4Une publication ARC - Action et Recherche Culturelles
VILLES INTELLIGENTES : OUTIL DE GESTION COLLECTIVE OU SIMPLE CONCEPT DE MARKETING PUBLIC ?
rme aussi son scepticisme à l’égard du slogan des ‘territoires’ ou des ‘villes numériques’ qu’il estime
« tout sauf heureux, car il met l’accent sur le numérique là où il faudrait le mettre sur les ressources
humaines, culturelles, sociales, etc., des territoires».5 Serait-ce l’arbre qui cache la forêt ?
Les pouvoirs publics se doivent d’être attentifs quant aux choix des projets sur lesquels ils axent
leurs priorités, en n’oubliant pas que les problèmes basiques, mais cruciaux, des villes restent à gé-
rer : mobilité, ghettoïsation sociale, accès inégalitaire au logement entre autres. Mais la technologie
rassure et concevoir une «ville intelligente est une garantie, à la fois d’innovation par les nouveaux
services qu’elle pourra proposer, et de contrôle par les analyses quantitatives des activités, humaines
notamment ».6 Parfois, le citoyen est d’ailleurs mis à contribution pour signaler les « défauts » repé-
rés dans sa ville ou son quartier. Leurs données sont récoltées au travers de sites Internet dédiés ou
via des applications de Smartphone (voir à ce sujet l’interview de l’architecte Cristina Braschi). Il fau-
dra veiller à ce que cette omniprésente partie « technique » n’évince pas l’humain et les aspirations
citoyennes et participatives des différents projets. De même, les « techniques intelligentes » n’ont
de sens que si elles sont employées en vue de proposer des « services intelligents » à la population
et pour instaurer un vivre-ensemble plus harmonieux et non en tant que performance en soi. Par
exemple, les voitures à conduite automatique peuvent être envisagées comme une solution pour ré-
duire les risques humains, notamment ceux liés à la consommation d’alcool au volant, mais l’analyse
du problème sous cet angle ne permet pas de répondre aux raisons qui sous-tendent l’alcoolisme.
Sous le concept de ville intelligente menace le « solutionnisme »7 : une tendance à vouloir trouver
une réponse technologique à tout problème posé au sein de nos villes, en occultant le fond et la
nécessité de rééchir avant de prendre des décisions.
LE MARIAGE PUBLIC/PRIVÉ
D’un point de vue structurel, les instances gouvernantes n’étant pas des gestionnaires techniques,
une série de grandes entreprises ont été sollicitées pour piloter des projets de villes intelligentes. On
retrouve notamment plusieurs noms (IBM, Siemens, Cisco) issus des multinationales de l’IT, puisque
l’outil informatique est essentiel pour développer ces projets. « La ville intelligente est d’abord une
ville mieux gérée grâce aux NTIC. Cependant, l’utilisation des TIC ne crée pas en soi une ville intelli-
gente. Ces technologies doivent être déployées en complément d’une stratégie plus globale pour la
ville consistant à bâtir une cité répondant aux besoins des citoyens sur le long terme ».8
Si nous prenons le parti de ne pas critiquer cette association public/privé, qui dérange néanmoins
certains détracteurs des villes intelligentes, mais qui nous semble inéluctable, nous pouvons par
contre dénoncer le fait que ce mariage est parfois instrumentalisé à des ns marketing. Il faut de-
meurer conscient que mettre en avant l’image positive de villes très modernes, hyperconnectées,
hypertechnologiques, fait partie des stratégies adoptées par les pouvoirs publics pour attirer des
investisseurs et des touristes. Ce qui n’est certes pas négatif en soi, mais ne constitue pas l’objectif
premier du concept ou de la mission publique!
MORCELLEMENT DES DONNÉES UTILES
Une autre difculté rencontrée se situe dans l’hétérogénéité des approches de développement
des villes intelligentes, morcelées par domaines, au niveau des sciences économiques, sociales, de la
5 La Smart City : une vitrine technologique pour les municipales, Serge Escalé, 11 février 2014, in Humeurs numériques.
http://humeursnumeriques.wordpress.com/2014/02/11/la-smart-city-un-enjeu-electoral-avant-les-municipales/
6 De la ville intelligente à la ville complexe à la ville idéale, Fabien Pfaender, MonZen Tzen, XiuLin Sun, and WangGen
Wan, Université de Technologie de Compiègne et Shanghai University, pp4-5
7 Terme employé par Emile Hooge, consultant en innovation et stratégies territoriales à Nova7.
8 Les caractérisques d’une ville intelligente, SmartGRIDS, www.smartgrids-cre.fr