CONSEIL SUPERIEUR DE L’AVIATION CIVILE Rapport sur le maillage aéroportuaire français ANNEXE A3 Les études d’impact des aéroports français régionaux et locaux sur les territoires Michel CARRARD, maître de conférences en sciences de gestion, Université Littoral Côte d’Opale, chercheur au laboratoire TVES Janvier 2017 À partir de la méthodologie préconisée par l’Airports Council International Europe (ACI EUROPE), de nombreuses études réalisées à la demande des gestionnaires ou des élus soulignent l’impact économique significatif des aéroports sur les territoires qu’ils desservent. Ces études posent cependant un certain nombre de questions. D’une part, les méthodes utilisées ne sont pas homogènes, ce qui rend difficile les comparaisons. D’autre part, si ces études évaluent les retombées économiques, elles ne présentent jamais le coût total supporté par la collectivité, ni les nuisances éventuelles pour les riverains. En outre, l’accessibilité de ces études pour l’observateur extérieur est très variable. Certaines d’entre elles sont disponibles (sur Internet notamment), tandis que d’autres restent confidentielles. Dans un premier temps, nous allons rappeler les principaux résultats des études d’ACI EUROPE, puis, dans un second temps, nous présenterons les études d’impact recensées sur Internet depuis 2010 en France et en Europe. Cela nous permettra, au-delà des biais que nous soulevons, de rappeler l’importance des enjeux territoriaux associés aux aéroports. Rappels sur les études d’impact économique des aéroports Les études d’impact économique servent à mesurer la contribution d’une infrastructure à l’activité d’une zone géographique déterminée. Les mesures de l’impact économique des aéroports par l’Airports Council International Europe (ACI EUROPE) La méthode préconisée par ACI EUROPE consiste à établir un rapport entre le trafic commercial (compté en million de passagers par an ou mppa) et la création d’emplois et de richesses1. Pour cela, la méthode distingue quatre types d’impacts : • • • 1 un impact direct lié à l’exploitation de l’aéroport et généré sur le site ou à sa proximité immédiate ; un impact indirect généré dans l’économie par les fournisseurs de biens et services aux activités directes, un impact induit produit par l’effet multiplicateur des revenus des emplois directs et indirects, ACI EUROPE, The Economic Impact Study Kit, 1993. 1 • un impact catalytique généré par le surplus d’attractivité pour le territoire grâce à une meilleure accessibilité. En 1998, une étude concernant 59 aéroports européens de l’ACI Europe estime que l’activité d’un aéroport génère 4 000 emplois par million de passagers par an (mppa) ou 100 000 tonnes de fret : 1100 emplois directs, 1100 emplois indirects et 1800 emplois induits2. Ces chiffres représentent la moyenne des observations réalisées. Le nombre d’emplois peut donc sensiblement varier d’une plateforme à une autre. ACI EUROPE note également qu’il existe des variations autour de ces valeurs. En prenant en compte, en plus du nombre de passagers, la nature du trafic (trafic affaires et tourisme, national et international, low cost), la présence de sièges d’entreprises, etc., l’étude permet de distinguer quatre catégories d’aéroports en fonction de leur densité (tableau 1). Tableau 1 : Typologie des emplois directs sur les aéroports européens en 1998 Source : ACI EUROPE, 19983 Dans une étude complémentaire publiée en 2004, ACI EUROPE estime à 950 en moyenne les emplois directs pour chaque million de passagers4. Inférieurs à ceux obtenus en 1998, ces résultats s’expliquent par les mesures prises par les aéroports, et le secteur aérien en général, pour réduire les coûts – notamment salariaux – et augmenter la productivité. Selon ACI EUROPE, les deux tiers des emplois directs sont fournis par les compagnies aériennes, les agents d’exploitation et la maintenance. Pour 1000 emplois directs créés, l’association estime à 3200 emplois indirects et induits qui se répartissent pour 35% au niveau local et régional et 65% au niveau national. En termes de richesse, l’impact économique d’un aéroport est évalué entre 1,4 et 2,5% du PIB régional (hors tourisme) et les retombées fiscales sont estimées entre 2 et 5% de l’impact économique direct. Enfin, ACI EUROPE souligne que tout empêchement pour un pays d'accroître sa capacité aéroportuaire afin de répondre à la demande pourrait, selon le degré des restrictions, réduire le PIB à un niveau national ou régional de 2,5 ou 3%. 2 ACI EUROPE, Creating Employment and Prosperity in Europe – A Study by ACI Europe on the Social and Economic Impact of Airports, 1998. 3 Sur base de ses enquêtes, l’ACI a proposé la notion de workload unit. Cette unité de mesure permet d’intégrer le trafic aérien lié au transport de passagers – chaque passager correspond à un workload unit et chaque tonne de fret transportée correspond à 10 workloads units. 4 ACI EUROPE - York Aviation, The Social and Economic Impact of Airports in Europe, 2004. 2 D’autres études datant de la même époque arrivent à des estimations proches. À titre d’exemple, dans son rapport sur les aéroports français de proximité, M Jacky Lebrun retient un ratio moyen pour l’Europe de 1000 emplois directs, 1000 emplois indirects et 2000 emplois induits pour chaque million de passagers5. Cela dit, il s’agit là encore d’une moyenne qui peut varier en fonction de critères tels que la nature des moyens d’accès, la proximité des villes ou des agglomérations ou encore la taille de l’aéroport (les aéroports hubs génèrent plus d’emplois que les autres). André-Daniel Carré estime, quant à lui, entre 800 à 1000 emplois directs, 120 à 150 millions d’euros d’impact indirect et 300 à 450 millions d’euros d’impact induit6 par million de passagers. En 2002, « Le Livre Blanc des grands aéroports régionaux » de l’UCCEGA recense les résultats d’études d’impact économique d’aéroports régionaux réalisées entre le milieu des années 1990 et le début des années 2000 (tableau 2). Les auteurs rappellent qu’en Europe ce sont les opérateurs français qui mesurent le plus régulièrement l’impact économique des aéroports. Tableau 2 : Études d’impact économique des aéroports régionaux Source : Étude Benchmark Européen, 2001, Comité d’actions pour la mise en place des sociétés aéroportuaires. 5 6 Lebrun J., Aéroports de proximité et aménagement du territoire, Conseil économique et social, 2002. Carré A.-D., Aéroports et stratégie d’entreprise, Vol. 1, p. 69, 2000, I.T.A. 3 Dans un rapport de novembre 2004, sur la base des chiffres de 2002, le BIPE estime que la France compte plus de 400 000 emplois (directs, indirects et induits) liés à l’activité du transport aérien7. L’étude souligne qu’il s’agit d’emplois plus qualifiés que dans les autres modes de transport, que la productivité (ratio de la valeur ajoutée de la branche sur le nombre d’employés de la branche) est de 50% supérieure à la moyenne nationale et que les rémunérations y sont plus élevées (le salaire moyen des employés est 40% plus élevé que celui des employés des autres branches du transport). Le BIPE évalue les valeurs ajoutées des branches « transport aérien » et « construction aéronautique » à 13 milliards d’euros, soit près d’un point de PIB en 2001. L’actualisation par l’ACI Europe des mesures d’impact des aéroports en 2015 En 2015, ACI Europe a actualisé les ratios des effets directs (tableau 3) à partir de l’étude de 125 aéroports représentant 71% du trafic passager européen8. Pour pallier dans certains cas le manque d’informations, un modèle économétrique a été développé pour déduire les emplois directs. Dans l’ensemble, l’étude met en évidence une amélioration continue de la productivité, du fait notamment de l’automatisation de certaines tâches (enregistrement sur Internet par exemple) et du développement des compagnies low cost. Tableau 3 : Aéroports, types de trafic et emplois directs Source : ACI Europe, 2015 L’étude montre que pour 1000 passagers voyageant dans les aéroports européens est associé, en moyenne 0,954 d’emploi direct. Elle souligne également l’importance des économies d'échelle : le niveau d'emploi direct généré par 1000 passagers supplémentaires pour un petit aéroport est supérieur à celui des grands aéroports. En outre, les passagers en correspondance ont un impact direct sur l’emploi plus faible (3%) que les passagers en origine ou destination. Ce résultat suggère que les passagers en correspondance ne consomment pas certains services dans les aéroports, tels que le parking, la location de voitures et d’autres moyens de transport au sol. Les passagers empruntant les compagnies low cost (LCC) ont un impact plus faible sur les emplois directs (20% de moins) que les autres types de trafic. Cela s’explique par les services auxiliaires réduits de ces compagnies (tels que la restauration en vol et les salons d'aéroport) ainsi qu’un moindre niveau de dépenses des passagers. 7 BIPE, Contributions du transport aérien à l’économie : étude du cas français, Pôle Transports et Réseaux, novembre 2004. Le calcul du total des emplois a été fait à partir d’une estimation de plus de 115 000 emplois directs. 8 ACI Europe, The impact of an airport, 2015. 4 Sur le plan macroéconomique, l’étude estime que les impacts directs, indirects et induits des aéroports européens produisent près de 4,5 millions d'emplois et 147 milliards d’euros de revenus et contribuent à hauteur de 248 milliards d’euros dans le PIB. En France, la contribution de ces effets s’élève à 429 400 emplois en 2013. Par comparaison, les aéroports génèrent 522 000 emplois en Allemagne, 491 400 en Grande Bretagne, 477 000 en Turquie, 438 900 en Espagne et 311 800 en Italie. Tableau 4 : Impact économique direct, indirect et induit, 2013 Source : ACI Europe, InterVISTAS, 2015 La mesure des effets catalytiques permet d’évaluer la contribution des aéroports et du transport aérien à la croissance économique à travers quatre canaux principaux : le commerce, l’investissement, le tourisme et la productivité. Selon l’étude, une augmentation de 10% de la connectivité aérienne d'un pays accroît son PIB par habitant de 0,5%. Dans le cas de la France, le nombre d’emplois lié à l’effet catalytique global des aéroports est estimé à 712 500 pour l’année 2013. À titre de comparaison, l’effet catalytique pour l’Allemagne est de 745 400 emplois, de 679 700 pour la Grande Bretagne, de 979 900 pour la Turquie, de 895 800 pour l’Espagne et de 568 900 pour l’Italie. Tout effet confondu, les aéroports européens contribuent à l'emploi de 12,3 millions de personnes qui perçoivent 356 milliards d’euros de revenus par an, produisent 675 milliards d’euros de PIB chaque année, soit 4,1% du PIB de l'Europe. En France, cela représente pour l’année 2013, 1 141 900 emplois qui ont généré 48,62 milliards d’euros de revenus, 81,6 milliards d’euros de PIB, soit 4% du PIB national. Les méthodes développées par ACI EUROPE au fil des années permettent une évaluation de plus en plus fine de l’impact économique des aéroports. Elles prennent en compte également la grande variété des situations depuis l’aéroport hub international jusqu’aux aéroports locaux. Ces méthodes vont servir de références aux études d’impact réalisées par les collectivités territoriales. Les mesures d’impact économique des aéroports français depuis 2010 Régulièrement, les élus ou gestionnaires d’aéroports diligentent des études d’impact. Si la démarche est louable a priori, car elle vise à évaluer l’utilisation des deniers publics, elle pose cependant un certain nombre de questions sur leur finalité : pourquoi des collectivités recourent-elles à ces études ? Pourquoi certaines d’entre elles sont disponibles (sur Internet notamment), tandis que d’autres restent confidentielles ? Pourquoi ces études mentionnent-elles toujours les bénéfices tirés des aéroports sans jamais aborder la question des coûts ou encore celles liées aux effets négatifs (le bruit, la pollution de l'air, les effets sur la santé, etc.) ? Comme le recommandent Getzner et Zak (2012), intégrer ces différents effets 5 - positifs et négatifs - permettrait une mise en perspective plus large des aéroports du point de vue de l’économie de l’infrastructure9. L’impact économique des aéroports français Le recensement des études d’impact depuis 2010 (à l’exception de l’aéroport de Vatry année 2003) disponibles sur Internet est rassemblé dans les tableaux ci-après. Tableau 4 : L’impact économique régional Aéroports en 10 Aquitaine Aéroports de Languedoc 11 Roussillon Nombre pax/an 2014 6 908 206 Fret tonne/an 2 664 109 Effets directs 709 M € Effets indirects 972 M € 289 M € Effets induits 5 980 M € 519 M € de dépenses passagers Impact total 7 700 M € 808 M € Emplois 9 013 (directs) 2 100 Légende : M = million(s) Tableau 5 : L’impact économique des aéroports régionaux (au sens de la loi 2005) Nice12 Côte d’Azur Marseille13 Provence Nombre pax/an 2014 1 1660 000 Fret tonne/an 8 200 000 53 345 t Effets directs 300 M € 4 895 ETP 570 M € 5 500 Effets indirects 1 800 M € 18 128 ETP 1 041 M € Effets induits 5 000 M € Impact total 7 000 M € Emplois total 66 051 ETP 4 360 M € non renseigné 43 034 ETP 2 747 M € salariés « l’impact économique (comprenant entre autres la masse salariale ou encore les investissements et les charges des sociétés) grimpe à 2,487 millions d’€ en 2014 […]. Au niveau social, l’aéroport génère en 2014, 26 064 emplois directement ou indirectement |…].14 » non 635 M € 643 M € 4 900 M € 6 176 M € renseigné 8 199 - ToulouseBlagnac 7 518 000 BordeauxMérignac 4 945 000 MontpellierMéditerranée Nantes15 Atlantique 1 445 000 119 M € 4 157 200 155 M € 2 000 emplois 261 m € 205 M € 721 M € non renseigné non renseigné 380 M € non renseigné 1 081 M € non renseigné emplois Bâle-Mulhouse 16 6 523 874 98 200 t 6 200 emplois 9 non 27 000 ETP renseigné Légende : M = million(s) Getzner M., Zak D., (2012), Health impacts of noise pollution around airports: economic valuation and transferability. In: Oosthuizen J., (ed.). Environmental Health- Emerging Issues and Practice, InTech Open Access Publisher, 247-272. 10 Étude d’impact des aéroports Bordeaux Mérignac, Biarritz Anglet Bayonne, Pau Pyrénées, Bergerac Dordogne Périgord, CCI Aquitaine, 2014. Le détail des chiffres par aéroport selon leur catégorie est présenté à la suite dans les tableaux 4, 5 et 6. 11 Étude des retombées socio-économiques du transport aérien en région Languedoc-Roussillon, BIPE, 2013. Le détail des chiffres de Montpellier, Carcassonne, Perpignan, Béziers et Nîmes, est présenté à la suite dans les tableaux 4, 5 et 6. 12 Étude d’impact de l’aéroport Nice Côte d’Azur, Sirius-CCI, 2012. 13 14 15 16 Rapport annuel, 2014. Aéroport Toulouse Blagnac, octobre 2014, site de l’aéroport consulté le 16/05/2016. Évaluation de l’impact économique de l’Aéroport Nantes Atlantique, CCI, 2012. Portrait de l’Aéroport de Bâle-Mulhouse, AURM, 2015. 6 Tableau 6 : L’impact économique des aéroports locaux (au sens de la loi de 2004) Beauvais-Tillé 17 Brest-Bretagne 18 19 Nombre pax/an 2014 4 024 200 Fret tonne/an Effets directs Effets indirects Effets induits Impact total 260 M € de valeur ajoutée totale (directe + indirecte + induit + catalytique), dont 0,050 M € de valeur ajoutée directe, 4 764 emplois totaux, dont 867 emplois directs 998 393 413 724 32,3 M € 581 emplois 48 M € 32 M € 430 emplois 33 M € 278 emplois 9M€ 106 emplois 16 M € 11,5 M € 48 M € 377 emplois 469 emplois 65 M € 85 M € 167 M € 597 M € 2 296 emplois 7 095 emplois 95 M € 408 M € 67 M € 77 M € 111 M € 91,1 M € 1 437 emplois 130,1 M € 796 M € 9821 emplois 536 M € 153 M € 127 M € 353 872 45 M € 72 M € 117 M € 207 533 243 980 184 000 dont 98 M € 11 M € 1,094 M € 44 emplois 1,575 M € 28 M € 48 M € 19,7 M € 159 emplois 61,6 M € 105 M € 126 M € 59 M € 20,8 M € 203 emplois 169 M € Châlons-Vatry Biarritz-BayonneAnglet Pau-Pyrénées 96 221 1 064 402 BergeracDordogne- Périgord CarcassonneSalvaza PerpignanRivesaltes Nîmes-Garons Béziers-Vias Tours 20 Val de Loire 21 Saint-Tropez 277 312 621 492 30% à l’import 3 408 19 000 t Source : compilation des études par l’auteur Légende : M = million(s) À partir de ces données, nous pouvons établir une relation entre le trafic (nombre de passagers) et l’impact total pour chacun des aéroports régionaux et locaux ainsi que les ensembles régionaux (figure 1). Figure 1 : Impact total (en million d’euros et pax/an) - 2014 - source : Michel Carrard 17 18 Observatoire des retombées socioéconomiques de l’aéroport de Beauvais-Tillé, Le BIPE, 2012. Impact économique de l’aéroport Brest Bretagne en 2013, CCI Brest, 2015. 19 Étude d’impact économique de l’aéroport international de Vatry et de sa zone d’activité, CCI, 2003. A la date de l’étude, le nombre de passagers était de 6 955. 20 Étude d’impact économique de l’aéroport Tours Val de Loire, SETA (Société Exploitation Tours Aéroport), Janvier, 2016. L’étude précise que le trafic low cost, qui constitue l’essentiel de l’activité commerciale, génère des retombées économiques pour le territoire de 17 millions d’euros. En contrepartie, le trafic low cost nécessite des subventions de la part des collectivités pour un montant de 3,3 millions d’euros. Sans trafic low cost, l’étude estime que le bilan pour le territoire serait négatif à hauteur de -1 millions d’euros. 21 Étude d’impact économique de l’aéroport international du Golf de Saint Tropez, AGST, 2012. En juillet 2013, la société Aéroports de la Côte d’Azur (ACA), gérante des aéroports de Nice et Cannes – Mandelieu, est devenue actionnaire majoritaire de l’aéroport de Saint Tropez. 7 Le rapport entre le nombre de passagers et les retombées économiques sur les territoires est globalement respecté. Cela étant, il n’est pas parfaitement linéaire et, dans les cas répertoriés, apparaissent des singularités intéressantes. Dans le cas de l’aéroport de Saint Tropez, les retombées économiques semblent totalement découplées du nombre de passagers (3 408 pax/an pour un impact total de 169 millions d’euros en 2012). Cela peut s’expliquer par le caractère haut de gamme du tourisme de ce territoire. A l’inverse, l’impact économique de l’aéroport de Tours est beaucoup plus réduit du fait de l’orientation principale du trafic de passagers vers l’export (70%). On remarque également que les aéroports de Brest (998 393 passagers) et Biarritz (1 064 402 passagers) ont des niveaux de trafic semblables mais des retombées économiques très différentes. Cette différence peut s’expliquer par le fait que l’aéroport de Biarritz assure plusieurs liaisons avec des pays ayant un pouvoir d’achat supérieur à la moyenne européenne (Suède, Danemark, Norvège et Finlande). Les passagers de ces lignes dépensent davantage et les retombées sont plus importantes. Au-delà de ces cas particuliers, il convient de noter que les méthodes utilisées dans ces études ne sont pas homogènes, ce qui peut conduire parfois à des résultats discutables. Des mesures non homogènes et des résultats discutables Si la méthodologique préconisée par ACI EUROPE sert généralement de référence, il n’en reste pas moins que les critères utilisés pour rendre compte des niveaux d’impact économique ne sont pas homogènes d’une étude à l’autre, ce qui rend les comparaisons difficiles. Quelques commentaires sur les études présentées Les indicateurs d’impact qui servent à mesurer les retombées économiques d’un aéroport sont présentés, selon les études, en chiffre d’affaires ou en production, en valeur ajoutée, en emploi équivalent pleintemps (EPT) et en volume de revenus distribués. Généralement, les études précisent les choix méthodologiques qui sont à l’origine des résultats obtenus. Cela est beaucoup plus rare, lorsque ces mêmes résultats sont rapportés par voie de presse. Pourtant, en fonction des indicateurs utilisés, les valeurs peuvent varier considérablement. Selon qu’elle s’effectue à partir du chiffre d’affaires (CA)22 ou de la valeur ajoutée (VA), l’évaluation de l’impact économique donne des résultats très différents23. Les études réalisées par le BIPE concernant les aéroports de l’ancienne région Languedoc Roussillon ainsi que celui de Beauvais sont de ce point de vue intéressantes car elles évaluent l’impact économique des aéroports selon les deux méthodes. En Languedoc Roussillon, l’étude évalue à plus de 800 millions d’euros annuels de CA l’impact des aéroports de la région tandis qu’en termes de VA, l’impact n’est que de 400 millions environ. À Beauvais, l’impact est de 299 708 euros de VA totale pour 1 emploi direct et 642 815 euros de (CA) pour un emploi direct. Selon l’indicateur choisi, on remarque que le rapport entre ces deux modes d’évaluation varie du simple au double. Or, dans la plupart des études recensées depuis 2010, l’indicateur retenu est le chiffre d’affaires ce qui, mécaniquement, majore (double ?) l’effet économique. 22 Dans les études, les retombées évaluées à partir des chiffres d’affaires sont calculées à partir des dépenses directes ou des dépenses des passagers. 23 Utiliser la valeur ajoutée comme indicateur d’impact économique est beaucoup plus précis car cela évite le double comptage des consommations intermédiaires. 8 Un autre biais possible porte sur l’indicateur des emplois. Dans certaines études, il est fait mention d’emploi équivalent temps plein (ETP) tandis que dans d’autres, il est uniquement fait référence à la notion d’emploi sans précision sur sa nature (plein temps, temps partiel, etc.). Ce biais peut devenir particulièrement significatif lors de l’évaluation de l’effet catalytique. Sur ce dernier point, on remarque également que les effets catalytiques sont peu souvent renseignés dans les études recensées en raison probablement des difficultés à les quantifier. Au regard des incertitudes sur l’évaluation de certains effets économiques, il est intéressant de rappeler la remarque de Sabourrin et Socie (2008) qui, s’ils admettent l’impact réel du trafic low cost sur les territoires, reconnaissent également que certains chiffres mis en avant par les collectivités servent à justifier des aides publiques24. L’analyse des effets économiques des aéroports d’Europe centrale Dans leur examen critique des études d’impact économique des aéroports d’Europe centrale (avec un focus sur l’Allemagne, l’Autriche, et la Suisse), Denise Zak et Michael Getzner (2014) notent également qu’il existe une grande diversité dans la conception des études, les méthodes utilisées et les hypothèses, ce qui rend l’analyse comparative difficile25. Les données sur les effets liés à l'emploi, recueillies dans les études empiriques, sont exprimées en équivalents temps plein ou en chiffres réels d’emploi. Nous retrouvons ici notre commentaire dans le cas des études sur les aéroports français. Les auteurs remarquent également que la valeur des multiplicateurs, en particulier ceux portant sur les effets de l'emploi, varie considérablement d'une étude à l'autre (tableau 5). Si la règle de 1000 emplois pour chaque million de passagers ou unités de travail (WLU) semble être largement admise, les études réalisées montrent qu’il existe un large éventail de résultats en ce qui concerne la densité de l'emploi direct. L’étude souligne également que, parmi les paramètres qui jouent un rôle dans le développement économique du territoire, le niveau du trafic des aéroports semble le plus déterminant. Tableau 7 : Comparaison des ratios d'emploi par million de passagers par an (mppa) et/ou par millions d'unités de charge de travail (MLU) Source : Zak et Getzner, 2014. 24 Sabourrin J., Socie M., Impact des coûts de transport sur le développement touristique des Territoires, en particulier celui des vols low cost, CNT, février 2008. 25 Zak D., Getzner M., 2014, “Economic Effects of Airports in Central Europe: A Critical Review of Empirical Studies and Their Methodological Assumptions”, Advances in Economics and Business 2(2): 100-111. 9 La difficile évaluation des effets de la fermeture d’un aéroport Comme nous l’avons déjà mentionné, l’étude d’ACI EUROPE de 2004 soulignait que les contraintes liées à la capacité aéroportuaire seraient de nature, selon le degré de saturation, à réduire le PIB de 2,5 ou 3% à un niveau national ou régional. A la même époque, à l’aide de son modèle intersectoriel, le BIPE a mesuré l’impact de la réduction de la croissance du transport aérien sur l’économie française26. Ainsi, une réduction sur trois ans de 10 à 15 points de croissance de l’activité du secteur aérien ou une augmentation de ses prix de 4 points produirait une perte d’un point de croissance du PIB, soit 25 milliards d’euros sur 10 trimestres (soit 12 milliards d’euros par an). Dans les deux cas, les résultats de ces études soulignaient l’importance du transport aérien pour la croissance économique. La présente recherche n’a pas permis d’identifier d’études d’impact portant sur la fermeture totale, partielle ou temporaire de plateformes aéroportuaires (liée à des raisons climatiques, à la réalisation de travaux de rénovation ou autres). Seuls, quelques articles de presse mentionnent des cas de fermeture sans toutefois préciser leurs effets économiques. 26 BIPE, Contributions du transport aérien à l’économie : étude du cas français, op. cit. 10