… et sont tolérées,
à défaut d’être
encadrées.
Le fléau de
l’expropriation
arbitraire, sans
indemnités ni
reclassement,
continue de
s’exercer.
Avec les nouveaux
et les anciens
citadins, on
recense de
faramineux
besoins :
équipements
électriques en tout
genre, marché
automobile etc.
Mais les
problèmes de
pollution remettent
en question le
modèle de
développement
chinois…
Ces migrations sont tolérées, à défaut d'être encadrées. Prudemment, les
autorités n'ont pas aboli le fameux « permis de résidence » (hukou), qui fixe en
principe chacun auprès de son « unité de travail ». On parle depuis dix ans du
démantèlement du système du hukou et on annonce tous les six mois que, cette
fois, la réforme est sérieusement « à l'étude ». Mais ce serait une révolution. Un
paysan migrant, très généralement, ne peut pas transférer son hukou, sauf contrat
de travail formel dans une usine, lequel d'après le nouveau code du travail chinois
de 2008, doit être signé après… dix ans d'emploi effectif ! Il peut être embauché à
la semaine dans le bâtiment ou la restauration, mais il n'a aucun droit : pas d'accès
à l'hôpital local s'il se blesse, pas de possibilité de mettre ses économies à la
banque ou de scolariser ses enfants, s'il les fait venir du village. C'est un moyen
policier comme un autre de contrôler cette masse flottante qu’en chinois ont
nomme « la vague aveugle ». En cas de récession – déjà fort visible dans les
industries exportatrices du sud - le retour à la campagne en aller simple se fait sans
autre forme de procès.
De plus, le monde pur et parfait de l'économie réelle en État de droit, qui
régulerait harmonieusement les flux, ne fonctionne pas comme cela dans le
contexte chinois. Les petits chefs locaux du Parti commettent en toute impunité
toutes sortes d’exactions et d’expropriations arbitraires, au nom de vagues projets
de développement. Le plus souvent sans indemnités ni reclassement des paysans.
La plupart des milliers de manifestations violentes qui surviennent périodiquement
dans le pays ont pour origine la disposition inconsidérée de la terre. Depuis octobre
2008, l’Etat central tente de mettre un peu d’ordre. Les paysans ne possèdent
toujours pas la terre qu’ils cultivent, réputée « propriété collective » au nom d’une
catégorie du droit particulière à la Chine communiste. Mais désormais, ils en ont
légalement un droit d’usage, qu’ils peuvent négocier ou transmettre. C’est un
début, mais insuffisant pour stabiliser des millions de paysans sur lesquels le fléau
de l’expropriation a fondu et va sans doute continuer de s’exercer, et qui ne
pourront faire autrement que de migrer vers des cieux en apparence plus cléments
(voir le joli livre « La promesse de Shanghai » par Stéphane Fière).
Les villes chinoises vont donc s’étendre et encore se densifier, si c’est
possible, avec un boom de l’équipement mais aussi des nuisances. Du côté du
verre à moitié plein, on recense évidemment les faramineux besoins des citadins
anciens et nouveaux, qui soutiennent puissamment le marché intérieur chinois et
l'appareil industriel des entreprises autochtones ou étrangères. Depuis l'an 2000, le
nombre des climatiseurs a été multiplié par trois, et aujourd'hui 84% des ménages
urbains en sont équipés. Sans parler des lave-linges, télévisions, réfrigérateurs,
machines électriques en tout genre, équipements divers de la cuisine ou du salon,
dont les modèles foisonnent. Telle entreprise internationale de verrerie, telle
entreprise de canapés, y trouvent plus que leur compte, pour qui le marché chinois
est le nouvel eldorado. Sans parler du marché automobile, puissamment soutenu
par l'engouement des nouvelles classes moyennes chinoises. Les ventes de voitures
atteignent en 2008 5,3 millions d'exemplaires. Le marché s'est certes tassé de
+27% en 2007 à +8% seulement en 2008 (et sans doute +3% en 2009, récession
oblige), et la concurrence y est féroce, mais c'est la nouvelle frontière des
constructeurs occidentaux ou japonais, dont les perspectives à domicile sont
moroses.
Mais, du côté du verre à moitié vide, le modèle de développement fondé
sur la croissance à tous prix et sur le primat à l’industrie est aujourd'hui sévèrement
remis en question. Aujourd'hui, parmi les 20 villes les plus polluées du monde, 16
d'entre elles sont chinoises. La Chine est passée en 2008 à la première place dans
le douloureux classement mondial des pays émetteurs de CO², devant les États-
Unis. La pollution atmosphérique est devenue intenable. En été, dans le climat
chaud et humide de cette saison, les particules noires font la nuit en plein jour du
côté de Pékin, de Shanghai, et même maintenant de Hong Kong (à cause des
industries du delta de la rivière des perles à proximité).