L’impact des polluants de courte durée de vie sur le climat arctique Les modèles de climat indiquent que les hautes latitudes sont parmi les régions les plus sensibles à un changement climatique. En arctique, la forte augmentation de température se traduit notamment par une accentuation de la fonte des glaciers et de la banquise. Cette hausse de la température moyenne de la surface observée peut être attribuée pour moitié à l’augmentation des gaz à effets de serre (tel que le dioxyde de carbone) caractérisés par un temps de résidence important. Les polluants de courte durée de vie (short-lived pollutants, SLP), c'est-à-dire essentiellement les aérosols contenant du carbone suie et l’ozone, ainsi que le méthane ont également été identifiés comme contribuant significativement au changement climatique en Arctique bien que leur contribution exacte reste à préciser. Le rôle des aérosols riches en carbone suie est multiple : d’une part, ils participent à l’augmentation de l’absorption du rayonnement solaire dans l’atmosphère ainsi que dans la neige lors de leur dépôt, d’autre part, ils modifient les propriétés microphysiques des nuages et donc leurs interactions avec le rayonnement. L’ANR CLIMSLIP (Climate impacts of short-lived pollutants and methane in the Arctic) coordonné par le LATMOS en partenariat avec le LaMP, le LGGE, le LSCE et le LMD s’inscrit dans ce contexte. Son but est d’améliorer notre compréhension du rôle et de l’impact des SLP sur le climat arctique à l’échelle régionale. Ce projet, aussi soutenu par INSU-LEFE, s’appuie en partie sur les résultats de l’ANR POLARCAT-France (2007-2010) visant à mieux documenter le transport longues distances des polluants des moyennes latitudes vers l’Arctique et se focalise plus particulièrement sur la réalisation et l’exploitation des mesures de SLP collectées lors de campagnes de terrain en synergie avec la modélisation régionale et globale. C’est dans ce cadre que se déroule actuellement une campagne de mesures à la station Francoallemande AWIPEV de Ny-Ålesund (79°N) situé dans l’archipel du Spitzberg. Cette campagne bénéficie également du soutien financier et logistique de l’IPEV et du Norsk Polarinstitutt (NP). Depuis le mois de Mars, des scientifiques du Laboratoire de Météorologie Physique (LaMP) de Clermont-Ferrand et du Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement de Grenoble (LGGE) mesurent et étudient les propriétés microphysiques et optiques des nuages ainsi que les concentrations de carbone suie dans l’atmosphère et dans la neige. Des observations sont effectuées à la station norvégienne de mesures du Mont Zeppelin (480 m au-dessus du niveau de la mer) ainsi qu’à la station française Jean Corbel située à 5 km de la base scientifique de Ny-Ålesund afin de minimiser l’impact de la pollution anthropique locale en carbone suie liée à la combustion. Les mesures de concentration de carbone suie dans l´atmosphère sont réalisées grâce à un SP2 (single particle soot photometer) qui permet la mesure du carbone suie et de son spectre dimensionnel avec une précision supérieure et des temps d´intégration plus courts que les mesures plus conventionnelles d´absorption sur filtre. Ceci permettra de mieux contraindre le forçage radiatif par le carbone suie sur la colonne atmosphérique. Près de 300 échantillons de neiges seront également prélevés et analysés au LGGE afin d´étudier l´impact du carbone suie sur les propriétés optiques et radiatives (albédo de diffusion) de la neige et le dépôt sec du carbone suie et d’autres impuretés. La caractérisation in situ des propriétés des nuages est effectuée par l’intermédiaire de la plateforme microphysique aéroportée (Néphélomètre Polaire, CPI, FSSP-100 et sonde Nevzorov) du LaMP installée pour la première fois au sol à la station du Mont Zeppelin. Cette combinaison instrumentale unique permet de mesurer simultanément les propriétés microphysiques (concentration, contenu en eau, taille et forme des hydrométéores) et optiques (indicatrice de diffusion, albédo) des nuages quelle que soit leur phase thermodynamique. Les propriétés physico-chimiques des aérosols mesurées par le SP2 ainsi que par l’instrumentation disponible à la station permettront également d’étudier l’impact de la composition des aérosols sur les propriétés nuageuses. Les mesures continues in situ des propriétés nuageuses et des précipitations effectuées depuis début Mars mettent en évidence la forte variabilité des propriétés microphysiques et optiques des nuages échantillonnés au Mont Zeppelin. En effet ces nuages sont caractérisés par des formes d’hydrométéores ainsi que des teneurs en eau liquide et en glace très différentes en fonction des conditions météorologiques. Les premiers résultats montrent également une forte dépendance des propriétés optiques aux caractéristiques morphologiques des cristaux de glace. Le lien entre la variabilité des propriétés microphysiques des nuages et les concentrations ainsi que le type d’aérosols mesurés à la station sera analysé par le biais d’un modèle à microphysique détaillée afin d’étudier plus précisément l’interaction aérosols-nuages en arctique. A Ny-Ålesund, cet hiver a été marqué par des conditions météorologiques très particulières. Entre fin Janvier et début Février, la forte hausse des températures associée à un record de pluviométrie a provoqué une fonte complète du manteau neigeux. Le net refroidissement survenu fin février a eu pour conséquence la formation d’une épaisse couche de glace de 10 à 20 cm autour de Ny-Ålesund. En revanche, à plus haute altitude, la couche de neige saisonnière est restée intacte et son épaisseur a augmenté suite aux importantes précipitations. Ces différents types de neige seront analysés afin d’étudier l’évolution des propriétés du carbone suie suite à son dépôt sur la neige. L’ensemble des observations obtenues lors de cette campagne de mesures sera interprété afin de caractériser le comportement du carbone suie dans l’atmosphère et dans la neige ainsi que son impact sur les propriétés des nuages arctiques. L’analyse des données sera effectuée en collaboration avec les partenaires européens (NILU-Norvège, ITM-Suède, AWI-Allemagne). Les résultats obtenus seront valorisés par leur prise en compte dans les modèles climatiques régionaux afin d’améliorer la quantification de l’impact des SLP sur le changement climatique en Arctique. Contact(s) Kathy Law, Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales (LATMOS/IPSL) [email protected], 0144278421 Gerard Ancellet, Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales (LATMOS/IPSL) [email protected], 0144274762 Hans-Werner Jacobi, Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l'Environnement (LGGE) [email protected], 0476824232 Olivier Jourdan, Laboratoire de Météorologie Physique (LaMP) [email protected], 0473407357 Station Jean Corbel située à 5km au sud est du village de Ny-Ålesund (Spitzberg). Les zones en bleu autour de la station révèlent la présence de surfaces glacées dépourvues de neige. © LGGE, Hans-Werner Jacobi Plateforme instrumentale microphysique pour la caractérisation in situ des propriétés nuageuses installée sur la terrasse de la station du Mont Zeppelin (480 m d’altitude). De gauche à droite : Cloud Particle Imager (CPI), Sonde Nevzorov, Forward Scattering Spectrometer Probe (FSSP-100) et Néphélomètre Polaire. © LaMP, Christophe Gourbeyre