Quelques
Traversées
du « Cid »
Pierre Corneille, repères biographiques
(1606-1684)
Aîné des six enfants d’une famille aisée de magistrats rouennais, Pierre
Corneille entame en 1628 une carrière d’avocat. En 1629, un chagrin
amoureux le conduit à écrire ses premiers vers, puis sa première comédie,
Mélite. Avec les pièces qui suivront : Clitandre, La Veuve, La Galerie du Palais, La Suivante, La
Place Royale, dée et L’Illusion comique, apparaît un nouveau style de théâtre les
sentiments tragiques sont mis en scène pour la première fois dans un univers plausible, celui de
la société contemporaine. En 1641, il épouse Marie Lampérière dont il aura 6 enfants.
Corneille, auteur officiel nommé par Richelieu, rompt avec ce statut de poète du régime et avec la
politique contestée du Cardinal pour écrire des pièces exaltant la haute noblesse (Le Cid, oeuvre
aujourd’hui universellement connue), rappelant que les hommes politiques ne sont pas au-
dessus des lois (Horace), ou montrant un monarque cherchant à reprendre le pouvoir autrement
que par des représailles (Cinna).
En 1647 il est élu à l’Académie Française au fauteuil 14 qu’occupera son frère et complice
Thomas après sa mort.
De 1643 à 1651, après la mort de Richelieu, et durant la période de la Fronde, la crise d’identité
que traverse la France se retrouve dans l’oeuvre de Corneille : il règle ses comptes avec Richelieu
dans La Mort de Pompée, donne une tragédie de la guerre civile avec Rodogune et développe le
thème du roi caché dans Héraclius, Don Sanche et Andromède, s’interrogeant sur la nature
même du roi, subordonné aux vicissitudes de l’Histoire, en lui faisant ainsi gagner en humanité.
À partir de 1650, ses pièces connaissent un succès moindre, et il cesse d’écrire pendant
plusieurs années après l’échec de Pertharite. L’étoile montante du théâtre français est alors Jean
Racine dont les intrigues misent plus sur le sentiment et apparaissent moins héroïques et plus
humaines. Le vieux poète ne se résigne pas et renoue avec la scène avec la tragédie Oedipe.
Corneille continue à innover en matière de théâtre jusqu’à la fin de sa vie, en montant ce qu’il
appelle une « pièce à machines », c’est-à-dire privilégiant la mise en scène et les « effets spéciaux
» (La Toison d’or), et en s’essayant au théâtre musical (Agésilas, Psyché). Il aborde aussi le thème
du renoncement, à travers l’incompatibilité de la charge royale avec le droit au bonheur
(Sertorius, Suréna). La comparaison avec Racine avait tourné à son désavantage lorsque les deux
auteurs avaient produit, presque simultanément, sur le même sujet, Bérénice (Racine) et Tite et
Bérénice (Corneille).
Corneille meurt à Paris le 1er octobre 1684.
La légende de l’El Cid
Le « Cid » est inspiré de la vie de Rodrigo Diaz de Vivar (1043-1099), surnommé El Cid
Campeador ou El Cid, héros de l’Espagne médiévale. En effet, il fut un chevalier
mercenaire chrétien, un bandit de grand chemin, héros de la Reconquista
1
espagnole en
1094 pour avoir repris aux Maures le royaume de Valence (et marquant ainsi le début
d’une reconquête de l’Espagne).
Rodrigo Díaz de Vivar se met d'abord au service du roi Sanche II de Castille (règne :
1065-1072), puis de son frère et ennemi Alphonse VI (règne : 1072 1109), qui le
charge de recouvrer pour lui les parias (le tribut) dues par le roi maure de Séville, Abbad
III. En récompense, il lui donne en mariage sa nièce, Jimena Díaz (Chimène), fille du
comte d'Oviedo.
Pour avoir enfreint la paix du roi, en l'accusant plus ou moins directement d'avoir
participé à l'assassinat de son propre frère, il est exilé en 1081, et parcourt l'Est de la
péninsule, offrant ses services aux princes, tant chrétiens que musulmans.
De cette époque date son surnom El Cid (donné par les Maures), provenant de l'arabe,
et signifie seigneur. Son autre surnom, Campeador (le Champion) - issu
du latin campidoctor : instructeur ; « maître d'armes » - lui est donné dès 1066 après sa
victoire en combat singulier contre Jimeno Garcés, lieutenant du roi de Navarre Sanche
IV, réputé invincible.
Le Cid espagnol
Guillen de Castro (1569-1631) fut le premier à adapter pour le théâtre la vie de Rodrigue
et Chimène dans l’une de ses pièces appelée « Les Enfances du Cid » (Las Mocedades
del Cid), publiée en 1618. Selon la tradition espagnole la pièce se joue en trois journées.
Remarque : la troisième journée se déroule un an après le début de l’action.
Par rapport à Corneille, ce dernier s’est fort inspiré de la pièce espagnole certes mais au-
delà de l’imitation, il s’est surtout livré à un travail : de simplification (nombre important
de péripéties supprimées) ; de condensation (l’action en concentré, va plus à l’essentiel :
ici l’amour des deux jeunes amants est annoncé dès le début alors que tenu secret dans
la version espagnole) ; d’intériorisation (le combat psychologique), et d’invention (Don
Sanche, a développé des personnages secondaires).
Il en a donc fait une œuvre originale.
1
La Reconquista (718 1492) correspond à la reconquête des royaumes musulmans de la péninsule Ibérique
par les souverains chrétiens.
Corneille : le contexte historique
Jusqu’en en 1637, Corneille est surtout connu pour avoir écrit des comédies : Mélite
(1630) ; La Veuve (1631) ; La Galerie du Palais (1632) ; La Suivante (1633), La Place
Royale (1634) ; L’Illusion comique (1635-36). Il a réussi à réinventer la comédie,
s’éloignant de la farce médiévale pour en créer un genre nouveau, plus raffiné, plus
subtil. Ses comédies ont des décors à la mode, des lieux contemporains. Elles décrivent
la découverte et la complexité des jeux l’amour entre des jeunes gens, mais aussi les
heurts avec les parents (plus préoccupé par les jeux d’argent), ou les obstacles liés à la
présence des rivaux.
Il a tâté un peu à la tragédie : Médée (1635). Mais le genre à la mode, désormais, est la
tragi-comédie. Entre 1635 et 1636, 15 nouvelles tragi-comédies sont ont été jouées et
écrites par des auteurs connus : Scudéry, Rotrou, d’Alibray. Le Cid est créé au début du
mois de janvier 1937. Corneille a alors 31 ans. La pièce est un chef-d’œuvre et est un
succès immense et immédiat. Il obtient la reconnaissance sociale et officielle : le 27
janvier 1637, Corneille est anobli par le roi Louis XIII.
Comment expliquer ce succès ? Corneille répond admirablement bien à toutes les
exigences que comporte le genre de la tragi-comédie : caractérisé par une action
complexe, volontiers spectaculaire, elle campe traditionnellement une histoire d’amour
traversée par des obstacles qui disparaissent heureusement à la fin
2
. C’est la meilleure
réussite de la tragi-comédie.
La « querelle » du Cid
La querelle éclate en mars 1637 et officiellement se termine en décembre de la même
année. Vu le succès du Cid, Corneille demande une meilleure rétribution financière au
directeur de la troupe qui jouait Le Cid. Ce dernier refuse. Pour se « venger », Corneille
décide de faire publier son œuvre, ainsi la troupe du théâtre du Marais perdait
l’exclusivité, n’importe qui pouvait maintenant jouer la pièce.
A cette même époque, Corneille écrivait un long poème (Excuse à Ariste) il vantait son
talent. Pour rabaisser son orgueil, Mairet publie un texte dans lequel il accuse Corneille
d’avoir plagié Guillen de Castro. Scudéry publie ses Observations sur Le Cid : il démontre,
en s’appuyant sur Aristote, que la pièce « vaut rien du tout ».
L’Académie Française (créée trois plus tôt) intervient. Elle procède alors à un examen
détaillé de la pièce et publie le 20 décembre 1637 la conclusion : elle reconnait
l’originalité de Corneille (et donc son non-plagiat) mais soutient que les règles des trois
unités ainsi que la vraisemblance et les bienséances n’ont pas été respectés. L’Académie
2
COUPRIE Alain. Le Cid, Pierre Corneille. Paris, Hatier : 2005. (Profil, n°133)
française considère en définitive que Corneille doit autant son succès à son talent qu’au
hasard. Corneille ne répond rien. Le débat est clos.
Un cid légendaire
"Je suis né deux fois, la première le 4 décembre 1922, la seconde en juillet 1951,
en Avignon, où j'ai eu grâce à Jean Vilar la révélation du vrai théâtre..." Gérard Philippe
Création le 19 juillet 1949 : Cour d'Honneur du Palais des Papes (Avignon) A CHANGER
Mise en scène
Jean Vilar
Costumes
Léon Gischia
Lumières
Pierre Saveron
Direction musicale
Maurice Jarre
Interprétation
(1951)
Jean Vilar (Le Roi)
Gérard Philippe (Don Rodrigue)
Françoise Spira (Chimène)
Pierre Asso (Don Diègue)
Jean Leuvrais (Don Gomès)
Jeanne Moreau (l'infante de Castille)
Jean Negroni (Don Sanche)
Jean-Paul Moulinot (Don Alonse)
Charles Denner (Don Arias)
Monique Chaumette (Léonor)
Lucienne Le Marchand (Elvire)
André Schlesser (le page de l'infante)
Réalisation des
costumes
Henri Lebrun, Alyette Samazeuilh
Régie générale
Valentine Schlegel, Pierre Lautrec
Extrait audio (Gérard Philippe): http://www.youtube.com/watch?gl=BE&v=2aJd-e5hWUU
« La star de cinéma Gérard Philipe participe cette année doublement (aux côtés de Jeanne
Moreau) au Festival d'art dramatique d'Avignon (15-25 juillet), dans deux pièces qui jouent dans
la Cour d'honneur du Palais des Papes : Le Prince de Hombourg de Heinrich von Kleist et Le
Cid de Corneille.
La première représentation de cette deuxième œuvre a eu lieu ce soir devant un parterre noir de
monde. L'acteur, qui s'est démis le genou lors de la dernière répétition, a triomphé malgré sa
capacité de déplacement réduite. Pour Jean Vilar, fondateur il y a quatre ans de l'événement
avignonnais (sous le nom initial de "Semaine d'art"), qui lui donnait la réplique dans le rôle du roi,
son interprétation était tellement impressionnante que "personne n’osera plus monter Le
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