Oser la démonstration pour l`intégration de repères culturels

Ondes et physique moderne 203-NYC-05
© Isabelle Arseneau, Centre de démonstration en sciences physiques, Mathieu Riopel, Cégep Garneau.
Document réalisé dans le cadre du Projet de collaboration université-collège (2013-2015) : Modules de démonstration pour
l’intégration de repères culturels en enseignement des sciences.
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Laboratoire d’introduction à l’optique
La camera obscura et l’évolution des « idées lumineuses »
Déroulement de la séance de laboratoire
Quatre stations sont situées à différents endroits dans le laboratoire. Visitez chacune d’entre
elles et réalisez les observations qui y sont suggérées. Prenez en note vos observations et
répondez aux différentes questions qui suivent.
Travail à remettre
Répondez à chacune des questions. Faites des schémas, lorsque nécessaire. Vous devrez
remettre votre travail lors de la prochaine séance de laboratoire.
Station 1 – le sténo et la projection lumineuse
1. Décrivez vos observations relatives à l’image projetée en fonction de :
a) la distance de l’écran par rapport au sténopé;
b) la distance de l’objet par rapport au sténopé;
c) la taille du sténopé.
2. À l’aide d’un schéma illustrant la trajectoire de rayons lumineux, expliquez la
formation de l’image que vous avez observée? Quelle hypothèse fondamentale de
l’optique géométrique devez-vous poser afin de tracer votre schéma?
3. Déterminez une relation mathématique entre la hauteur de l’objet lumineux, la
hauteur de l’image projetée et leur distance respective par rapport au sténopé.
Testez votre relation dans la situation suivante :
Un grand sténoscope agrandit de 0,05 fois un arbre situé à 5,0 m de l’appareil.
Quelle est la distance entre l’arbre et l’écran?
Station 2 – L’expérience en chambre noire
1. Quelles sont les différences entre une image projetée, produite par un sténopé, et
une image optique, formée par une lentille?
2. Expliquez comment il serait possible d’estimer le diamètre du Soleil à partir de la
distance Terre-Soleil (149 597 870 km) et de mesures réalisées avec un des
montages du laboratoire.
3. Qu’est-ce que la couleur? D’où viennent les couleurs des objets que l’on observe?
Ondes et physique moderne 203-NYC-05
© Isabelle Arseneau, Centre de démonstration en sciences physiques, Mathieu Riopel, Cégep Garneau.
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Station 3 – La camera obscura et la capture de l’image
1. Quelles sont les caractéristiques (nature, grandeur, sens) de l’image formée par la
réplique d’époque de camera obscura (celle en bois)?
2. Quelles sont les caractéristiques (nature, grandeur, sens) de l’image formée par la
camera lucida?
3. Faites un schéma représentant le parcours des rayons lumineux dans la camera
obscura.
4. Faites un schéma représentant le parcours des rayons lumineux dans la camera
lucida.
5. Déterminez expérimentalement la longueur focale de la lentille de la camera obscura
en bois en utilisant l’équation suivante :
Station 4 – La camera obscura comme modèle de l’œil
1. Comment voit-on?
2. Pourquoi a-t-on longtemps comparé un œil à une camera obscura ou, de nos jours, à
un appareil photo? Associez les structures de l’œil à celles de l’appareil photo
représenté sur le schéma.
3. Quelles sont les caractéristiques (nature, grandeur, sens) des images qui se forment
sur la rétine de l’œil?
4. Faites un schéma expliquant pourquoi vous ne pouviez plus percevoir la croix à un
certain moment.
1
p+1
q=1
f
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Capsules historiques liées aux stations du laboratoire 5
Station 1 – le sténopé et la projection lumineuse
Un peu d’histoire sur les Grecs de l’Antiquité et leurs idées sur la perception de
l’image
Empédocle (v. 490 à 435 av. J.-C.) et Platon (v. 423 à 347 av. J.-C.) ont
soutenu, comme plusieurs autres, la théorie du « feu visuel ». Selon cette
théorie, la lumière part de l’œil et y revient comme un feu intra-oculaire
qui jaillit et éclaire les objets. Plus particulièrement, l’œil émettrait des
quid allant « reconnaître » les objets et reviendraient ensuite vers nous
pour nous informer de ce qu’ils ont détecté. Cette théorie est dite
« extramissionniste ».
Pour Platon, la vision résulte donc de la rencontre entre l’émanation de
l’objet et le « corps simple et homogène », qui lui est formé par la fusion
de l’émanation oculaire et de la lumière du jour. À travers cette rencontre,
les « mouvements », produits par des particules de différentes tailles (que
Platon associe aux différentes couleurs) sont transmis à l’esprit et
produisent des sensations (la vue et la pensée). L’argument de base
repose sur le fait qu’on peut voir un objet lorsqu’on « pose » le regard sur
lui, autrement dit que c’est l’action de regarder qui fait voir. Pour ces
penseurs, ça semble être une évidence : les yeux fermés on ne voit rien
puisque les rayons (quid) ne peuvent plus sortir!
Pour sa part, Aristote (v. 384 à 322 av. J.-C.) considère que l’œil
possède une double nature : comme corps physique, il accueille
les images sur la surface sensible que constitue la tine. Comme
entité sensible, il transforme les effets colorés en impressions
sensorielles et visuelles, de la même façon que la cire prend
l’empreinte des objets sans être affectée. Pour combattre la
théorie rivale, soit que l’œil émettrait un quid, Aristote soutient
comme Démocrite que nous devrions voir la nuit. La théorie
d’Aristote est dite « intromissionniste » puisqu’il conçoit l’œil
comme « récepteur » et non comme « émetteur », ce qui ouvrira
la voie à la camera obscura des astronomes arabes…
L’attention que porte Aristote (v. 384 à 322 av. J.-C.) pour
l’optique n’est pas séparée de sa passion pour l’astronomie. Par
exemple, Aristote affirme qu’on pourra garder le dessin du Soleil
et de la Lune saisi à travers n’importe quel orifice. Il fait
d’ailleurs une allusion à ce phénomène au milieu de ses trente-
huit livres des Problèmes : « Tout objet placé en face d’une boîte
entièrement fermée et percée d’un trou se reflète, renversé sur
le fond de cette boîte ». Aristote fait ici référence davantage au
sténopé (petit trou) qu’à la camera obscura. Il est fidèle à une
pensée fondée sur les données expérimentales, naturalistes, et
se distingue ainsi de son maître Platon, qui, sur le même sujet,
propose une vision mythique de la camera obscura comme
caverne.
Platon
(v. 423-347 av. J.-C.)
Image tirée d’une fresque de
Raphaël, L’École d’Atnes.
Platon pointe le ciel, symbole de sa
croyance envers les idées et Aristote
pointe le sol avec sa main droite, une
représentation de sa croyance dans la
connaissance par le biais de
l’observation empirique et de
l’expérience.
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Station 2 – L’expérience en chambre noire
La camera obscura au Moyen-âge et l’apport du monde arabe
Même si les conditions théoriques de la
camera obscura étaient posées avec
Aristote et sa théorie de l’intromission, il
faut attendre le Ve siècle pour en voir
apparaître une utilisation concrète. En effet,
certains décrivent le Moyen-Âge,
particulièrement en Europe, comme une
période de stagnation intellectuelle sur le
plan de l’optique, domine une vision
théologique du monde qui divinise la
lumière.
Le monde arabe est toutefois plus actif sur
le plan scientifique. Par ses monstrations
avec la camera obscura, Ibn al-Haytam
(v.965-1041), aussi connu sous le nom
d’Alhazen, balayera la théorie qui prévalait
à l’époque et qui accordait un sens tactile à l’œil, comme s’il était un ton aveugle. Son meilleur
argument appuyant la théorie des philosophes de la nature est celui-ci : quand on regarde un point
très lumineux, comme le soleil, celui-ci brûle les yeux. La lumière part donc de l’objet extérieur pour se
réfléchir dans l’œil, qu’elle blesse.
La référence la plus explicite dans l’œuvre d’Alhazen à
la camera obscura se situe dans son Traité consacré à
l’éclipse, qui s’interroge sur les rayons lumineux. Il fut
le premier scientifique à faire l’observation d’une
éclipse du soleil et de la lune dans une chambre noire
munie d’une petite ouverture. Lors de son expérience,
il établit une relation proportionnelle entre le diamètre
de l’ouverture et l’objet observé : ce fut la première
formule du sténopé.
Cela dit, un élément qui a échappé à Alhazen est
l’explication du renversement de l’image. C’est peut-
être qu’en tant qu’astronome, il se serait surtout
attardé à observer les astres, qui de par leur
« sphéricité » apparaissent identiques à l’envers ou à
l’endroit. Par des acrobaties théoriques, Alhazen fait se
former l’image sur le cristallin. Il néglige ainsi le problème de la réfraction, dont il n’a que des
connaissances approximatives, et le problème du renversement est ainsi évité.
Ci-contre, schéma des deux yeux
par Alhazen.
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Les expériences de Newton en chambre noire
Newton (1642-1727) était philosophe en plus d’être le physicien, mathématicien et astronome anglais
bien connu. Son Traité d’Optique (1704), sur la lumière et les couleurs, est purement expérimental.
Comme chez Alhazen, ses expériences en chambre noire sont récurrentes. Les expériences de Newton
sont par contre plus sophistiquées qu’au Moyen-Âge, car elles font intervenir prisme, télescope, deux
trous ou plus, et prennent en compte la diffraction.
Sur la question des couleurs, certaines idées
circulent depuis l’Antiquité : le blanc est associé à
la pureté, au Bien, à Dieu et le noir, aux ténèbres
et au mal. Il faudra attendre Newton pour que
cette conception des couleurs progresse vraiment
à cet égard. Et encore! Le « côté noir de la
Force » inspire toujours jeunes et moins jeunes!
Certains avaient déjà remarqué que la lumière qui
traverse un prisme se déploie en arc-en-ciel ce qui
portait à croire que la lumière s’altère, se dégrade
et s’affaiblit lorsqu’elle traverse un milieu
transparent comme le verre. Plus l’épaisseur du
verre traversé est grande, plus la lumière perd de
sa clarté et de son éclat. Le violet, par exemple,
est la couleur la plus déviée et est moins éclatant que le rouge, car l’épaisseur du verre traversée est
plus grande, du moins c’est ce qu’on croyait à l’époque jusqu’à ce que Newton soit « forcé » de faire
ses expériences en chambre noire.
Cette partie de l’histoire de Newton est d’ailleurs assez surprenante. En 1665, la peste éclate en
Europe. L’Université de Cambridge décide alors de renvoyer chez eux les professeurs et les étudiants,
dont le jeune Isaac Newton alors âgé de 23 ans. Celui-ci profite donc de ses vacances « forcées » pour
s’enfermer dans sa chambre dont les fenêtres étaient complètement obstruées, mais la lumière
pouvait pénétrer que par une petite fente pratiquée dans un des volets. Newton va donc réaliser dans
sa « chambre noire », avec du matériel très simple, une série d’expériences sur la réfraction et la
dispersion de la lumière qui bouleverseront les idées de l’époque sur la lumière qui couraient depuis
1500 ans!
Parmi ces expériences, Newton décide d’isoler
à l’aide d’une fente un rayon bleu issu d’un
premier prisme et le dirige vers un second afin
de vérifier ce qui arrive à ce faisceau de
lumière d’une seule couleur. Selon la théorie de
l’époque, la couleur bleue aurait
« s’affaiblir » au cours du passage dans le
deuxième prisme, pour se rapproche du violet
ou du noir. Cependant, ce n’est pas ce que
Newton observa : la couleur bleue est restée la
même. Il poursuivit donc ses expériences et fit
passer à travers un second prisme inversé par
rapport au premier tous les rayons dispersés. Il
se retrouva avec un faisceau de lumière
blanche en recombinant de la lumière
prétendument dégradée. Le faisceau avait
retrouvé sa pureté initiale, autrement dit
Newton a mélangé de l’impur pour obtenir de la pureté ! À 23 ans, Newton n’est pas encore le grand
NEWTON et il était risqué pour lui de contester les théories sur les couleurs ayant cours depuis des
siècles… Newton attendra donc plus de six ans avant d’en divulguer les résultats dans sa
correspondance avec Oldenburg (1672), et ce, même si ses travaux apportent des éclaircissements
majeurs sur le comportement et la composition de la lumière. Il ne publiera ses découvertes qu’en
1704, dans son fameux traité Optiks. À 23 ans, Newton n’est pas encore le grand NEWTON et il était
risq pour lui de contester les théories sur les couleurs ayant cours depuis des siècles…
Dessin réalisé par Newton il illustre le dispositif qu’il
a utilisé pour faire ses expériences.
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