Évaluation des options nutritionnelles pour la gestion

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Revue des preuves cliniques
Connaissances scientifiques
Évaluation des options nutritionnelles pour
gérer l’anxiété ou le stress chez les chats.
POINTS IMPORTANTS :
•
Il y a de plus en plus de preuves suggérant que la vessie des chats souffrant de cystite idiopathique féline [CIF]
est par la suite affectée par une réponse exagérée du système nerveux sympathique au stress ressenti.
•
Il est recommandé de réduire le stress [par ex. par l’enrichissement environnemental] comme composante clé
pour gérer la CIF.
•
Il a été démontré que le tryptophane et un hydrolysat de protéines du lait [caséine hydrolysée] diminuent
l’anxiété et les signes de comportement liés au stress et peuvent être utiles pour les chats souffrant de CIF.
CONTEXTE GÉNÉRAL
Le terme « stress », tel qu’utilisé actuellement, a été créé par Hans Selye en 1936 lorsqu’il a publié l’article « A syndrome produced by
diverse nocuous agents »1 dans la revue Nature. Sa définition initiale du stress était « Une réponse non spécifique de l’organisme à toute
sollicitation ». La Théorie d’adaptation proposée par Selye (1950)2 décrivait trois réponses de l’organisme aux agents stressants : la
réaction d’alarme, le stade de résistance et le stade d’épuisement. Le stress chronique mènerait à l’épuisement tel que manifesté par la
maladie et la mort.
Bien que les effets du stress chez les chats n’aient pas été évalués en profondeur, une preuve publiée récemment démontre que le
stress accroît le risque d’infections des voies respiratoires supérieures3 et est en cause dans la pathogénèse de la CIF4. L’importance
de procurer un environnement enrichi aux chats domestiques a mené dernièrement à des recommandations de la part de l’American
Association of Feline Practitioners et de l’International Society of Feline Medicine. Ils ont appuyé une provision à cinq piliers de besoins
pour les chats afin de minimiser les agents stressants ressentis, et par conséquent le stress5. Toutefois, cette monographie ne
comprenait pas de recommandations concernant l’influence potentielle de la nutrition pour la gestion du stress chez les chats. Vous
trouverez ci-dessous un résumé d’études rapportées dernièrement effectuées auprès de chats décrivant les effets des suppléments
nutritionnels sur l’anxiété et les comportements liés au stress.
EFFET D’UN APPORT ALIMENTAIRE AVEC SUPPLÉMENT DE L-TRYPTOPHANE
SUR LES MÉNAGES COMPTANT PLUS D’UN CHAT PRÉSENTANT DES
COMPORTEMENTS LIÉS AU STRESS.
Pereira GG, Fragoso S, Pires E. Effect of dietary intake of L-tryptophan supplementation on multi housed cats presenting stress
related behaviours, dans Proceedings. BSAVA 2010.
CONTEXTE
Le tryptophane est un acide aminé essentiel présentant différents destins métaboliques. Chez la plupart des espèces, il peut être
intégré aux protéines, transformé en glucose et oxydé pour l’énergie, servir de précurseur afin de répondre partiellement au besoin en
niacine et finalement être transformé en sérotonine, un neurotransmetteur. Les chats sont uniques par rapport aux autres espèces
parce que leur capacité de transformer le tryptophane en niacine est négligeable et, par conséquent, ils ont besoin de niacine préformée
dans leur alimentation.
Le tryptophane est le précurseur pour la synthèse de la sérotonine et requiert deux enzymes pour compléter la transformation : la
première enzyme cinétiquement limitante est la tryptophane hydroxylase, qui produit le 5-hydroxytryptophane, el la seconde étape
implique la 5-hydroxytryptophane décarboxylase, entraînant la production de sérotonine. Puisque la sérotonine ne peut pas traverser
la barrière hémato-encéphalique, il est important d’avoir une quantité adéquate de tryptophane pour servir de précurseur pour sa
synthèse (Figure 1).
Sang
Tryptophane
libre
SNC
Protéine
de
transport
Tryptophane
Sérotonine
Barrière
hémato-encéphalique
Humeur
Figure 1. Le tryptophane et d’autres acides aminés utilisent un transporteur (protéine de transport) pour traverser la
barrière hémato-encéphalique. Pour augmenter la quantité de tryptophane disponible dans le système nerveux central
(SNC) pour la synthèse de la sérotonine, il est important d’augmenter la quantité de tryptophane libre dans le sang.
La sérotonine est un neurotransmetteur important que l’on retrouve dans le système gastro-intestinal (GI), les plaquettes et le
système nerveux central (SNC) des animaux. La majorité de la sérotonine se trouve dans les cellules entérochromaffines du système
gastro-intestinal et contribue à la régulation de la motilité intestinale. La sérotonine dans le SNC est généralement considérée comme
influençant l’humeur, la satiété, la capacité cognitive et d’apprentissage de même que plusieurs autres fonctions physiologiques. Des
concentrations accrues de sérotonine ont été associées à un sentiment de bonheur et une diminution de l’anxiété chez les humains et
les modèles animaux6.
DÉTAILS DE L’ÉTUDE
QUOI
Il s’agit d’une étude aléatoire, à double insu, contrôlée par placebo, de 25 ménages possédant plus d’un chat, effectuée pour évaluer
l’effet des suppléments de tryptophane alimentaire sur les signes comportementaux des troubles d’anxiété et liés au stress. Un total de
10 chats mâles et 15 femelles faisaient partie du groupe d’étude avec un chat représentant chaque ménage.
COMMENT
Les chats ont subi un examen de santé avant l’inscription et à la fin de l’étude. Les chats ont été observés pendant 10 minutes par jour,
5 jours par semaine pendant 3,5 mois par un observateur qualifié. Les deux premières semaines d’observation ont servi à s’habituer à
l’observateur, et durant les quatre semaines suivantes d’observation pour établir les différentes références de base avant l’intervention,
aucun supplément n’a été donné. À partir de la semaine 7, les chats ont été répartis aléatoirement pour recevoir soit 12,5 mg/kg de poids
corporel de tryptophane soit un placebo avec leur repas quotidien et les observations comportementales ont continué pendant les huit
semaines suivantes.
RÉSULTATS
Les chats du groupe avec supplément de tryptophane ont grandement diminué les comportements associés à l’anxiété et au stress
[les stéréotypes (mouvements répétitifs), la vocalisation, les comportements hostiles (batailles), affiliatifs, explorateurs et durables]
comparativement au groupe avec placebo (P<0,05 pour chacun).
CONCLUSION ET IMPORTANCE CLINIQUE
Les suppléments de tryptophane alimentaire aux chats dans des ménages possédant plus d’un chat pourraient être utiles pour diminuer
les signes de stress et d’anxiété et améliorer le bien-être des animaux.
EFFET DE L’ALPHA-CASOZÉPINE (ZylkÈne) SUR L’ANXIÉTÉ CHEZ LES CHATS.
Beata C, Beaumont-Graff E, Coll V, et autres. J Vet Behav. 2007; 2(2) : 40-46.
CONTEXTE
Les caséines, les principales protéines contenues dans le lait des ruminants, peuvent subir une hydrolyse découlant des effets de la
trypsine dans le tractus digestif. Ceci entraine la production de peptides de différentes longueurs qui sont sujets à une autre digestion
ou qui ont une activité biologique. Un de ces décapeptides, l’ α-casozépine [généralement reconnue comme un ingrédient sûr (GRAS)]
a été associé à des améliorations significatives dans la diminution du stress, utilisant des modèles d’anxiété chez les rongeurs et les
humains7. Le mécanisme d’action original suggéré, serait les effets sur les récepteurs de l’acide gamma aminobutyrique (GABA). Le
mécanisme exact de l’effet anxiolytique est inconnu et peut être légèrement modifié par les effets sur la sérotonine, la dopamine ou les
systèmes récepteurs GABA8.
Les récepteurs GABA lient l’acide gamma aminobutyrique et seraient sensés causer des réponses inhibitrices à l’intérieur du SNC.
L’activation des récepteurs GABA aide à atténuer les signaux d’anxiété au cerveau. La sérotonine a été associée à l’atténuation de la
dépression et à des augmentations générales du bonheur.
La sérotonine dans le SNC est généralement considérée comme influençant l’humeur, la satiété, la capacité cognitive et d’apprentissage
de même que plusieurs autres fonctions physiologiques. Des concentrations accrues de sérotonine ont été associées à un sentiment de
bonheur et une diminution de l’anxiété. La dopamine fait partie de la famille des catécholamines et sa libération est considérée comme
un signal de récompense pour le cerveau. Si l’αα-casozépine ou de plus petits peptides provenant de l’ααS-caséine ont une activité
biologique par la modulation de l’un de ces systèmes, cela pourrait entrainer un effet anxiolytique (Figure 2).
É
D O PA M
R IN E
IN E
N OR
P
PH
IN É
HUMEUR
ANXIÉTÉ
S É R O T O NI N
E
Figure 2. Influence de différentes voies d’exposition des récepteurs sur le cerveau.
DÉTAILS DE L’ÉTUDE
QUOI
Un essai multicentrique, aléatoire, à double insu, contrôlé par placebo a été effectué pour évaluer l’efficacité de l’αα-casozépine orale
comme anxiolytique chez les chats. L’alpha-casozépine est un peptide de 10 acides aminés produit par hydrolyse de la trypsine sur la
protéine du lait de ruminants l’ αS-caséine.
COMMENT
Les chats ont été évalués pour l’anxiété en utilisant une échelle émotionnelle validée pour chats. Les propriétaires ont évalué cinq
comportements en utilisant une échelle de 0 à 5; une note de 0 indiquait un comportement indicatif d’anxiété élevée et 5, une faible
anxiété. Les chats étaient inclus dans l’étude s’ils avaient un résultat total <15 à l’évaluation ou un résultat de 0 pour tout comportement.
Il y a aussi eu une note d’évaluation subjective effectuée par les propriétaires donnant leur impression s’il y avait amélioration ou non.
Trente quatre chats (21 femelles, 13 mâles) ont été inscrits à l’étude et attribués aléatoirement à un groupe d’essai ou avec placebo. Le
groupe d’essai a reçu 15 mg/kg d’αα-casozépine par voie orale une fois par jour. Tous les chats ont été évalués cinq fois durant l’étude, y
compris une visite initiale à l’hôpital suivie de visites aux semaines 4 et 8, ainsi que des évaluations téléphoniques aux semaines 2 et 6.
Trois catégories distinctes ont été suivies à chaque évaluation : une note générale; le nombre de points avec une note de 0, et l’évaluation
du propriétaire quant au changement. Des résultats positifs pour les trois catégories ont été définis comme étant : une note globale
objective générale > 16, aucun comportement noté comme 0, et la note d’évaluation subjective du propriétaire > 6/10. Un traitement
réussi a été défini comme ayant atteint les critères pour la note globale objective et la note subjective avant la semaine 8.
RÉSULTATS
Il n’y a pas eu de différence significative entre les groupes au début de l’étude. Avant la semaine 8, 59 % (10 sur 17) des chats du
groupe avec α-casozépine et 24 % (4 sur 17) du groupe avec placebo avaient répondu positivement. Ces résultats (Figure 3) étaient
significativement différents en comparaison avec un test du chi carré (P=0,02). De plus, la note globale totale d’amélioration au fil du
temps (Figure 4), une mesure objective, a été nettement supérieure dans le groupe avec α-casozépine (P=0,003).
18
16
Nombre de chats
14
12
10
Non répondant
8
Répondant
6
4
2
0
α-casozépine
Placebo
Figure 3. Effet de l’ α-casozépine sur la réussite de la résolution des signes comportementaux d’anxiété et
de stress comparativement à un contrôle au moyen d’un placebo. Le groupe sous traitement a eu un nombre
beaucoup plus élevé de répondants que le groupe de contrôle (P=0,02).
18
16
Note globale
14
12
10
α-casozépine
8
Placebo
6
4
2
0
02 468
Durée (semaines)
Figure 4. Taux d’amélioration pour la note globale totale du comportement entre l’αα-casozépine et le placebo. Le
taux de la note globale totale a été bien meilleur pour le groupe sous traitement (P=0,003).
CONCLUSION ET IMPORTANCE CLINIQUE
L’étude fournit une preuve positive de Grade 1 quant à l’efficacité de l’αα-casozépine dans la gestion des chats présentant des
comportements attribuables à des environnements sociaux stressants.
RÉFÉRENCES
1. Selye H. A syndrome produced by diverse nocuous agents. Nature. 1936; 138 : 32.
2. Selye H. Stress and the general adaptation theory. Br Med J. 1950; 1(4667) : 1383-1392.
3. T anaka A, Wagner DC, Kass PH, et autres. Associations among weight loss, stress, and upper respiratory tract infection in shelter cats.
J Am Vet Med Assoc. 2012; 240 : 570-576.
4. Westropp JL, Kass PH, Buffington CA. Evaluation of the effects of stress in cats with idiopathic cystitis. Am J Vet Res.
2006; 67 : 731-736.
5. Zhou J, Coa X, Mar AC, et autres. Activation of postsynaptic 5-HT1A receptors improve stress adaptation. Psychopharmacology [Berl].
2013. Diffusion en ligne avant l’impression.
6. Ellis SLH, Rodan I, Carney H, et autres. AAFP and ISFM feline environmental needs guidelines. J Fel Med Surg. 2013; 15 : 219-230.
7. Miclo L, Perrin E, Driou A, et autres. Characterization of alpha-casozepine, a tryptic peptide from bovine alpha-s1-casein with
benzodiazepine-like activity. FASEB J. 2001; (10) : 1780-1782.
8. M
izushige T, Sawashi Y, Yamada A, et autres. Characterization of Tyr-Leu-Gly, a novel anxiolytic-like peptide released from bovine α
αS-casein. FASEB J. 2013; 27 : 2911-2917.
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