Neurologies • Mars 2012 • vol. 15 • numéro 146 123
MISE AU POINT
DIAGNOSTIC DE LA
SION ÉPILEPTOGÈNE
L’identification et la localisation
de la lésion épileptogène est un
enjeu fondamental.
Le protocole d’IRM choisi tient
compte de la localisation du foyer
et de la cause suspectée ; le choix
des séquences répond à plusieurs
exigences :
permettre une étude fine du
cortex et de la jonction substance
blanche-substance grise ainsi
quune analyse dans plusieurs
orientations ;
orir une résolution en contraste
optimale ;
visualiser les structures pro-
fondes de l’encéphale, en parti-
culier temporales internes et les
anomalies vasculaires.
Le protocole dié à l’étude des
*Service d’imagerie morphologique et fonctionnelle, Centre
Hospitalier Sainte-Anne, Paris
épilepsies partielles pharmacoré-
sistantes associe :
une acquisition volumique avec
reconstructions multiplanaires ;
des séquences en pondération T1
avec inversion-récupération qui
améliorent le contraste tissulaire
de la jonction blanc-gris ;
une séquence pondérée en T2
avec coupes fines ( 3 mm) et une
séquence FLAIR, afin de dépister
les anomalies de signal cortical
et sous-cortical ; le dépistage des
anomalies vasculaires associées
à l’épilepsie (en particulier les ca-
vernomes) justifient une séquence
T2*, sensible au produit de dégra-
dation du sang.
Ce protocole devra tenir compte
du contexte clinique et s’intégrer
dans une approche multimodale,
en particulier des données élec-
trocliniques. Ainsi, devant une
épilepsie d’origine temporale, un
plan perpendiculaire à l’axe des
hippocampes est indispensable,
alors que lorsquune une origine
extra-temporale est suspectée,
il sera nécessaire d’orienter les
coupes axiales dans le plan inter-
commissural (CA-CP). Si le foyer
épileptogène n’est pas localisé, une
analyse minutieuse et systéma-
tique permettra d’éviter de porter
la conclusion d’ “IRM normale”,
tout en prenant garde aux faux
positifs : eet de volume partiel
pouvant faire croire à un épaissis-
sement cortical par exemple.
SCLÉROSE HIPPOCAMPIQUE :
TOUJOURS EN TÊTE
La lésion la plus fréquemment re-
trouvée dans l’épilepsie temporale
pharmacorésistante de l’adulte est
l’atrophie hippocampique, traduc-
tion de la lésion histologique de
sclérose de l’hippocampe. Celle-
ci associe une perte de volume de
l’hippocampe, un hypersignal en
Traitement chirurgical
de l’épilepsie
Place de la neuroimagerie IRM
n
Les objectifs de l’imagerie cérébrale IRM dans le bilan pré-opératoire des patients souffrant
d’une épilepsie partielle pharmacorésistante (EPPR) sont multiples : identifier une anomalie
structurelle causale, localiser précisément la lésion et ses rapports avec les zones éloquentes
et évaluer le pronostic fonctionnel postopératoire. L’imagerie par résonance magnétique (IRM),
avec son excellente résolution spatiale et, en contraste, son aspect multimodal, tour à tour mor-
phologique et fonctionnel, est la technique de choix. Malgré les progrès techniques (IRM à haut
champ, imagerie volumique et post-traitement), les séquences conventionnelles peuvent être
mises en échec pour détecter les anomalies subtiles du parenchyme. Les nouvelles techniques
d’imagerie (tenseur de diffusion, spectroscopie, perfusion par marquage de spin) offrent des
possibilités supplémentaires pour les objectiver.
Charles Mellerio*
124Neurologies • Mars 2012 • vol. 15 • numéro 146
MISE AU POINT
T2 et FLAIR, un élargissement
focal de la corne temporale, une
atrophie du corps mamillaire
voire de l’ensemble des gyri tem-
poraux homolatéraux
(Fig. 1)
. Dans
les formes frustres ou débutantes,
l’hypersignal FLAIR peut man-
quer et l’analyse doit porter sur de
seuls critères morphologiques, no-
tamment la perte des digitations
visibles en coupes coronales cen-
trées sur la tête hippocampique.
Si le diagnostic de sclérose hippo-
campique est posé, l’analyse doit
se poursuivre pour apprécier l’ex-
tension de l’atteinte vers : le noyau
amygdalien et le cortex du pôle
temporal en avant, le cortex du gy-
rus para-hippocampique latérale-
ment et en arrière.
DYSPLASIES FOCALES ET
TUMEURS BÉNIGNES
Parmi les malformations du déve-
loppement cortical, les principales
lésions observées chez les candi-
dats à la chirurgie de l’épilepsie
sont les dysplasies corticales fo-
cales, les gangliogliomes et les tu-
meurs dysembryoplasiques neu-
roépithéliales (DNT). Les troubles
de migration neuronale (hétéroto-
pies et polymicrogyries) sont plus
rarement associés à des épilepsies
chirurgicalement curables.
Dysplasie corticale focale (DCF)
Anomalie fréquemment asso-
ciée aux épilepsies pharmaco-
résistantes, de siège volontiers
extra-temporal, les DCF asso-
cient classiquement en IRM : un
épaississement cortical focal, une
dédiérenciation gris-blanc avec
un aspect flou du ruban cortical
sur les pondérations T1 et T2
(Fig. 2)
,
ainsi quun hypersignal T2 de la
substance blanche dysplasique
sous-corticale à rechercher en T2
haute solution ou en FLAIR.
Cet hypersignal peut se prolon-
ger jusquau bord ventriculaire
adjacent, témoignant de l’origine
développementale de la lésion
(transmantle sign). Ces anoma-
lies peuvent être extrêmement
subtiles, parfois limitées au seul
épaississement cortical, sans hy-
persignal. C’est la raison pour la-
quelle l’analyse en IRM doit être
guidée par le tableau électro-cli-
nique et se faire selon une straté-
gie d’exploration systématique. La
diculreste alors d’identifier un
authentique épaississement cor-
tical focal. L’anatomie des sillons
étant éminemment variable et
complexe, l’écueil à éviter est la
confusion d’une dysplasie avec le
volume partiel d’une incurvation
normale de sillon, d’où l’intérêt de
multiplier les plans dexploration
et de choisir une séquence dont la
résolution spatiale est optimale.
En raison de leur origine déve-
loppementale, les DCF peuvent
être associées à des anomalies de
la disposition sulcale à proximité,
dont le dépistage systématique
peut aider à localiser la lésion dys-
plasique.
Figure 1 - IRM 3 Tesla. Coupes coronales perpendiculaires au plan des hippocampes,
pondération FLAIR. Atrophie de l’hippocampe gauche associée à un hypersignal
(flèche pleine). Signe indirects : élargissement de la corne temporale (flèche double)
atrophie relative du cortex entorhinal (tête de flèche).
Figure 2 - IRM 3 Tesla. Coupe coronale,
agrandissement sur le cortex précentral,
pondération FLAIR. Aspect typique de
Dysplasie Corticale Focale type Taylor
associant épaississement cortical,
hypersignal cortical et sous-cortical
(flèche) avec un prolongement laminaire
jusqu’à la surface ventriculaire (têtes de
flèche).
TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’ÉPILEPSIE
Neurologies • Mars 2012 • vol. 15 • numéro 146 125
Gangliogliomes
Les gangliogliomes, tumeurs de
l’adulte jeune, intéressent préfé-
rentiellement le lobe temporal et
sont classiquement révélés par
une EPPR. Leur aspect habituel
en IRM est celui d’une lésion kys-
tique comportant une portion
charnue rehaussée par le produit
de contraste
(Fig. 3)
. L’œdème -
rilésionnel est peu abondant. En
cas d’exérèse incomplète, la sur-
veillance par IRM s’impose du fait
de leur évolution possible bien que
rare vers des formes malignes.
Tumeurs dysembryoplasiques
neuroépithéliales
Les tumeurs dysembryopla-
siques neuroépitliales (DNT)
sont des tumeurs stables de siège
cortical, également révélées par
une EPPR chez le sujet jeune et
de localisation temporale pré-
rentielle. Histologiquement, on
distingue trois types : les formes
spécifiques simples (composante
glioneuronale isolée), complexes
(prolifération tumorale gliale mul-
tinodulaire et désorganisation cor-
ticale assoces à la composante
glioneuronale) et les formes non
spécifiques (prolifération gliale
variable de type oligodendrocy-
taire, astrocytaire ou mixte). Dans
les formes spécifiques (simple ou
complexe), les DNT se manifestent
par un processus bien limi, en
franc hyposignal T1 et hypersignal
T2 d’aspect “pseudokystique
(Fig.
4)
, en situation corticale, sans eet
de masse ni oeme. Le signal IRM
s’explique par le riche contenu hy-
drique de la composante glioneuro-
nale. Une empreinte osseuse est re-
trouvée dans les formes corticales
de la convexi. Dans les formes
histologiques non spécifiques, la
miologie IRM est diérente avec
un hypersignal moins élevé en T2,
un isosignal T1 (relativement au
cortex) et des limites moins nettes ;
prise de contraste et calcifications
sont inconstantes
(Fig. 5)
.
TROUBLES DE LA MIGRATION
NEURONALE (HÉTÉROTOPIES ET
POLYMICROGYRIES)
Les térotopies correspondent
à un arrêt de la migration neuro-
nale focal ou dius, de la région
périventriculaire vers le ruban
cortical, au cours du développe-
ment. Dans sa forme sous-corti-
cale diuse, l’hétérotopie prend la
forme d’un double cortex (cortex
eutopique et hétérotopique) ou
térotopie laminaire. Ce trouble
de la migration peut également
être focal, on parlera alors, selon
la localisation, d’hétérotopie no-
dulaire sous-corticale ou d’hétéro-
topie nodulaire périventriculaire.
Dans ce dernier cas, pour arriver
au diagnostic, il est nécessaire de
suivre chaque bord ventriculaire à
la recherche d’un foyer ectopique
de substance grise
(Fig. 6)
.
Les polymicrogyries correspon-
dent à une anomalie de la gyra-
tion cérébrale caractérisée par
un nombre excessif de circonvo-
lutions de petite taille. Les mul-
tiples gyri sont séparés par des
sillons peu profonds ou fusionnés
qui rendent compte de l’aspect
festonné du cortex mais aussi de
son aspect épaissi. Elles peuvent
être uni- ou bilatérales, de siège
Figure 3 - IRM 1,5 Tesla. Coupes axiales en pondération T1 sans (A) et après injection de
gadolinium (B) : processus expansif cortical de nature mixte multi-kystique et charnue,
avec rehaussement de la portion charnue après injection. Peu d’œdème péri-lésionnel
ni d’effet de masse. Confirmation histologique de gangliogliome.
Figure 4 - IRM 1.5 Tesla. Coupe sagittale en pondération FLAIR (A) et T1 (A) : masse cor-
ticale et sous-corticale temporo-polaire gauche de signal pseudokystique. Confirma-
tion histologique de tumeur dysembryoplasique neuroépithéliale (DNT).
A B
A B
126Neurologies • Mars 2012 • vol. 15 • numéro 146
MISE AU POINT
classiquement pérysylvien mais
peuvent également être observées
au niveau des régions frontales ou
postérieures
(Fig. 7)
.
Ces anomalies sont en fait le plus
souvent associées à une zone épi-
leptogène étendue ou diuse, et
font plus rarement l’objet d’un
traitement chirurgical.
PATHOLOGIE VASCULAIRE
Létiologie vasculaire est à re-
chercher de principe devant tout
bilan lésionnel dune épilepsie
de l’adulte. Il s’agit en particulier
des malformations artériovei-
neuses et des angiomes caverneux
(ou cavernome). La chirurgie de
l’épilepsie ne concerne cette der-
nière étiologie que dans un faible
nombre de cas, ce qui néanmoins
justifie la réalisation systématique
de séquences adaptées.
CAVERNOMES
Il s’agit de l’étiologie vasculaire
malformative la plus fréquente.
Lorsque l’angiome est symptoma-
tique, les crises d’épilepsie domi-
nent le tableau clinique devant les
déficits neurologiques progressifs.
La quence T2 écho de gradient
(T2*) est capitale pour le diagnos-
tic de cavernome : lésion paren-
chymateuse arrondie, volontiers
calcifiée au signal hétérogène du
fait de la présence d’hémorragies
d’âges diérents
(Fig. 8)
. Une sé-
quence en pondération T1 avec
injection de gadolinium compte
le bilan à la recherche d’une ano-
malie veineuse de développement.
LÉSIONS CICATRICIELLES
La gliose est la conséquence de nom-
breuses lésionsbrales, quelles
soient post-traumatiques, post-in-
fectieuses, post-inflammatoires ou
post-ischémiques. Chacun de ces
mécanismes peut être responsable
dune zone de nécrose corticale, en-
tourée d’un halo de sclérose. Quel
quen soit le canisme, la scrose
en IRM associe atrophie et anoma-
lie de signal dues à une augmen-
tation de l’eau libre tissulaire. En
IRM, sil est facile de reconnaître
une sion de type quellaire, il est
dicile de diérencier une gliose
post-infectieuse, dune gliose post-
inflammatoire ou post-ischémique.
La présence de dét d’mosi-
rine en hyposignal T2* franc, est
Figure 5 - IRM 1.5 Tesla. Coupes axiale en pondération FLAIR (A) et coronale T1 après
injection de gadolinium (B) : masse corticale en hypersignal FLAIR et hyposignal T1
avec une prise de contraste punctiforme (flèche). Confirmation histologique de DNET.
Figure 6 - IRM 1.5 Tesla coupe axiale en pondération T1 (A) et coronale T2 (B) montrant
la présence d’une lésion nodulaire paraventriculaire gauche dont le signal est iden-
tique à celui de la substance grise, évocatrice d’une hétérotopie sous-épendymaire.
Figure 7 - IRM1.5 Tesla coupe axiale T1 :
aspect micro-bosselé et épaissi du cor-
tex pré- et post-central droit compatible
avec une polymicrogyrie.
A
A
B
B
TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’ÉPILEPSIE
Neurologies • Mars 2012 • vol. 15 • numéro 146 127
fortement évocatrice de séquelles
post-traumatiques. La topographie
des sions peut parfois aider au dia-
gnostic étiologique (ex. : séquelles
temporales dencéphalite herpé-
tique, quelles fronto-polaires de
traumatisme crânien).
Figure 8 - 1.5 Tesla coupes axiales pondérées en T2* (A), T1 sans (B) et après injection de gadolinium (C) : lésion nodulaire hétérogène
hémorragique de la région précentrale gauche, siège de saignement d’âges différents en hyper- et hyposignal T1, ne se rehaussant
pas après injection. Peu d’effet de masse. Lésion typique de cavernome.
A B C
EN PRATIQUE
Quel champ pour Quelle exploration : irm 1,5 t ou 3 t ?
Figure 9 - IRM coupes axiales pondérées en FLAIR respectivement avec un champ de
1,5 Tesla (A) et de 3 Tesla (B). IRM initialement considérée comme négative. Les limites
du ruban cortical, ainsi que l’hypersignal sous-cortical sont mieux visibles à 3 Tesla.
Confirmation histologique postopératoire de dysplasie corticale focale de Taylor.
A B
• Le choix d’une IRM 3 Tesla se
justifie particulièrement dans le
bilan des épilepsies en imagerie.
De récentes études (1, 2) com-
parant des patients porteurs de
lésions épileptogènes explorés
respectivement en IRM 1,5 et
3T soulignent une sensibilité
diagnostique plus importante
et une meilleure caractérisation
lésionnelle à haut champ, en
particulier lorsqu’une origine dé-
veloppementale de type dyspla-
sie corticale focale est suspectée
(Fig. 9).
• En revanche, attention au
risque plus élevé d’artefacts de
susceptibilité à proximité des
cavités aériques de la face et de
la base du crâne (régions tempo-
rales et orbito-frontales).
gage et de la moire en cas d’épi-
lepsie de la région risylvienne,
létude du cortex sensori-moteur
pour les épilepsies de la région cen-
trale et enfin l’étude du cortex visuel
pour les lésions de siège occipital ou
sur le trajet des radiations optiques.
EVALUATION
PRONOSTIQUE
DE LA CHIRURGIE
Cest la place de l’IRM fonctionnelle
(IRMf) d’activation dont les applica-
tions principales en routine clinique
sont repsentées par l’étude du lan-
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