Les femmes du monde agricole refusent la situation qui est la leur, cela va avoir plusieurs conséquences : leur départ du monde agricole, l'augmentation du célibat agricole masculin et l'apparition des "conjointes d'agriculteur" qui ont un emploi à l'extérieur de l'exploitation. Les femmes, épouses d'agriculteur, recherchent une reconnaissance professionnelle à l'extérieur du monde agricole. Alice Barthez explique que "quand les femmes exercent une profession hors de l'exploitation agricole, elles concrétisent la négation d'une profession pour elles dans une structure familiale de production ; par leur extériorité même elles réfutent l'agriculture en tant que production familiale comme possibilité d'une professionnalisation des femmes en agriculture. Elles dénoncent la structure familiale de production comme le moyen d'assimiler leur activité sur l'exploitation à l'activité domestique avec ce que cela signifie de négation de leur travail" Les agricultrices ont revendiqué la délimitation de leur travail sur l'exploitation agricole et le refus d'effectuer des tâches de bouche-trou. La reconnaissance d'une collaboration leur a permis de prendre part aux orientations générales et aux décisions dans les exploitations. Dans les années 1960, émerge un statut professionnel celui de la "co-exploitante" dans des formes sociétaires d'exploitation (GAEC, EARL) qui offrent un véritable statut à chacun et chacune de leurs membres. D'après les enquêtes Agreste, 24% des postes d'exploitants professionnels sont occupés par des femmes en 2007 alors qu'elles étaient seulement 12% en 1988. Sur les 682 000 exploitants agricoles en 1988, 79 000 sont des femmes co-exploitantes ou chefs d'exploitation. En 2007, sur les 436 exploitants agricoles, 56 000 sont des femmes chefs d'exploitation et 48 000 des co-exploitantes. Cette conférence est organisée par le Département de Sociologie de l'Université de Poitiers, le Groupe de Recherches et d'études sociologiques du Centre-Ouest (EA3815) et l'Association des étudiants en sociologie de l'Université de Poitiers. Elle aura lieu le Jeudi 31 Mars 2011, Amphi 296, à l'Hotel Fumé, à 14h. Contact : [email protected] Conférence d'Alice Barthez sociologue, INRA Famille, travail et agriculture. Dynamique du genre et rapport de génération JEUDI 31 MARS 2011 14H AMPHI 296 (HOTEL FUME) « Considérons l'agriculture, ni comme rapport familial, ni comme rapport de travail, mais comme le choc entre les deux. Le mot n'est pas trop fort car il veut exprimer ce que cela signifie de démystification et de violence quand ces deux rapports ne sont pas perçus comme séparés, mais plutôt réunis en un seul rapport social » A. Barthez, Famille, travail et agriculture. Alice BARTHEZ est l'une des grandes figures de la sociologie rurale en France. "Sociologue à l'INRA ? Ca n'existe pas ! Il y a des sociologues au CNRS mais pas à l'INRA ! A l'Institut National de la Recherche Agronomique, on fait des recherches sur les plantes, les animaux, mais pas sur les gens !". Cette remarque ne reflète pas l'enthousiasme d'une fille de petits exploitants agricoles du Sud-Ouest qui, après une scolarité réussie et une expérience de conseillère agricole, a poursuivi une ascension sociale dans le domaine de la recherche scientifique. Tout au long de sa carrière commencée en 1970, Alice Barthez a toujours relié ses enquêtes sur les groupes sociaux agricoles à des questions d'une grande généralité, comme les rapports de genre ou de génération (qui constituent la colonne vertébrale de son grand livre publié en 1982, Travail, famille, agriculture). Dans les années 1980, les questions de genre ou de générations étaient sans lien direct avec les grands débats qui agitaient à l'époque la sociologie rurale, entre les tenants de la pénétration du capitalisme dans l'agriculture et ceux de l'intégration des sociétés rurales à la société globale. Mais son travail fut lu et commenté ailleurs, par des féministes et des anthropologues en France (voir le numéro spécial « Labourage et pâturage. Le patriarcat en campagne » de Nouvelles Questions Féministes, n° 5, 1983), des sociologues au Québec, mais aussi par des agriculteurs et des professionnels de l'encadrement de la profession : conseillers, enseignants, syndicalistes, etc. Trente ans plus tard - après les travaux de Louis Chauvel sur les générations et l'essor en France des études sur le genre - les axes problématiques d'Alice Barthez n'ont plus rien d'hérétiques et sont même devenus centraux en sciences sociales. Ses analyses du choc des rapports familiaux et des rapports de travail dans les exploitations agricoles s'avèrent même très précieuses pour penser des questions contemporaines qui dépassent le secteur agricole : le fonctionnement des entreprises familiales en général, la prise en charge des personnes dépendantes (Weber et al., 2003), la place de l'argent dans les rapports familiaux (Belleau et Henchoz, 2008), etc. Devenir agricultrice : à la frontière de la vie domestique et de la profession "Jusque dans les années 1960, les femmes, qui participent à la mise en valeur de la ferme familiale, sont considérées par leur place dans la famille et non par l'importance du travail qu'elles réalisent. Dans cette logique, les femmes ne "travaillent" pas, elles "aident" leur mari. "Aide familiale" est leur désignation par rapport à leur conjoint, "chef d'exploitation". Selon leur définition administrative, elles sont établies "sans profession" ce qui les présuppose disponibles au gré des besoins des autres membres de la famille dans leur vie domestique mais aussi dans leur activité productive. Dans le sud de la France, l'existence de la cohabitation entre générations en référence au modèle de la "famille souche" décrite au XIXe siècle par Frédéric Le Play, place la femme sous la dépendance non seulement de son mari mais aussi de la lignée. La belle-fille soumise à l'autorité de sa belle-mère est avant tout une "pièce rapportée" à un ensemble préexistant dont elle doit adopter les règles et participer à son développement par sa capacité procréatrice et par son travail dans ce qui forme le patrimoine de sa belle-famille". Le travail des femmes ne se limite pas à l'espace domestique mais on leur attribue généralement que celui-là. Pourtant, il s'étend à l'ensemble de l'activité agricole. En agriculture, la modernisation des techniques de production et l'introduction d'une gestion économique de l'activité séparée de la vie domestique sont propices à la revendication des femmes pour la reconnaissance de leur travail par l'obtention d'un statut professionnel distinct de leur situation matrimoniale. La contestation du statut d'aide familial par les jeunes agriculteurs est encouragée par la sphère politique à l'aide de moyens juridiques et financiers, l'objectif étant d'assurer la décohabitation des générations et l'apprentissage des nouvelles techniques agricoles par la vulgarisation agricole et ménagère.