Utilisation de succédanés salivaires chez les patients souffrant de

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en œuvre pour le traitement de certaines tumeurs de la sphère
cervico-faciale entraînent en général une sécheresse buccale
marquée (GUCHELAAR et coll. 1997). Pour les patients hospitali-
sés sous traitement palliatif, la littérature fait état d’une préva-
lence de xérostomie de 77%. Dans un groupe mixte de patients,
soignés en ambulatoire et hospitalisés, quelque 30% ont indi-
qué souffrir d’une hyposialie ressentie subjectivement (DAVIES
1997b).
Chez les patients subissant une radiothérapie de la sphère cer-
vico-faciale, le flux salivaire stimulé, dont la valeur normale est
Utilisation de
succédanés
salivaires chez les
patients souffrant
de xérostomie
Hendrik Meyer-Lueckel, Andrej M. Kielbassa
Polyclinique de restaurations dentaires et de parodontologie
(Directeur: Prof. DrA. Kielbassa) des Cliniques universitaires
de médecine dentaire, Freie Universität Berlin
Mots clés: Xérostomie, succédanés salivaires, salive,
solutions de rinçages buccaux, déminéralisation,
reminéralisation, viscosité
Adresse pour la correspondance:
DrHendrik Meyer-Lueckel
Poliklinik und Klinik für Zahnerhaltungskunde
und Parodontologie
Universitätsklinik für Zahn-, Mund- und Kieferheilkunde
Freie Universität Berlin
Assmannshauserstr. 4–6
14197 Berlin
Tél. 030-8445 6106, fax 030-8445 6204
Traduction française de Thomas Vauthier
(Illustrations et bibliographie voir texte allemand, page 1037)
1Introduction
Par le terme de «xérostomie» on entend par définition un état
de sécheresse de la cavité buccale et des lèvres ressenti de façon
subjective par le patient. La xérostomie peut se manifester en
tant que symptôme de différentes maladies systémiques (par
exemple diabète, syndrome de Sjögren et autres), ou en tant
qu’effet secondaire de plus de 400 médicaments (par exemple
substances psychopharmacologies, anticholinergiques, etc.)
(SREEBNY & SCHWARTZ 1986). De plus, les radiothérapies mises
Il existe un certain nombre
de produits succédanés de
la salive destinés au traite-
ment symptomatique en
cas de xérostomie mar-
quée. Toutefois, la littéra-
ture disponible ne fait état
que d’un nombre restreint
d’études contrôlées et ran-
domisées concernant l’amé-
lioration subjective de la sé-
cheresse buccale par ces
préparations. En outre, il
semblerait que les proprié-
tés rhéologiques, telles que
la viscosité et le pouvoir
mouillant des épaississants
contenus dans ces produits,
jouent un rôle considérable
dans l’acceptation clinique
des salives artificielles. De
plus, selon la composition
du succédané salivaire, ce-
lui-ci est susceptible d’exer-
cer une influence non négli-
geable de déminéralisation
des tissus dentaires durs.
En revanche, un succédané
idéal de la salive devrait
être doté d’un pouvoir de
stimulation de la reminérali-
sation de la dentine et de
l’émail, se caractériser par
de bonnes propriétés visco-
élastiques et soulager les
symptômes de la sécheres-
se buccale durant un laps
de temps prolongé.
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de 1 à 3 ml/min, se réduit dès la première semaine à des va-
leurs inférieures à 0,5 ml/min. Par la suite, le flux salivaire sti-
mulé peut même chuter à quelque 5% de la valeur au début de
la radiothérapie. La salive devient dès lors très visqueuse et
prend un aspect blanchâtre, jaunâtre ou brunâtre (fig. 1). Le
pH, initialement aux alentours de 6,8, tombe à des valeurs in-
férieures à 5,0. De plus, en raison de la diminution de la
concentration totale en bicarbonate, le pouvoir tampon de la
salive diminue également (BEN-ARYEH et coll. 1975, DREIZEN et
coll. 1976).
Les patients atteints de xérostomie souffrent de gerçures et de
rhagades des muqueuses buccales et des lèvres; ils se plaignent
de troubles du sens gustatif, de même que de limitations des
fonctions buccales et ils présentent des difficultés lors de la
mastication, de la déglutition et de l’élocution. En particulier
durant la nuit, les symptômes évoqués représentent des en-
traves majeures à la qualité de vie des patients (SREENBY 1989,
VAN DER REJDEN et coll. 1999). Chez les patients subissant ou
ayant subi une radiothérapie, la fonction d’autonettoyage de la
cavité est d’une part réduite en raison de l’épaississement de la
consistance de la salive; d’autre part, la survenue d’une mucosi-
te touchant les domaines de la cavité buccale et du pharynx au
cours de la radiothérapie ne permet dans bien des cas qu’une
hygiène bucco-dentaire insuffisante. En outre, la limitation des
fonctions masticatrices en raison des séquelles chirurgicales,
ainsi que des altérations inflammatoires et douloureuses des
muqueuses buccales entraînent chez de nombreux patients une
modification des habitudes alimentaires. Ceux-ci donnent dès
lors la préférence aux mets de consistance molle, qui tend à ad-
hérer fortement aux dents. L’association de ces facteurs évoqués
contribue à l’apparition de caries survenant de façon foudroyan-
te, connues également sous le terme de «carie (post-)actinique»
(fig. 2) (IMFELD 1984, GUCHELAAR et coll. 1997). Or, même en cas
de sécheresse buccale résultant d’autres facteurs étiologiques, la
diminution du flux salivaire est la cause principale de la démi-
néralisation des tissus dentaires durs.
2Possibilités thérapeutiques en cas
de xérostomie avérée
Du fait que des possibilités de traitement causal de la xérosto-
mie font toujours défaut jusqu’à présent, l’objectif thérapeu-
tique se limite au seul soulagement symptomatique de la séche-
resse buccale. Une telle amélioration peut être obtenue par
différents moyens thérapeutiques, soit d’une part par des solu-
tions pour des rinçages ou bains buccaux et d’autre part par des
succédanés salivaires (salive artificielle),soit par une stimulation
systémique des glandes salivaires (ROBERTS 1977, IMFELD 1984,
SREEBNY 1989, GUCHELAAR et coll. 1997).
2.1 Stimulants des glandes salivaires (sialogogues)
En raison du fait que la mastication stimule le flux salivaire, il est
judicieux de recommander aux patients de consommer de pré-
férence des aliments de consistance ferme. Force est toutefois
de concéder que de nombreux patients souffrant de xérostomie
marquée et/ou de mucosite douloureuse ne sont pas à même de
suivre cette recommandation, de même que les patients atteints
de la maladie générale à un stade avancé (SREEBNY 1989). Il est
toutefois important d’encourager ces patients à consommer des
aliments aussi riches en fibres que possible, nécessitant de ce
fait une mastication prolongée; ce faisant, on leur conseillera de
bien humecter chaque bouchée par une gorgée d’eau durant la
mastication et après la déglutition.
Outre cette possibilité de stimuler le flux salivaire, certains pa-
tients ont recours à des gommes à mâcher, des bonbons, des
boissons acidulées, différentes sucreries ou à l’acide citrique.
Toutefois, certains de ces stimulants «naturels» de la salivation
sont susceptibles de contribuer à la survenue d’érosions et de
déminéralisation; pour cette raison, on ne saurait les recom-
mander chez les patients dentés. Or, même chez les patients
complètement édentés, la consommation d’aliments ou de
boissons acides stimulant le flux salivaire, est souvent fort limi-
tée en raison des douleurs qu’elles provoquent dans les mu-
queuses buccales très vulnérables et sensibles (VAN DER REJDEN
et coll. 1999).
La mastication de gommes à mâcher (bien entendu exemptes
de sucres fermentescibles) ne permet pas seulement de stimu-
ler le flux salivaire; les chewing-gums peuvent également
servir de supports pour des substances actives, telles que des
fluorures, de la chlorhexidine ou même de la nicotine. Pour ces
raisons, les gommes à mâcher sont actuellement préconisées
en tant que possibilité d’améliorer la santé buccale et dentaire
(ITHAGARUN & WEI 1997). Dans une étude multicentrique in-
cluant 106 patients présentant des taux de flux salivaire stimu-
lé réduits (< 1 ml/min) la plupart des patients ont indiqué pré-
férer le chewing-gum à différents bonbons à mâcher et autres
succédanés de la salive, en raison d’une atténuation subjective
plus favorable des symptômes de la xérostomie (BJORNSTROM et
coll. 1990). Force est toutefois d’admettre que d’autres auteurs
ont attiré l’attention sur le fait que les gommes à mâcher
exemptes de sucre ne permettent d’obtenir une amélioration si-
gnificative de la sécheresse buccale que chez les patients avec
un taux relativement élevé de flux salivaire restant. En outre, la
plupart des chewing-gums ont tendance à rester collés sur les
prothèses, raison pour laquelle il convient de tenir compte de ce
problème en particulier chez les patients porteurs de prothèses
dentaires amovibles (VAN DER REJDEN et coll. 1999).
Dans une étude randomisée, en double aveugle et contrôlée
contre placebo, 60% des patients souffrant d’un syndrome de
Sjögren (n = 42) ont donné la préférence à un bonbon à sucer
comprenant une base de mucine pour son efficacité à atténuer
les symptômes de la xérostomie, par rapport au placebo (S’GRA-
VENMADE & VISSINK 1993). De même, une gomme à mâcher, éga-
lement à base de mucine, qui, hormis l’adjonction de la mucine,
correspondait au chewing-gum commercialisé sous la marque
V6, a été utilisée de préférence par 61% des 43 patients suivis
qui souffraient d’une hyposialie (AAGARD et coll. 1992). Dans
une étude cross-over (pour les puristes: «étude croisée» ou «étu-
de par permutation») contrôlée, 69% des patients ont indiqué
préférer un chewing-gum peu collant, en comparaison avec une
salive artificielle à base de mucine (DAVIES 2000).
Une autre possibilité de stimulation du flux salivaire consiste en
l’administration de médicaments stimulateurs de la salivation à
effet systémique ou sialogogues (tels que par exemple la pilo-
carpine, le nicotinamide, etc.) (DAVIES & SINGER 1994, RIEKE et
coll. 1995, DAVIES 1997a, DAVIES et coll. 1998, HAMADA et coll.
1999). Force est toutefois de constater que ces substances ne
permettent d’obtenir l’effet escompté que chez les patients pos-
sédant encore une certaine activité résiduelle des glandes sali-
vaires, à l’instar des stimulants salivaires à effet local. Parmi les
sialogogues systémiques, la pilocarpine s’est avérée la substan-
ce la plus efficace; elle est admise dans la plupart des pays à titre
de médicament pour le traitement de l’hyposialie. Administrée
à une posologie de 5 à 10 mg trois fois par jour, la pilocarpine
permet d’obtenir en général une élévation marquée du taux de
flux salivaire, et par voie de conséquence une atténuation des
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symptômes de la sécheresse buccale.Toutefois,bien des patients
présentant une xérostomie souffrent des symptômes de la sé-
cheresse buccale en particulier durant la nuit; de ce fait, les sub-
stances stimulatrices du flux salivaire administrées pendant la
journée ne sont pas à même de les soulager de manière satisfai-
sante à ces moments-là. Il faut ajouter à cela l’observation que
l’administration de médicaments à base de pilocarpine peut en-
traîner des effets secondaires gênants (comme par exemple des
vertiges ou des malaises). Pour ces raisons, il convient d’ad-
mettre que cette forme de traitement ne paraît envisageable que
pour un nombre restreint de patients (IMFELD 1984, SREEBNY
1989, GUCHELAAR et coll. 1997).
2.2 Préparations pour rinçages et bains de bouche
Jusqu’à l’avènement de produits plus complexes de substitution
salivaire, la littérature préconisait avant tout l’utilisation de
bains de bouche non irritants, de solutions à base de bicarbona-
te de soude, d’huile d’olive, de sérum physiologique ou de chlo-
rhexidine pour atténuer les symptômes chez les patients souf-
frant d’hyposialie. Certains autres auteurs préconisaient quant à
eux des préparations contenant de la glycérine, en raison de leur
viscosité plus élevée qui permettrait de mieux mouiller les mu-
queuses buccales (NAKAMOTO 1979, IMFELD 1984).
De même, des solutions pour des rinçages buccaux, tels que le
thé, les eaux minérales fluorées et le lait (HEROD 1994) ont été
préconisées, en raison de leur efficacité de protection contre la
carie. Selon la sorte, les feuilles séchées de thé contiennent entre
40 et 330 mg de fluorures par kilogramme. Elles comptent ainsi
parmi les aliments contenant l’une des concentrations les plus
élevées de fluorures (FELDHEIM & MIEHE 1979). Des essais sur
des rats ont permis de démontrer que certaines sortes de thé
permettent d’obtenir une réduction des caries de l’ordre de 56 à
72%. Après un traitement préalable par des tanins, substance
astringente et anti-putrescible, tels qu’ils sont contenus dans les
feuilles de thé, la solubilité de l’émail à l’égard des acides était
significativement réduite. Lorsque l’émail était prétraité par des
tanins et des fluorures, la tolérance de l’émail en cas d’exposi-
tion aux acides était encore plus élevée (YUet coll. 1995).
Dans tous les cas, il convient de recommander aux patients
d’éviter la consommation de toutes les substances irritantes ou
les aliments trop épicés, de même que toutes celles et ceux qui
contiennent de l’alcool (REMICK et coll. 1983). Pour des raison de
protection des tissus dentaires durs, il ne faudrait en aucun cas
utiliser des solutions pour des rinçages buccaux à pH acide et
contenant un taux relativement élevé d’acides au titrage chez les
patients possédant encore des dents naturelles, du fait que des
essais in vitro ont permis d’observer un effet potentiellement
délétère dans la dentine (MEYER-LUECKEL et coll. 2002).
Le recours aux solutions pour des bains de bouche ou des rin-
çages buccaux, voire à l’eau, le lait ou le thé, pour le soulage-
ment des symptômes de la xérostomie est cependant grevé d’un
inconvénient majeur: en raison de la substantitivité réduite de
ces solutions, il est nécessaire de répéter très souvent les appli-
cations pour assurer un effet mouillant suffisant (VISSINK et coll.
1988).
3Succédanés de la salive pour le traitement
de la xérostomie
En raison des propriétés viscoélastiques défavorables des pré-
parations pour bains de bouche et rinçages buccaux, tels
qu’elles ont été utilisées jsuqu’au début des années 70, le pre-
mier produit de substitution de salive a été mis au point en 1972
(MATZKER & SCHREIBNER 1972). L’ingrédient de base de ce pre-
mier succédané salivaire était la carboxyméthylcellulose (CMC);
il contenait en outre du calcium et du phosphate. Par la suite, les
fabricants ont procédé à l’adjonction de sorbitol aux salives arti-
ficielles, afin de les rendre plus agréables au goût et d’en aug-
menter l’effet mouillant par la modification de la tension de sur-
face. Fait est toutefois de constater que la combinaison du CMC
et du sorbitol entraîne une augmentation de la viscosité des
préparations par rapport à la salive naturelle (LEVINE et coll.
1987). Les décennies suivantes ont vu l’avènement d’autres pré-
parations de substitution de la salive qui contenaient en tant
que substance de base (entre autres) de la carboxyméthylcellu-
lose de sodium (Na-CMC), de la carboxyéthylcellulose CEC), de
la hyroxyéthylcellulose (HEC), des mucines d’origine animale,
de l’huile de lin, du sorbitol ou du polyéthylène-oxyde (PEO).
En outre, les succédanés salivaires se distinguent notamment
par l’adjonction de différents composants inorganiques, la pré-
sence de certaines enzymes et par leur valeur pH. Le Tableau 1
présente sous forme de résumé les composants déclarés des
produits de substitution salivaire analysés, tels qu’ils ressortent
de la littérature publiée.
Par le passé, les succédanés salivaires ont été étudiés en fonction
de trois critères principaux. Il s’agit en l’occurrence d’études
concernant les propriétés viscoélastiques, l’amélioration subjec-
tive des symptômes de la xérostomie, ainsi que des effets de dé-
minéralisation et du pouvoir de reminéralisation des tissus den-
taires durs qu’exercent les salives artificielles.
3.1 Les propriétés rhéologiques des succédanés
salivaires
Idéalement, une salive artificielle devrait être capable d’exercer
un effet mouillant sur l’ensemble des muqueuses et des tissus
dentaires durs pendant une durée prolongée; elle devrait être
dotée d’une efficacité antimicrobienne contre les germes jouant
un rôle dans la pathogenèse tant de la carie que des maladies
parodontales; elle devrait se caractériser par un effet de reminé-
ralisation des tissus dentaires durs et protéger les muqueuses
contre le dessèchement, tout en n’exerçant bien entendu aucun
effet délétère sur l’organisme en général (IMFELD 1984, LEVINE et
coll. 1987, GUIJARRO GUIJARRO et coll. 2001).
Dès la fin des années 70, certains auteurs ont constaté que les
propriétés rhéologiques du polyéthylène-oxyde à haut poids
moléculaire en solution aqueuse ressemblent à peu de choses
près à celles des caractéristiques viscoélastiques de la salive na-
turelle (ROBERTS 1977). Dans un essai clinique, le produit à base
de PEO était notamment mieux à même de soulager les symp-
tômes de la xérostomie, en comparaison avec une préparation à
base de CMC (MARKS & ROBERTS 1983). Toutefois, étant donné
que la préparation à base de PEO était de consistance très col-
lante et qu’elle avait dès lors tendance à rester collée à l’intérieur
du flacon d’emballage, aucun fabricant n’a osé commercialiser
depuis lors de produit à base de PEO en raison de ces pro-
blèmes techniques intrinsèques (ROBERTS 1982). Une autre étu-
de a émis de sérieuses réserves eu égard de la viscosité relative-
ment élevée des salives artificielles à base de PEO et donnait dès
lors la préférence aux succédanés salivaires à base de mucines
(VISSINK et coll. 1984b).
En raison de la faible tension superficielle, les mucines conte-
nues dans la salive naturelle permettent de créer un film d’hu-
midité idéal sur les muqueuses de la cavité buccale et du pha-
rynx qui de plus y adhère pendant une durée prolongée sans
pour autant s’y agglutiner. En outre, les mucines protègent les
tissus dentaires durs contre la déminéralisation par des acides
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(NIEUW AMERONGEN et coll. 1987). Dans une autre étude, les
auteurs ont comparé les liaisons entre l’hydroxyapatite et diffé-
rents types de mucines. La mucine contenue dans la salive hu-
maine se caractérisait dès lors par le plus grand pouvoir de liai-
son à l’hydroxyapatite, suivie de la mucine contenue dans les
sucs gastriques d’origine porcine et de celle des glandes sous-
mandibulaires des brebis (NIEUW AMERONGEN et coll. 1989).
D’autres auteurs ont également préconisé l’utilisation de salives
artificielles à base de mucine, en raison de leurs propriétés vis-
coélastiques proches de celles de la salive humaine naturelle
(VISSINK et coll. 1984b, VISSINK et coll. 1986a, HATTON et coll.
1987, LEVINE et coll. 1987). Ce faisant, il s’est avéré que la mucine
sous-mandibulaire d’origine bovine et la mucine gastrique
d’origine porcine semblent se caractériser par une viscosité très
similaire à celle de la salive humaine naturelle (VISSINK et coll.
1984b). En outre, une solution aqueuse d’un mélange d’albumi-
ne et de mucine a également été proposée par d’autres auteurs
en tant que préparation de substitution de la salive (MELLEMA et
coll. 1992).
En comparaison avec les produits contenant de la CMC, des
succédanés salivaires à base de mucine se sont distingués par de
bonnes propriétés mouillantes, tant sur de l’émail poli que sur
les muqueuses buccales (VISSINK et coll. 1986a). Du fait des ca-
ractéristiques de mouillabilité comparables à celles de la salive
humaine, de telles préparations semblent dès lors garantir une
bonne protection contre l’attrition (HATTON et coll. 1987). Des
observations des auteurs du présent travail, pas encore publiées,
ont permis de démontrer que l’application de gels fluorés à pH
acide (Elmex®Gelée) à l’aide de gouttières de fluoration, qui ne
sont souvent que mal ou pas supportées par les patients souf-
frant de mucosite post-actinique, sont considérablement mieux
acceptées par les patients après une application préalable de
succédanés salivaires à base de mucines. Cette observation re-
présente un avantage supplémentaire en faveur des salives arti-
ficielles de substitution contenant des mucines, en particulier en
ce qui concerne la prophylaxie intensive qui demeure bien en-
tendu indiquée de façon impérative chez les patients ayant subi
une radiothérapie.
D’autres travaux encore ont comparé différents succédanés sali-
vaires et les polysaccharides y contenues quant à leur pouvoir
mouillant, leur tendance à s’agglutiner sous forme de film de
surface et leur viscosité par rapport à la salive humaine naturel-
le (HWS) (AGUIRRE et coll. 1989, OLSSON et coll. 1993, VAN DER
REIJDEN et coll. 1994, REEH et coll. 1996, CHRISTERSSON et coll.
2000). Il s’est entre autres avéré que le pouvoir mouillant d’une
solution est indépendant de sa vsicosité (HATTON et coll. 1987,
LEVINE et coll. 1987, AGUIRRE et coll. 1989).
D’autres auteurs (OLSSON et coll. 1993) n’ont par contre obser
aucune différence, ni objective, ni subjective, entre différentes
préparations à base de polymères (CMC, Carbopol 934®et HEC)
pour le critère du pouvoir mouillant des tissus mous de la cavité
buccale. En revanche, leurs travaux ont permis de démontrer un
soulagement d’une durée deux fois plus importante des symp-
tômes de gêne buccale, en comparaison avec des applications
d’eau simple. Par rapport à un succédané salivaire à base de gly-
cérol (Oracare D®), deux produits à base de CMC se sont par
contre caractérisés par des propriétés de mouillage similaires, à
savoir aussi défavorables, à celles du contrôle négatif (par de l’eau
simple). D’autres essais antérieurs, réalisés in vitro, avaient déjà
démontré le pouvoir de liaison hydrodynamique de ce produit
(AGUIRRE et coll. 1989). Force est toutefois de constater que les
salives artificielles à base de glycérine avaient par le passé été ju-
gées non satisfaisantes par les patients lors d’essais cliniques
(KJESTOV et coll. 1981). Certains auteurs proposent cependant
d’utiliser une molécule biocompatible aux propriétés aussi favo-
rables à titre d’alternative (REEH et coll. 1996).
Tab. I Aperçu des succédanés salivaires actuellement disponibles et de leur composition
Nom commercial CaCl2K2HPO4KH2PO4FBase pH Autres composants
(mg/l) (mg/l) (mg/l) (mg/l)
Artisial®166 802 326 Na-CMC 6,7 KCl, NaCl, MgCl2, parahydroxybenzoate,
sorbite
VA-Oralube®166 802 326 2 Na-CMC 7,0 KCl, NaCl, MgCl2, méthylhydroxybenzoate,
sorbitol, FD&C Red 40
Luborant®166 803 366 4,3 Na-CMC 6,9¡ßKCl, MgCl2, sorbite, Carmoisin red Cl 14720,
plus tard 6,0 sodiumnipasept
Glandosane 148 348 Na-CMC 5,1 KCl, NaCl, MgCl2, sorbite, Na-benzoate,
acide sorbique, CO2
Autres produits à base de CMC, sans indications plus précises: Saliment®, Salube®, Moi Stir®, Salivart®, Orex®, Rinse Solution®, Salisynt®,
Saliva Substitute®, Xerolube®(Cellulose gum).
biotène®––––CMC HEC 5,2 lactoperoxidase, lactoferrine, glucose-oxi-
dase, lysozyme, Na-benzoate, xylitol, EDTA
Oralbalance®––––HEC gel lactoperoxidase, glucose-oxidase, malitol,
xylitol, Aloe vera, dextrose, polyacrylates
Saliva medac®––––mucine 5,4 EDTA sodique, H2O2, xylitol, chlorure de
benzalkonium, hydroxybenzoat, huiles
essentielles
Saliva Orthana®150 350 4,2 mucine 6,7 NaCl, MgCl2, sorbitol, thiocyanat de
potassium, arôme (extrait) de menthe
Oralube®60 665 2,3 sorbitol 6,9 KCl, NaCl, MgCl2, méthylhydroxybenzoate
Salinum®–ja– –huile de lin polysaccharides solubles dans l’eau,
métagine 0,1%
Depuis 2001, les préparations biotène®und Oralbalance®sont proposées – dans des compositions similaires – sous les noms commerciaux aldiamed®
Mundspülung und aldiamed®Mundgel. CMC = carboxyméthylcellulose; CEC = carboxyéthylcellulose; HEC = hydroxyéthylcellulose.
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Outre l’exigence de caractéristiques rhéologiques proches de
celles de la salive humaine naturelle, les préparations de substi-
tution salivaire devraient être dotées d’un pouvoir suffisant
d’adhésion sur les muqueuses buccales et les tissus dentaires
durs. Un essai réalisé in vitro a dès lors mis en évidence un bon
pouvoir d’adhésion pour les scléroglucanes. Il s’agit en l’occur-
rence d’un polysaccharide qui est formé par le champignon
Sclerotium glucanicum. Les propriétés rhéologiques favorables
de la salive, en combinaison avec les avantages mucoadhésifs
des scléroglucanes pourraient ainsi représenter un mécanisme
de synergie rhéologique qui constituerait dès lors une protec-
tion supplémentaire de la muqueuse buccale en regard des at-
taques tant chimiques que mécaniques (VAN DER REIJDEN et coll.
1994). Toutefois, la réflexion évoquée précédemment n’a pour
l’instant pas encore stimulé la mise au point de nouveaux pro-
duits de substitution salivaire.
Dans une publication parue récemment, les auteurs ont procédé
à des essais comparatifs concernant les propriétés rhéologiques
de différents produits, à savoir Salinum®(à base d’extrait de
graines de lin), Saliva Orthana®(à base de mucine), MAS 84®
base de CMC), par rapport à celles de la salive humaine. Par op-
position à une salive artificielle à base de CMC, les deux autres
produits évalués se sont distingués par leur tendance à former
des films aux interfaces entre la dent et la couche de liquide ain-
si qu’entre l’air et la couche de liquide, cette propriété favorable
étant très similaire à celle de la salive naturelle. Le pouvoir de
former de tels films tant sur des surfaces hydrophobes qu’hy-
drophiles, semble représenter une caractéristique importante
influençant le succès clinique d’un succédané salivaire donné.
D’autres études seront toutefois nécessaires pour mieux com-
prendre la formation et la composition de cette couche à la limi-
te des interfaces évoquées, afin d’être en mesure d’améliorer les
préparations de substitution de la salive à cet égard (CHRISTERS-
SON et coll. 2000).
3.2 Amélioration subjective des symptômes
de la xérostomie
Plusieurs études ont évalué par le passé différents succédanés
salivaires quant à leur pouvoir, ressenti subjectivement, d’atté-
nuer les symptômes de la xérostomie. Toutefois, la littérature à
ce sujet ne fait état que d’un nombre restreint d’études contrô-
lées et randomisées, contrôlés par placebo ou d’études conçues
selon un protocole cross-over (études croisées ou études par
permutation) (tab. II et III).
Tab. II Etudes cliniques ayant évalué la tolérance des patients à l’égard des produits contenant de la carboxyméthylcellulose comme com-
posant de base.
Nom commercial Source Type d’étude n Durée Résultats
du succédané
salivaire
VA-Oralube®SHANNON & EDMONDS prospective 125 4 mois Soulagement des symptômes durant 1 à 3 heures.
1978
NAKAMOTO 1979 prospective 26 12 semaines Le concentré VA-Oralube®, devait être dilué dans de l’eau;
randomisée par groupe la préparation a été jugée trop aqueuse par les patients
simple aveugle ayant subi une radiothérapie de la sphère cervico-faciale.
KLESTOV et coll. 1981 randomisée 108 consomma- Par rapport au placebo (glycérine) en général, seule une
contrôle par tion de faible amélioration des symptômes a été observée chez
placebo double 200 ml les patients souffrant d’un syndrome de Sjögren. Toutefois,
aveugle ce succédané a été jugé nettement supérieur quant au
confort durant la nuit.
VA-Oralube®EPSTEIN & STEVENSON-prospective 31 1 semaine Globalement, Salivart®a été jugé significativement supé-
Moistir®MOORE 1992 par groupe rieur à VA-Oralube®. Du point de vue du goût, Salivart®
Salivart®significativement préféré à Polyox®(polyéthylène-oyide,
Polyox®PEO) und VA-Oralube®.
Glandosane®MATZKER & SCHREIBER prospective 22 inconnue Soulagement des symptômes dus à des hyposialies d’étio-
1972 logies diverses grâce à la préparation originale (pH = 7,2).
S’GRAVENMADE et coll. prospective 18 5–6 mois 10 patients ont d’abord utilisé le Glandosane®avant de
1974 passer au succédané contenant de la mucine. Ce dernier
facilitait la déglutition, avait une meilleure substantitvité
et un goût plus agréable.
Saliment®DONATSKY et coll. randomisée 15 2 semaines Soulagement significatif des symptômes et augmentation
1982 croisée double par groupe de la sécrétion des glandes parotides par rapport au
aveugle placebo(eau) chez les patients souffrant d’un syndrome
de Sjögren.
Saliment®BJORNSTROM et coll. randomisée 106 14 jours par La gomme à mâcher était le mieux à même de soulager
Rinse solution®1990 croisée multi- groupe les symptômes de la xérostomie à court terme. Toutefois,
Salisynt®centrique con- aucune modification du taux de flux salivaire stimulé n’a
trôle par placebo été observée.
Optimoist®RHODUS & BEREUTER prospective 24 2 semaines Amélioration significative du taux de flux salivaire non
2000 stimulé après utilisation de la préparation. Tous les patients
préféraient celle-ci à de l’eau et souhaitaient en continuer
l’utilisation. Réduction significative de Candida albicans.
Aucune modification du nombre de lactobacilles et du pH.
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