Troubles mentaux − Dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent
Le choix par Kanner du terme d’autisme pour désigner son syndrome clinique
établit un pont de fait entre ce syndrome et la schizophrénie, puisque le terme
d’autisme était employé dans la littérature psychiatrique depuis le début du
siècle pour décrire, à la suite du médecin suisse Bleuler (1911), le repli sur soi
observé dans cette psychose chronique. Kanner se persuada de plus en plus
qu’il existait une continuité entre les deux syndromes. Il s’ensuivit une proli-
fération de labels diagnostiques variés recouvrant des tableaux cliniques com-
prenant des similarités plus ou moins grandes avec l’autisme infantile initiale-
ment décrit : autisme primaire, autisme secondaire, autisme organique,
autisme encapsulé, psychose symbiotique, schizophrénie infantile, psychose
infantile, psychose précoce, parapsychose, prépsychose, dysharmonie psycho-
tique... Dans les nosographies utilisées dans les années cinquante et soixante,
les troubles autistiques restaient classifiés dans la catégorie « psychose ou
schizophrénie ».Dès 1960, des auteurs anglais entreprirent d’étudier plus
systématiquement ces tableaux cliniques et commencèrent à définir des critè-
res diagnostiques plus précis (Creak, 1963 ; Rutter, 1970). En 1971, l’étude clé
de Kolvin (1971) permit d’établir une différence nette entre la schizophrénie
de l’enfant et les troubles autistiques du développement. Ainsi, les schizoph-
rénies survenant chez l’enfant (un phénomène très rare) apparaissaient pres-
que tout le temps aprèsl’âge de 5 ans pour les premiers symptômes, touchaient
autant de garçons que de filles, présentaient une sémiologie largement analo-
gue à la forme adulte (avec troubles de la pensée, idées délirantes, hallucina-
tions...). Elles étaient associées à une histoire familiale de schizophrénie,
répondaient aux traitements neuroleptiques et évoluaient par poussées avec
des périodes de rémission. À l’inverse, les troubles autistiques avaient un
début plus précoce, concernaient plus souvent des garçons, étaient associés à
des troubles spécifiques du développement du langage et à des troubles cogni-
tifs, et avaient des caractéristiques évolutives et thérapeutiques différentes de
celles des schizophrénies.
Des critères diagnostiques formels, proposés par Rutter, furent incorporés dans
la CIM-9 (World health organization, Anonyme, 1978). Dans le DSM-III
(American psychiatric association, Anonyme, 1980), le terme de trouble enva-
hissant du développement (TED), introduit pour la première fois dans les
nosographies en 1980, mettait en valeur la nature développementale de ce
groupe de troubles, le différenciant du groupe des états psychopathologiques
(comme la schizophrénie ou les troubles maniaco-dépressifs) qui apparaissent
à l’adolescence ou à l’âge adulte, après une période non équivoque de dévelop-
pement normal, et impliquent une rupture du contact avec la réalité au cours
de l’épisode morbide. L’absence de symptômes psychotiques est d’ailleurs
devenue un critère diagnostique des TED. Reflétant ces changements concep-
tuels, le Journal of autism and childhood schizophrenia deviendra en 1978 le
Journal of autism and developmental disorders. En 1987, le DSM-III-R simplifia
et ordonna les critères diagnostiques des TED selon un ensemble de 16 critères
et un algorithme unique ; une catégorie « autisme atypique »était cependant
526 prévue pour les cas ne remplissant pas tout à fait les critères ainsi définis.