Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2008) 9, 40—43
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
DROIT ET DOULEUR
Prise en charge à domicile et le dossier médical
Home care and medical records
Nathalie Lelièvre1
MOTS CLÉS
Dossier médical ;
Prise en charge à
domicile ;
Droit d’accès ;
Propriété du dossier
Résumé Lors de la prise en charge par une équipe pluridisciplinaire au domicile du patient,
il est très rapidement mis en place un «petit dossier »pour assurer la continuité des soins et
informer l’ensemble de l’équipe de l’évolution de la prise en charge du patient. Des ques-
tions se posent sur l’avenir de ce dossier, doit-il rester au domicile du patient ? Mais alors
la structure n’a plus de documents ni ses notes sur l’évolution du patient et qu’en est-il
si la famille ou le patient conteste l’organisation de sa prise en charge ? Il n’existe pas de
texte affirmant que ce dossier est de la propriété du patient ou du réseau, mais on peut
déduire des textes que le réseau en est le propriétaire et que le patient conserve un droit
d’accès.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS
Medical file;
Home care;
Right of access;
File ownership
Summary A ‘‘mini’’ patient file is established whenever a multidisciplinary team intervenes
in a home-care setting, simply in order to ensure information exchange between the healthcare
attendants. Where should this file be kept ? In the patient’s home ? In this case, the healthcare
institution would have no document or information sheet concerning the patient’s evolution.
What would happen if the family decides to make a claim ? At the present time, there is no
legal regulation concerning the property of this medical file, but logically, the file would be the
property of the healthcare structure or institution involved, the patient having a right to access
to the file.
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Adresse e-mail : [email protected].
1Juriste spécialisée en droit de la santé, AEU droit médical, DESS droit de la santé, certificat d’aptitude à la profession d’avocat,
membre de la commission ‘‘Éthique et Douleur’’, Espace éthique méditerranéen, chargée de conférence.
1624-5687/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.douler.2007.12.001
Prise en charge à domicile et le dossier médical 41
Lors d’une prise en charge à domicile d’un patient, le
réseau de soins, l’équipe intervenant auprès du patient met
en place un dossier qui fait la synthèse de l’organisation
de la prise en charge du patient (prescriptions, notes
d’observations sur l’évolution de la prise en charge, compte
rendu de consultation, d’hospitalisation, etc.). Le tout
est généralement au domicile du patient pour informer
l’ensemble des intervenants de l’évolution de la prise en
charge du patient et de son état de santé. L’intérêt pre-
mier est d’assurer une coordination de l’information entre
les différents intervenants au domicile du patient.
La question posée est de savoir qui est propriétaire de
ce dossier ? Que faire du dossier lorsque la prise en charge
du patient est terminée ? Le dossier reste-t-il au domicile
du patient ou l’équipe du réseau de soins est-elle en droit
de le récupérer pour l’archiver ?
Préalablement, il semble opportun de définir la notion du
dossier médical, de l’intérêt d’un dossier pour déterminer
s’il existe un ou éventuellement des propriétaires du dossier,
puis de les identifier et de déterminer les droits de chacun
sur le dossier médical.
Définition du dossier médical
Le dossier médical est constitué pour un tiers d’informations
médicales, pour un tiers d’informations administratives et
un tiers d’information du personnel soignant.
Le dossier médical peut se définir comme «une mémoire
écrite des informations cliniques, biologiques, diagnostiques
et thérapeutiques d’un malade à la fois individuelle et col-
lective, constamment mise à jour »Journal de Médecine
légale.
La constitution du dossier médical est une obligation pour
chacun des praticiens. «Un dossier médical est constitué
pour chaque patient hospitalisé dans un établissement de
santé public ou privé [...]», Article R 710-2-1 du décret du
29 avril 2002.
Ce même article précise le contenu du dossier médical.
«Ce dossier contient au moins les éléments suivants :
les informations formalisées recueillies lors des consul-
tations externes dispensées dans l’établissement, lors
de l’accueil au service des urgences ou au moment de
l’admission et au cours des séjours hospitalier ;
les informations formalisées établies à la fin du séjour ».
Il s’agit des documents établis par le médecin lors de la
sortie du patient, afin d’assurer la continuité des soins, soit à
domicile, soit dans une autre structure : lettre de «sortie »,
prescriptions et ordonnances de sortie, etc.
«Chaque pièce du dossier est datée et comporte
l’identité du patient (nom, prénom, date de naissance ou
numéro d’identification) ainsi que l’identité du profession-
nel de santé qui a recueilli ou produit les informations.
Les prescriptions médicales sont datées avec indication de
l’heure et signées ; le nom du médecin signataire est men-
tionné en caractères lisibles...», Article R 710-2-3.
La définition et le contenu du dossier du patient hospi-
talisé en institution sont bien définis dans le code de santé
publique. Mais qu’en est-il lors d’une prise en charge des
soins à domicile ?
Organisation du dossier de soins à domicile
Il existe peu de recommandations concernant la définition,
le contenu du dossier du patient à domicile. L’Anaes a publié
un référentiel d’autoévaluation des pratiques en soins infir-
miers : «Tenue des soins infirmiers à domicile »; novembre
2004. Il est, entre autre, précisé le contenu du dossier de
soins infirmiers :
les données socio- administratives nécessaires à
l’identification du patient ;
l’identification des professionnels paramédicaux, médi-
caux et sociaux intervenant dans la prise en charge du
patient ;
le projet de soins.
Ces données peuvent être complétées par les recomman-
dations de l’HAS relatives à la tenue du dossier de soins en
HAD ; il est notamment mentionné :
«La gestion du dossier du patient est organisée de fac¸on
à assurer l’accès aux informations. DPA.6.a. Le dossier du
patient peut être localisé et accessible à tout moment.
DPA.6.b. Le dossier du patient est conservé dans le respect
des délais de conservation et des conditions de sécurité. »
Lors d’une hospitalisation à domicile, le dossier
doit être archivé par la structure assurant
l’HAD.
De plus, les dispositions de l’article D 6321-3 du Code de
santé publique relatif à l’organisation des soins en réseau
mentionnent le suivant :
«[...]
Le réseau remet un document d’information aux usagers
qui précise le fonctionnement du réseau et les prestations
qu’il propose, les moyens prévus pour assurer l’information
de l’usager à chaque étape de sa prise en charge, ainsi
que les modalités lui garantissant l’accès aux informations
concernant sa santé et le respect de leur confidentialité.
Lorsqu’une prise en charge individualisée est proposée
dans le cadre du réseau, le document prévu à l’alinéa pré-
cédent est signé, lorsque cela est possible, par l’usager
ou, selon le cas, par les titulaires de l’autorité parentale
ou par le tuteur, dans les conditions définies à l’article L.
1111—1112 ou par la personne de confiance mentionnée à
l’article L. 1111—1116. Ce document détermine également
les règles de cette prise en charge et les engagements réci-
proques souscrits par l’usager et par les professionnels.
La charte du réseau décrite à l’article D. 6321-4 et la
convention constitutive décrite à l’article D. 6321-5 sont
portées à la connaissance de l’usager. Le réseau remet éga-
lement la charte du réseau à l’ensemble des professionnels
de santé de son aire géographique. »
Les documents remis au patient sont les documents
dits administratifs concernant les modalités de la prise en
charge, l’organisation des soins et l’information des droits
du patient comme, notamment, le droit d’accès à son dos-
sier médical.
La loi du 4 mars 2002 fait obligation à tous profession-
nels de santé de constituer un dossier de soins. Cette même
loi organise un droit d’accès au patient aux informations
concernant sa santé : accès direct au dossier médical selon
le respect de la procédure mise en place.
42 N. Lelièvre
Il en est de même lors d’une prise en charge en
réseau, la structure doit assurer un droit d’accès aux
informations.
L’ensemble des textes relatif au dossier médical rappelle
cette notion du droit d’accès aux informations médicales.
Le droit d’accès n’octroie pas un droit de propriété sur le
dossier, mais un droit de regard, de consultation. Qui est
alors propriétaire du dossier ?
La réglementation de l’archivage est une piste de
réflexion concernant les éventuels «propriétaires »du dos-
sier médical.
Les conditions d’archivage du dossier
Décret n2006—6 du 4 janvier 2006 art. 2 II
(Journal Officiel du 5 janvier 2006)
«Les informations concernant la santé des patients sont,
soit conservées au sein des établissements de santé qui
les ont constituées, soit déposées par ces établissements
auprès d’un hébergeur agréé en application des dispositions
à l’article L. 1111—1118.
Le directeur de l’établissement veille à ce que toutes
dispositions soient prises pour assurer la garde et la confi-
dentialité des informations ainsi conservées ou hébergées.
Le dossier médical mentionné à l’article R. 1112-2 est
conservé pendant une durée de 20 ans à compter de la date
du dernier séjour de son titulaire dans l’établissement ou
de la dernière consultation externe en son sein. Lorsqu’en
application des dispositions qui précèdent, la durée de
conservation d’un dossier s’achève avant le vingt-huitième
anniversaire de son titulaire, la conservation du dossier est
prorogée jusqu’à cette date. Dans tous les cas, si la per-
sonne titulaire du dossier décède moins de dix ans après
son dernier passage dans l’établissement, le dossier est
conservé pendant une durée de dix ans à compter de la
date du décès. Ces délais sont suspendus par l’introduction
de tout recours gracieux ou contentieux tendant à mettre
en cause la responsabilité médicale de l’établissement de
santé ou de professionnels de santé à raison de leurs inter-
ventions au sein de l’établissement.
À l’issue du délai de conservation mentionné à
l’alinéa précédent et après, le cas échéant, restitution à
l’établissement de santé des données ayant fait l’objet d’un
hébergement en application de l’article L. 1111—1118, le
dossier médical peut être éliminé. La décision d’élimination
est prise par le directeur de l’établissement après avis du
médecin responsable de l’information médicale. Dans les
établissements publics de santé et les établissements de
santé privés participant à l’exécution du service public hos-
pitalier, cette élimination est, en outre, subordonnée au
visa de l’administration des archives, qui détermine ceux de
ces dossiers dont elle entend assurer la conservation indé-
finie pour des raisons d’intérêt scientifique, statistique ou
historique. »
Dans ces conditions, si l’archivage est de la compétence
des institutions et des professionnels de santé, peut-on en
déduire un droit de propriété sur le dossier médical du
patient pris en charge à domicile ?
Un arrêt de la Cour de cassation rappelle à un médecin
qu’il n’a qu’un droit de garde du dossier lorsqu’il travaille
dans une structure de soins, en l’occurrence un dispensaire
de soins.
Dans les dispensaires de soins et les centres de santé,
gérés par des organismes sociaux, la question est posée
de savoir quel est «le propriétaire »des fiches médicales.
Ces fiches peuvent être utilisées et consultées que par les
médecins du dispensaire. Mais un médecin qui quitte le
dispensaire ne peut pas prétendre emporter les fiches des
malades qu’il a soignés ; il peut, cependant, y avoir accès,
en cas de nécessité. Un arrêt de la Cour de cassation
du 28 octobre 1970 justifie cette disposition. Un médecin
généraliste ayant exercé dans un centre médical mutualiste
s’est vu débouté de sa demande que lui soient restituées
toutes «les fiches établies par lui et la correspondance
médicale écrite par lui ou adressée ».
L’argument invoqué par la Cour était que le fichier
constitue l’œuvre collective des médecins du centre
où le généraliste travaillait et à leur disposition «en
particulier de celui qui rec¸oit ou va visiter le malade ».
Le dossier médical est donc dans ce cas particulier un
document «collectif »à l’usage des médecins pratiquant
dans ce centre ; ils n’ont donc «aucun droit de propriété
sur les fiches médicales », ils en ont seulement la garde
(cf. conservation et protection des dossiers médicaux,
commentaire du Code de déontologie médical ; Ordre
national des médecins).
Dans le même sens, on peut en déduire que le
dossier mis en place au domicile du patient est
«de la propriété »de l’institution qui intervient
à domicile.
Lors de sa prise en charge, un dossier est constitué et
celui-ci est ensuite archivé par l’organisme assurant les soins
à domicile. Le patient peut, en revanche, demander un droit
d’accès aux informations médicales, mais le réseau de soins
se doit de toujours conserver une trace du dossier, il ne doit
pas se dessaisir du dossier.
La loi du 4 mars 2002 reconnaît au patient le droit de
demander son dossier et la loi impose à l’établissement
d’organiser la communication du dossier (copie du dossier
ou consultation sur place). Il n’est pas mentionné que le
patient peut exiger la conservation du dossier. La conserva-
tion du dossier est bien de la compétence des institutions
pour les professionnels qui exercent en institution ou par le
médecin pour les professionnels exerc¸ant seul en libéral.
Conclusions
Les recommandations de l’Anaes, «Amélioration de la qua-
lité de la tenue et du contenu du dossier du patient »,
en juin 2003, précisent que le médecin, le patient et
l’établissement sont copropriétaires du dossier. La garde
est reconnue à l’établissement et le patient le droit d’en
demander la communication.
Cependant, la communication du dossier ne signifie pas
que l’institution ou le professionnel peut se dessaisir du
dossier. La loi prévoit, soit une remise de copie ou une
consultation sur place du dossier.
De plus, les règles de preuve en droit franc¸ais s’appuient
sur la preuve écrite. Dans un souci, à la fois de conti-
Prise en charge à domicile et le dossier médical 43
nuité des soins et d’un éventuel contentieux de la
responsabilité médicale, le dossier doit être conservé par
l’institution dans le respect des règles d’archivage rappelées
ci-dessus.
En conclusion, il semble opportun que le dossier soit récu-
péré à l’issue de la prise en charge du patient. Au regard
des textes, la garde du dossier se matérialise par un devoir
de conservation des données médicales des patients pris
en charge. De plus, en application des règles de la preuve
en droit franc¸ais, l’équipe doit toujours être en mesure de
prouver que la prise en charge du patient s’est faite dans
les règles de l’art. Pour cela, il convient de garder le dossier
pour le communiquer au besoin à la justice.
En revanche, le patient conserve, quant à lui, un droit de
regard sur l’ensemble des documents composant son dossier
médical et est en droit de demander copie de ces docu-
ments.
Pour éviter toutes difficultés, il est possible lors de la
prise en charge d’un patient à domicile par un réseau ou
toute autre structure de remettre un document au patient
lui expliquant l’organisation des soins à domicile, d’une part
et, d’autre part, de lui préciser que le cahier de suivi et tous
autres documents mis en place pour l’organisation des soins
à domicile seront récupérés à l’issue des soins et archiver par
la structure. Il convient également de rappeler au patient
son droit d’accès aux documents.
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