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Maroc – Les nombreux défis d’un pays en mutation
Olivier LE CABELLEC
olivier.lecabellec@credit-agricole-sa.fr
N°17/044 – 14 février 2017
L’économie marocaine : une mutation
encore lente mais volontaire
La richesse par habitant du Maroc reste assez
inférieure à celle des autres pays du Moyen-Orient
et de l’Afrique du Nord, en raison du poids de
l’agriculture dans l’emploi (40%) et le PIB (20%).
Toutefois, le développement de l’industrie a sou-
tenu la croissance du PIB à 4,3% par an en
moyenne entre 2000 et 2015. Le PIB par habitant
en PPA a donc augmenté de 118%, alors qu’il ne
progressait que de 80% ailleurs dans le Maghreb.
La progression démographique plus faible l’expli-
que aussi en partie.
Mais, l’agriculture pèse encore trop dans l’éco-
nomie et la croissance est trop dépendante de
l’aléa climatique. Ainsi en 2016, la sécheresse
affecte le PIB agricole qui se contracte de plus de
10% et explique que le PIB global ne progresse
que de 1,5%, contre 4,5% en 2015. De son côté, le
PIB non-agricole connaît une croissance contrainte
à 2% en 2016. Le tourisme résiste assez bien
malgré l’impact indirect des attentats de la région.
Le secteur minier progresse peu, celui des phos-
phates stagne en raison de cours déprimés et celui
de l’immobilier se redresse après quelques faillites
retentissantes en 2015 et la baisse des com-
mandes publiques.
Les pluies de l’automne permettent néanmoins de
tabler sur un redressement de la croissance du PIB
agricole et donc du PIB total en 2017 à 3,6%. Au-
delà de l’agriculture, ce rebond sera aussi porté par
une hausse attendue de la consommation des
ménages et par un probable redressement de
l’investissement privé, porté par une meilleure
conjoncture.
Des équilibres macro-économiques
corrects malgré des fragilités
La crise de 2009 avait profondément affecté les
comptes publics et externes. Les larges déficits
jumeaux (budgétaire et courant) de 7% et 10% du
PIB en 2012 se sont résorbés. Mais cette réduction
n’est encore que partielle.
Si le déficit courant s’est contracté à 2,5% du PIB
en 2016 grâce à la chute des prix du pétrole
importé et au regain des exportations, il se heurte à
la détérioration du taux d’épargne à 20% du PIB qui
oblige le pays à se financer à l’étranger. Point
positif, son financement est largement assuré par
les investissements directs étrangers, car la sta-
bilité politique du pays attire toujours les investis-
seurs étrangers (automobile, équipementiers). Par
ailleurs, les réserves en devises ont progressé à
8 mois d’importations, ce qui soutient le cours du
dirham.
Le déficit budgétaire a plus de mal à diminuer (4%
du PIB), car des subventions subsistent. La dette
publique s’établit à 75% du PIB, un ratio trop élevé
pour un pays émergent de ce niveau de revenu par
habitant (8 100 USD). Elle est toutefois stabilisée et
est sous surveillance du FMI.
Au total, le double surendettement externe du pays
(la dette brute en devises représente deux fois les
exportations en 2016) ne semble donc pas trop
menaçant pour les équilibres, car la dette publique
est concessionnelle pour un tiers et la dette externe
des entreprises est en grande partie issue des
relations maisons-mères étrangères/filiales. Elle
doit toutefois être surveillée, car elle a fortement
progressé depuis 2008.
Des réformes pour soutenir le
développement
En 2017, le rebond de croissance prévu à 3,6%
devrait faciliter la poursuite des ajustements macro-
économiques. Les réformes structurelles progres-
sent (retraites de la fonction publique, réformes
fiscales). Mais l’économie reste encore trop expo-
sée aux chocs externes et internes : la dépendance
à la croissance en Europe et la vulnérabilité aux
prix du pétrole. De plus, les principaux secteurs
économiques traditionnels du pays sont dans une
situation délicate : le secteur textile est fortement
concurrencé par l’Asie, les phosphates connais-
sent des prix volatils liés aux matières premières et
les recettes sont moins stables que par le passé,
l’agriculture reste duale et nécessite des réformes
pour réduire sa dépendance à l’aléa climatique, et
le tourisme est vulnérable aux risques d’attentats.
Les dirigeants tentent de réduire cette vulnérabilité
mais les défis sont assez élevés.
La réforme de la politique monétaire
Le régime de change actuel (peg du dirham à un
panier d’euro et de dollar) devrait évoluer à moyen
terme vers plus de flexibilité afin d’améliorer la
compétitivité et absorber plus facilement les chocs
externes. La Banque centrale s’y prépare (elle
envisage des bandes de fluctuation de 5% autour
de la parité fixe) ; mais ceci ne se fera, en lien avec
le FMI, que si les conditions macro-économiques
sont favorables. L’ouverture du compte de capital,
encore très contrôlé, n’est, elle, envisagée qu’à
moyen terme.
La poursuite de l’industrialisation
La diversification de l’économie est devenue une
priorité et le pays a mis en place, avec un certain
succès, un environnement destiné à attirer les
investisseurs étrangers vers de nouveaux métiers