EXAMEN CLINIQUE DU PATIENT DE REANIMATION Pr Alain GERARD R&animation Médicale Brabois Introduction • Patients souvent difficiles à examiner: – l'environnement: mauvais éclairage, bruit ambiant… – l'absence de coopération du patient – la difficulté de positionner le patient – la présence de drains, pansements, cathéters… – des interférences causées par le ventilateur, les médicaments (antalgiques, myorelaxants...)… Circonstances de l'examen Evaluation clinique rapide - à l'admission ou lors d’une aggravation Examen complet et détaillé - après réanimation et stabilisation Examen journalier ou plus fréquent - pour évaluer la réponse au traitement et les progrès du patient. Anamnèse • Anamnèse complète rarement disponible auprès du patient gravement malade. Il faut cependant toujours essayer cela permet par ailleurs d'avoir une idée de l'état psycho-organique du patient. • Même si le patient apparaît inconscient, il faut se présenter et toujours expliquer ce que l'on va faire. Environnement • Etre attentif à l'environnement du patient: - équipement - valeurs mesurées de façon non-invasive et invasive - alarmes (si actives et valeurs seuils) - fixation du matériel • Il faut toujours demander à l'infirmière si pour elle le patient s'améliore, est stable ou se détériore et si elle a observé de nouveaux problèmes. Examen général • Il faut utiliser tous les sens, ex. l'odorat: odeur typique du méléna et de certaines infections bactériennes caractéristiques (Pseudomonas), fetor de l'insuffisant rénal, hépatique ou de l'acidocétose diabétique. • Température Préférer la température tympanique ou rectale à la température axillaire. Examen général • Perfusion cutanée des extrémités froides, pales et cyanosées peuvent traduire un bas débit cardiaque. ! mêmes aspects rencontrés – chez les patients qui souffrent d'une artériopathie périphérique, – sont exposés à un environnement froid – parfois chez des patients qui ont une intense vasoconstriction (vasopresseurs). Examen général • Sudations - sueurs froides (p.e. lors de douleurs intenses, d'hypoxie ou de bas débit) - sudations secondaires à la défervescence. • Etat nutritionnel L'obésité - peut cacher des signes importants - rend les soins infirmiers plus difficiles. • Une peau fragile et une atrophie des petits muscles de la main sont souvent associées à une malnutrition protéino-calorique. Examen général • Etat d'hydratation (1) Peut être très difficile à évaluer. Les changements de poids sont souvent les meilleurs indicateurs de l'état d'hydratation. Examen général • Etat d'hydratation (2) Les symptômes et les signes habituels de la déshydratation • comme la soif et la sécheresse de la bouche peuvent être difficiles à évaluer chez un patient Les oedèmes périphériques tendent à s'accumuler dans la région lombaire plutôt qu'autour des chevilles chez le patient couché . Examen général • Purpura et pétéchies Un purpura et des hématomes superficiels suggèrent une coagulopathie. • Le dos Le dos doit toujours être inspecté avec une attention particulière pour les points de pression. Voies aériennes • Patients non-intubés Les patients non intubés doivent être évalués à la recherche d'une obstruction des voies aériennes. Les obstructions partielles sont plus fréquentes que les obstructions complètes et s'accompagnent en général de ronflements, avec - une dépression intercostale – et un mouvement en dent de scie du thorax et de l'abdomen lorsque l'obstruction devient plus sévère. Voies aériennes • Patients intubés ! Une intubation endotrachéale ou une trachéotomie ne garantit pas une perméabilité des voies aériennes. Respiration • Détresse respiratoire - facies altéré, une cyanose, un battement des ailes du nez, et une tachypnée un support ventilatoire est en général indiqué. • Type de respiration - une fréquence respiratoire basse est en général causée par des sédatifs et/ou des narcotiques. - une tachypnée peut être secondaire à de l'anxiété, une douleur ou à une maladie sousjacente grave Respiration Types de respiration Causes Respiration rapide avec petits volumes courants Augmentation du tonus sympathique Diminution de la compliance thoracique Augmentation des résistances des voies aériennes Encéphalopathie Respiration rapide et profonde Acidose métabolique Augmentation et diminution périodique de la fréquence et de la profondeur des inspirations avec des périodes d'apnée (Cheynes-Stokes) Dysfonction du tronc cérébral Choc cardiogénique Respiration irrégulière avec des périodes d'apnée (Biot) Augmentation de la pression intracérébrale, méningite, dysfonction du tronc cérébral Respiration • Examen du thorax (1) - Asymétrie du thorax - pneumothorax sous tension - atélectasie lobaire - intubation de la bronche souche droite... – Chez les patients couchés, le liquide tend à se collecter postérieurement – L'auscultation n’a pas la même qualité chez les patients en ventilation mécanique. Respiration • Examen du thorax (2) – Malgré tout il faut rechercher un frottement pleural, des râles, des sibilances, un murmure vésiculaire diminué ou un souffle tubaire, – Le dos peut être examiné – Un emphysème sous-cutané doit toujours évoquer la possibilité d'un pneumothorax. Circulation • Le pouls Tous les pouls doivent être palpés avec une attention particulière aux artères qui ont été canulées récemment. La palpation du pouls donne des informations sur la fréquence et le rythme cardiaque, Circulation Pouls filant Choc hypovolémique Bas débit cardiaque Pouls bondissant Septicémie Pouls alternant Très bas débit cardiaque Dysfonction ventriculaire gauche sévère Pouls paradoxal Tamponnade péricardique Ventilation mécanique (surtout si le patient est hypovolémique ou subit des pressions d'insufflation élevées Asthme sévère Circulation • Pouls bondissant : est plus souvent rencontré lors de sepsis avec haut débit cardiaque que dans l'insuffisance aortique • Pouls alternan t: un signe de gravité • Pouls paradoxal : exagération de la diminution normale de la pression à l'inspiration (variation de >10 mmHg entre la pression systolique mesurée à l'inspiration et à l'expiration). Circulation • Pression artérielle – La mesure de la pression artérielle en utilisant un sphygmomanomètre tend à • sous-estimer la valeur réelle lors de valeurs basses • à être plus précise pour des valeurs élevées – Les patients avec artériopathie ont souvent des pressions différentes entre le bras gauche et le bras droit ainsi, il est important de mesurer la pression aux deux bras, Les veines du dos de la main peuvent aussi être utilisées comme index de la pression veineuse centrale en montant la main jusqu'au niveau ou les veines se collabent. Circulation • Bruits cardiaques – Souffle systolique à la base du cœur, fréquemment entendu chez les patients avec un débit cardiaque élevé qui disparaît lorsque le débit se normalise. A l'opposé, il peut être difficile d'entendre le souffle d'une maladie valvulaire chez un patient en choc avec un bas débit cardiaque. – Apparition d'un souffle diastolique ou pansystolique ! suspicion d'une endocardite infectieuse Système gastro-intestinal • L'examen doit inclure les deux extrémités: la bouche et le rectum. L'intérieur de la bouche est le meilleur endroit pour voir la cyanose centrale. • Il faut regarder les dents pour savoir s'il y a des prothèses • L'examen rectal doit être différé jusqu'à ce que le patient puisse être mis dans la position adéquate, il ne doit pas être oublié. Système gastro-intestinal • Les sclèrotiques doivent être examinée à la lumière du jour pour détecter un éventuel ictère. • On doit rechercher à l'examen clinique les signes de maladie hépatique chronique. Système gastro-intestinal • L'abdomen (1) – Les informations acquises lors de l'examen de l'abdomen vont être profondément modifiées par les analgésiques, les sédatifs et les curares. – Les pansements, les drains et les poches limitent l'examen. – Il faut noter les cicatrices, anciennes et nouvelles. Les plus récentes doivent être palpées et inspectées à la recherche d'une infection. Système gastro-intestinal • L'abdomen (2) – La distension et la douleur abdominale sont des signes importants. – L'augmentation de la pression intraabdominale peut causer une insuffisance rénale aiguë et il y a des évidence qu'elle peut causer une diminution du débit cardiaque . Système gastro-intestinal • L'abdomen (2) Bruits abdominaux : pour les produire, il faut de l'air et du liquide. La majorité de l'air vient de l'air avalé, ainsi, les patients lourdement sédatés ont des bruits absents mais un tube digestif qui fonctionne. • La sensibilité de l'abdomen est le principal signe de sepsis intra-abdominal chez le patient gravement malade Les signes cliniques sont aussi fiables que les examens sophistiqués pour détecter une sepsis intra-abdominal. Système gastro-intestinal • L'hépatomégalie – Le bord hépatique supérieur doit aussi être évalué par percussion sur la ligne médioclaviculaire car le foie peut être déplacé vers le bas par l'hyperinflation des poumons par exemple durant la ventilation positive ave PEP. Système nerveux • L'examen neurologique est ce qui est le mieux pour évaluer la fonction cérébrale. L'état de conscience doit être documenté à l'admission aux SI puis chaque jour. Le score de Glasgow est basé sur la meilleure réponse (ouverture des yeux, verbale, motrice) Les traumatismes cérébraux sont souvent associées aux lésions de la colonne cervicale. La tête ne doit pas être mobilisée durant l'examen neurologique jusqu'à ce qu'on ait pu démontrer l'intégrité de la colonne. Postures Rigidité de décortication souvent le résultat d'une lésion structurale affectant les hémisphères cérébraux et le diencéphale. Rigidité de décérébration Suggère une lésion au niveau du mésencéphale ou de la partie supérieure du pont. Cette posture peut aussi se voir lors de coma induit par une hypoxie cérébrale sévère. Système nerveux • Observation générale Les mouvements spontanés des membres ou les membres immobilisés donnent une idée de quel membre a de la force et de la coordination et de quel membre est plus faible. Pour les mouvements involontaires, il faut distinguer: - les convulsions - les myoclonies - et les tremblements. Système nerveux • Mouvements involontaires Crises d'épilepsie généralisées Crise partielles Mouvements myocloniques (contraction brève et soudaine d'un muscle ou d'un groupe musculaire) Tremblements. - fins : surviennent lors du sevrage d'alcool ou de médicaments - plus grossiers: chez les patients avec insuffisance rénale sévère, insuffisance hépatique ou circulatoire ou lors d’hypercapnie (flapping tremor). Système nerveux • Tête • Examen soigneux chez les patients victimes d'un traumatisme crânien. – Mouvement anormal des incisives supérieures centrales (fracture du maxillaire). – Dents manquantes – Hématome orbitaire (fracture des orbites ou de la base du crâne). – Ecoulement sérosanglant du nez, des oreilles ou de la bouche (fistule de LCR). Système nerveux • Signes méningés Syndrome méningé. Son absence ne doit pas faire exclure une méningite ou une hémorragie. • Les fonctions supérieures L'évaluation des fonctions supérieures (l'humeur, la mémoire, l'intelligence, la parole et la lecture) en général omise jusqu'à ce que le patient soit extubé et ne soit plus sous l'effet des médicaments qui dépriment le système nerveux. Les hallucinations peuvent sparfois être suspectées Système nerveux • Fond d ’oeil Chez le patient comateux, il faut essayer de visualiser le fond d'oeil tous les jours en cherchant plus particulièrement un oedème papillaire évocateur d'une hypertension intracrânienne ou des hémorragies. Système nerveux • Pupilles (1) Signes de dysfonction du tronc cérébral La taille peut être influencée par des médicaments comme les opiacés (myosis) ou des hautes doses de catécholamines (mydriase). Rechercher une anisocorie Anomalies Mouvement anormal Déviation Site de la lésion Interne Nerf III ou noyau Vers le bas (vers l'intérieur) Nerf IV Latéral Nerf VI Adjacent à la fracture Muscle oculaire Tonique latérale conjuguée Parésie Ipsilatéral - cérébral Controlatéral - pontique Irritation Controlatéral - cérébral Ipsilatéral - pontique Mouvements spontanés Skew Pontique ou cervelet Divergent Strabisme concomittant Nystagmus vertical (phase rapide vers le bas, lente vers le haut) Lésion bilatérale du pont Nystagmus vertical (phase rapide vers le haut, Lésion corticale diffuse lente vers le bas) Opsoclonus (mouvements irréguliers dans toutes les directions) Cervelet Errance horizontale conjuguée Mésencéphale et pont intact Système nerveux • Réflexe oculocéphalique Mouvements oculaires stimulés chez les patients comateux en tournant la tête d'un côté puis de l'autre brusquement pour stimuler les propriorécepteurs labyrinthiques et cervicaux. La stimulation provoque un mouvement des yeux dans la direction opposée. Ce réflexe n'est pas présent chez le patient éveillé. Ce réflexe est absent en cas de mort cérébrale. Système nerveux • Autres nerfs crâniens – La sensibilité de la face, assurée par le nerf trijumeau (V),. La pression du pouce sur le nerf supraorbitaire est un moyen pratique et reproductible de générer un stimulus douloureux. – La grimace induite par la stimulation douloureuse peut suggérer une lésion du nerf facial (VII). Système nerveux • Les membres Les tests de la sensibilité, de la coordination et de la force musculaire, souvent difficiles à effectuer chez les patients confus, non collaborants ou comateux. Chez ces patients, l'examen doit comprendre : – la réponse aux stimuli douloureux* – des mouvements articulaires passifs – les réflexes ostéotendineux et cutanés. *Appliquer le plus faible stimulus qui provoque une réponse. La présence d'hématomes indique que l'on a appliqué des stimuli trop violents. Système nerveux • Hypotonie et faiblesse musculaire – En rapport avec • encéphalopathie métabolique, toxique ou médicamenteuse (sédatifs...). • Neuromyopathie de réanimation Système nerveux • Réflexes ostéotendineux – Ne nécessitent pas la collaboration du patient et sont reproductibles d'un observateur à l'autre. - Les troubles associés à une hypotonie musculaire sont accompagnés d'une hyporéflexie généralisée. – Leur interprétation chez le malade comateux (hyper, hypo, abolition) est la même que chez le malade conscient. Système nerveux • Chez les patients avec des lésions cérébrales post-traumatiques, une hypoxie récente, des lésions ischémiques ou une encéphalopathie, le tableau neurologique défie souvent les explications anatomiques et les signes fluctuent sur de courtes périodes de temps. Conclusion Beaucoup d'information peuvent être obtenues par l'examen clinique. Comme règle, une évaluation clinique doit faire suite à chaque changement des conditions du patient. C'est le moyen le plus efficace de mettre en évidence des problèmes traitables et d'éviter des examens inutiles.