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Nous voudrions pourtant montrer qu’en devenant capable de rendre, comme le disait
Jacques Testart « l’œuf transparent »
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, en dissociant conception, gestation et maternité, en
produisant des embryons congelés dont on ne sait véritablement plus quoi faire, en faisant
potentiellement des cellules de l’embryon un matériel de laboratoire ou un outil
thérapeutique, en rendant possible un choix entre plusieurs embryons selon des critères
« qualitatifs », en se rendant capable de déceler très tôt chez un futur enfant des anomalies
génétiques dont la gravité et la probabilité feront l’objet d’une évaluation déterminant son
devenir, en se rendant progressivement capable de saisir les ressorts ultimes du
fonctionnement de notre corps et d’y modifier différents processus biologiques, voire
d’intervenir directement sur les gènes qui les commandent, le tout sous la menace
croissante d’une marchandisation du corps humain, la biomédecine contemporaine nous
oblige à nous poser des questions philosophiques, juridiques et morales d'un genre nouveau,
et à redéfinir les contours exacts de ce que nous entendons par l'expression « personne
humaine ».
3- Vers une problématisation
a) Qu’est-ce que la personne ?
Car en effet, qu'est-ce qu'une personne ou qu’est-ce que « la » personne? On peut ici
paraphraser ce que Saint-Augustin disait du temps: « si personne ne me le demande, je le
sais; mais si on me le demande et, que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus. »
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Une cellule-œuf, un embryon de quelques heures ou de quelques jours, un fœtus doit-il être
considéré comme une « personne » à part entière ?
Faut-il déjà voir en quelques cellules une personne humaine ou « de la » personne humaine
puisque ces cellules sont biologiquement humaines ?
Qu'est-ce qui fait qu'un embryon, un organe ou même un produit du corps humain, n'est pas
un simple objet?
Une catégorie intermédiaire entre les choses et les personnes est-elle pensable?
Y a-t-il lieu de penser un stade de développement à partir duquel l’embryon passerait du
statut de chose à celui de personne ?
Comment ajuster la nécessaire fixité du concept de personne à la réalité perpétuellement
évolutive qu’il entend saisir ?
1
Jacques Testart, L'Œuf transparent, Éd. Flammarion Coll. Champs, 1986.
2
Saint Augustin, Les Confessions, Livre XI, chap. 14, Gallimard « Bibliothèque de la Pléiade », p1041