Thoutmès prince d`Égypte

publicité
Robert Laval
Thoutmès prince d’Égypte
2
Commencé le 3 novembre 2015 et terminé le 18 octobre
2016
Tous droits réservés
Toute reproduction interdite sans l’autorisation de
l’auteur.
2
Mes plus sincères remerciements à Nadine
Reginster, Carine Strobbe, Yves Rogister et
William Vonneche pour l’aide qu’ils m’ont
apportée lors de la relecture et leur insistance
pour que je fasse publier cet ouvrage.
2
3
42
Chapitre I
Mes jeunes années
Moi Thoutmès, Pharaon de la Haute et de la BasseÉgypte ayant atteint l’âge de 73 ans et régnant sur l’Égypte
depuis plus de 50 ans, je suis maintenant arrivé à un
moment de ma vie où le temps est venu de laisser mes
mémoires à la postérité. Rien ne me laissait entrevoir qu’un
jour je monterais sur le trône d’Égypte. Et pourtant les
circonstances et le destin furent totalement différents de ce
qu’ils auraient dû être. Je n’aurai pas raté ma vie et j’aurai
pu faire de l’Égypte un pays prospère où il fait bon vivre et
où il règne la paix la plus totale. Cela fait maintenant plus de
30 ans que nous vivons en parfaite harmonie avec les états
voisins et que les petites querelles se règlent de manière
diplomatique. J’ai pu ainsi consacrer une bonne partie de
mon règne au bien de mon peuple ainsi qu’à
l’enrichissement du pays. Même s’il m’est arrivé de devoir
prendre des décisions assez difficiles, voire parfois
dangereuses, je pense que mon passage sur le trône d’Égypte
aura été utile pour la Haute et la Basse-Égypte.
Bien avant ma naissance, l’Égypte avait dû faire face,
2
5
pendant des décennies, à des attaques venant du royaume
Hittite. Régulièrement la frontière de l’Égypte se voyait
violée par les troupes ennemies. Mon grand-père fut obligé
à plusieurs reprises de prendre les armes et d’aller en
campagne pour repousser les ennemis. Bien qu’il parvienne
à renvoyer les belligérants au-delà de la frontière cela ne les
calmaient pas. Parfois il se passait quelques mois, parfois
une année, mais à coup sûr ils tentaient d’envahir à nouveau
l’Égypte. Exaspéré par ces incursions intempestives sur son
territoire, mon grand-père, alors âgé de plus de cinquante
ans, lança la mobilisation et nomma mon père commandant
en chef de l’armée égyptienne. Il lui ordonna de partir en
campagne contre le royaume Hittite, de pénétrer en
territoire ennemi et d’aller faire le siège de leur capitale. Les
préparatifs durèrent plus de quatre mois. En effet il fallut
attendre la fin de la saison Chemou1 avant de pouvoir lancer
la campagne punitive. Mon père prit alors la tête d’une
armée se composant de 1500 chars et 5000 fantassins et
partit en direction de la frontière Hittite. Il fallut deux mois
aux troupes de mon père avant qu’elles ne pénètrent en
territoire ennemi. Ils poursuivirent la marche durant encore
quinze jours avant d’arriver aux portes d’Hattusa la capitale
du royaume.
Là, mon père se trouva face à une armée deux fois plus
importante que la sienne. Après deux jours de combats
acharnés, les troupes ennemies, ayant eu énormément de
pertes, se replièrent dans la ville. Côté troupes égyptiennes,
les pertes s’élevaient à 38 conducteurs de chars et 250
fantassins. Mon père suivit les ordres de Pharaon et entama
le siège de la capitale. Il dut attendre près de trois semaines
1
Saison Chemou – période des moissons entre le 16 mars et le 13 juillet.
62
avant qu’Hattushili Ier, le roi Hittite, fasse ouvrir les portes
de la capitale du royaume et se présente devant mon père
pour déposer les armes. Mon père accepta la reddition et fit
prisonnier trois de ses fils et deux de ses filles qu’il ramena
en Égypte. Sur place, il laissa un contingent de 500 chars et
2000 fantassins chargés d’amener en Égypte le roi Hittite
afin qu’il justifie ses actes devant Pharaon. C’est victorieux
que mon père rentra à Thèbes six mois après avoir quitté la
capitale de l’Égypte. Un mois plus tard, le restant de l’armée
égyptienne rentrait dans la capitale en compagnie du roi
Hittite et de son escorte. Il fut reçu à la cour de mon grandpère et là un traité de paix fut enfin signé. Pour sceller cette
alliance une fille de pharaon fut donnée en mariage au fils
aîné d’Hattushili Ier, tandis que le roi Hittite offrit sa fille
Ahmès-Isis en mariage à mon père. C’est ainsi que ma mère
entra à la cour d’Égypte par la grande porte.
Au décès de mon grand-père et afin de légitimer son
accès au trône, mon père dut épouser la princesse Maâtkarê,
sa sœur, qui devint ainsi la Grande Épouse Royale. De leur
union naquit en l’an 2 du règne d’Amenhotep, le prince
Ramsès, puis en l’an 5 le prince Ahmès. Enfin en l’an 9 la
reine Maâtkarê mit au monde son dernier enfant, une petite
fille qui se nomma Tétichérie. Par cette union, ma mère fut
reléguée au rang d’épouse secondaire. Mais mon père avait
une nette préférence pour ma mère et durant toute leur vie,
je puis l’affirmer, pour l’avoir vécu, qu’ils s’aimaient et qu’il
y avait une grande complicité entre eux. Je vis le jour en l’an
7 du règne de mon père. Ma petite enfance se passa
essentiellement auprès de ma mère, qui s’occupa à merveille
de moi et qui fit preuve d’une grande patience. Oui je
l’avoue, parfois j’étais un enfant très difficile et il m’arrivait
de ne pas l’écouter lorsqu’elle me parlait.
2
7
Ma mère et moi, nous occupions une aile complète du
palais royal situé à Thèbes Ouest. De notre lieu de résidence
nous pouvions voir le temple de Karnak situé de l’autre côté
du Nil. La partie qui nous était attribuée se composait de
cinq pièces pour notre usage privé et de quinze pièces pour
la vingtaine de domestiques qui étaient mis à notre
disposition. Nous avions également un jardin privé
admirablement bien fleuri et une cour ayant en son centre
un bassin d’agrément. Mon père et ma belle-mère
occupaient quant à eux l’aile de palais sise juste en face de la
nôtre. Entre les deux se trouvaient la partie centrale du
palais, se composant de la salle du trône et des bureaux de
l’administration. Des scribes, prêtres, médecins, officiers de
l’armée, et autres, travaillaient pratiquement toute la
journée. C’est là que Pharaon présidait les audiences et qu’il
prenait aussi les grandes décisions. Il était secondé par deux
vizirs ; l’un pour la Basse-Égypte, l’autre pour la HauteÉgypte.
Sauf quand il était en campagne, mon père trouvait
toujours un moment dans la journée pour passer nous voir,
ma mère et moi. Il était toujours d’une grande douceur et
d’une extrême gentillesse avec nous. Combien de fois ne
m’avait-il pas pris sur ses genoux ou avait consacré du
précieux temps pour jouer avec moi ? Le voir arriver était
toujours un immense plaisir pour ma mère comme pour
moi. Pharaon, oui, il l’était, mais père de famille il l’était
encore plus. De temps à autre il venait me chercher et avec
son escorte nous partions faire une balade dans les rues de
Thèbes. J’étais ébahi quant au passage de nos chars, la
population se prosternait devant leur souverain. Dès notre
retour au palais, ce n’était pas un homme de la garde qui me
raccompagnait chez ma mère, non jamais, c’était mon père
82
lui-même qui me ramenait et il profitait encore pour rester
un bon moment à parler avec ma mère, pendant que je
jouais dans la cour. Quand il était temps de regagner ses
appartements, c’était toujours chez moi qu’il terminait la
visite.
Je me rappelle aussi que régulièrement il venait nous
voir en fin de journée et qu’il restait avec nous jusqu’au
lendemain matin. Ce soir-là, c’est lui qui me conduisait au
lit et qui restait avec moi jusqu’à ce que je m’endorme. Il est
vrai que les enfants sont assez curieux de nature et un jour
alors que j’atteignais l’âge de six ans, je lui posai la question :
– « Père, pourquoi passes-tu parfois la nuit ici avec
nous ? »
– « Ah mon fils, il faut de temps à autre que je fasse
plaisir à ta maman. Dors maintenant. »
Il se leva, me regarda tout en me souriant et quitta ma
chambre. Il est vrai que je ne voyais pas ce qu’il avait voulu
dire et ce n’est que bien des années plus tard que je compris
enfin ce dont il voulait parler.
À l’âge de six ans je commençai mon écolage. Je me
rendis tous les jours dans une salle située dans la partie
centrale du palais où je retrouvais mes demi-frères Ramsès
et Ahmès. Là, tous les matins, un scribe m’enseignait la
lecture et l’écriture hiéroglyphique et hiératique. Vu notre
différence d’âge, mes frères avaient de l’avance sur moi.
Mais il fallait bien un début à tout. Ils furent tous les deux
très gentils avec moi et nous nous entendions
merveilleusement bien. Les après-midi étaient consacrés à
la religion, aux sciences, à la politique et aussi à l’entretien
de la forme physique.
À l’âge de neuf ans je commençai mon entraînement
militaire. Manipulation des différentes armes : lance,
2
9
javelot, bâton de jet, hache-masse, brise-épée, khépesh2, arc
simple, hache de guerre, épée, arc composite d’origine
hittite et aussi à l’utilisation des chars. C’est un capitaine de
la garde royale qui nous enseigna le maniement des armes
tandis que le Général Horemheb, attaché à la garde
rapprochée de Pharaon, nous enseigna la stratégie militaire.
Dès lors, mes journées complètes étaient consacrées à mon
éducation et par conséquent je passais beaucoup moins de
temps avec ma mère. Je ne la voyais plus que le matin avant
d’aller suivre les cours et en fin d’après-midi quand je
revenais des cours. Là encore mon père passait presque tous
les jours afin de nous voir et s’intéressait énormément à mes
progrès. Je progressais très vite et en trois ans il ne faisait
plus aucun doute que j’étais devenu excellent au maniement
des chars.
À mon douzième anniversaire, ma mère et moi eûmes
la visite d’un officier de la garde de Pharaon. Il s’inclina
devant nous et dit :
– « Votre Altesse, ma Reine, Pharaon vous réclame
dans la salle du trône. »
Nous le suivîmes et ce fut la première fois que je
pénétrai dans la salle du trône : une salle immense toute
décorée de peintures murales plus belles les unes que les
autres. Nous pénétrâmes par la grande porte et je vis mon
père assis sur son trône entièrement recouvert d’or, sa tête
ceinte du pschent3, le sceptre à la main droite, symbole de sa
2
Sabre courbé. L’arme est en bronze et la moitié de la lame est recourbée
en demi-cercle.
3
Le pschent est la double couronne, composée de la couronne blanche et
de la couronne rouge. Sur la face avant sont représentés la Déesse cobra
Ouadjet (Basse-Égypte) et la Déesse vautour Nekhbet (Haute-Égypte).
Elles symbolisaient le pouvoir du Pharaon.
10
2
puissance et le fléau dans sa main gauche, symbole de sa
souveraineté. À sa droite assise sur un trône tout aussi
rutilant je pus voir enfin la reine Maâtkarê. Elle portait une
longue robe d’un blanc immaculé, une longue chevelure
noire retombant sur sa poitrine et des yeux magnifiquement
maquillés. Sur la tête elle portait une couronne en or ornée
de lapis-lazulis. Quand elle remarqua que je la regardais, elle
me fit un beau sourire ainsi qu’un petit clin d’œil.
Arrivée devant Pharaon, ma mère inclina la tête en
avant tout en levant les bras au-dessus de celle-ci. De mon
côté je posai le genou droit à terre, j’inclinai la tête, je mis
ma main droite sur le cœur et levai l’autre main en signe de
salut. Comme on me l’avait enseigné durant mon écolage, je
devais rester dans cette position, ne pas dire le moindre mot
et attendre le bon vouloir de Pharaon. S’il est vrai qu’en tant
que père il était très accessible et très paternel, ici devant la
cour, je ne me retrouvais plus devant mon père, mais bel et
bien devant mon souverain considéré par tous comme un
Dieu vivant4. Pharaon agita son fléau et c’est à ce momentlà que le Grand Vizir prononça les mots :
– « Relevez-vous. Pharaon, Dieu vivant sur terre, va
parler. »
Je me relevai tandis que ma mère se redressa. Toujours
debout devant les souverains régnants, je constatai que les
hauts dignitaires égyptiens étaient présents dans la salle :
Vizirs, Grands Prêtres, Généraux, etc. Je reconnus mes deux
demi-frères revêtus de leurs uniformes de capitaine de
l’armée égyptienne. Pour la première fois je vis, à leurs côtés,
la princesse Tétichérie, ma demi-sœur âgée de dix ans.
4
Pharaon est le faucon Horus sur le trône des vivants, dieu puissant et
jeune. Pharaon est aussi le fils de Rê et le fils d’Amon.
2
11
Pharaon se leva faisant toujours face à l’assemblée.
Majestueusement tout en gardant un regard fixe et sévère, il
scruta l’assemblée présente, puis posant son regard sur moi,
il dit :
– « Thoutmès, prince d’Égypte, en ce jour de ton
douzième anniversaire, moi Amenhotep, Pharaon de la
Haute et de la Basse-Égypte, souverain des deux terres, Dieu
vivant, fils d’Horus, je te nomme au grade de capitaine des
chars de Thèbes. Dès ce jour tu entres dans le monde des
adultes et tu quitteras le palais d’Ahmès-Isis, ta mère, afin
d’aller t’installer dans tes appartements situés dans la partie
sud du palais. À ta disposition tu auras dix domestiques qui
te serviront à toutes heures du jour ou de la nuit. Ainsi en
ai-je décidé. Que ma volonté soit actée. »
Une fois son plaidoyer terminé, il se rassit sur le trône.
Les princes Ramsès et Ahmès accompagnés du général
Horemheb s’approchèrent de moi et me revêtirent de mes
habits d’officier de l’armée égyptienne. Armure, épée, arc,
carquois de flèches et sur la tête ils me posèrent le khépresh5.
Puis tout en ajustant mon pectoral, le prince Ramsès me dit
à voix basse :
– « Bienvenue dans la garde de Pharaon, mon frère. »
Pour finir, le général Horemheb me remit un rouleau
de papyrus scellé par le sceau de Pharaon. Mon père agita
délicatement son fléau ce qui provoqua la réaction du
Grand Vizir qui dit :
– « Pharaon lève la séance. Prosternez-vous devant le
Dieu vivant. »
Tous les convives se prosternèrent tandis que Pharaon
5
Le khépresh est une couronne de victoire de couleur bleue (parfois
noire) en forme de bulbe souvent constellée de pois jaunes (ou blancs).
12
2
se leva et quitta la salle du trône, suivi par la reine. Puis nous
nous relevâmes et tout le monde retourna à ses occupations.
Je sortis avec ma mère de la salle du trône. Arrivés dans la
grande cour du palais, ma mère me prit dans ses bras et
m’embrassa sur la joue. Puis me caressant le visage elle me
dit :
– « Prend bien soin de toi mon enfant. Maintenant tu
es un homme. »
– « Mère j’espère que nous pourrons encore nous
voir. »
– « Mais bien entendu mon fils. Je viendrai te rendre
visite et de ton côté tu pourras venir me voir quand tu le
souhaiteras. »
Tandis que ma mère partit de son côté, les princes
Ramsès et Ahmès, qui nous avaient suivis, me conduisirent
vers ma nouvelle demeure. Ils firent avec moi le tour du
propriétaire et me firent visiter mes appartements de fond
en comble. Je disposais de cinq pièces pour mon usage
personnel. Une salle de séjour, une chambre à coucher, une
salle d’eau, un bureau, une salle d’arme comprenant un
exemplaire de chacune des armes disponibles dans l’armée
égyptienne. De quoi m’entraîner quand j’en éprouvais le
désir. Les quinze autres pièces de mon palais étaient, quant
à elles, destinées au personnel mis à ma disposition. Le
personnel de maintenance se composait de trois hommes
pour les tâches pénibles et de six femmes pour répondre à
toutes mes attentes. Un scribe nommé Imhotep avait été
désigné pour me servir de secrétaire. Après avoir terminé le
tour du propriétaire et les présentations aux membres de
mon personnel, mes deux demi-frères prirent congé et
retournèrent à leurs occupations.
Dès que je fus seul, je m’assis à mon bureau et j’ouvris
2
13
le papyrus qui m’avait été remis. Celui-ci concernait ma
nomination au grade de capitaine et ainsi je pus savoir que
j’allais commander une compagnie se composant de deux
cent cinquante chars. Ma mission principale était de faire
régulièrement des patrouilles dans la Vallée des Rois afin de
surveiller les tombes des Pharaons décédés et poursuivre le
cas échéant, les pilleurs pris la main dans le sac. Je finissais
à peine la lecture de mes ordres, que mon secrétaire entra
précipitamment dans mon bureau et dit :
– « Votre Altesse, Pharaon arrive. »
J’eus à peine le temps de me lever et de venir me placer
devant mon bureau que mon père entrait déjà dans la pièce.
Je me remis comme le matin un genou à terre et le saluai
ainsi. Il s’approcha de moi, prit la main que je tendais vers
lui, en signe de salut, et la tira pour que je me relève. Ce que
je fis directement.
Mon père fit alors un signe de la main à mon secrétaire
afin qu’il nous laissa seul. Quand nous nous retrouvâmes en
tête-à-tête, il me regarda non plus avec les yeux d’un roi,
mais avec des yeux d’un père. Il me fit en large sourire puis
il me prit dans ses bras et durant notre enlacement, il me
dit :
– « Thoutmès, mon fils bien aimé, je te dispense de
révérence lorsque nous nous noyons et que nous ne sommes
pas dans la salle du trône. Ici je ne suis pas ton Pharaon, ni
ton souverain, mais ton père qui t’aime. »
– « Oui père. Merci pour la confiance que tu
m’accordes en me donnant une fonction dans ton armée. »
– « Tu le mérites mon fils. À toi maintenant de
persévérer et d’acquérir de l’expérience sur le terrain. »
Relâchant son étreinte, il m’invita à m’asseoir, prit un
siège, le plaça en face de moi et s’y assit également. Là, face14
2
à-face, il me fit les plus grandes confidences qu’un père
puisse faire à son fils.
– « Thoutmès, tu n’es pas sans savoir que dans la lignée
de succession au trône d’Égypte tu occupes la troisième
place. C’est bien dommage, mais je ne peux rien y changer
et ce malgré le fait que j’ai le pouvoir absolu sur l’Égypte.
Mais je veux que tu saches que j’aime ta mère par-dessus
tout et que de tous mes enfants tu es celui que je préfère et
que j’aime le plus. Malheureusement, afin de légitimer mon
accession sur le trône, j’ai été dans l’obligation d’épouser ma
demi-sœur et de reléguer ta maman au rang d’épouse
secondaire. Voilà donc la raison pour laquelle depuis ta
naissance je viens vous voir, toi et ta maman, chaque jour.
Maintenant que vous vivez dans des palais séparés, je
poursuivrai mes visites privées chez chacun de vous afin que
nos liens familiaux perdurent comme par le passé. »
– « Je serai toujours ravi de vous voir père et pour ma
part je compte bien rendre visite à mère le plus souvent
possible. »
– « Oui mon fils, ne l’abandonne pas. Ta mère est une
femme merveilleuse et sache qu’elle t’adore aussi. »
Il se leva, me donna une tape sur l’épaule puis quitta
mon lieu de résidence.
Je me retrouvai dès lors seul dans mon bureau. Je
commençai par regarder les peintures qui ornaient les
quatre murs et les statues qui se trouvaient de chaque côté
de la porte. L’une d’elle représentait le dieu Râ et l’autre le
dieu Horus. Un grand rouleau de papyrus se trouvait sur le
coin de mon bureau. Je l’attrapai et le déroulai. Il
représentait la carte de la Vallées de Rois et indiquait les
endroits de toutes les tombes existantes. Désireux de
remplir ma première mission, je me levai et je sortis de mon
2
15
bureau. Je me rendis à l’écurie où je demandai que l’on me
prépare mon char. Puis je quittai le palais et me dirigeai vers
la charrerie sise 550 coudées6 plus loin. Arrivé sur place, je
rentrai dans la salle d’arme et je me trouvai face aux
hommes à l’entraînement. Quand ils me virent, ils
s’arrêtèrent et me saluèrent. Puis sans doute le plus haut
gradé s’avança vers moi et me dit :
– « Je suis Pentamou, chef de char à votre service Votre
Altesse. »
– « Je suis ravi de faire votre connaissance Pentamou.
Vos hommes sont-ils prêts pour partir en mission ? »
– « Nous sommes tous à vos ordres Votre Altesse.
Commandez et nous vous suivrons. »
– « Alors préparez vos chars, nous partons faire une
patrouille dans la Vallée des Rois. »
– « À vos ordres Votre Altesse… Allez tout le monde à
vos chars nous partons immédiatement. »
Tous les hommes endossèrent immédiatement leurs
armures et prirent leurs armes puis se dirigèrent en courant
vers les chars. Pendant qu’ils se préparaient je regagnai mon
char et le dirigeai déjà vers la porte de sortie. Je ne dû pas
attendre longtemps avant de voir les premiers équipages me
rejoindre et se placer derrière mon attelage. Dès que la
compagnie fut au complet je donnai l’ordre de départ. Sortie
de l’enceinte de la caserne, la compagnie se plaça en deux
colonnes derrière moi. Nous avançâmes à pas rapides
jusqu’à l’entrée de la vallée. Là, je fis signe d’arrêter notre
progression. Pentamou vint à ma hauteur et je lui dis :
6
La coudée unité de longueur utilisée par les égyptiens. Elle a comme base
la longueur allant du coude jusqu’à l’extrémité du majeur. Elle
correspond à environ 45 cm.
16
2
– « Prends la moitié de la compagnie et part en
patrouille en te déployant vers la droite de la vallée, moi je
prends l’autre moitié et je pars vers la gauche. Nous nous
rejoindrons au milieu. »
– « À vos ordres Votre Altesse. »
Il retourna et ordonna à son groupe de le suivre. Au
même instant je fis de même avec le mien. Nous nous
lançâmes au galop, chacun dans notre direction. Arrivé
quasi au fond de la vallée je vis une personne entrer dans
une tombe. J’arrêtai immédiatement mon char et en
compagnie de dix hommes je pénétrai, khépesh à la main,
dans le tombeau. Dans la première salle nous vîmes une
dizaine de personnes travaillant à la décoration murale. Le
responsable s’avança vers moi et après m’avoir salué, il me
dit :
– « Que me vaut l’honneur de la visite de Votre
Altesse ? »
– « J’ai vu entrer une personne dans la tombe et j’ai cru
qu’il s’agissait d’un pilleur. »
– « Non, Votre Altesse. Ici il n’y a que des ouvriers qui
sont chargés de préparer la tombe destinée à Pharaon. »
– « Parfait, je vous laisse travailler. »
– « Merci Votre Altesse. »
Il me salua une nouvelle fois, puis nous sortîmes de
l’hypogée que mon père destinait à son repos éternel. Nous
remontâmes sur nos chars et poursuivîmes notre patrouille.
Sur le point de rejoindre l’autre groupe de char, nous vîmes
un individu tenter de nous échapper. Quand il nous vit
arriver face à lui, il bifurqua sur la gauche et grimpa dans la
montagne. Là nous étions totalement impuissants pour le
poursuivre. Un peu frustrés de devoir le laisser s’échapper,
nous poursuivîmes notre route et rentrâmes à la caserne.
2
17
Je pris la direction de mon palais et ramenai mon
attelage à l’écurie. La première chose que je fis en rentrant
chez moi fut d’enlever de mon armure et de mes armes et
d’aller me rafraîchir dans la salle d’eau. Débarrassé de la
sueur et du sable, je regagnai mon bureau où je commençai
à réfléchir à un moyen plus efficace pour attraper les pilleurs
de tombes. Les chars, bien que rapides, étaient totalement
inopérant quand il s’agissait de poursuivre quelqu’un dans
les hauteurs de la Vallée des Rois. Je pris un papyrus vierge
et je commençai par rédiger un rapport sur la patrouille du
jour et y inclus des idées afin d’améliorer l’efficacité de celleci. Alors que je finissais mon rapport, mon attention fut
attirée par un mouvement à la porte d’entrée de mon
bureau. Je vis entrer une belle jeune femme portant un
plateau avec des aliments et des boissons. Elle le déposa sur
le coin de mon bureau. Je la regardai et entamai la
conversation.
– « Merci c’est une excellente idée. »
– « À votre service Votre Altesse. »
– « Comment t’appelles-tu ? »
– « Néférourê, à votre service Votre Altesse. »
– « Quel âge as-tu, Néférourê ? »
– « Seize ans Votre Altesse. »
– « Quelle est ta fonction ici dans mon palais. »
– « Je suis votre servante, Votre Altesse. »
– « Fort bien. À partir de ce jour tu es à mon unique
service. Plus aucune autre tâche ne doit t’être donnée. »
– « Merci pour l’honneur que me fait Votre Altesse. »
Je pris un papyrus et y indiquai mes ordres concernant
le nouveau statut de la jeune Néférourê. J’appelai ensuite
mon secrétaire et lui remis le document. Il le lut puis
répliqua :
18
2
– « Je transmets les ordres de Votre Altesse
immédiatement. »
Il sortit du bureau tandis que Néférourê prit le pichet
de boisson et me servit un gobelet. Puis elle me tendit le
récipient. Je l’acceptai et bus une bonne rasade. Ensuite elle
me salua et à reculons, elle se dirigea vers la porte de sortie.
En fin de journée j’eus l’agréable surprise de voir
débarquer chez moi Pharaon et la Grande Épouse Royale.
Comme mon père n’était pas seul, je me prosternai devant
mes souverains. Là, c’est Maâtkarê qui m’invita à me relever
en prenant mes mains dans les siennes et en me disant :
– « Relève-toi Thoutmès et considère-moi, peut-être
pas comme ta mère, mais comme une amie, une confidente,
une sœur. Tu es le fils de mon époux et de par ta filiation je
te considère aussi comme un membre proche de la famille. »
– « Merci Maâtkarê, ma Reine. »
– « Viens allons dehors, nous avons ton père et moi une
surprise pour toi. »
Arrivé devant l’entrée de ma résidence je me trouvai
devant un char flambant neuf recouvert d’une couche
d’électrum7 et garni de figures divines dorées. Je ne su quoi
dire devant une telle beauté. Pharaon posa alors sa main sur
mon épaule et me demanda :
– « Alors mon fils, il te plaît ? »
– « Il est superbe, merci beaucoup père, je ne sais pas si
j’en suis digne. »
– « Oui, tu l’es Thoutmès et Pharaon et moi-même
sommes fiers de te l’offrir. »
Après avoir en fait le tour, nous rentrâmes dans ma
résidence et allâmes nous installer dans la salle de séjour.
7
2
Alliage naturel d’or et d’argent.
19
Assis confortablement sur nos sièges, Néférourê nous amena
des boissons et un plateau de fruits avant de nous quitter tout
en me regardant droit dans les yeux et pour la première fois
un sourire illuminait son visage. Pharaon me demanda
comme s’était passée ma journée et je lui expliquai le
déroulement de ma première patrouille dans la Vallée de
Rois. Puis, suite à ce qu’il s’était passé et à l’impossibilité
d’interpeller d’un des fuyards, je lui proposai une solution.
– « Ah je vois que tu prends ton travail
consciencieusement. Alors dis-moi ce que tu aurais à
proposer comme solution ? »
– « Alors voilà la tactique que j’aimerais essayer. Outre
le conducteur de char, qui est trop occupé quand il conduit
son attelage et ne peux donc pas intervenir, ce serait bien
qu’il soit accompagné d’un archer. Le char ayant un
conducteur, l’archer aurait toute liberté de décocher ses
flèches vers le fuyard. »
Après mon explication, je vis le visage de Pharaon très
songeur. Il passa sa main sur son menton à plusieurs
reprises ce qui démontrait qu’il était en train de réfléchir.
Maâtkarê me fit un sourire et un clin d’œil tout en me
faisant un signe oui de la tête. Je compris par-là que ma
proposition était en bonne voie d’acceptation. Après un
temps de réflexion, il me regarda, me sourit et me dit :
– « Mon fils, je trouve ton idée excellente. Je donne
immédiatement les ordres pour que dès demain une
compagnie de cinquante archers soit mise à ta disposition.
Si d’ici un mois tes essais s’avèrent concluants, nous
instaurerons cela pour toutes les compagnies de chars du
royaume. »
– « Merci père. J’espère sincèrement que cela
fonctionnera. »
20
2
Téléchargement