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Je reviendrai plus loin sur cette séquence narrative déterminante fonctionnellement ainsi que sur la séquence
argumentative qui, à mon sens, livre la clé de l'opération discursive en cours.
La visée illocutoire globale définit tout texte comme ayant un but (explicite ou non) : agir sur les représentations, les
croyances et/ou les comportements d'un destinataire (individuel ou collectif). Le discours littéraire, en dépit de ce qu'onen
dit parfois, n'est pas moins soumis à ce type de détermination que les autres genres discursifs. Les diffé-rentes préfaces
des Fables de La Fontaine, par exemple, présentent un intéressant réajustement de la visée initiale : instruire et/ou
plaire.
Une double visée peut être également postulée : instruire sans pour autant renoncer à distraire. Ce grand débat de l'âge
classique sur la narration correspond exemplairement au module Al. A cette conduite dialogiquement orientée vers autrui
à la production répond symétriquement le fait que comprendre un texte consiste toujours à saisir l'intention qui s'y
exprime sous la forme d'un macro-acte de langage explicite ou à dérive r de l'ensemble du texte. C'est ce mouvement
interprétatif qui permet de déclarer « cohérent » un texte lu. La cohérence n'est pas une propriété linguistique des énoncés,
mais le produit d'une activité interprétative.
Les propositions [a] et [b] constituent une première macro-proposition narrative : le Résumé-PnO chargé d'introduire la
séquence narrative. La Situation initiale-Pn I est décrite par la proposition Ici tandis que [d] introduit la Complication
Pn2 responsable du démarrage du récit. Les propositions [e], [f] et [g] forment, elles, la macro-proposition Ré-action-
Pn3 ; les propositions [h], [i] et [j] la macro-proposition Résolution-Pn4 qui permet au récit de s'achever d'une certaine
façon. On peut considérer la proposition [kl comme une proposition évaluative chargée de préparer la « morale » de
l'histoire et les propositions [l] à [p] comme formant la situation finale-Pn5 d'un récit qu'une Chute vient clore [q].
On le voit, une macro-proposition peut être actualisée, en surface, par une seule ou par plusieurs propositions. Ce principe
hiérarchique est à la hase des cinq prototypes de regroupements séquentiels que j'envisage ailleurs (Adam 1992). La
connaissance des schémas prolo-typiques, plus ou moins renforcée par la présence de marques linguistiques de surface,
vient faciliter les opérations de regroupement de l'information en cycles de traitement. Soif une structure hiérarchique
élémentaire qui vaut pour tous les textes (je note ici par /#/ la délimitation des frontières du (para)texte, marques de début
et de fin d'une communication) :
[# Texte # [Séquence(s) [macro-proposition(s) [proposition(s)]]]]
En d'autres termes, les propositions sont les composantes d'une unité .supérieure, la macro-proposition, elle-même unité
constituante de la séquence, elle-même unité constituante du texte. Cette définition de chaque unité comme constituante
d'une unité de rang hiérarchique supérieur et constituée d'unités de rang inférieur est la condition première d'une
approche unifiée de la séquentialité textuelle.