€/an), et aux structures de promotion (70
M€/an pour les DRCI et 15 M€/an pour les GIRCI). Les MERRI contribuent donc au
financement de l’infrastructure supportant l’investigation, mais aussi à la gestion
de la recherche clinique.
L’INSERM contribue pour une part plus modeste au financement des CIC, et à
l’animation de leur réseau national (3 M€/an). L’Agence Nationale de Recherches
sur le Sida et les Hépatites (ANRS) supporte elle aussi des centres de traitement
de données, de méthodologie et de gestion (6 M€/an).
Le CeNGEPS est une structure partenariale entre secteur public et industrie,
financée par des fonds initialement d’origine privée (10 M€/an) mais désormais
issus du programme 204 de la LOLF, avec pour mission de renforcer les capacités
d’investigation et de recrutement dans les essais industriels.
Les investissements d’avenir ont un impact sur la structuration de la recherche
clinique au travers des IHU (250 M€) qui ont tous un volet recherche clinique, et
des programmes F-CRIN (French Clinical Research Infrastructure Network) et
Biobanques financés par l’AAP infrastructures biologie santé (18 et 16 M€
respectivement), qui vont permettre la création de plateformes distribuées de
recherche clinique et de biobanques.
F-CRIN est la composante française d’ECRIN (European Clinical Research
Infrastructure Network), infrastructure Européenne destinée à soutenir les essais
multinationaux, financé en partie par le 7ePCRD (2 M€/an), en partie par les
contributions des états membres (1,5 M€/an - en France ECRIN est financé par un
budget issu du ministère de la recherche – 0,5 M€/an).
Enfin la contribution de l’Université est plus difficile à estimer compte tenu de la
difficulté à identifier des activités relevant spécifiquement de la recherche clinique
dans ses lignes budgétaires. L’Université, notamment mais pas exclusivement au
travers de ses UFR médicales, contribue directement et significativement par la
formation et par la masse salariale d’une partie de ses enseignants-chercheurs et
autres personnels à la structuration de la recherche clinique en France.
2.2 Sources de financement public et partenarial des projets de recherche
clinique
Les financements caritatifs (en particulier Ligue contre le Cancer (6 M€/an) et
AFM/Généthon (env. 25 M€/an) interviennent selon leur stratégie propre, mais
demeurent moins présents, en particulier en recherche clinique, en France que dans
d’autres pays (le Wellcome Trust dépense chaque année un budget de l’ordre de
grandeur de celui de l’INSERM). , Il existe donc quatre sources de financement public
pour les projets de recherche clinique en France (en plus des sources Européennes ou
internationales), qui correspondent (avec des proportions variables selon la source de
financements) aux trois objectifs de : production de connaissance, innovation et
transfert, et optimisation des soins et du système de santé.
2.2.1 Le plus important volet provient de financements qui relèvent du budget de la
santé notamment issus de l’Assurance Maladie (mais aussi du programme 204 de la
LOLF (DGS) en ce qui concerne l’ANSM):
le Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC : 90 M€/an) est la
principale source de financement de la recherche clinique en France. Il a subi
d’abord une segmentation entre PHRC national et régional, puis inter-régional
(16M€), puis une segmentation thématique avec le PHRC cancer (géré par l’INCa,
16M€) et hors cancer (70M€). Historiquement le PHRC finance tout le spectre de
la recherche clinique menée en milieu hospitalier (même si des priorités sont
affichées chaque année), à l’exception de ce qui est couvert par l’ANRS (20
M€/an) (cf. infra).
7
le programme de Soutien aux Traitements Innovants et Coûteux (STIC : 10
M€/an) a pour but l’évaluation indépendante du rapport coût/bénéfice de produits
innovants récemment introduits sur le marché.
L’ANSM peut financer depuis 2012, sur appel à projets (6 M€/an), des études
non interventionnelles indépendantes sur la sécurité du médicament.
En 2012, la DGOS a fait évoluer le champ de son Programme de Recherche en
Qualité Hospitalière (PREQHOS) pour l’étendre à d’autres thématiques relevant
plus généralement de la performance du système des soins. La performance des
soins de santé est prise en compte dans toutes ses dimensions : qualité,
accessibilité, efficience, équité. Ce nouveau programme de recherche, désormais
dénommé Programme de Recherche sur la Performance du Système des
Soins (PREPS), est censé s'inscrire en complémentarité avec les programmes de
recherche relevant d'autres institutions, comme ceux de la Haute Autorité de
Santé (HAS) et de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs
Salariés (CNAMTS). Il a connu un indéniable succès (112 projets déposés) qui
couvre aussi bien des aspects de recherche clinique que de recherche en sciences
économiques, de gestion et sociales (ou une combinaison interdisciplinaire des
deux). Il existe également un appel à projets DGOS en matière de recherche
infirmière et paramédicale : PHRIP.
2.2.2. La deuxième source relevant du budget de la recherche est principalement
portée par les financements issus du programme 172 de la LOLF (DGRI) et des
investissements d’avenir :
L’ANR finance de la recherche clinique (25 M€/an), non pas tant des essais
thérapeutiques (seulement la preuve du concept clinique dans le cadre de projets
partenariaux financés par l’appel à projets Recherches Partenariales et Innovation
Biomédicale (RPIB), mais un nombre non négligeable de projets comportant une
composante clinique dans le domaine des technologies pour la santé (TecSan),
des programmes thématiques ou blanc dans le domaine biologie santé (études sur
le mécanisme de la maladie, identification de biomarqueurs, imagerie), ou au
travers de l’AAP santé publique.
L’ANRS finance sur appel à projets la recherche clinique sur le SIDA et les
hépatites (y compris hors de France) (20 M€/an).
Il est difficile de faire rentrer le financement des grandes cohortes (celles qui
constituent un instrument de recherche capable de répondre à diverses questions
pas nécessairement définies a priori) dans un schéma d’appel à projet
décloisonné, du fait des montants et surtout de la durée des projets. Le
programme cohortes-TGIR géré par l’IReSP (4M€ par an) a été conçu pour
répondre à cette exigence, puis le programme ‘investissements d’avenir’ a permis
de financer des grandes cohortes (68 M€ d’engagements sur 10 ans). La
pérennité de ce programme devrait être assurée sur le long terme et, en fonction
des évolutions scientifiques, la possibilité de compléter les grandes cohortes
existantes par de nouveaux projets significatifs devra être ouverte. Etant donné
leur coût élevé, il convient également de mieux coordonner avec les pays voisins
le financement de grandes cohortes afin d’éviter la situation où deux pays
financeraient en même temps deux cohortes similaires mais pas nécessairement
interopérables. La collaboration internationale dès la planification de ces projets
est donc indispensable, et il faudrait également mieux sensibiliser le programmecadre de l’Union Européenne à ces questions.
2.2.3 Une part, encore limitée de financements, associe conjointement les budgets
santé et recherche, en particulier pour promouvoir la recherche translationnelle, c'està-dire les « ponts » entre recherche fondamentale et applications cliniques (et vice
versa) :
8
L’INSERM co-finance, avec la DGOS du Ministère de la Santé, un appel à projets
de ‘recherche clinique translationnelle’, seul programme « généraliste »
spécifiquement dédié à la recherche translationnelle dans l’état actuel (3M€/an)
L'INCA co-finance, avec la DGOS, des projets de ‘recherche clinique
translationnelle’ à hauteur de 18 M€/an.
2.2.4 Enfin, la recherche clinique bénéficie de financements relevant directement de
dispositifs visant à promouvoir l’innovation et le transfert principalement au
travers de programmes partenariaux.
Ces financements sont dirigés vers le soutien à l’innovation dans le domaine de la
santé – préventive (y compris vaccins), diagnostique et thérapeutique, en
particulier vers l’innovation issue des PME de biotechnologie et de dispositif
médical. Ils correspondent pour partie aux programmes Emergence ou
partenariaux de l’ANR (RPIB et TecSan) susmentionnés, pilotés par des PME avec
des partenaires académiques.
Il s’agit également des programmes partenariaux des pôles de compétitivité
(FUI), associant équipes académiques et industrielles. L'aide publique est de 25
M€/an, mais essentiellement tournée vers des projets de recherche préclinique.
De même, Oseo soutient, au travers d’avances remboursables, le développement
clinique des produits de santé issus des PME pour renforcer leur compétitivité, les
projets concernés impliquant fréquemment des partenaires académiques.
INSERM Transfert, la filiale de l’INSERM en charge de la valorisation des
innovations biomédicales issues des laboratoires de recherche de l’INSERM,
accompagne les chercheurs dans le montage et la gestion de projets européens et
internationaux, comme dans la gestion d'appels à projets institutionnels ou
industriels, ce qui inclut des études pré-cliniques ou cliniques. INSERM Transfert
gère notamment depuis 2009 une « enveloppe de maturation » de projets dont
une partie est consacrée à la recherche translationnelle utilisant des échantillons
biologiques humains provenant de patients ou de sujets sains pour valider un
mécanisme d’action ou l’activité d’un agent pharmacologique (1,26M€ sur 20092011) ; ainsi, les projets translationnels suivis par Inserm Transfert et
sélectionnés dans le cadre de l’appel à projets ANR Emergence 2011 la maturation
ont reçu un engagement de financement de 1, 08 M€.
Il faut également noter qu’un certain nombre d’essais cliniques à promotion
académique sont financés (en partie ou en totalité) par le (ou les) fabricant(s) des
produits testés, soit pour comparer des stratégies utilisant des traitements déjà
sur le marché, soit pour explorer l’efficacité d’un produit dans une nouvelle
indication.
2.2.4 Financements Européens et internationaux
L’union Européenne finance depuis longtemps, par l’intermédiaire de la priorité
santé du programme-cadre, de la recherche clinique portant sur le mécanisme
des maladies. Il est également habituel de voir le programme cadre financer des
projets de développement ‘translationnel’ (ex vaccins, biothérapies) qui incluent,
à la fin de l’étape translationnelle, une étape de preuve du concept clinique (phase
I-II). La part des 6 Md€ du programme-cadre effectivement consacrée à la
recherche clinique proprement dite demeure cependant faible.
9
En dehors de ce cadre, jusqu’en 2010, seuls quelques essais cliniques avaient été
financés par le 6e ou le 7ePCRD. Mais depuis 2011, le 7ePCRD inscrit
régulièrement des appels à projets pour des ‘investigator-driven clinical trials’ ou
de la ‘comparative effectiveness research’ sur des thématiques ciblées, avec 26
projets financés en 2011 pour un montant de 152M€ (moyenne 6M€ par essai). Il
s’agit nécessairement d’essais multinationaux, indépendants du fabricant.
Les ERA-net du domaine santé financent également de la recherche sur le
mécanisme de la maladie (Neuron, E-RARE, etc..), et aussi pour certains de la
recherche translationnelle (TransCan). Le partenaire de ces projets pour la France
est l’ANR (et pas le PHRC) ce qui rendrait délicat leur implication dans des essais
thérapeutiques.
L’European and Developing Countries Clinical Trials Partnership finance des essais
cliniques dans les pays du sud sur le SIDA, le paludisme et la tuberculose (20
M€/an).
L’Innovative Medicines Initiative (IMI) finance de la recherche partenariale
entre secteurs public et privé pré-compétitive supportant le développement du
médicament. La recherche clinique financée a essentiellement pour objectif
l’identification et la validation de biomarqueurs prédictifs de la sécurité et de
l’efficacité de médicaments. Cependant, pour la première fois en 2012, IMI
finance des essais cliniques (en substance pour le développement clinique de
nouveaux antibiotiques) avec un niveau de financement public conséquent (de
plus de 90M€ prévus pour le projet ‘New Drugs for Bad Bugs’).
Enfin des financements internationaux sont également disponibles pour de la
recherche clinique menée en France, qu’il s’agisse de pays Européens qui ne
restreignent pas à leur territoire les financements nationaux (cas du Danemark,),
ou des financements des NIH américains. Mais l’impact de ces financements en
France reste en l’état anecdotique.
3. Financement de la recherche clinique : les évolutions nécessaires.
Le panorama des sources de financement qui vient d’être dressé fait d’une part
apparaître la difficulté de consolider l’ensemble des données chiffrées afin de parvenir à
une vision globale des efforts nationaux en faveur de la recherche clinique, d’autre part
une série de constats qui pointent la nécessité d’améliorations et de modifications des
dispositifs existants.
En particulier, ce panorama fait apparaître un certain nombre de redondances dans les
champs couverts par les différentes sources de financement. Ainsi, les recherches
sur le mécanisme de la maladie qui peuvent être aussi bien financées par l’ANR, par le
PHRC (national ou inter-régional), ou par l’AAP Inserm/DGOS de recherche clinique
translationnelle. Il en est de même pour l’AAP lancé en 2012 par l’ANSM qui duplique en
partie le champ du PHRC.
Ce panorama fait également apparaître certaines discordances qui sont le produit de
l’historique et de la complexité du système français mais qui conduisent à sousdimensionner le soutien à des segments essentiels (recherche translationnelle,
cohortes, grands essais multicentriques, transfert pour l’innovation) et à en surdimensionner d’autres ce qui, en pratique, revient à financer des projets
insuffisamment compétitifs, tant au plan de la recherche internationale que des
retombées nationales pour le système de soins et l’économie. Des évolutions s’avèrent
10
donc indispensables, et le groupe d’experts inter-ITMOS d’AVIESAN a souhaité mettre en
débat une série de propositions
3.1. Corriger les défauts de financement pour la recherche translationnelle et
pour l’infrastructure des cohortes cliniques
Le défaut de financement le plus patent concerne le financement public pour les
projets (précliniques, mais aussi en partie cliniques) de recherche translationnelle
en France. Cette recherche constitue clairement une priorité scientifique
internationale, comme l’illustre par exemple la récente création par les NIH
américains d’un National Center for Advancing Translationnal Sciences (NCATS)
doté d’un budget annuel de 575 millionsUS$10. Elle est un maillon clé de la chaîne
de l’innovation biomédicale. Pourtant, en l’état actuel, la plupart des projets de
recherche translationnelle ne « cadrent » pas avec les principales sources de
financement : trop « aval » pour les appels à projets « blancs » de l’ANR, trop
« amont » pour le PHRC. Pourtant, les investissements d’avenir ont créé six IHU
(ainsi que l’infrastructure Neuratris et un IRT) dont la mission centrale est
précisément d’agir comme des infrastructures de recherche translationnelle,
permettant à des projets issus du secteur académique de s’y dérouler pour
développer de nouveaux produits de santé au sein du secteur public. Seul l’appel
RPIB de l’ANR finance explicitement des projets translationnels, mais ils doivent
être pilotés par une PME. Ceci a un impact sur le potentiel de valorisation et de
transfert du secteur académique, y compris pour l’étape clinique finale qui
consiste en la preuve du concept clinique. L’AAP Inserm/DGOS de recherche
clinique translationnelle ne couvre pas les étapes à haut risque du développement
préclinique, et son volume financier n’est pas à la hauteur des enjeux. Une
démarche a été engagée au cours de l’année 2012 pour étendre l’AAP
recherche clinique translationnelle, au-delà de la DGOS et de l’INSERM, d’une
part à l’ensemble des partenaires d’AVIESAN, d’autre part à la programmation de
l’ANR. Ceci devrait permettre une montée en puissance, les besoins estimés
s’établissant au quadruplement des financements actuels pour atteindre
12M€/an en régime de croisière.
Comme mentionné ci-dessus, les avancées récentes pour assurer la pérennité de
la collecte des données longitudinales pour de « grandes cohortes » n’ont pas
résolu ce même problème pour les multiples recherches cliniques longitudinales
indispensables pour répondre à de nombreuses questions permettant d’optimiser
la prise en charge des principales pathologies. Il est indispensable de mettre en
place un dispositif spécifique pour les cohortes cliniques, soit à travers un
appel d’offres propre, soit à travers un fléchage inclus dans le PHRC.
3.2. Réduire la segmentation excessive des dispositifs
Le PHRC a débuté en 1992 comme un AAP national unique finançant la recherche clinique
sur la base d’un projet. Il a joué un rôle précurseur car, à cette époque, le mode de
financement public de la recherche clinique reposait avant tout sur la décision individuelle
d’investigateurs d’y consacrer une part des dotations récurrentes d’unités de recherche
relevant des universités ou des organismes. En Europe, il a aussi joué un rôle précurseur
car le financement public de la recherche clinique était à cette époque peu répandu.
Cependant il a connu par la suite une segmentation qui peut sembler préjudiciable à
l’excellence scientifique. En réduisant le champ de la compétition, de bons projets
10
Source: NIH Press Release – 3 May 2012
http://www.nih.gov/news/health/may2012/od-03.htm
11
peuvent ne pas être retenus tandis que d’autres projets sont susceptibles d’être
sélectionnés pour des raisons principalement liées à leur thématique ou à leur origine
géographique.
Segmentation géographique
Le PHRC a été scindé à la fin des années 90 en un AAP national, en partie thématisé, et
un PHRC régional, puis interrégional, souvent plus ouvert dans ses choix thématiques.
Cependant ces enveloppes inter-régionales sont fixées a priori, et tendent à multiplier les
projets sous-financés. La sélection ne porte pas nécessairement sur les meilleurs projets
à l’échelon français, ce qui n’incite pas les régions à attirer les meilleurs talents, et ne
prépare pas non plus à entrer dans la compétition internationale.
La question de la segmentation régionale mérite une évaluation sur le long terme. Plutôt
que de réduire la compétition à une région au risque de l’enkyster dans un
environnement faiblement compétitif, il serait préférable d’utiliser ces moyens dans un
AAP national, souple et évolutif dans le temps, pour promouvoir des projets émergents,
et / ou apporter un soutien transitoire (3 ans) à des thématiques en émergence.
Segmentation thématique
Avec la création de l’INCa, le PHRC a été scindé en PHRC cancer et hors-cancer, avec les
mêmes inconvénients que la segmentation géographique car ici aussi les montants des
enveloppes respectives sont fixés a priori. De même, le PHRC ne couvre pas les
domaines d’intervention de l’ANRS. Les STIC font l’objet d’un AAP distinct du PHRC, alors
même que ces projets pourraient faire l’objet d’un seul et même AAP, avec par exemple
un fléchage par la Haute Autorité de Santé (HAS) de thématiques qui nécessitent une
évaluation comparative efficacité/ sécurité ou coût/bénéfice. Enfin l’ANSM vient de lancer
son AAP, mais il eut également été possible d’allouer ce montant à un fléchage, au sein
du PHRC, de projets concernant la sécurité du médicament.
Segmentation institutionnelle
Les premiers Centres d’Investigation Clinique (CIC) ont été créés en 1992. Ces
centres apportaient des moyens nouveaux pour renforcer et promouvoir autour d’un
projet scientifique animé par des investigateurs chercheurs et cliniciens les applications
de la recherche d’amont au profit des malades. Il existe désormais un CIC dans la quasitotalité des CHUs en France, qui relèvent de la double tutelle de la DGOS et de l’INSERM.
Quarante-et-un CIC sont organisés autour de 54
modules (qu’ils soient plurithématiques, ou spécialisés en biothérapies, innovations technologiques ou en
épidémiologie clinique) et d’une dizaine de réseaux nationaux que nous envient bien des
pays.
Leur activité embrasse l’ensemble du continuum de la recherche clinique et
translationnelle, depuis ses interfaces avec la recherche fondamentale jusqu’à ses
applications en Santé Publique. Les CIC agissent ainsi " à double sens", facilitant l’accès
des cliniciens et des malades aux progrès de la recherche d’amont comme l’accès des
chercheurs aux investigations chez l’homme sain ou malade.
Vingt-huit Centres de Recherche Clinique (CRC) ont été créés par un appel d'offre de
la DGOS en 2011 s'adressant à tous les établissements de santé. Les CRC sont des outils
définis comme purement dédiés à la réalisation de la recherche clinique, à l’acquisition de
données, à l’aide aux inclusions et à la coordination logistique des moyens dédiés à
l'investigation. Ils sont chargés d’assurer la mission spécifique d’appui à l’activité de
recherche clinique au niveau local par leur rôle de plateforme institutionnelle d’aide à la
recherche clinique, d’appui à l’inclusion et à la réalisation des essais et d’interface
investigateur / patient ou volontaire sain. En pratique, leur mise en place contribue
indubitablement à renforcer le maillage de l’infrastructure de recherche clinique sur
12
l’ensemble du territoire national mais peut alimenter une complexification et une
difficulté de coordination entre structures institutionnelles différentes.
Cette tendance à la segmentation est certainement favorisée par le fait que seule une
minorité de dispositifs, correspondant à des montants de financement limités (comme
l’AAP recherche clinique translationnelle DGOS/INSERM), relèvent d’une gouvernance
conjointe entre la santé et la recherche.
La solution la plus radicale serait de constituer un appel à projet unique de
recherche clinique, alimenté par la conjonction de toutes les sources de
financement ‘recherche’, santé’ et ‘industrie et partenariats’. Le Swedish Research
Council fonctionne de cette façon, recevant des fonds de différents ministères pour
organiser un AAP unique. Sans aller jusque-là, il est indispensable de redéfinir les
champs respectifs, d’assurer une meilleure complémentarité entre les dispositifs de
financement (et c’est en ce sens que s’inscrivent les différentes propositions d’évolution
contenues dans ce rapport) et à l’intérieur d’un même dispositif, de proposer des
découpages qui garantissent la comparabilité de l’ensemble des projets relevant d’un
même domaine.
3.3. Assurer la cohérence d’ensemble des programmes thématiques
Certains programmes sont thématiques par essence du fait qu’ils relèvent d’agences
spécialisées sur des pathologies particulières (ANRS, INCA). Quant à eux, l’ANR comme
le PHRC ont pour habitude d’associer programmes thématiques ou fléchage, volontiers en
phase avec les plans nationaux santé, et des programmes blancs.
En pratique, le PHRC est assez ‘blanc’ tant sur le plan thématique que concernant les
catégories de recherche soutenues (qui vont des études du mécanisme de la maladie aux
biomarqueurs, aux essais randomisés, et aux études portant sur l’organisation des
soins). En revanche d’autres programmes sont fortement thématisés ; c’est le cas par
exemple de l’AAP ‘investigator-driven clinical trials’ du 7ePCRD.
S’il est parfaitement légitime de se donner les moyens de privilégier une thématique
donnée du fait d’une crise sanitaire, d’une priorité de santé publique ou des nécessités de
renforcer un domaine spécifique de recherche dans la compétition internationale,
l’absence d’un pilotage cohérent, associant systématiquement santé et recherche, ne
permet guère de faire évoluer les thématiques au cours du temps et de garantir que la
thématisation ne conduit pas à déséquilibrer la dynamique d’ensemble de la recherche et
de sous-dimensionner d’autres domaines importants.
3.4. Homogénéiser les modalités d’évaluation des projets
La pratique dans de nombreux pays (Allemagne, 7ePCRD, IMI, etc.) est d’effectuer
une sélection à deux tours, avec une première évaluation sur la base d’un
synopsis, puis une seconde sur la base du protocole complet. Ceci permet
d’économiser beaucoup de ressources dans le processus de sélection.
Pour les essais cliniques, il est indispensable de disposer du protocole complet, au
moins pour le second tour d’évaluation. Ceci signifie qu’il est difficile d’employer le
même panel d’experts pour les essais cliniques et pour le reste des recherches
biomédicales. Cependant il faut aussi réduire autant que possible la segmentation.
Une possibilité serait de faire un premier tour commun, puis un second tour avec
un panel spécifique pour les projets cliniques.
Le standard international est enfin de recourir à un jury international et donc de
demander une rédaction des projets en langue anglaise. Ceci a au passage
l’avantage de préparer les équipes à déposer aux AAP du 7ePCRD.
13
Comme mentionné ci-dessus, la séparation du soutien aux infrastructures en deux
appels d’offres distincts (CIC/CRC) conduit à une multiplication des structures qui
ne répond pas forcément, en pratique, à des différences fonctionnelles marquées.
Enfin la transparence de l’évaluation, avec la mise à disposition systématique
d’un rapport d’évaluation explicitant les forces et les faiblesses du projet est
nécessaire pour faire progresser les équipes.
3.5. Trouver le bon équilibre entre financement ‘intramural’ et ‘extramural’
Le PHRC a été créé à une époque où le modèle de financement essentiel en France
correspondait à une modalité que l’on pourrait qualifier d’intramurale, c'est-à-dire dans
laquelle chaque institution finance, via esseniellement des salaires, des équipements et
de la dotation récurrente, ses propres équipes de recherche. En matière de recherche
clinique, ce modèle essentiellement « intramural » pouvait réduire le nombre d’équipes
prêtes à s’engager dans cette recherche en général, dans ses domaines les plus à risque
et, comme la segmentation des dispositifs évoquée ci-dessus, réduisait le champ de la
compétition inter-projets.
Depuis l’avènement de l’ANR (et l’accroissement du budget du PCRD qui distribue en
France plus d’argent que l’ANR), la situation s’est modifiée, avec une insistance vers le
financement sur projet (ce en quoi le PHRC était précurseur) mais aussi une culture de
financement extramural : l’ANR finance les projets sélectionnés par ses jurys d’experts,
indépendamment de la nature de l’institution qui soumet le projet (Université, Hôpital,
INSERM, Pasteur, PME, etc…).
La recherche clinique se trouve de ce point de vue dans une situation particulièrement
exacerbée d’asymétrie : le PHRC finance selon une logique intramurale les projets
réalisés en milieu hospitalier puisque la nécessité d’un investigateur principal médecin
hospitalier et d’une promotion hospitalière en sont la condition, tandis que les autres
financeurs supportent les projets quelle que soit l’institution-hôte. Cette différence dans
les conditions d’éligibilité des investigateurs porteurs des projets est l’une des raisons qui
font que l’Université et les laboratoires de recherche (en particulier CNRS) ne comportant
pas de cliniciens exerçant dans un service hospitalier, n’ont pas accès direct au PHRC.
Ces équipes restent dès lors peu impliquées dans la recherche clinique en France, à
l’opposé de nombreux pays voisins où son expertise scientifique et méthodologique et sa
dimension transdisciplinaire, par-delà le secteur médical, sont valorisées. Ce qui doit
importer in fine pour le financeur est qu’il sélectionne, selon ses objectifs propres, les
projets porteurs du meilleur retour sur investissement, indépendamment du
site institutionnel où la recherche est effectuée et gérée. Là encore, une
gouvernance conjointe santé/recherche des dispositifs ne pourrait que contribuer à un
décloisonnement institutionnel porteur de gains en qualité et productivité scientifiques.
3.6 Se donner les moyens d’initier de grands essais internationaux
Les mêmes questions se posent pour les essais internationaux : lorsqu’il devient
nécessaire, pour accéder aux patients et à l’expertise médicale, de réaliser une partie des
recrutements dans des pays étrangers, mieux vaut couvrir les coûts de l’investigation à
l’étranger que de financer en France un essai de faible puissance statistique, ou
s’appuyant sur des centres d’investigation manquant d’expertise. Un certain nombre de
pays financent ainsi le coût de l’investigation à l’étranger, qu’il s’agisse des NIH
américains ou simplement du Danemark.
A cet égard, l'Europe s'est dotée d’un dispositif dédié à la recherche clinique inscrit sur la
feuille de route des grandes infrastructures de recherche : European Clinical Research
Infrastructures Network (ECRIN). Tout d'abord financé par les programmes cadre
européens (6° puis 7)-, ECRIN va devenir une des premières ERIC (European Research
14
Infrastructure Consortium) dont les membres fondateurs sont la France, l'Allemagne,
l'Italie et l'Espagne. Entièrement dédiée à la recherche clinique, ECRIN est un réseau de
23 pays offrant des services distribués destinés à aider les promoteurs d'essais
paneuropéens dans le montage et le déroulement de leurs études. F-CRIN en représente
la composante française et a l'ambition d'aider les investigateurs et les promoteurs
français à accroître la place des essais européens à portage français.
3.7. Permettre le financement de grands projets
Réduire le nombre de projets retenus et augmenter les montants alloués va aussi
dans le sens d’un allègement du travail de sélection (les taux de succès au PHRC
oscillent entre 30 et 45%, au-delà des 20 à 25% considérés en général comme
gage de bonne sélectivité pour les projets retenus). Il serait souhaitable, pour des
essais cliniques, de pouvoir allouer des montants allant de 1 à 5 millions, voire
plus, pour permettre la réalisation de grands essais susceptibles d’avoir un fort
impact non seulement en termes de publication, mais surtout sur le système de
soins et sur la santé.
Pouvoir réaliser de grandes études signifie aussi que, le cas échéant, ces
financements puissent être mobilisés pour couvrir les coûts de l’investigation hors
de France (au moins en Europe). Les études initiées en France doivent aller au
terme de leur recrutement et de leurs objectifs pour atteindre le meilleur niveau
de puissance statistique.
Les grands projets ont indirectement une action structurante en permettant
l’organisation de réseaux qui renforcent la capacité à mener ultérieurement des
essais académiques ou industriels.
Enfin les systèmes d’évaluation de la recherche et des chercheurs doivent
promouvoir la participation à de grands projets en valorisant l’obtention des
financements nécessaires, et en prenant en compte tous les auteurs et acteurs de
ces projets (par exemple la communauté de la physique des particules, habituée
des grands projets, signe ses articles en ordre alphabétique, favorisant la
collaboration plutôt que la compétition individuelle).
3.8. Renforcer l’usage de la recherche clinique comme instrument de support à
la décision pour les autorités de santé
Les essais cliniques comparant des stratégies thérapeutiques dans le cadre de leur
autorisation (ou hors des conditions d’autorisation), ainsi que les études de
pharmaco-épidémiologie sont des instruments de recherche en appui des
politiques de santé publique. Il importe donc que les autorités de santé puissent
commanditer ce type d’étude ou intervenir pour établir des priorités dans les AAP
correspondants. En Italie, l’AIFA (qui regroupe les missions de l’ANSM, de l’HAS et
du CEPS) a pris l’initiative de financer des essais cliniques indépendants, dont un
certain nombre correspondaient à des questions fléchées par l’AIFA elle-même.
En France l’HAS n’exploite pas la possibilité de commanditer, lorsque l’incertitude
nécessite d’être levée, des essais cliniques comparant deux ou plusieurs stratégies
thérapeutiques dans une affection donnée afin d’émettre des recommandations
‘fondées sur la preuve’. L’HAS devrait pouvoir flécher, dans un AAP
commun, des questions qui ont impact sur ses recommandations, ou sur
la décision de rembourser (ce qui est en partie la mission des STIC
actuellement, mais mériterait d’être mieux canalisé par les autorités de santé).
Les autres acteurs du système de santé (patients, professionnels de santé)
peuvent aussi être invités à intervenir dans le choix d’éventuelles priorités. Enfin
la collaboration des agences avec leurs homologues internationaux serait aussi un
moyen de gagner en puissance et en qualité de l’évidence, au bénéfice des
patients et du système de santé français.
15
3.9. Favoriser le décloisonnement et la simplification institutionnelles pour
assurer une couverture des besoins de financement sans duplication ni défaut
de financement.
La condition sine qua non des évolutions proposées ci-dessus est d’assurer une
clarification institutionnelle des dispositifs existants afin d’assurer leur complémentarité
et leur cohérence d’ensemble.
Une première avancée consisterait à garantir une gouvernance commune santé et
recherche de tous les dispositifs et ceci quelle que soit l’origine des financements
mobilisés.
Une deuxième avancée serait de supprimer les conditions institutionnelles
d’éligibilité qui restreignent l’accès à certains dispositifs. En particulier,
l’appartenance au secteur hospitalier et la promotion hospitalière ne devraient plus être
une condition exclusive pour le dépôt comme investigateur principal aux appels à projets
PHRC et PREPS.
Une troisième avancée consisterait à intégrer les financements en provenance des
agences « thématiques » (ANRS, ANSM, INCA etc.) dans les appels à projets et
appels d’offres généraux, quitte à laisser ces agences leur liberté de choix quant au
soutien apporté aux projets sélectionnés et à les associer activement à
la
programmation de ces appels généraux dont une partie devra être thématisée en
fonction des besoins.
Ces avancées générales permettraient d’aboutir à un paysage « simplifié » du
soutien public à la recherche clinique dont les grands traits seraient alors les suivants :
Un appel d’offres unique et des modalités d’évaluation communes pour
les infrastructures de recherches cliniques (CIC, CRC), la différenciation
entre ces structures qui devraient à l’avenir avoir une même dénomination (CRIC
par exemple) se faisant sur la base de leurs capacités modulaires à remplir une ou
plusieurs fonctions (recherche translationnelle, grands essais multicentiques
internationaux, essais cliniques, appui méthodologique).
Un appel à projets de recherche clinique translationnelle piloté par l’ANR,
AVIESAN et la DGOS permettant une montée en puissance des financements
consacrés à ce domaine.
Le maintien d’un dispositif spécifique pour les « grandes cohortes » avec
possibilité d’étendre autant que nécessaire leur nombre par rapport au périmètre
identifié par les Initiatives d’Excellence.
Un redécoupage des appels à projets PHRC, PREPS, STIC, et des
différentes agences sanitaires de façon à assurer la comparabilité entre des
types de projet relevant d’un même domaine et à mutualiser les différentes
sources de financement des partenaires concernés. Ce redécoupage pourrait
concerner les 4 domaines suivants :
-
-
L’ensemble des recherches cliniques visant à comprendre les
mécanismes
de
la
maladie
regroupant
les
études
physiopathologiques, les études interventionnelles hors essais
thérapeutiques sur l’homme, et les études épidémiologiques des
déterminants de la maladie.
Les essais cliniques proprement dits avec un budget combinant
différentes sources. Ceci se justifie car les essais cliniques sont évalués
sur la base de leur protocole, et il est difficile de les expertiser dans le
même panel que des études de physiopathologie.
16
-
Les cohortes cliniques et autres études de suivi longitudinal
visant à tester des hypothèses explicatives ou d’amélioration de la prise
en charge thérapeutique (hors « grandes cohortes »).
L’ensemble des recherches visant à optimiser le fonctionnement
du système de soins et la diffusion des innovations diagnostiques et
thérapeutiques (avec une attention particulière à l’ouverture aux
sciences humaines, économiques et sociales ainsi qu’aux questions
d’amélioration de la sécurité du patient).
3.10. Améliorer la présence de la recherche clinique française au plan européen
La Commission européenne a présenté le 30 novembre 2011 un ensemble de mesures
visant à promouvoir, entre 2014 et 2020, la recherche, l'innovation et la compétitivité en
Europe, appelé « Horizon 2020 ». Une nouveauté importante est que "Horizon 2020"
rassemble pour la première fois tous les financements de l'UE en matière de recherche et
d'innovation – en augmentation - , et regroupera dans un seul programme le
programme-cadre de recherche (PCR), le volet "innovation" du programme-cadre pour la
compétitivité et l'innovation des PME (CIP) et la contribution de l’Union Européenne à
l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT).
La recherche clinique, comme d’ailleurs la recherche en santé publique, constitueront très
certainement une des priorités mise en avant par les programmes de l’Union Européenne
pour l’Horizon 2020 (2014-2020). Ainsi, l’ European Medical Research Councils (EMRC)
qui coordonne l’ensemble des organismes de recherche de l’Union Européenne dans le
cadre de l’European Science Foundation a-t-il récemment diffusé son rapport sur « le
transfert de la recherche médicale vers la pratique clinique » qui consacre l’essentiel de
ses recommandations « au renforcement d’une recherche clinique rigoureuse et de
qualité capable de répondre aux attentes des patients, des professionnels de la santé et
de la société, et dont les priorités devraient être guidées par les manques de
connaissances et les incertitudes identifiées par des revues systématiques de la
littérature scientifique sur les différents sujets »11.
L’ensemble des propositions ci-dessus soumises au débat des partenaires concernés par
le groupe d’experts inter-ITMOs d’AVIESAN, visent notamment à mettre la recherche
française dans une meilleure position pour se saisir des opportunités qui vont être
offertes dans la période 2014-2020 par l’insistance croissante sur la recherche clinique
dans les programmes européens.
11
EMRC, “Implementation of Medical Research in Clinical Practice” May 2011: www.esf.org/publications
17
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