CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE
par
Joëlle Pomerleau
Essai présenté au Centre Universitaire de Formation en Environnement en vue de
l’obtention du grade de maître en environnement (M. Env.)
CENTRE UNIVERSITAIRE DE FORMATION EN ENVIRONNEMENT
UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE
Sherbrooke, Québec, Canada, novembre 2009
IDETIFICATIO SIGALÉTIQUE
CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE
Joëlle Pomerleau
Essai effectué en vue de l’obtention du grade de maître en environnement (M. Env.)
Sous la direction de Rosa Ortiz
Université de Sherbrooke
Décembre 2009
Mots clés : changements climatiques, sécurité, conflits, impacts, vulnérabilité,
adaptation, Afrique.
Le changement climatique et ses conséquences sur les systèmes biologiques et les sociétés
humaines posent aujourd’hui de sérieux problèmes de sécurité, particulièrement en
Afrique, continent le plus vulnérable de la planète aux impacts des changements
climatiques en raison des défis politiques, socio-économiques et démographiques auxquels
il fait face. Devant la dégradation des conditions de vie des populations et l’accroissement
de l’insécurité humaine, il convient de se questionner sur le risque que des conflits intra et
interétatiques violents éclatent en Afrique. Il apparait clair que des conflits risquent
d’émerger sur le continent, mais l’absence ou la présence de violence dépendra en grande
partie des réponses apportées par les gouvernements nationaux et la communauté
internationale pour minimiser les impacts des changements climatiques sur les modes de
vie et le bien-être des populations.
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SOMMAIRE
Les chercheurs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)
sont unanimes : le réchauffement du système climatique est désormais sans équivoque. Les
scénarios d’émissions prédisent d’ici la fin du siècle un réchauffement variant entre 1,1 et
2,9 °C pour le scénario le plus optimiste et entre 2,4 et 6,4 °C pour le plus pessimiste. Les
modèles prédisent également une élévation du niveau de la mer variant entre 18 et 59
centimètres d’ici à 2099 et le GIEC estime très vraisemblable (de 90 à 95 % de probabilité)
que les chaleurs extrêmes et les événements de fortes précipitations continueront à devenir
plus fréquents et que les précipitations deviendront de plus en plus intenses et surtout de
plus en plus variables d’une année sur l’autre.
Bien que l’Afrique ne soit responsable que de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet
de serre, le continent est considéré comme le plus vulnérable aux impacts des changements
climatiques. Cette vulnérabilité est à la fois fonction du système climatique complexe du
continent et de l’interaction de ce système avec de nombreux défis socio-économiques tels
que la pauvreté endémique, l’épidémie de VIH/SIDA, la mauvaise gouvernance, la
dégradation des écosystèmes, les conflits ethniques et la croissance démographique; qui
pourraient miner la capacité des communautés à s’adapter aux changements climatiques
(GIEC, 2007b). Les tendances actuelles suggèrent que de vastes régions africaines,
notamment le Sahel et une partie de l’Afrique australe, pourraient subir un réchauffement
de l’ordre de 3 à 6 °C d’ici la fin du siècle. Les régimes pluviométriques seront touchés de
plein fouet et pourraient accuser une baisse de plus de 20 % par rapport aux niveaux de
1990 alors que le niveau moyen de la mer pourrait s’élever d’environ 50 centimètres d’ici à
2100. Or plus d’un quart de la population africaine vit à moins de 100 kilomètres du
littoral. Les impacts des changements climatiques sur les modes de subsistance des
populations seront multiples. Par exemple, la production agricole sera fortement
compromise par le changement et la variabilité climatiques : les superficies de terres
arables, la durée des saisons de culture et le rendement par hectare sont susceptibles de
diminuer, ce qui pourrait compromettre la sécurité alimentaire et accentuer la malnutrition.
En fait, le GIEC annonce à l’horizon de 2070 des baisses de rendement non négligeables
pour les principales céréales, soit une baisse de 25 % pour le maïs et de 20 % pour le blé.
Le GIEC prévoit également que les rendements de l’agriculture pluviale pourraient
diminuer de 50 % d’ici à 2020 dans certains pays d’Afrique. Les modifications du climat
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risquent aussi d’avoir des conséquences sur la santé humaine, les ressources en eau, la
biodiversité, l’économie et la gouvernance et de porter atteinte aux fondements des moyens
d’existence des populations africaines.
Les modifications engendrées par le changement climatique sur des ressources essentielles
à la subsistance des populations, telles que l’eau et la terre, auront un impact significatif
sur leur sécurité immédiate et future. Dans un tel contexte, la communauté internationale
craint que les changements climatiques renforcent l’instabilité qui préexiste dans de
nombreuses sociétés africaines et génèrent des conflits violents, particulièrement dans les
États faibles et fragiles dotés d’institutions et de systèmes de gouvernement mal adaptés.
En fait, de nombreux rapports gouvernementaux et d’organisations internationales publiés
récemment évoquent l’impact des changements climatiques sur la sécurité étatique et
internationale ainsi que sur les risques de conflits. L’Afrique est considérée presque
universellement comme le continent qui court le plus de risques de subir des conflits
générés par le climat; une fonction du fait que l’économie de ce continent est fondée sur
des secteurs dépendants du climat (ex. agriculture pluviale); mais une fonction également
de ses antécédents de conflits liés aux ressources et de conflits ethniques et politiques. Les
migrations climatiques futures représentent, pour l’Académie mondiale pour la paix, le lien
le plus plausible entre changements climatiques et conflits (Gleditsch et al., 2007) alors
que le Conseil consultatif allemand sur le changement global (WBGU) identifie deux
autres sphères probables de conflits : l’accès aux ressources en eau et aux terres arables.
En fait, les changements climatiques n’accroîtront pas les risques de conflits en isolation
d’autres facteurs importants (pauvreté endémique, inégalité dans la répartition des
richesses et des terres, chômage, épidémies, etc.) mais joueront plutôt un rôle de catalyseur
ou d’accélérateur de crises. Ils risquent d’aggraver les tensions sociales existantes et
d’ajouter de la pression sur des économies déjà vulnérables. Ces pressions sur le système
de gouvernance entraînent le risque que certains États ne parviennent plus à remplir leurs
fonctions clés alors qu’il a été démontré que la stabilité politique, la légitimité et la
performance globale du système politique sont directement liés aux risques de conflits.
Ainsi, de nombreux facteurs socio-économiques et politiques font en sorte que le continent
africain soit particulièrement vulnérable aux déclenchements de conflits. Il semble
probable que d’éventuels conflits violents se développent à l’interne entre différents
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groupes de la société et la possibilité de conflits interétatiques n’est pas à exclure. Par
ailleurs, l’ampleur et la rapidité des changements climatiques joueront un rôle primordial
quant aux possibilités d’adaptation des communautés et à l’émergence de situations de
chaos, de déstabilisation politique et de conflits.
Le changement climatique et ses impacts suscitent un intérêt grandissant auprès des acteurs
africains, qui se sentent injustement affectés par un phénomène qui a é largement
engendrés par les émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés. Au cours des dix
dernières années, de nombreuses initiatives ont été mises sur pied tant à l’échelle du
continent africain qu’à l’échelle de la communauté internationale afin de réduire la
vulnérabilité des populations et institutions africaines, mais les résultats à ce jour restent
mitigés.
En outre, afin d’éviter le déclenchement d’éventuels conflits violents, la volonté et la
capacité des gouvernements africains à mettre sur pied des programmes et mécanismes
d’adaptation qui répondent aux besoins des communautés sera déterminante, tout comme
le sera la volonté des États à coopérer ensemble et à travailler de façon concertée face à un
ennemi commun.
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