Observation de quasi-particules de charge fractionnaire e/3 P

Bruit quantique
Observation de quasi-particules
de charge fractionnaire e/3
Depuis le début du siècle, les expériences sur les gouttelettes chargées menées par J.J. Thomson puis
R. Millikan ont montré que la charge d’un système isolé est multiple d’un quantum de charge e indivisible.
Cependant, au sein d’un solide, rien ne s’oppose à ce que les excitations électroniques élementaires
observables portent une charge différente. Des expériences récentes menées sur l’effet Hall quantique
fractionnaire ont mis en évidence des charges e/3 pour la première fois.
P
our leur découverte de l’effet
Hall quantique fractionnaire,
Dan Tsui et Horst Störmer ont
reçu le prix Nobel de Physique 1998
conjointement avec Bob Laughlin qui
avait jeté les bases de la théorie dans
la foulée des premières expériences.
Ce phénomène a révolutionné la phy-
sique de la matière condensée en
montrant que de nombreux concepts
issus de la physique des particules ou
de la théorie des champs devenaient
pertinents pour expliquer la dynami-
que quantique d’électrons confinés
dans un plan et soumis à un fort
champ magnétique perpendiculaire.
La simplicité du système, où les inter-
actions entre électrons sont parfaite-
ment connues (loi de Coulomb), a
permis de sélectionner très vite les
« bonnes » théories. Une des prédic-
tions les plus remarquables de la
théorie de Laughlin était l’existence
de quasi-particules de charge frac-
tionnaire. Elle rejoignait celle formu-
lée peu de temps auparavant par Su
et Schrieffer pour des conducteurs
unidimensionnels commensurables.
Depuis, les théoriciens ont proposé
d’autres systèmes quantiques de
basse dimensionnalité qui présentent
des excitations de charge plus petite
que e. Il s’agit notamment des systè-
mes quantiques intégrables unidi-
mensionnels comme celui de particu-
les en interaction selon une loi en
1/r
2
ou à courte portée. Tous ces
systèmes possèdent la propriété re-
marquable que l’état fondamental est
construit à partir d’un remplissage
fractionnaire des états quantiques du
système équivalent sans interaction.
Si le facteur de remplissage m− rap-
port du nombre de particules sur le
nombre d’états − est une fraction
simple, par exemple 1/m où m est
entier, l’excitation élémentaire corres-
pond à créer un état vacant, qui laisse
localement un déficit de charge frac-
tionnaire e/m dans la fonction
d’onde collective.
Un plan d’électrons en fort champ
magnétique perpendiculaire présente
déjà des propriétés spectaculaires
lorsque le facteur de remplissage m
est entier. Il donne lieu à l’effet Hall
quantique entier découvert en 1980
par Klaus von Klitzing, qui se vit at-
tribuer le prix Nobel de physique
1985 pour ce phénomène qu’aucune
théorie n’avait prédit. Dans les struc-
tures semi-conductrices qui hébergent
les électrons dans un plan, le nombre
d’électrons est fixé par construction.
Le nombre d’états, qui correspond au
nombre de quantum de flux
U
0
=h/e dans le plan, est ajusté à
volonté avec le champ magnétique.
L’effet Hall quantique entier se pro-
duit quand le facteur de remplissage
m(ici le rapport du nombre d’élec-
trons sur le nombre de quantum de
flux) est voisin d’une valeur entière
m=p. Il est caractérisé par une ré-
sistance de Hall R
H
=h/pe
2
quanti-
fiée (voir la figure 1 et l’encadré 1). Il
a conduit en 1990 à une nouvelle
définition de l’unité de résistance au
sein du Système international, le
klitzing, construit à partir des deux
constantes fondamentales h et e :
h/4 e
2
=6453,2014 X. La quantifi-
cation de R
H
résulte de l’effet com-
biné de la quantification du mouve-
ment cyclotron électronique et de la
statistique de Pauli (voir encadré 1).
Dans ce régime, négliger les effets
d’interaction entre électrons consti-
tue une bonne approximation, et
les quasi-particules présentent une
charge e.
Le régime qui nous intéresse appa-
raît quand le facteur de remplissage
est une fraction simple de dénomina-
teur impair m=p/(2k +1) avec
p et k entiers. On observe alors
l’effet Hall quantique fractionnaire
caractérisé par une résistance de Hall
fractionnaire R
H
= (2k + 1/p) (h/e
2
).
Comme lorsque mest entier, la résis-
tivité longitudinale q
xx
s’annule. Il y
a donc une absence de dissipation qui
traduit l’apparition d’un « gap »
(trou) en énergie dans le spectre des
excitations. Ce gap résulte, pour
l’effet fractionnaire, de l’interaction
de Coulomb entre électrons (voir en-
cadré 2). Pour certaines valeurs du
nombre d’électrons commensurables
avec le nombre d’états, les électrons
condensent dans un état fondamental
unique où tout changement local de
la densité électronique implique la
création de quasi-particules. Pour
un facteur de remplissage
m=1/(2k +1) par exemple, une
quasi-particule de type trou corres-
pond à vider un état quantique,
Service de physique de l’état condensé,
CEA Saclay, 91191 Gif-sur-Yvette.
8
laissant ainsi un trou de la taille d’un
quantum de flux dans la fonction
d’onde collective. Comme il y a
2k +1 quantum de flux pour un
électron, le trou laisse une charge
e/(2k +1) non compensée. Ces
quasi-particules, appelées quasi-trous,
et leurs analogues symétriques appe-
lés quasi-électrons sont les excita-
tions fractionnaires prédites par
Laughlin.
Bien que la plupart des prédictions
qui découlent de cette hypothèse
soient compatibles avec les faits ex-
périmentaux, l’observation directe
des quasi-particules de Laughlin
manquait. Ce n’est que très récem-
ment que notre expérience a montré
que des quasi-particules de charge
fractionnaire, ici e/3, étaient bien les
porteurs élémentaires du courant dans
ce régime. Des résultats similaires
ont été obtenus au Weizmann Insti-
tute en Israël.
LE PRINCIPE DE L’EXPÉRIENCE
A. Comment mesurer la charge ?
La mise en évidence d’un phéno-
mène fondamental et peu intuitif
comme des charges fractionnaires
doit reposer sur un principe simple et
robuste. Notre choix s’est porté sur le
bruit de grenaille qui, comme son
nom l’indique, reflète la granularité
des porteurs du courant. Le phéno-
mène a été prédit en 1918 par W.
Schottky qui considérait le bruit en
courant d’une diode à vide dû à
l’émission thermo-ionique hors équi-
libre d’électrons qui sont émis par
une cathode chauffée et qui arrivent
selon une statistique de Poisson sur
l’anode. Le bruit de grenaille a été
utilisé un peu plus tard pour obtenir
une mesure de la charge de l’électron
sans toutefois atteindre la précision
métrologique des expériences de type
Millikan.
Le principe est le suivant :
supposons que l’on puisse réaliser les
conditions où les quasi-particules de
charge fractionnaire e* traversent de
manière aléatoire suivant une
statistique poissonienne une portion
du conducteur. Dans une série
d’expériences identiques, on mesure
le nombre N de particules transmises
durant un temps s. Le courant moyen
est
^
I
&
=e*
^
N
&
/s. D’une expérience
à l’autre, on a des déviations D
la valeur moyenne
^
N
&
telles que
^
DN
2
&
=
^
N
&
, résultant de la loi de
Poisson. Les fluctuations du cou-
rant
^
DI
2
&
=(e*/s)
2
^
DN
2
&
s’écrivent
alors :
^
DI
2
&
=2e*
^
I
&
Dfoù
Df=1/2sest la bande passante
effective de la mesure des fluctuations
du courant. La relation précédente,
dite formule de Schottky, relie le carré
des fluctuations du courant à la valeur
moyenne du courant. Le coefficient de
proportionnalité mesure de manière
absolue la charge des grains
d’électricité qui portent le courant.
C’est lui qui est utilisé pour
déterminer la charge des quasi-
particules.
Afin de réaliser l’expérience, il
faut d’abord savoir où se trouve le
courant dans le régime d’effet Hall
quantique. Ensuite, il faut créer les
conditions de faible couplage entre
deux régions du conducteur pour
transférer des quasi-particules sans
corrélations temporelles suivant une
statistique poissonienne. Enfin, il faut
pouvoir détecter des fluctuations de
courant extrêmement faibles.
B. Où se trouve le courant ?
Considérons d’abord l’effet Hall
entier. Il n’y a pas de courant au cœur
d’un échantillon Hall idéal très loin
des bords. En effet, pour utiliser une
image semi-classique, les électrons
tournent sur eux-mêmes à la
fréquence cyclotron mais le centre de
leur orbite cyclotron est immobile.
Pour que celui-ci se déplace, il faut un
champ électrique E
s
dans le plan qui
confère un mouvement de dérive à
l’orbite cyclotron. La vitesse de dé-
rive v
D
s
est telle que la force de
Lorentz compense le champ élec-
trique appliqué :
E
s
+v
D
s
×B
s
=0
s
.
Les électrons se déplacent per-
pendiculairement au champ élec-
trique, en suivant les courbes
équipotentielles. Dans un échantillon
réel de bonne qualité, il existe un
faible champ électrique dont la
distribution spatiale aléatoire est
due aux charges électriques qui
proviennent des impuretés résiduelles
Figure 1 - (a) Coupe schématique de l’hétérojonction utilisée pour créer la couche d’électrons. (b) Prin-
cipe de la mesure de la résistance transverse Hall et de la résistance longitudinale. (c) La résistance
Hall suit la loi classique à très bas champ puis montre les plateaux de l’effet Hall entier pour B >0,3 T
tandis que la résistance longitudinale s’annule. (d) Mesures à fort champ montrant l’apparition de l’ef-
fet Hall fractionnaire.
Bruit quantique
9
dans le semi-conducteur. Celui-ci
engendre une distribution de courants
permanents au cœur de l’échantillon
(courbes tiretées de la figure 2b).
Dans le régime d’effet Hall quantifié,
ces courants n’assurent pas de courant
macroscopique à l’intérieur du
conducteur pour deux raisons. D’une
part, ils correspondent à des électrons
qui se déplacent selon des circuits
fermés qui suivent les lignes de
niveau du potentiel électrostatique.
D’autre part, les électrons sont loin du
niveau de Fermi et il faudrait fournir
une énergie de l’ordre de la séparation
entre niveaux de Landau (voir
encadré 1) pour changer la population
des électrons et établir un courant.
C’est à la périphérie de l’échan-
tillon que se concentre le courant
utile à une expérience de transport.
En effet, il y règne un champ électri-
que E
c
s
permanent perpendiculaire
au bord qui confine les électrons à
l’intérieur de l’échantillon. Leurs or-
bites cyclotron dérivent alors d’un
bout à l’autre de l’échantillon le long
d’équipotentielles qui suivent le bord.
D’autre part, le potentiel de bord
s’ajoute à l’énergie des niveaux de
Landau et les courbe vers le haut. Il
existe, pour chaque niveau de Lan-
dau occupé, une trajectoire dont
l’énergie est égale au niveau de
Fermi. Ces trajectoires particulières
Encadré 1
EFFET HALL QUANTIQUE ENTIER
Dans le modèle classique de Drude, l’effet Hall résulte de la
force de Lorentz ev
s×B
ssubie par les électrons. L’équation
du mouvement stationnaire d’un électron de masse effective
m*qui subit des collisions avec un temps caractéristique set
qui est soumis à un champ électrique statique E
suniforme
est : m*v
s/s+ev
s×B
s=−eE
s.Sin
sest la densité surfacique
d’électrons, le tenseur de résistivité qui relie le champ
électrique à la densité de courant j
s=−ensv
sest :
q=(qxx qxy
qyx qyy )qxx =qyy =m*/(nse2s)est la résistance
longitudinale et qyx =−q
xy =RH=B/ensla résistance de Hall
classique. Dans des unités quantiques où le champ
magnétique est mesuré en nombre nUde quantum de flux
U0=h/e par unité de surface, la relation classique devient
RH=(h/e2)nU/ns. C’est une mesure du rapport nU/ns
h/e2=25 812 Xest le quantum de résistance.
La figure 1c montre que la variation linéaire de RHavec B,
prédite par l’image classique, est observée à très bas champ.
A plus haut champ, des plateaux apparaissent pour
RH=(h/e2)/p, où p est entier. Un plateau indique que pour
une certaine plage de champ le système devient
incompressible puisque la densité d’électrons qui participe à
l’effet Hall reste « accrochée » à celle du quantum de flux
pour garder le rapport m=ns/nU=p constant. Simultanément,
la résistivité longitudinale qxx s’annule à basse température.
C’est le phénomène d’effet Hall quantique entier.
Sous champ magnétique, un électron effectue un mouvement
cyclotron de pulsation xc=eB/m*. La physique est alors
mieux décrite en décomposant, en jauge cylindrique, les
opérateurs coordonnée et impulsion (x,px
ˆ
)et (y,py
ˆ
)ende
nouveaux opérateurs qui décrivent le mouvement cyclotron
(vy
ˆ
/xc,vx
ˆ
/xc)autour de son centre d’orbite cyclotron
(X,Y). Dans cette transformation @vx
ˆ
,vy
ˆ
#=−ix
c
2\/eB et
@X,Y#=i\/eB. L’énergie, qui est purement cinétique,
(1
/
2) m*(v
ˆ
x
2+v
ˆ
y
2)se quantifie en niveaux de Landau d’énergie
En=(n+1
/
2) \xc,n=0,1, ... associés à des orbites
cyclotron de rayon quantifié rn=
=
(n+1/2) lcoù lc=
=
\/eB
est la longueur cyclotron. Comme il y a deux dimensions et
que l’énergie ne dépend que d’un seul nombre quantique n, il
y a dégénérescence des niveaux de Landau. Celle-ci
correspond au grand nombre d’états possibles pour placer les
centres des orbites cyclotron dans le plan, soit eB/h par unité
de surface. Ce nombre est identique pour chaque niveau de
Landau et est égal au nombre de quantum de flux. En effet, la
relation d’incertitude DXDY=U0/B montre que la taille du
paquet d’onde qui décrit la position d’un centre d’orbite à
l’intérieur d’un niveau de Landau est égale à celle d’un
quantum de flux.
L’effet Hall quantique est dû à l’ouverture d’un gap en
énergie dans les excitations en champ magnétique. Pour l’effet
entier, à bas champ, un gap apparaît chaque fois qu’un niveau
de Landau est complètement occupé. Compte tenu de la
dégénérescence de spin à bas champ (effet Zeeman
négligeable), cela correspond à ns=pnUavec p pair. Le gap
est dû au principe de Pauli qui impose d’aller chercher des
états libres dans le niveau de Landau supérieur. Il coûte ainsi
une énergie \xcpour créer une excitation (annulation de qxx)
ou pour changer la densité (incompressibilité qui maintient RH
constant). L’effet Hall quantique entier se manifeste aussi
pour p impair à plus haut champ lorsque la dégénérescence
de spin est levée. Quand un niveau de Landau correspondant
à une espèce de spin est complètement occupé, le principe de
Pauli impose l’ouverture d’un gap.
Pour que le plateau de Hall soit de largeur non nulle, le
niveau de Fermi doit rester accroché entre deux niveaux de
Landau pour maintenir un gap quand on varie le champ
magnétique. Pour des échantillons macroscopiques et
désordonnés, cela est possible grâce à l’existence d’états
localisés (voir Images de la Physique 1984) et pour des
échantillons étroits et propres grâce à l’existence d’états de
bord (tels que ceux décrits dans le texte).
10
définissent un canal de bord qui peut
être considéré comme un conducteur
unidimensionnel chiral (lignes en
traits pleins de la figure 2b). C’est là
qu’on peut injecter du courant. Il y a
autant de canaux de bord que de ni-
veaux de Landau occupés au cœur de
l’échantillon. En pratique, les
contacts électriques qui sont connec-
tés à un circuit extérieur sont placés
sur les bords afin d’introduire un
courant dans l’échantillon.
Un parallèle peut être fait entre les
effets Hall quantiques fractionnaire et
entier. Dans le premier, le gap qui
s’ouvre à l’intérieur du premier ni-
veau de Landau à cause des interac-
tions électron-électron joue le rôle du
gap cyclotron pour le second. Dans
les deux cas, il n’y a pas
de conduction à l’intérieur de
l’échantillon mais seulement sur les
bords. Un canal de bord, dit fraction-
naire, apparaît le long de la ligne où
le potentiel de bord compense le gap
et amène l’énergie des quasi-
particules au niveau de Fermi. C’est
là qu’on s’attend à trouver un courant
porté par des charges fractionnaires.
C. Comment transférer
des quasi-particules de manière
poissonienne ?
Pour obtenir un transfert poisso-
nien de quasiparticules, il faut cou-
pler faiblement deux canaux de bord
Encadré 2
L’EFFET HALL QUANTIQUE FRACTIONNAIRE
En absence d’interaction entre électrons dans un niveau de
Landau partiellement rempli (facteur de remplissage m<1), la
dégénérescence des états de Landau donne un grand nombre
de configurations possibles pour placer les électrons parmi
ces états. Cependant, l’interaction lève la dégénérescence en
favorisant les états qui minimisent la répulsion coulombienne.
Pour certaines valeurs du nombre d’électrons commensurables
avec le nombre d’états, précisément lorque m=p/(2k+1) avec
p et k entiers, il apparaît un état fondamental unique séparé
d’un continuum d’excitations par un gap en énergie
Dze2/4pee0lc(eest la constante diélectrique du matériau).
Ces excitations correspondent à la création locale de « trous »
ou de « bosses » de charge 7e/(2k+1) dans la densité
électronique. Changer la densité coûte donc une énergie
minimum Den dessous de laquelle le système reste
incompressible et RHquantifiée et égale à (2k+1
/
p)(h/e
2
).
Examinons l’état fondamental et ses excitations pour la
situation la mieux comprise où m=1/m, c’est-à-dire m états
(ou m quanta de flux) par électron. L’état fondamental à N
particules est décrit par la fonction d’onde d’essai proposée
par R. Laughlin :
W1
m=
)
1i<jN
~
zizj
!
mexp
S
1
2
(
i=1,N
u
zi
u
2
D
où ziest la coordonnée d’un électron dans le plan en
représentation complexe et en unité de lc.W1
/
mpossède de
bonnes propriétés : – 1) comme les électrons sont des
fermions, la fonction d’onde doit changer de signe par
permutation de deux particules, ce qui implique
nécessairement que m soit impair et rend compte du fait que
seules des fractions à dénominateurs impairs sont observées
(excepté certains cas où le spin paraît important) ; – 2) pour
m=1(effet Hall entier), W1
/
mcoïncide avec l’expression
exacte de la fonction d’onde antisymétrisée construite avec les
fonctions d’onde us(z)zzsexp(
u
z
u
2/2),s=1, 2, ... – 3).
Enfin, pour m >1, la probabilité pour que deux électrons
s’approchent décroît suivant une puissance élevée et minimise
effıcacement l’interaction. Pour m=1/3, des calculs
numériques montrent que W1
/
mest remarquablement proche
de la fonction exacte.
W1
/
mdécrit un liquide quantique incompressible car l’aire
occupée par un électron est rigidement fixée à celle occupée
par m quanta de flux. Tout changement de la densité
s’accompagne de la création de défauts dans la fonction
d’onde qui coûtent une énergie D. Ce sont les excitations ou
quasi-particules de Laughlin. La plus simple des excitations
est un quasi-trou qui correspond à ajouter localement un
quantum de flux en excès dans la fonction d’onde collective.
Comme ilyamquanta de flux par électron, ajouter un
quantum de flux revient à créer un état non occupé, et donc
un déficit de charge fractionnaire e/m. La fonction d’onde
Wm
+z0avec tel un quasi-trou centré en z0est
Wm
+z0=
)
i=1,N
~
ziz0
!
W1
m
L’énergie électrostatique dépensée en créant la charge e/m
localisée dans un disque d’aire égale à celle d’un quantum de
flux U0correspond au gap Dobservé expérimentalement. On
peut également créer des quasi-particules de charge +e/men
retirant un quantum de flux.
Les quasi-particules possèdent des propriétés remarquables
qui attendent encore d’être observées comme celle de la
statistique fractionnaire. Si on crée deux quasi-particules aux
points zaet zbet qu’on échange adiabatiquement (par
déplacement infiniment lent) leur position, on montre que
Wm
+za,+zb=Wm
+zb,+zaexp(ip/m). Pour des fermions ou de
bosons, le terme de phase vaut respectivement 1ou +1.En
dehors de ces deux cas, on dit que la statistique est
« anyonique ». Des arguments topologiques montrent que cela
n’est possible qu’en dimension inférieure à 3.
Bruit quantique
11
fractionnaires, ce qui autorise le pas-
sage de quasi-particules de l’un à
l’autre. Cela est réalisé en créant au
milieu de l’échantillon une constric-
tion variable qui contrôle le rappro-
chement entre deux bords opposés.
La constriction consiste en deux élec-
trodes (grilles) en forme de pointe,
placées au-dessus du plan d’élec-
trons, comme l’indique la figure 3.
Elles sont séparées de quelques fois
la distance moyenne entre électrons
(ceux-ci sont très dilués : un électron
tout les 30 nm). Le potentiel négatif
qui leur est appliqué repousse les
électrons, sous les électrodes et en-
tre celles-ci.
Un potentiel très négatif coupe le
plan d’électrons en deux régions dis-
tinctes séparées par une barrière tun-
nel. La densité électronique exponen-
tiellement faible dans la barrière ne
peut maintenir les corrélations qui
donnent lieu aux excitations fraction-
naires. Dans ces conditions, en appli-
quant une différence de potentiel en-
tre les deux régions distinctes, on
mesure le courant tunnel I qui passe
à travers la barrière ainsi que ses
fluctuations DI(t). On observe alors
le bruit poissonien de charges e, soit
^
DI
2
&
=2e
^
I
&
Df.
Pour préserver l’effet tunnel de
quasi-particules à travers la constric-
tion il faut, avec la même configura-
tion d’électrodes, que le potentiel
appliqué aux électrodes ne soit que
faiblement négatif pour rapprocher
et coupler faiblement les canaux de
bord (figure 3). Le courant passe
d’un bord à l’autre via le liquide Hall
fractionnaire et, les corrélations étant
maintenues, on s’attend à ce qu’il
soit constitué de quasi-particules
fractionnaires. Une différence de po-
tentiel chimique eV entre le contact
de gauche qui injecte des porteurs
dans le canal de bord fractionnaire
supérieur et le contact de droite qui
injecte les porteurs dans le canal in-
férieur crée un courant incident
I
0
=m(e
2
/h) V dont une fraction
I
R
=I
0
I est rétrodiffusée entre le
canal de bord supérieur et le canal de
bord inférieur au voisinage de la
constriction. Le régime poissonien
est atteint lorsque le rapport du flux
de porteurs transférés sur le flux de
porteurs incidents soit I
R
/I
0
est fai-
ble. Les fluctuations DI(t) =−DI
R
(t)
des courants transmis et réfléchis
sont anticorrélées et telles que
^
DI
2
&
=2e*
^
I
R
&
Df.
DÉTECTION DES QUASIPARTICULES
DE CHARGE e/3Àm=1/3
A. Le matériau
L’épitaxie par jets moléculaires
réalise la croissance cristalline de
Figure 2 - (a) Représentation schématique des niveaux de Landau modifiés par le potentiel de bord et
par un faible potentiel de désordre (les états de spin ne sont pas représentés par simplicité). (b) Plan
d’électrons avec en tireté les courants permanents qui suivent les équipotentielles du potentiel de dé-
sordre (celui-ci est représenté par des niveaux de gris). Les deux lignes fléchées en traits pleins cor-
respondent aux deux canaux de bord associés aux deux niveaux de Landau occupés. Elles correspon-
dent aux états au niveau de Fermi qui portent le courant macroscopique.
Figure 3 - Dessin schématique de l’échantillon et de la mesure basée sur la détection des fluctua-
tions anticorrélées du courant transmis I et du courant réfléchi IR. L’échantillon réel possède une
paire de contacts supplémentaires utilisés pour la mesure de la résistance Hall en figure 1.
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