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© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 21 April 2017
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Tant qu'elles brillent, ces étoiles sont donc visibles de très loin, et c'est une aubaine puisqu'elles ne se
trouvent pas dans le voisinage. Elles sont également très énergétiques. La majeure partie de leurs émissions
lumineuses se font dans l'ultraviolet (UV), à des longueurs d'ondes qui génèrent des vents puissants
(lire « Les ultraviolets et la matière en mouvement » ci-dessous). Aux UV viennent s'ajouter les rayons X,
davantage encore porteurs d'énergie, et qui représentent un dix-millionième de l'émission lumineuse. Ce qui ne
semble pas énorme, mais à ces échelles-là, cela signifie que les étoiles les plus grosses émettent l'équivalent
d'un dixième de la luminosité solaire rien qu'en rayons X, ce qui est important. Cette émission lumineuse
énergétique a un impact important sur l'environnement de ces étoiles, notamment en le chauffant grâce aux
UVs ou en le sculptant au gré des vents stellaires. Enfin, quand elles meurent, les étoiles massives explosent
en supernovae et finissent en étoiles à neutrons ou en trous noirs. Beaucoup de phénomènes de grande
envergure sont donc causés par leur présence. Mais leur éloignement, et le fait que la mode scientifique
actuelle privilégie exoplanètes ou confins de l'univers, les rend encore méconnues à bien des égards.
Une étude qui mène à une découverte inattendue
Parmi ces étoiles massives se trouve Xi1 CMa, une étoile de type spectral B, soit la deuxième en fonction de la
température. Nichée dans la constellation du Grand Chien, à 1400 années-lumière de la Terre, elle n'en reste
pas moins visible à l'œil nu. C'est sur elle que plusieurs chercheurs, dont Yaël Nazé, chercheuse qualifiée
FRS-FNRS en astrophysique à l'Université de Liège, ont porté leur attention. « Nous nous sommes intéressés
à cette étoile car elle est très magnétique, explique la chercheuse. 5000 fois plus que le champ magnétique
global du Soleil et 10 000 fois plus que celui de la Terre, ce qui est énorme. » Ça fait longtemps qu'on pense
que les étoiles massives ont des champs magnétiques, mais leur signature n'a pu être détectée qu'à partir de
2002, grâce à l'avènement d'instruments très sensibles. Une autre propriété des étoiles massives
est la présence de vents stellaires, qui sont bien plus puissants que le vent solaire. Ils brassent des centaines
de milliards de fois plus de matière, et peuvent atteindre des vitesses avoisinant cinq millions de kilomètres à
l'heure, dix fois plus que la vitesse moyenne du vent solaire. « A titre de comparaison, ce « petit » vent solaire
est déjà suffisant pour arracher les atmosphères de certaines planètes (Mars, Vénus), et on n'ose alors
imaginer l'effet des vents des étoiles massives. »
« Dans les prédictions théoriques, nous pensions que ce champ magnétique puissant sur Xi1 CMa influençait
les vents. Que, partant des deux hémisphères de l'étoile, ils seraient contraints de suivre les lignes de champ,
et d'entrer en collision au niveau de l'équateur. Et à une telle vitesse, avec autant de matière, cette
collision devait être énorme, et générer beaucoup d'énergie, donc de lumière X. Une signature facilement
identifiable que nous voulions observer pour vérifier nos hypothèses d'influence du champ magnétique sur
les vents stellaires. » L'équipe a donc obtenu un temps d'observation via le télescope de l'ESA XMM-Newton,
en orbite autour de la Terre depuis 1999, et pour info, testé au Centre Spatial de Liège (l'ULg était
également impliquée dans la construction d'un de ses instruments). Pendant 29 heures, XMM-Newton a
pointé ses miroirs dans la direction de Xi1 CMa. « Une fois nos données récoltées, je devais analyser la
courbe de lumière X, soit la variation d'intensité lumineuse de l'étoile durant l'observation. Et j'ai
directement vu qu'il y avait une variation périodique, anormale et totalement différente de ce qu'on avait prévu :
une pulsation lumineuse périodiquement stable. C'était aussi étonnant qu'inédit pour une étoile massive. »