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dilatation, chaleurs spécifiques, constantes diélectriques, susceptibilités magnétiques, etc.) étaient elles-mêmes mises en
évidence.
II - LA MECANIQUE STATISTIQUE
D'abord relativement indépendante de la thermodynamique, puis venant se fondre en elle et la prolonger, apparaissait par
ailleurs une autre approche, fondée sur une analyse microscopique, et non plus macroscopique, des propriétés de la matière.
Elle tire son origine de la théorie cinétique des gaz, fondée par D. Bernoulli en 1738, reprise et considérablement développée
par Kronig (1856), Maxwell (1860), Boltzmann (1877). Le gaz y est assimilé à un ensemble de points matériels (qu'on sait
maintenant représenter en fait les molécules gazeuses), qui n'interagissent que par leurs chocs: son étude combine mécanique
classique et calcul des probabilités; elle permet d'évaluer la pression, de définir une température cinétique, qui caractérise la
répartition statistique des molécules gazeuses entre les différents états mécaniques où elles peuvent se trouver, des résultats
généraux apparaissent, tels le "théorème d'équipartition" qui permet à Einstein, en 1905, de donner enfin l'interprétation du
"mouvement brownien", immédiatement mise à profit par J. Perrin pour déterminer le nombre d'Avogadro.
La théorie cinétique avait dès lors atteint une maturité qui justifiait son extension: les systèmes macroscopiques qu'étudie la
thermodynamique classique sont en fait constitués d'un ensemble énorme d'éléments microscopiques (atomes, molécules,
électrons, moments magnétiques d'électrons ou de noyaux, etc.); leur comportement, observé à notre échelle, résulte comme en
théorie cinétique, de l'établissement systématique d'une moyenne sur les comportements individuels de composants
microscopiques. Une étude menée suivant une telle ligne directrice suppose nécessairement une composante statistique, fondée
sur un certain nombre de postulats de départ (hypothèse d'équiprobabilité des états microscopiques par exemple) qui
remplacent, au niveau atomique ou moléculaire, les principes de la thermodynamique. Ces postulats une fois admis, les
éléments microscopiques constituant le système et leurs interactions sont décrits par la seule "mécanique" (que nous devons
comprendre, ici, comme toujours en thermodynamique, "au sens large", en y incluant l'électricité, le magnétisme, etc.): les
relations de ces constituants soit entre eux, soit avec le milieu extérieur, ne font intervenir que des échanges d'énergie
mécanique, de quantité de mouvement, etc., situation qui prolonge celle qui caractérise la théorie cinétique des gaz.
Au niveau d'un élément microscopique, par exemple une molécule, les catégories thermodynamiques "chaleur" ou
"température" sont sans intérêt, et même impossibles à définir: on ne peut parler de la température d'une molécule isolée, ni dire
qu'on lui fournit une quantité de chaleur. Effectuons, par contre, un bilan des échanges d'énergie entre les atomes, molécules...
constituant un système, et le milieu extérieur: tandis qu'au niveau de chaque molécule ces échanges impliquent un transfert
d'énergie "mécanique" (au sens large), au niveau du système entier, il apparaît que seule une partie de ces échanges peut
s'interpréter comme un travail mécanique macroscopique
,
susceptible de s'exprimer comme en mécanique classique, en
fonction des paramètres macroscopiques et de leurs variations. En général, une partie des échanges d'énergie échappe à ce type
de description: elle correspond à la "chaleur", et nous obtenons, par simple application du principe de conservation de l'énergie,
la relation fondamentale: somme des échanges mécaniques microscopiques entre les constituants du système et l'extérieur =
travail mécanique macroscopique
+
chaleur macroscopique
.
Ceci posé, nous voyons que la chaleur cesse d'être une entité purement phénoménologique, comme c'est le cas en
thermodynamique classique, pour devenir une grandeur calculable, dans le cadre d'une description microscopique fondée sur la
seule mécanique. Il en est de même de la température, et de la mystérieuse "entropie".
Malheureusement, ces résultats fondamentaux de la mécanique statistique ne peuvent être atteints qu'au terme d'une
progression assez longue et souvent très abstraite que nous devons, entre autres, à L. Boltzmann, W. Gibbs, M. Planck, et qui
connaît, aujourd'hui encore, de nouveaux développements. De nombreux intermédiaires sont nécessaires, de nombreux outils
doivent être introduits, et précisément définis. Cet effort est, néanmoins, payé de retour.
Il est certain que la thermodynamique est tout à fait suffisante au niveau des technologies classiques: elle satisfait, par
exemple, tous les besoins des constructeurs de machines thermiques, de moteurs, de turbines, etc. Cependant, l'introduction de
la mécanique statistique permet un évident progrès conceptuel; de plus, un nombre croissant de développements techniques met
en oeuvre des phénomènes authentiquement microscopiques: il serait difficile d'appliquer à ceux-ci les raisonnements
thermodynamiques sans faire aucune référence à une description elle-même microscopique. Enfin, la mécanique statistique
suggère certains prolongements qu'il aurait été difficile d'imaginer ou de développer pleinement dans le cadre de la seule
thermodynamique, même s'il est possible de les formuler, parfois a posteriori
,
dans son langage: c'est ainsi que l'on connaît,
depuis Nernst (1906), un "troisième principe" dont l'origine et les conditions de validité sont particulièrement claires dans le
schéma statistique; de même, des progrès - certains récents - ont pu apparaître dans ce cadre au niveau de l'étude des
phénomènes irréversibles, qui élargissent sensiblement (à la biologie par exemple) le champ d'application des raisonnements
thermodynamiques.
Un dernier aspect mérite d'être souligné: le niveau microscopique auquel se réfère la mécanique statistique ne peut être
correctement représenté par la seule mécanique classique, mais relève d'une description quantique. Une présentation cohérente
ne peut donc être finalement obtenue que dans le cadre de celle-ci: il apparaît d'ailleurs que cette exigence n'introduit pas de
difficultés supplémentaires, mais permet, au contraire, de simplifier, parfois très sensiblement, l'exposé. De plus, certaines
caractéristiques du comportement quantique des particules qui apparaissent ont une importance essentielle même au niveau
macroscopique. C'est ainsi qu'il convient de distinguer entre deux grandes catégories de particules, les fermions (électrons ou