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Une situation inédite
« L’une des conséquences de la conquête de l’Algérie a été de mettre les autorités
françaises dans la situation de devoir gérer simultanément deux religions, l’islam, qui
prédomine au sein des populations soumises, et le christianisme, qui fait son retour
après plusieurs siècles d’absence. » (p. 17)
Oissila Saaïdia montre une administration française forte de sa longue tradition, sans
l’administration la plus élaborée en Europe, renforcée par des pouvoirs forts (monarchie
absolue, réformes napoléoniennes), qui doit se confronter à une culture quasi inconnue
(expériences en Afrique, au Sénégal, mais limitées).
Ce qui est passionnant, c’est que cette administration, ce sont des hommes, des anonymes,
qui recherchent des solutions, non sans mal, non sans bien des tatonnements, malgré une
méconnaissance impressionnante de l’islam, et toujours dans l’intérêt de la domination
française. Il fallait contrôler, mais habilement, sans provoquer des réactions hostiles en
retour (souvenir de l’administration napoléonienne imposée aux nations européennes ? cf
Espagne, prusse, Tyrol…), dans un contexte globalement hostile, la situation se compliquant
par l’arrivée de l’Eglise catholique et de ses missionnaires, forts de la protection du
concordat.
L’ouvrage montre une double structuration des cultes : l’islam mystérieux et inquiétant
transformé justement en culte ; le catholicisme dont les fonctionnaires sont plus familiers, du
moins en principe, qui devient un des piliers de la présence française, mais qui restera
toujours la religion des occupants aux yeux des autochtones.
On observe dans les esprits une sorte de superposition des deux religions : on cherche à
transposer le catholicisme sur l’islam : La Mecque vue comme une sorte de Rome
musulmane, la volonté de contrôler les pèlerinages comme on peut surveiller le pèlerinage
de Lourdes. De même transposition sur l’islam des mentalités et des traditions
administratives françaises sur l’islam : tradition du droit et force de l’écrit face à une culture
où l’oralité « fait sens », volonté de trancher sur tout.
L’Église concordataire
Rome accepte d’ériger des diocèses, donc de ne pas considérer l’Algérie comme une
colonie, comme une terre de mission. Rome entre ainsi dans les vues de la France. L’Algérie
entre ainsi dans le système concordataire, et par conséquent, ensuite, dans celui de la
Séparation. Cadre légal : trois départements et trois diocèses, création d’un réseau de
paroisses, multiplication de lieux de culte (visibilité). Transposition du système des
Fabriques.