ADSL : Comment éviter les déconnexions - Pierre Jarillon

ADSL : Comment éviter les déconnexions intempestives ?
Cet article n'a pas pour prétention de résoudre tous les problèmes car ce serait prétentieux, mais il doit vous permettre d'éviter dans la plupart des cas bien des désagréments et les coûts engendrés par les hot­lines qui vous font attendre bien longtemps pour vous poser ensuite des questions stéréotypées et complètement en dehors du problème. Il ne faut pas oublier non plus que le coût du déplacement du technicien de France­Telecom vous sera facturé si le défaut est situé sur votre installation personnelle, après la première prise. Nous allons étudier les causes de ces déconnexions intempestives. Une fois comprises, leur éradication devient assez évidente.
Le condensateur
Il y a quelques années, on mettait un condensateur à l'arrivée de la ligne chez l'abonné. Il servait à tester la ligne avec les appareils de mesure de l'époque. Il ne sert strictement à rien aujourd'hui et on peut l'enlever en toute sérénité. Une recherche sur google avec « adsl enlever condensateur » donne la mesure de l'ampleur des problèmes qu'ils engendrent. Si on veut améliorer la recherche, on peut la faire avec « adsl enlever condensateur ­forum ». Ce condensateur devrait théoriquement court­circuiter totalement les fréquences de plusieurs mégahertz utilisées par l'ADSL. En réalité, il ne le fait pas car ce condensateur de type mylar métallisé possède une impédance additionnelle non négligeable qui le rend peu efficace aux hautes fréquences.
Comment est­ce que ces condensateurs peuvent générer des craquements ? La réponse n'est pas triviale. Il faut savoir que ces condensateurs sont réalisés avec deux films de mylar (parfois de polycarbonate) métallisé et enroulés sur eux. Ces films sont très fins et leur tension de claquage est faible. Par exemple de l'ordre de 200V. Comme la tension nominale d'une ligne téléphonique est de 48 volts, tout semble parfait et le serait s'il n'y avait parfois des orages qui peuvent induire des tensions très brèves par rayonnement. Il suffit d'une surtension de quelques microsecondes pour dégrader le diélectrique du condensateur (figure 1). L'isolant est alors perforé et carbonisé. De plus, un peu de métal vaporisé par l'arc électrique s'est condensé un peu n'importe où dans la micro­
cavité. On a alors un point faible où la tension de claquage sera inférieure à sa valeur d'origine. Si la tension de service est un peu supérieure à cette nouvelle valeur un nouveau micro­arc pourra se produire et ainsi de suite. Cela donnera des craquements audibles dans le téléphone et parasitera l'ADSL qui pourra perdre sa synchronisation.
Figure 1
Afin d'illustrer comment sont créés les parasites, j'ai ressorti une vieille photo d'oscillogramme faite quand je préparais ma thèse de doctorat. Elle montre comment meurt un condensateur. L'échelle horizontale est de 50µs par carreau et l'échelle verticale est de 500V par carreau. Le condensateur de 1nF avait une tension de service de 250V.
En A, on ouvre une charge inductive et la tension monte jusqu'au point B où le premier claquage se produit à environ 800V. La tension redescend instantanément à une valeur assez basse, de l'ordre de 100V. L'arc s'arrête et la tension recommence à monter jusqu'au claquage suivant et ainsi de suite. On appelle ce signal des oscillations de relaxation. On peut constater que cette valeur de claquage se dégrade jusqu'au point C où elle devient assez faible et conduit à des oscillations encore plus rapides. Le condensateur, bien qu'il soit auto­cicatrisant s'est considérablement dégradé.
Les oscillations de relaxation dues aux claquages du diélectrique du condensateur ont un spectre de fréquence extrêmement large et une amplitude très supérieure aux signaux ADSL. On comprend alors pourquoi il peut y avoir une perte de synchronisation de l'ADSL.
La prise de téléphone française
Le choix technologique qui a été fait est catastrophique sur toute la ligne. La prise de téléphone française (figure 2) est compliquée à fabriquer, donc assez chère, elle a été conçue pour des fonctions qui se sont avérées inutiles, ce qui explique ses 8 contacts pour 2 fils et surtout, et c'est de loin le pire, ses contacts sont mauvais. En voici la raison :
Les lames font 7mm de large, ce qui pourrait convenir à un courant de 20A alors qu'il ne va jamais passer plus de 0,05A dans cette liaison. La pression entre les lames est faible et ne peut casser la couche d'oxyde et de salissures qui se forme inévitablement. Les contacts ne sont donc pas auto­
nettoyants ou si peu qu'il vaut mieux ne pas en faire cas. Ce n'est pas parce que les lamelles sont larges qu'il y aura plus de points de conduction, ce sera même le contraire.
Le courant a quand même une possibilité de passer si la tension est suffisante car il peut y avoir un micro­arc qui casse la fine couche isolante. On se retrouve alors dans le même schéma que le claquage du condensateur, sauf que l'on est en série au lieu d'être en parallèle. Si le courant était plus fort comme avec du 220V alternatif qui a une tension de crête de 311V, il provoquerait une micro­soudure, mais avec 48V et 50mA, il vaut mieux ne pas y compter. On a donc très souvent des oscillations de relaxation de faible amplitude qui perturbent considérablement la liaison. Dans le téléphone, elles provoquent des grésillements, des crachotements ou des craquements.
Quand le téléphone est raccroché, aucun courant ne passe. Les signaux ADSL sont seuls à circuler et leur amplitude se mesure au mieux en millivolts. Ils sont donc incapables de casser la couche d'oxyde des contacts. Lorsque la synchronisation ADSL ne se fait plus, le fait de décrocher son téléphone peut la faire réapparaître, que ce soit en assurant la continuité ou en faisant baisser la tension sur le condensateur défectueux qui n'aurait pas été enlevé.
Les filtres ADSL ont la propriété de doubler le nombre de ces mauvais contacts. Si vous n'en êtes pas convaincus, secouez un peu l'empilement des prises quand vous téléphonez !
On peut nettoyer avec soin les contacts des prises mâles, mais il est difficile de le faire avec les prises femelles. Parfois, les lames sont tellement pourries qu'elles continuent à produire des craquements après nettoyage. Il faut alors acheter des prises neuves de qualité ou encore mieux, les remplacer par d'autres techniques comme nous allons le voir.
La prise RJ11
C'est la petite soeur de la RJ45 utilisée par les réseaux. Bien qu'elle ne paie pas de mine, cette prise est tout le contraire de la prise de téléphone française. Elle est petite, facile à fabriquer, vite câblée et surtout équipée de contacts dorés. L'or ne s'oxyde pas et il n'en faut qu'une infime quantité. Mieux encore, la pression entre les contacts est grande. Cette prise est une merveille de simplicité et de performances. Le câblage de la prise RJ11(figure 3) est très simple : seuls les deux contacts centraux sont utilisés et il n'y a pas de sens, on peut inverser les fils. Les pinces à sertir les RJ11 sont très abordables (on en trouve à moins de 10€).
Quelle stratégie adopter ?
Utilisez un câble de raccordement direct de votre modem ADSL au bornier à vis de la prise murale.
Dans cette prise, les fils de cuivre nus peuvent s'oxyder. Si ils ne sont pas d'une jolie couleur de métal brillant, grattez­les avec un canif pour les décaper. Si vous devez mettre plusieurs fils ensemble dans la même borne, torsadez­les ensemble (figure 4) avant de les glisser sous les bornes 1 et 3 de la prise afin d'augmenter le nombre de points de contact. Cette opération que je viens de faire sur ma prise d'arrivée vient de me faire gagner 30% en vitesse sur ma Freebox. Il faut savoir que la Freebox négocie la vitesse optimale de communication lors de sa mise en route et peut revoir cette vitesse à la baisse en cours de fonctionnement. Il faut donc la remettre en route après intervention sur la câblage pour profiter de toute la bande passante. On pourra la tester avec http://adsl.free.fr/comptes/testdebit.html
Et le filtre, me direz­vous ? Il n'y en a pas besoin ! Le filtre ADSL, malgré son nom n'est indispensable que pour le téléphone. Pour vous en convaincre, ouvrez un filtre et vous verrez que la liaison vers l'ADSL est directe et n'utilise rien d'autre que deux fils ! Alors évitez quatre grands et mauvais contacts.
Pour aller plus loin, démontez le filtre ADSL, soudez un câble qui va au bornier de la prise et un autre câble qui va se raccorder à votre téléphone par une prise RJ11. Dans le même ordre d'idée, si vous avez une freebox, utilisez un câble équipé de prises deux prises RJ11 pour raccorder le téléphone Free et évitez l'adaptateur téléphonique livré avec la freebox.
Si vous avez besoin de pouvoir débrancher vos appareils de la prise murale, remplacez­la par deux prises murales RJ11, l'une pour l'ADSL, l'autre, contenant le filtre pour le téléphone.
Utilisez la stratégie que vous voudrez, mais dans tous les cas, n'utilisez plus cette stupide prise de téléphone en T. Je n'aurai jamais de mots assez durs pour qualifier les incompétents qui l'ont créé.
Un dernier conseil : Certains appareils possèdent des filtres anti­surtensions pour le téléphone. On peut en principe les utiliser avec l'ADSL sans inconvénient même en l'absence d'indication. Il arrive cependant que la protection de l'ADSL soit spécifiée comme sur la boite de mon onduleur MGE, mais ce n'est pas toujours le cas.
Et après ?
Si vous avez eu un peu de chance, c'est à dire dans plus de trois quarts des cas, les craquements auront disparu et vous aurez évité bien des soucis.
Si malgré tout vous avez encore des déconnexions intempestives, essayez de débrancher vos téléphones. Certains peuvent parasiter la liaison. En dernier recours, ne conservez que la première prise de votre installation et débranchez la partie privée du réseau.
Bien entendu, votre ordinateur peut avoir des pannes intempestives, votre modem aussi. Vous pouvez emprunter le modem d'un ami et voir si il synchronise quand le vôtre n'y arrive pas.
Et seulement si les problèmes persistent appelez votre opérateur téléphonique, le problème sera chez lui. Vous en aurez une certitude quasi absolue. Pierre Jarillon
Fait le 20 août 2005
Figure 4 – Torsader les fils
On remarquera la couleur brillante des fils de cuivre.
Figure 3 ­ La prise RJ11, la prise téléphonique et le condensateur
On remarquera la différence de taille entre la minuscule prise RJ11 et la prise téléphonique.
Le condensateur de la photographie possède trois fils de sortie. Mais il peut aussi être d'une autre couleur et ne posséder que deux sorties. Dans tous les cas son sort sera le même.
Figure 2 ­ La prise téléphonique
Seules les bornes 1 et 3 sont utilisées. Les bornes 7 et 8 sont anecdotiques.