Développement, Environnement et Santé 11ème Colloque International du 12 au 16 à Bamako, Mali Médecine Traditionnelle et sauvegarde de Biodiversité Dr Rokia Sanogo Maître assistante en Pharmacognosie, Faculté de Médecine de Pharmacie et d’Odonto-Stomatologie, Université de Bamako Adresse postale: DMT- B.P. 1746 Bamako – Mali E-mail: [email protected], [email protected] I. Introduction En Afrique, la Médecine Traditionnelle, au-delà des seuls problèmes de santé, constitue une composante très importante du patrimoine culturel vivant. Elle participe à la culture aux traditions locales, aux connaissances et aptitudes collectives, aux sentiments et aux certitudes populaires. I. Introduction (suite) La MT concerne des modèles traditionnels de santé et de maladie, la conception de la vie et de la mort, l’interprétation de la réalité physique et métaphysique, la lecture des expériences quotidiennes, l’identification des causes et des symptômes du déséquilibre physique, mental, social, moral et spirituel qui affecte l’individu et la société. I.Introduction (suite) En Afrique, ce patrimoine culturel est très riche et diversifié chaque collectivité humaine établie sur un terroir a une MT spécifique aux appartenances ethniques, à l’histoire, à la cosmogonie, à l’écosystème, aux relations tissées avec d’autres communautés; culture individuelle et collective, livrée à l’oralité, confiée parfois à la mémoire des "trésors vivants". La formation en MT passe par: initiation, analogie, observation, sagesse, maîtrise de soi, autorisation, transmission… II. Définitions La Médecine Traditionnelle: Connaissances et pratiques explicables ou non, transmises de génération en génération, oralement… Le Thérapeute Traditionnel: Personne reconnue par la collectivité compétente pour dispenser les soins de santé, utilise des méthodes, basées sur le fondement socioculturel… L’Herboriste Traditionnel: Personne qui détient des connaissances sur les plantes médicinales . Mamadou Diarra, Herboriste au Marché de Médine III. Motivations de la valorisation de la MT Les pratiques de la MT en Afrique bien avant de l’arrivée de la médecine occidentale. La MT réservoir de connaissances peu exploité. La MT possibilités de traitements efficaces et accessibles La MT constitue un héritage culturel national La MT s’occupe du malade en tenant compte de sa réalité socioculturelle et non pas seulement la maladie. III. Motivations de la valorisation de la MT (Suite) Accessibilité de la Médecine Traditionnelle. En Afrique au sud du Sahara, 100 TT contre 1 agent de la MM 1 TT pour 500 habitants contre ¾1 médecin pour 20 955 habitants. ¾1 infirmier pour 5 650 habitants. ¾1 sage-femme pour 22 662 habitants. III. Motivations de la valorisation de la MT (Suite) •Disponibilité des médicaments traditionnels. En Afrique, des matières premières abondantes et à bon marché. En 1998, selon « Faire Reculer le Paludisme », plus de 60% des enfants avec une forte fièvre, ont été traités à domicile à l’aide de médicaments à base de plantes au Ghana, au Mali, au Nigeria et en Zambie III. Motivations de la valorisation de la MT (Suite) Santé publique Collaboration organisée, efficace et paritaire Briser les barrières d’ordre socioculturel, Approche pragmatique Mécanisme de référence réciproque des cas critiques (paludisme; AT et urgences obstétricales). Il ne faut pas cependant transformer les détenteurs du savoir traditionnel en agents de santé moderne. IV. Messages de la nature. Pour reconnaitre ces plantes la nature donne des messages. A chaque mal, correspond dans la même nature un remède marqué par un signe distinctif pour que l’homme puisse le reconnaître. Ainsi l’aspect, la forme et la couleur des plantes ont toujours donné aux hommes des indications pour leur utilisation en thérapeutique. Paracelse, Théorie des signatures V. Messages des hommes. Les noms donnés à certaines plantes évoquent leurs vertus thérapeutiques. C’est sans doute une bonne manière de transmission du savoir sur les plantes médicinales de génération en génération: Bojara : (faire sécher les selles - antidiarrhéique) Demba sin ji : (Lait de la femme allaitante - galactogène) Joli segi : (faire revenir le sang - antianémique) Ntefa miseni : (ne se rassasit pas – apetissant) VI. Utilisation des Plantes L’art de guérir par les plantes est connu et pratiqué en Afrique depuis bien longtemps, car il exploite des savoirs transmis oralement de génération en génération à certaines catégories d'individus initiés que sont les tradipraticiens de santé et les herboristes. VI. Utilisation des Plantes (suite) ... Et ces plantes, on ne les cherche pas, il y en a partout. Il suffit de tendre la main pour les cueillir. Aussi quel est notre étonnement toutes les fois que nous entendons dire: “Tel médicament manque”, alors que la plupart du temps, le remède dont l’absence est déploré, est dans la cour du dispensaire ou de l’hôpital. DOMINIQUE TRAORE - MEDECINE ET MAGIE AFRICAINES OU COMMENT LE NOIR SE SOIGNE-T-IL? VI. Utilisation des Plantes (suite) La grande majorité des traitements prescrits par les acteurs de la MT sont à base de plantes médicinales. a) Utilisation traditionnelle des plantes En milieu rural, le tradipraticien de santé récoltait ou faisait récolter les plantes médicinales pour chaque traitement en fonction du patient avec les rituels bien précis: ¾Respect de la plante ¾Quantité limitée ¾Utilisation immédiate ¾Pas de problèmes de conservation b) Utilisation urbaine des plantes Aujourd’hui, malgré l’urbanisation, les populations continuent à se soigner avec les plantes. On est cependant passé d’une utilisation personnalisée à un système d’approvisionnement basé sur le marché: ¾Non respect des plantes ¾Exploitation excessive ¾Récolte abusive ¾Problème de conservation ¾Gaspillage VII. Production de phytomédicaments Les plantes africaines apportent beaucoup à la pharmacopée moderne et participent au développement socio-sanitaire et économique. Acacia senegal (Mimosaceae), Adansonia digitata (Bombacaeae) Vitellaria paradoxa (Sapotaceae), Cassia acutifolia, Cassia italica (Cesalpiniaceae), Combretum micranthum, (Combretaceae), Kigelia Pteleopsis africana Curculigo pilosa (Hypoxidaceae), etc. suberosa (Bignoniaceae), VII. Production de phytomédicaments (suite) Les plantes médicinales sont employées comme source de principes actifs très précieux et largement utilisés. 1. En 1986, environ 119 substances chimiques obtenues à partir de 91 espèces végétales étaient utilisées comme des médicaments importants dans 62 classes thérapeutiques (Farsworth et al. 1986, Place des plantes médicinales dans la thérapeutique, Bulletin de l’OMS). 2. En 1995, sur les 25 produits pharmaceutiques les mieux vendus dans le monde, 12 étaient d’origine naturelle (Baker et all., 1995). VII. Production de phytomédicaments (suite) Les plantes médicinales constituent aussi une source importante de nouvelles molécules pour l’industrie pharmaceutique. En 1999, environ 139 000 métabolites secondaires ont été recensés dans le Dictionnaire des Produits Naturels et environ 4000 nouvelles molécules sont recensées chaque année. (Verpoorte, R. «Pharmacognosy in New Millennium Leadfinding and biotechnology » paru dans en 1999 dans Journal Pharmacy and Pharmacology). VII. Production de phytomédicaments (suite) L’usage millénaire de certaines plantes par les populations africaines est généralement confirmé par les résultats de recherches scientifiques. C’est pour cela que l’OMS propose un protocole allégé pour la production de préparations galéniques à base de plantes de la Pharmacopée Traditionnelle, efficaces et sans danger pour faire face aux priorités locales. VIII. Du savoir traditionnel aux phytomédicaments 1. Recueil des informations fiables auprès des détenteurs du savoir traditionnel (Respect des droits de propriété intelllectuelle); 2. Enquêtes ethnobotaniques et récolte de plantes médicinales; 3. Recherches bibliographiques; 4. Etudes botaniques, chimiques, toxicologiques des plantes médicinales; pharmacologiques, 5. Dosage et formulation galénique; 6. Essais cliniques; 7. Constitution de dossiers pour l’autorisation de mise sur le marché. BALEMBO MTA du DMT EFFICACITE DEMONTREE TOXICITE CONNUE BONNE PRESENTATION DOSAGE PRECIS MARQUEURS CHIMIQUES CONTRÔLE DE QUALITE PRIX ACCESSIBLE IX. Importance économique des plantes médicinales Le marché mondial de médicaments traditionnels à base de plantes est actuellement estimé à 60 milliards de $US. (Stratégie de l’OMS pour la Médecine Traditionnelle 2002-2005) X. Production industrielle des médicaments à base de plantes Au Mali, les peuplements naturels constituent la source principale de plantes médicinales. La production à grande échelle des médicaments à base de plantes est aujourd’hui une alternative obligée pour répondre aux besoins de soins de santé des populations au Mali et ailleurs. Cette production pourrait entraîner l’exploitation intempestive de proportions importantes de l’espace naturel avec la perspective d’un épuisement des plantes médicinales. XI. Médicaments à base de plantes et biodiversité. Les résultats d’une étude menée par le DMT sur «Plantes médicinales vendues sur les marchés de Bamako et la conservation de la biodiversité» montrent que la rareté des plantes médicinales dans la nature et la disparition de certaines sont parmi les principales causes des ruptures de stock des plantes médicinales chez les herboristes de Bamako. 30 % des plantes rares sont celles utilisées contre les pathologies fréquentes comme les «Sumaya» et le paludisme. XI. Médicaments biodiversité (suite) à base de plantes et De nombreuses expériences de formation et d’organisation ont été menées pour répondre à ces exigences et pour une exploitation durable des plantes médicinales Actuellement des expériences de protection et réintroduction de plantes médicinales en voie de disparition sont en cours à travers le Mali avec l’implication des TT. Formation sur la biodiversité à Kεnεya Iriwa Ton (Bamako) XI. Médicaments à base de plantes et biodiversité (suite) Les tradipraticiens de santé s’approprient de plus en plus de la préoccupation de la sauvegarde des espèces médicinales: des activités de protection et réintroduction de plantes médicinales en voie de disparition sont en cours à travers le pays. Certains partenaires techniques et financiers appuient les populations, les tradipraticiens de santé, les herboristes pour augmenter la disponibilité des plantes médicinales tout en diminuant la pression sur la biodiversité. Formation des Thérapeutes à la culture des plantes médicinales Bandiagara Pépiniériste spécialiste en plantes médicinales Koutiala XII. Conclusion La MT est un grand atout pour un meilleur avenir dans le développement socio-sanitaire et économique. Pour cela il faut entre autres : Renforcer la collaboration entre MT et MM dans les soins de santé. Organiser la production à grande échelle de médicaments à base de plantes. Renforcer la recherche de nouveaux MTA pour la prise en charge des pathologies prévalentes. Réfléchir à la protection de la propriété intellectuelle individuelle et collective des détenteurs des savoirs traditionnels. Assurer la protection des sites de peuplements naturels des plantes médicinales ; Promouvoir la domestication et la culture des espèces médicinales. XII. Conclusion (Suite) La valorisation des ressources de la MT offre plusieurs avantages significatifs: Validation des connaissances ancestrales, élément du patrimoine culturel national; Accessibilité de la population aux soins de santé; Disponibilité des MTA sûrs à un prix accessible; Limitation d’importation des médicaments modernes Création d’emplois à plusieurs niveaux ; Protection biodiversité. de l’environnement naturel et de Ainsi la MT peut apporter sa contribution de taille au développement humain durable. la Merci de votre attention !