Dépistage du cancer colo-rectal dans la population à risque moyen

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J.P. Arpurt
Dépistage du cancer colo-rectal dans la population à risque moyen:
où en est-on ?
Jean-Pierre Arpurt
Service HépatoGastroentérologie - Centre Hospitalier H. Duffaut
- Avignon -
Résumé
Le cancer colo-rectal (CCR) est un problème majeur de santé publique du fait de sa
fréquence, de sa gravité et de son coût. Cependant, il est guérissable à un stade précoce. Des
études randomisées indiquent qu’il est possible de diminuer la mortalité de 15 à 20% par la recherche d’un saignement occulte dans les selles dans la population à risque moyen, c’est à dire
sans aucun symptome et sans antécédent personnel ou familial de CCR. Le test Hemoccult II®,
fait tous les deux ans entre 50 et 74 ans, suivi d’une coloscopie en cas de test positif, est une
technique validée. Depuis 2004, le dépistage du CCR est devenu une réalité en France.
Cancer colo-rectal / Dépistage / Saignement occulte / Selles
INTRODUCTION
!Moins connu et surtout moins redouté du public et des médecins que
le cancer du poumon ou le cancer
du sein, le cancer colo-rectal (CCR)
est un véritable problème de santé
publique dans les pays occidentaux.
En France [1,2] :
1) il est fréquent : 36 000 nouveaux
cas en 1998, le situant au deuxième
rang des cancers pour les deux sexes ;
rare avant 50 ans, il atteint un Français sur 25 à partir de 70 ans.
chirurgicale si le CCR est à un stade
peu avancé.
2) il est grave : 16 000 en meurent
chaque année. Le taux de survie brute
à 5 ans est de 40% et il ne s’est pas
amélioré depuis 20 ans.
5) il est coûteux dans sa prise en
charge: directe (470 millions €) et indirecte (86 millions •) [3].
3) il peut être prévenu par la détection et l’exérèse du polype
adénomateux qui est la lésion précancéreuse initiale dans 90% des cas.
EN 1998, UNE CONFERENCE
DE CONSENSUS [4]
4) il peut être guéri par la résection
organisée par l’Agence Nationale
d’Accréditation et d’Evaluation en
Correspondance : Jean-Pierre Arpurt
Service Hépato-Gastroentérologie - Centre Hospitalier H. Duffaut - 84 000 Avignon
Médecine Nucléaire -
Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°2
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Dépistage du cancer colo-rectal dans la population à risque moyen : où en est-on ?
Santé (ANAES) a précisé trois niveaux
de risque du CCR de la population :
· sujets à risque très élevé : certains
CCR doivent être considérés comme
de véritables maladies génétiques
héréditaires. Deux maladies associées
aux gènes majeurs de susceptibilité
du CCR ont été identifiées : la polypose adenomateuse rectocolique familiale et le cancer colo-rectal héréditaire sans polypose encore appelée
syndrome de Lynch ou syndrome
HNPCC . Ils représentent 3 à 5% des
CCR,
· sujets à risque élevé (6 à 10%) : c’est
à dire ayant des antécédents familiaux (apparentés au premier degré :
parents < 65 ans, fratrie, enfants) ou
personnels de polype adénomateux
supérieur à 1 cm ou de CCR. Ils représentent 15 à 20 % des CCR,
· sujets à risque moyen ( 3,5%) : les
personnes de plus de 50 ans, population cible du dépistage organisé. (soit
12 millions de personnes de 50 à 74
ans ). On parle alors de CCR sporadiques . Ils représentent 70 à 75% des
CCR.
Le jury de cette conférence concluait
que le dépistage du CCR survenant
chez des sujets à risque très élevé et
élevé d’une part, et le dépistage de
masse des sujets à risque moyen
d’autre part, étaient deux problématiques différentes. Dans le premier cas,
la stratégie de dépistage consensuelle
faisait appel à la coloscopie . Dans le
second cas, la stratégie la mieux étudiée était le dépistage de masse en
deux temps : test Hemoccult® pour
rechercher le sang occulte dans les
selles, puis coloscopie des sujets
Hemoccult® positifs.
LE DEPISTAGE DE MASSE
PAR LA RECHERCHE DE SANG
OCCULTE DANS LES SELLES
(HEMOCCULT ®)
est validé par 5 études contrôlées de
population [5,6,7,8,9] : Minessota
(USA), Nottingham (Grande-Bretagne),
Funen (Danemark), Bourgogne
(France), Göteborg (Suède).Ces études ont montré un point capital : une
réduction de la mortalité de 15% dans
le groupe dépisté avec un suivi de 8
à 10 ans.
En France, le test utilisé est
l’Hemoccult II®. Il est constitué d’une
carte imbibée d’une résine de gaiac
sur laquelle on applique un échantillon de selles (en fait 2 échantillons
par selle sur 3 selles consécutives).
Les plaquettes doivent être conservées à température ambiante. Une coloration bleue ( traduisant la positivité
du test) apparaît en cas de présence
de sang (activité peroxydasique de
l’hémoglobine). La lecture doit se
faire au bout de 60 secondes par un
lecteur expérimenté. Ce test est facile
à réaliser, sans danger et ne demande
aucun matériel particulier, ni restriction alimentaire. On évitera cependant
de l’effectuer en période de règles,
en cas de thérapeutique à base d’aspirine supérieure à 1g par jour (risque de faux positif), en cas de thérapeutique à base de vitamine C supérieure à 1g par jour (risque de faux
négatif) . Il est peu coûteux.
Sa sensibilité varie de 65 à 75%, ce
qui est acceptable du fait d’une réalisation tous les deux ans du test. Sa
spécificité est de 98% dans le dépistage du CCR. Sa valeur prédictive potableau II)
sitive est de 15% (tableau
Ta bleau I. Résultats attendus : 2 à 3% Hemoccult II® positifs
Expected results : 2 to 3% positive Hemoccult II®
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A QUI PROPOSER LE TEST ?
!Toutes les personnes asymptomatiques de 50 à 74 ans soit 12 millions
de personnes en France.
Du dépistage par hemoccult II® sont
exclus:
· Les personnes ayant une symptomatologie digestive récente qui relèvent
d’un
examen
coloscopique,
proctologique ou autre.
· Les personnes ayant réalisé une coloscopie complète normale depuis
moins de 5 ans, un hemoccult® sera
proposé au bout de 5 ans.
· Les personnes ayant un risque élevé
ou très élevé de CCR.
Les implications d’un dépistage national par ce test sont les suivantes :
- Population de 50 à 74 ans
14 millions
- 50% participation
7 millions
- Test tous les deux ans
3,5 millions
- 2% positifs
70 000 positifs
- 85% explorés
60 000 coloscopies
- CCR dépistés 10%
6 000 CCR
DEPUIS LA MISE EN PLACE DU
PLAN CANCER EN 2003
le CCR fait enfin partie des programmes organisés du dépistage des cancers dans la population générale
comme le cancer du sein et le col de
l’utérus. Mais le dépistage de masse
ne peut réussir que s’il répond aux
critères suivants :
· Mise en place de structures départableau II
tementales de gestion (tableau
II)
responsables de l’organisation du dépistage des trois cancers (sein, colon,
col de l’utérus). Ces structures seront
gérées par un conseil d’administration représentatif et motivé et soutenues financièrement par les organismes de tutelles.
· Participation élevée de la population
qui doit être d’au moins 50%, le test
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sera remis tous les deux ans par le
médecin généraliste.
· Formation et participation active des
médecins généralistes et des médetableau III
cins du travail (tableau
III).
· Lecture centralisée du test dans un
centre agréé. Le taux de positivité du
test de dépistage doit se situer entre
1 et 3%.
· Evaluation permanente du programme de dépistage.
Ta bleau II. Rôle de la str
uctur
e de ggestion
estion
structur
ucture
Role of management.
Ta bleau III. Rôle du médecin
Role of physician
CONCLUSION
!Bien que de nouveaux tests de recherche d’un saignement occulte
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dans les selles soient en cours d’évaluation [10,11], que la coloscopie
courte une fois dans la vie entre 55
ans et 59 ans en Angleterre, en Norvège et en Italie soit à l’étude dans le
dépistage du CCR [12], vingt départe-
Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°2
ments français en 2004 se sont engagés dans ce dépistage par Hemoccult
II® dans la population à risque moyen.
Les premiers résultats sont encourageants mais la mobilisation de la population reste insuffisante.
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Dépistage du cancer colo-rectal dans la population à risque moyen : où en est-on ?
Screening for colorectal cancer in the average risk population :
how far have we got ?
Colorectal cancer is a major problem of public health due to its frequency, its seriousness,
its cost. Nevertheless, it is curable at an early stage. Some randomised studies indicate that mortality
can be decreased by 15 to 20% by testing bleeding in stools in a population without any symptom
nor personal or familial history of colorectal cancer. The Hemoccult II test, carried out every two
years in 50 to 74-year old patients, followed by coloscopy when the test is positive, is a validated
method. Since 2004, colorectal cancer screening has become a reality in France.
Colorectal cancer / Screening / Occult bleeding / Stools
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Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°2
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