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Mariage et loi naturelle : réponse à Luc Ferry
Article rédigé par , le Henri Hude 25 février 2013
Dans une chronique titrée "Mariage gay : réponse à mes amis chrétiens" (parue dans du 14le Figaro
février 2013), Luc Ferry s’en prend à la doctrine de la loi naturelle, responsable à ses yeux de
l’opposition de l’Église au projet de loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe. Mais le
philosophe a recours à de grossières confusions. Comment peut-on réduire la nature à sa seule
dimension matérielle ?
NOTRE TRES MEDIATIQUE STAR de la philosophie, et accessoirement de la politique, rappelle que la
loi sur le mariage gay a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale. Elle nous informe de
sondages assurant que deux Français sur trois approuveraient nos graves législateurs. Elle fait alors état de
son intention de « dire ici à [ses] amis chrétiens pourquoi il [lui] semble que leur combat était dès l’origine
mal engagé ». Ses « amis » ne peuvent que lui en être reconnaissants.
La très médiatique star, avant de nous expliquer pourquoi la religion, une fois de plus, est complètement à
côté de la plaque, proteste de son « respect pour les religions ». Elle en donne pour preuve, ou du moins
pour indice, ses relations privilégiées et ses collaborations littéraires avec deux membres du collège
cardinalice. Bien joué. Ses relations ne s’arrêtent pas là. Saint Jean l'évangéliste serait son compagnon de
solitude préféré. Gageons qu’il l’introduira directement à Dieu le Père, ou plutôt à Dieu parent 1 ou 2.
Ma différence originelle avec certains cardinaux, c’est que je ne suis pas issu d’un milieu catholique, que je
devrais me faire pardonner, mais de générations farouches de bouffe-curés. Et ce dont je suis sûr, c’est
qu’aux temps vigoureux de mes ancêtres, rationalistes et anticléricaux, des aménités patelines comme celle
de Ferry auraient été qualifiées de « propos faux-cul de curé-manqué ». Mais enfin, soyons bon chrétiens,
c’est-à-dire considérablement naïfs, réjouissons-nous de l’amitié d’un homme si tolérant et venons-en au
fond.
La très médiatique star de la philosophie énonce sa thèse centrale :
"
« La condamnation par l’Église de l’homosexualité [...] s’appuie sur une conception de la nature
qui n’a plus cours. » Il s’agirait de la vieille conception pré-galiléenne du « cosmos » et c’est
dans le cadre de cette « sacralisation cosmique de la nature » que l’Église pourrait justifier sa
définition de tel comportement comme « désordre », « antinaturel » et « péché majeur » (dixit
Ferry). L’Église agirait ainsi « comme si la nature était notre code, comme si elle [la nature]
pouvait fixer la norme ». Or cela est insoutenable, nous dit la star, pour les raisons
philosophiques que nous verrons .[1]
"
Mais avant d’en venir à ces raisons, faisons quelques premières observations, d'ordre plus théologique.
L’Église catholique, machine à émettre des « condamnations », comme chacun sait, appuierait donc lesdites
« condamnations » sur des « conceptions », c’est-à-dire des principes philosophiques, et il se trouve que ces
principes seraient surannés. Elle (l’Église) aurait donc besoin d’une piqûre de charité et d’un bon lifting
philosophique, quelque chose – en somme – comme une philosophie de l’amour.
L'ignorance crasse de Luc Ferry
Si Ferry avait consulté sur ce point ses éminentes relations, elles lui auraient appris que saint Paul, collègue
de saint Jean, sans doute moins charitable, a écrit dans sa des lignes particulièrementLettre aux Romains
énergiques sur le sujet ( ).chap. 1 , versets 18-28 et surtout 26-27
er
Comme on est dans un pays libre, je ne citerai pas saint Paul, qui serait sans doute aujourd’hui traduit en
correctionnelle. Il faudra sans doute un jour, en France, pour assurer un meilleur respect des droits
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fondamentaux, censurer les éditions de la Bible.
Sur la morale, en particulier sur la morale du corps, et du sexe, et sur les rapports subtils et profonds entre la
loi et la nature, la nature et la raison, la nature et la conscience, etc., il existe un texte récent et puissant,
traitant de manière actualisée de ce qu’on appelle la « loi morale naturelle ». Il s’agit bien sûr de
l’encyclique (surtout ch.2, sections I et II). Ce texte n’est pas signé par Innocent III ou parVeritatis Splendor
Boniface VIII, mais par Jean-Paul II. J’ai participé à sa présentation dans un ouvrage en italien préfacé par
. Si l’on veut savoir ce que l’Église pense de la nature, dans son rapport à la loi morale,le cardinal Ratzinger
il faut lire attentivement ce texte. Après quoi, il est contraire à la plus élémentaire honnêteté d’écrire que
l’Église penserait sur ces sujets « comme si la nature était notre code, comme si elle pouvait fixer la
norme ». Ferry se ridiculise en parlant d’un sujet qu’à l’évidence il ne connaît pas, et, plus grave, de choses
qu’il ne voit même pas.
Sauf erreur de ma part, l’Église agit donc ici, non par soumission à l’autorité de « conceptions »
philosophiques, surannées ou non, mais par fidélité au contenu explicite et formel de la révélation dont elle
est dépositaire, et dont la norme première se trouve dans l’Écriture sainte. Et c’est dans ce dépôt même
qu’elle trouve la pensée d’un rapport, mystérieux j’en conviens, entre la moralité et la nature.
La star n’a probablement pas lu non plus (surtout sa dernière section), le texte du grand rabbin Bernheim
. auquel Benoît XVI a lui-même fait référence
Bref, quand on a la moindre connaissance de la question, on sait que Ferry, sur ce sujet, ne dit rien qui ne
manifeste son ignorance.
Mais comme je n’ai, et ne prétends à, aucune autorité en matière de foi ou de théologie, je laisse ces disputes
à d’autres plus qualifiés ou plus légitimes. Et je me limiterai dans la seconde partie à des considérations
d’ordre purement philosophiques.
1 observation. La loi naturelle et la « sacralisation de la nature »
e
Ferry prétend que l’éthique chrétienne, notamment (d’après le contexte) en matière sexuelle, et en raison de
son admission de l’idée de loi morale naturelle, s’inscrirait dans le cadre d’une « sacralisation cosmique de
la nature ». On admet assez généralement, tout au contraire, que le monothéisme judéo-chrétien aurait
inauguré ou permis une désacralisation du monde physique, une dédivinisation ou un désenchantement de la
nature. Autrement, on se situerait encore dans un contexte polythéiste, ou panthéiste.
Et saint Paul, ( ., 1, 26-27), argumente son refus précisémentdans son texte fameux sur l’homosexualité Rom
à partir du lien logique profond qu’il croit discerner entre le polythéisme et l’homosexualité. Mais quoi qu’il
en soit de ce dernier point, la du cosmos par le monothéisme est indéniable, reconnue etdédivinisation
admise à peu près de tous, quel que soit le jugement, positif ou négatif, qu’ils peuvent porter sur cette
opération.
Ferry voulait probablement dire autre chose que ce qu’il a dit. Une star est sans doute excusable en cela.
2 observation. Sur la brutalité de la nature
e
L’idée de loi morale naturelle supposerait, écrit Ferry, que le cosmos soit « un ordre divin, harmonieux,
juste, beau et bon ». Mais, nous rappelle la star, « la loi de la nature n’est pas faite d’harmonie et de justice,
c’est la loi du plus fort ». La nature ne serait donc pas morale, mais amorale, voire vaguement immorale. Pas
moyen donc de prendre modèle sur elle, ou d’en user comme norme. Telle serait « la vérité, nous le savons,
depuis Darwin ». Et donc l’idée de loi morale naturelle. Que peut-on ajouter à cette brillanteexit
démonstration ?
Que Darwin a publié son grand livre en 1860, et que pas mal d’eau a quand même coulé sous les ponts
depuis. Et ce que nous savons aussi, aujourd’hui, c’est, par exemple, les limites de la concurrence vitale.
Dans la nature vivante, végétale ou animale, la solidarité (entre les espèces ou les individus) est aussi réelle
et a autant d’importance que la concurrence. Mieux encore, la concurrence serait mortelle aux espèces, si
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elle était trop violente, comme l’expliquait . Ainsi, dans la nature, la solidarité sePierre-Paul Grassé[1]
combine à la concurrence pour former un ordre global viable et dynamique.
En somme, il n’y a guère que chez l’homme oublieux de sa loi morale naturelle, qu’on rencontre cette froide
immoralité, qu’on a voulu à tort prêter à la nature. Ce n’est donc pas la nature vivante, mais ce sont plutôt
les libéraux à la Ferry, en somme, ou à la Milton Friedman, les capitalistes sauvages, et eux seuls, qui
croient être « naturels » quand ils se montrent purement cruels et compétitifs.
Il n’y a que l’homme immoral à être purement « darwinien », au sens archaïque (1860) du mot. Tout
homme civilisé admet donc un élément de loi naturelle. Les sauvages immoraux, ce sont les économistes
libéraux purs, ou les philosophes libéraux légers, incapables d’imiter la nature dans sa juste combinaison de
concurrence et de solidarité. Bien entendu, cette combinaison doit s’opérer, dans le genre humain, autrement
que chez les insectes ou que dans les forêts, mais qui en a jamais douté ?
3 observation. Sur Ferry et les oies sauvages
e
Au reste, quand on parle de suivre la loi morale naturelle, ou même d’imiter la nature, il ne s’agit pas
d’abord de prendre modèle sur les animaux les plus édifiants d’un bestiaire. Cela dit, ces derniers sont
presque aussi surprenants que les grands fauves médiatiques, insatiables prédateurs de l’« infosphère »,
.selon l’expression du général Loup Francard
Je me souviens d’une soirée passionnante passée chez Jeanne Parain-Vial, professeur de philosophie à
l’Université de Dijon, . Elle prit à un moment la parole pendant leauteur d’un beau livre sur Gabriel Marcel
repas et se mit résumer une thèse d’histoire, sur les recueils de sermons médiévaux. Nous nous préparions
tous à nous ennuyer ferme, quand elle se mit à parler d’un prédicateur qui donnait en exemple aux pieux
villageois la chasteté des cigognes et la stricte monogamie des oies sauvages. Le bon frère concluait son
homélie, racontait-elle à une tablée réjouie, par le récit troublant de la mise à mort d’une cigogne adultère,
tuée à coups de bec par ses congénères apparemment outrés de la transgression de la norme spécifique.
Elle ajouta ensuite à notre étonnement : les recherches méthodiques des élèves de Konrad Lorenz avaient
justement abouti à des conclusions concordant avec les observations empiriques, pouvant se trouver à la
base des récits du prédicateur. Et elle nous raconta notamment l’histoire assez désopilante des frasques
extra-conjugales du jars Adonis et de leur impact dramatique sur sa carrière de chef de troupe.
Alors, chère star, n’y aurait-il pas là beaucoup à méditer, autant qu’à sourire ? Est-ce l’homme qui sort de
l’animalité, ou est-ce l’animalité qui se déploie à partir de ce qui deviendra l’homme ? Goethe pensait plutôt
de cette dernière façon. Etait-il moins humaniste que vous ?
Il y a chez les vivants des normes éthologiques de comportement social, immanentes à la vie de leurs corps
sociaux, comme la santé est une norme immanente au corps individuel vivant. Et quel est le rapport, chez
l’homme, entre l’animalité et la rationalité ? Entre la sociabilité naturelle et la morale ? Si la morale n’était
pas en quelque façon naturelle, la sociabilité ne le serait sans doute pas non plus. Cela est-il soutenable ? J'ai
exposé cela dans mon dernier livre, . Préparer l'avenir
Si nous sommes des esprits purs, et voulons en être, pourquoi chercher le plaisir ? Si nous ne voulons pas
dépendre de la nature, le plus logique ne serait-il pas de commencer par nous détacher du plaisir ? Quelle
curieuse absurdité, par conséquent, que de polémiquer contre la nature au nom du plaisir… Car qu’y a-t-il de
plus naturel que le plaisir ? Mais, si nous le cherchons, nous suivons la nature, et alors pourquoi
chercherions-nous le plaisir comme nous le chercherions si nous étions des esprits purs ? Pourquoi l’extraire
de la vie ?
Et si nous sommes dans la vie, dans « le fleuve du vivant », comment peut-il être raisonnable de faire fi,
dans l’ordre humain, de ces grandes différenciations, comme celle du mâle et de la femelle, dont il faut bien
qu’elles aient comporté des avantages décisifs pour la survie de l’espèce ?
L’homme descend du singe par hasard et l’homme n’a pas de loi morale naturelle. Je sais, c’est la science.
Bonne fille, elle n’aura garde de contredire une aussi puissante star. Mais croyez-vous, de bonne foi, que ces
deux thèses, qu’une logique passionnelle unit, soient logiquement rattachables ? Comment faire coller le
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matérialisme crû, pour lequel la culture est dans les gènes et la pensée dans le cerveau en vertu de la rigide
nécessité physique, avec l’idéalisme absolu et délirant d’une pensée libertaire et culturaliste, pour laquelle le
sexe se dissout dans le genre, le genre dans le langage et le langage dans les représentations imaginaires
flottant au milieu des conversations sociales, et qui émergent pour un temps de consensus aussi fantaisistes
qu’arbitraires ?
Quand la star emploie le mot « nature », elle entend toujours ‘les choses matérielles’, les objets dont
l’ensemble forme l’univers physique, ou les lois physiques de ces systèmes d’objets. Sur quoi, elle déclare
triomphante que l’homme n’est pas un objet physique et qu’il est donc impropre de parler de l’être humain
en employant le mot de nature. Et d’incriminer là-dessus Aristote et saint Thomas. C’est clair. Mais c’est
pitoyable.
Un seul indice : saint Thomas parle à tout bout de champ de la « nature divine », au sens de nature de Dieu,
comme on parle de nature humaine, au sens de nature de l’homme. A-t-il jamais prétendu que la nature de
Dieu en ferait le sujet des lois physiques dont il est le créateur ?
Surtout, tant de questions subtiles forcent à abandonner les dualismes artificiels et khâgneux de la nature et
de la liberté, de la nature et de la culture, de la nature et de l’esprit, de la nature et du social, etc. Il s’agirait
de penser en décideur responsable, en savant sérieux, de penser sérieusement cette unité de l’animal
. Le faire, c’est voir se pulvériser une idée simpliste de nature en un sens physique univoque, etraisonnable
c’est voir émerger le fait original de la , si gênante pour tout arbitraire postmoderne.nature humaine
En un mot, il faudrait réfléchir. Mais ce serait prendre le risque de voir l’opinion perdre le pouvoir sur la
vérité, les médias sur la science, la sophistique sur la pensée. Nous ne serions plus une star. Et puis, si on ne
peut plus mentir entre « amis », ce n’est plus la peine de jouer, . comme dirait Pagnol
4 observation : et si on disait un mot de Newton ?
e
Pour faire barrage à l’idée de loi morale naturelle, qui est sa bête noire, notre star médiatique en appelle
aussi dans sa chronique à l’autorité d’Isaac Newton. Le grand ouvrage du physicien date de 1686. On a vu
surgir, depuis, Einstein, Planck, Heisenberg, sans parler des vivants. Toutefois, nul ne peut être surpris
qu’on parle encore de Newton, quand il s’agit de philosophie naturelle, ou de philosophie de la nature. Notre
star espère sans doute que la référence à Newton apportera de l’eau à son moulin. C’est ce qui m’étonne.
Si j’en crois de plus compétents que moi, on peut s’accorder sur le sens de l’intervention de Newton en
sciences physiques : critiquer la physique cartésienne, pour laquelle la matière n’était que chose étendue
claire et distincte ( , ou, pourrait-on dire, en termes actualisés, « espace euclidien-substance »).res extensa
Newton, sauf erreur de ma part, a généralisé et rendu classique la notion de , cause de l’accélérationforce
des mobiles. La mécanique a ainsi véritablement commencé à exister, le jour où Newton, passant outre à la
tyrannie d’un rationalisme scientiste étriqué, a redécouvert l’élément dynamique dans la nature et surtout a
trouvé moyen de le mathématiser.
Or maintenant, qu’est-ce justement que la , la , pour Aristote ( , livre 2) ? Non pasnature phusis Physique
d’abord un ensemble d’objets (l’univers ou cosmos), ni le système de lois générales qui le régit, mais un
« premier principe interne de mouvement ». En termes moins naïfs et plus actualisés, on dirait : un principe
d’accélération, une force, dont l’action est orientée dans l’espace et au long du temps : en un mot, toujours
en termes actualisés, une force soumise à des lois.
En outre, ces mouvements des corps, pour Aristote, ne peuvent être correctement décrits que si on les
comprend comme relatifs à l’existence d’autres parties et lieux de l’univers. Bien sûr, les images
cosmologiques aujourd’hui vieillottes auxquelles il s’arrêtait ne sont plus à jour, mais elles ne sont pas à la
hauteur de la puissance de ses concepts. Il serait injuste de l’enfermer dans des modèles ou des
interprétations trop simples de ses riches conceptions.
Par conséquent, nous décrirons sans doute de façon assez correcte l’œuvre de Newton, si nous y voyons la
percée décisive en sciences, qu’a rendue possible le retour réfléchi d’un esprit libre et objectif, non sans
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doute à Aristote, mais à une conception d'ensemble, plus ancienne, plus profonde et plus raisonnable, dont
avait voulu s’écarter l’idéologie du matérialisme ‘cartésien’ (au sens vulgaire du mot). Et l’autre grand esprit
créatif et scientifique de l’époque, Leibniz, partageait cette orientation.
Newton était aussi un passionné d’alchimie
Il y a consacré, dit-on, la moitié de son temps. Si Thomas d’Aquin s’y était intéressé autant qu’Isaac
Newton, tous les Ferry de la planète, dans leurs chroniques hebdomadaires, ne manqueraient pas une
occasion de le rappeler au public et de taxer Thomas d’inexcusable irrationalité. Disons plutôt que Newton,
comme Ampère, comme Heisenberg, comme Pascal, et comme tant d’autres, mesurait l’amplitude et la
diversité de notre pouvoir de connaître, et répugnait à le renfermer dans une sphère trop étroite.
Puisqu’il parlait de Newton, Ferry aurait dû souligner combien l’idée que ce grand génie avait de la nature
était loin d’en exclure la pensée du Principe métaphysique, ni donc celle de loi morale naturelle. Même le
point de l’alchimie n’aurait pas été hors sujet, vu le thème de sa chronique. Le but ultime de l’occultisme
n’est-il, en effet, le rêve mercurien d’une fabrication de l’androgyne ? Complexités de Newton…
5 observation : quelques mots sur la philosophie de l’Eros
e
Newton, pour continuer à parler de lui, avait étudié à Cambridge. Cette université était riche d’une brillante
tradition platonicienne. Newton y fut ainsi marqué par la grande figure de Henry More (1614-1687),
théologien platonisant et critique acéré du cartésianisme vulgaire. Or, qu’y a-t-il de plus prégnant dans la
philosophie platonicienne, que la pensée de l’Eros ? Mais, qu’est-ce que l’Eros ?
L’Eros, vu par le petit bout de la lorgnette (si j’ose dire), c’est aujourd'hui une polissonnerie de bobos.
Autrement, c’est le nom donnée par les Platoniciens, au lien du sensible et de l’intelligible – on pourrait
dire, du visible et de l’invisible –, et au lien universel entre les êtres visibles. Déjà, la divine Comédie de
Dante se termine par le vers fameux :
"
« Amour qui fais tourner Soleil et toute étoile. »
"
C’est dans un tel contexte et une telle ambiance (ou d'autres du même genre) que se situe le sexe qui a du
sens et de l’humanité.
Newton ayant baigné dans le platonisme de Cambridge, comment pourrait-on exclure de son esprit quelque
intuition ou inspiration de ce genre, au principe et au fond de l’invention des lois de l’attraction universelle ?
Mais comment alors séparer à la hache l’ordre physique et l’ordre moral ? Et donc comment oser assurer
que l’idée de loi morale naturelle serait contraire à la « science » ?
À une idéologie de la science, elle s’oppose peut-être, mais au savoir des vrais savants, créatifs, c’est plus
que douteux.
L’ordre moral et l’ordre physique ne sont pas objectivement séparés — pas totalement
Subjectivement, ils peuvent sembler l’être, parce que notre esprit projette alors au dehors une séparation qui
n’existe qu’en lui. Et quand y existe-t-elle ? Quand nous avons coupé la technique de la morale ; car, alors,
l’objet de la technique, souvent voisin de celui de la science, paraît en soi quelque chose d’amoral. En un
mot, le matérialisme n’est pas un élément de la science, mais une illusion qui naît dans l’esprit d’un
technicien qui n'est que technicien.
Le plus grand des penseurs des Lumières, Kant lui-même, dont Ferry se réclame volontiers, est-il si éloigné
de semblables pensées ? Sans doute, pour Kant, la nature objet de la raison théorique n’était d’abord que
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