Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 10/2002
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Pratique quotidienne · formation complémentaire
de 1 à 3 ml/min, se réduit dès la première semaine à des va-
leurs inférieures à 0,5 ml/min. Par la suite, le flux salivaire sti-
mulé peut même chuter à quelque 5% de la valeur au début de
la radiothérapie. La salive devient dès lors très visqueuse et
prend un aspect blanchâtre, jaunâtre ou brunâtre (fig. 1). Le
pH, initialement aux alentours de 6,8, tombe à des valeurs in-
férieures à 5,0. De plus, en raison de la diminution de la
concentration totale en bicarbonate, le pouvoir tampon de la
salive diminue également (BEN-ARYEH et coll. 1975, DREIZEN et
coll. 1976).
Les patients atteints de xérostomie souffrent de gerçures et de
rhagades des muqueuses buccales et des lèvres; ils se plaignent
de troubles du sens gustatif, de même que de limitations des
fonctions buccales et ils présentent des difficultés lors de la
mastication, de la déglutition et de l’élocution. En particulier
durant la nuit, les symptômes évoqués représentent des en-
traves majeures à la qualité de vie des patients (SREENBY 1989,
VAN DER REJDEN et coll. 1999). Chez les patients subissant ou
ayant subi une radiothérapie, la fonction d’autonettoyage de la
cavité est d’une part réduite en raison de l’épaississement de la
consistance de la salive; d’autre part, la survenue d’une mucosi-
te touchant les domaines de la cavité buccale et du pharynx au
cours de la radiothérapie ne permet dans bien des cas qu’une
hygiène bucco-dentaire insuffisante. En outre, la limitation des
fonctions masticatrices en raison des séquelles chirurgicales,
ainsi que des altérations inflammatoires et douloureuses des
muqueuses buccales entraînent chez de nombreux patients une
modification des habitudes alimentaires. Ceux-ci donnent dès
lors la préférence aux mets de consistance molle, qui tend à ad-
hérer fortement aux dents. L’association de ces facteurs évoqués
contribue à l’apparition de caries survenant de façon foudroyan-
te, connues également sous le terme de «carie (post-)actinique»
(fig. 2) (IMFELD 1984, GUCHELAAR et coll. 1997). Or, même en cas
de sécheresse buccale résultant d’autres facteurs étiologiques, la
diminution du flux salivaire est la cause principale de la démi-
néralisation des tissus dentaires durs.
2Possibilités thérapeutiques en cas
de xérostomie avérée
Du fait que des possibilités de traitement causal de la xérosto-
mie font toujours défaut jusqu’à présent, l’objectif thérapeu-
tique se limite au seul soulagement symptomatique de la séche-
resse buccale. Une telle amélioration peut être obtenue par
différents moyens thérapeutiques, soit d’une part par des solu-
tions pour des rinçages ou bains buccaux et d’autre part par des
succédanés salivaires (salive artificielle),soit par une stimulation
systémique des glandes salivaires (ROBERTS 1977, IMFELD 1984,
SREEBNY 1989, GUCHELAAR et coll. 1997).
2.1 Stimulants des glandes salivaires (sialogogues)
En raison du fait que la mastication stimule le flux salivaire, il est
judicieux de recommander aux patients de consommer de pré-
férence des aliments de consistance ferme. Force est toutefois
de concéder que de nombreux patients souffrant de xérostomie
marquée et/ou de mucosite douloureuse ne sont pas à même de
suivre cette recommandation, de même que les patients atteints
de la maladie générale à un stade avancé (SREEBNY 1989). Il est
toutefois important d’encourager ces patients à consommer des
aliments aussi riches en fibres que possible, nécessitant de ce
fait une mastication prolongée; ce faisant, on leur conseillera de
bien humecter chaque bouchée par une gorgée d’eau durant la
mastication et après la déglutition.
Outre cette possibilité de stimuler le flux salivaire, certains pa-
tients ont recours à des gommes à mâcher, des bonbons, des
boissons acidulées, différentes sucreries ou à l’acide citrique.
Toutefois, certains de ces stimulants «naturels» de la salivation
sont susceptibles de contribuer à la survenue d’érosions et de
déminéralisation; pour cette raison, on ne saurait les recom-
mander chez les patients dentés. Or, même chez les patients
complètement édentés, la consommation d’aliments ou de
boissons acides stimulant le flux salivaire, est souvent fort limi-
tée en raison des douleurs qu’elles provoquent dans les mu-
queuses buccales très vulnérables et sensibles (VAN DER REJDEN
et coll. 1999).
La mastication de gommes à mâcher (bien entendu exemptes
de sucres fermentescibles) ne permet pas seulement de stimu-
ler le flux salivaire; les chewing-gums peuvent également
servir de supports pour des substances actives, telles que des
fluorures, de la chlorhexidine ou même de la nicotine. Pour ces
raisons, les gommes à mâcher sont actuellement préconisées
en tant que possibilité d’améliorer la santé buccale et dentaire
(ITHAGARUN & WEI 1997). Dans une étude multicentrique in-
cluant 106 patients présentant des taux de flux salivaire stimu-
lé réduits (< 1 ml/min) la plupart des patients ont indiqué pré-
férer le chewing-gum à différents bonbons à mâcher et autres
succédanés de la salive, en raison d’une atténuation subjective
plus favorable des symptômes de la xérostomie (BJORNSTROM et
coll. 1990). Force est toutefois d’admettre que d’autres auteurs
ont attiré l’attention sur le fait que les gommes à mâcher
exemptes de sucre ne permettent d’obtenir une amélioration si-
gnificative de la sécheresse buccale que chez les patients avec
un taux relativement élevé de flux salivaire restant. En outre, la
plupart des chewing-gums ont tendance à rester collés sur les
prothèses, raison pour laquelle il convient de tenir compte de ce
problème en particulier chez les patients porteurs de prothèses
dentaires amovibles (VAN DER REJDEN et coll. 1999).
Dans une étude randomisée, en double aveugle et contrôlée
contre placebo, 60% des patients souffrant d’un syndrome de
Sjögren (n = 42) ont donné la préférence à un bonbon à sucer
comprenant une base de mucine pour son efficacité à atténuer
les symptômes de la xérostomie, par rapport au placebo (S’GRA-
VENMADE & VISSINK 1993). De même, une gomme à mâcher, éga-
lement à base de mucine, qui, hormis l’adjonction de la mucine,
correspondait au chewing-gum commercialisé sous la marque
V6, a été utilisée de préférence par 61% des 43 patients suivis
qui souffraient d’une hyposialie (AAGARD et coll. 1992). Dans
une étude cross-over (pour les puristes: «étude croisée» ou «étu-
de par permutation») contrôlée, 69% des patients ont indiqué
préférer un chewing-gum peu collant, en comparaison avec une
salive artificielle à base de mucine (DAVIES 2000).
Une autre possibilité de stimulation du flux salivaire consiste en
l’administration de médicaments stimulateurs de la salivation à
effet systémique ou sialogogues (tels que par exemple la pilo-
carpine, le nicotinamide, etc.) (DAVIES & SINGER 1994, RIEKE et
coll. 1995, DAVIES 1997a, DAVIES et coll. 1998, HAMADA et coll.
1999). Force est toutefois de constater que ces substances ne
permettent d’obtenir l’effet escompté que chez les patients pos-
sédant encore une certaine activité résiduelle des glandes sali-
vaires, à l’instar des stimulants salivaires à effet local. Parmi les
sialogogues systémiques, la pilocarpine s’est avérée la substan-
ce la plus efficace; elle est admise dans la plupart des pays à titre
de médicament pour le traitement de l’hyposialie. Administrée
à une posologie de 5 à 10 mg trois fois par jour, la pilocarpine
permet d’obtenir en général une élévation marquée du taux de
flux salivaire, et par voie de conséquence une atténuation des