Anthropologie philosophique Plan du cours : 3e partie Page 1/8
L’anthropologie, du XIX e
siècle à Lévi-Strauss
L’anthropologie, comprise comme intérêt et volonté de connaître les autres, remonte au moins
à Hérodote. Remarquons aussi que l’anthropologie n’est pas un phénomène purement
occidental : Ibn Khaldoun, Hiuan-tsang. Soulignons aussi que de très nombreuses cultures
estimaient être les seules valables ou même les seules humaines.
En Occident, c’est avec la Renaissance puis les premières colonisations qu’est né un véritable
intérêt pour l’anthropologie.
L’anthropologie physique
Au siècle de Lumières, l’homme est vu comme un simple produit de la Nature. Dans son
Système de la nature, paru la première fois en 1735, Karl von Linné (1707-1778) classe
l’humain parmi les autres espèces animales. Cette anthropologie est avant tout physique. Le
critère spécifique à l’homme, selon les savants des XVIIIe et XIXe siècles, c’est l’intelligence.
L’homme est un animal, mais sapiens. Dans ce contexte matérialiste, la pensée se doit de
laisser des traces concrètes. L’homme doit donc avoir un gros cerveau, c’est-à-dire une large
boîte crânienne. En 1859, le chirurgien Paul Broca (1824-1880) fonde la société
d’Anthropologie à Paris, suivie en 1876 de l’Ecole d’Anthropologie. Ses travaux concernent
principalement l’étude du cerveau et du crâne.
On constate le double souci des auteurs de l’époque : d’une part inscrire l’homme dans son
rapport à la nature, comme un être animal à côté d’autres espèces ; d’autre part introduire des
différences à l’intérieur du genre humain, ce qui se fait par le recours à la notion de race.
Tous ces savants épuisent leurs forces dans une virulente polémique, pour déterminer si
l’espèce humaine est une ou multiple. Les monogénistes, ou tenants de l’unité, comptent en
leur rang Buffon, Petrus Camper (1722-1789), Blumenbach, Cuvier, Alexander von
Humboldt (1769-1859), Jean Louis Armand de Quatrefages (1810-1892). On trouve parmi les
polygénistes Virey, qui distingue deux espèces, Desmoulins (16 espèces), Jean-Baptiste
Marcellin baron Bory de Saint-Vincent (1778-1846) (15 espèces), Gall et son disciple
Spurzheim. Ces deux derniers auteurs sont particulièrement intéressants en ce qu’ils
rattachent à leurs études sur le physique des préoccupations morales et psychologiques. Gall
passe de l’anthropologie physique à l’anthropologie morale par le biais de ce qui se veut une
science : la phrénologie.
Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882), célèbre auteur de l’Essai sur l’inégalité des races
humaines (1853-1855), est peut-être celui qui a été le plus loin dans la voie polygéniste. Avec
Gobineau de façon particulièrement appuyée, et de manière générale avec les polygénistes,
l’anthropologie physique sert de base à une idéologie de la supériorité du blanc européen et
américain sur les autres hommes. Ce qui a pour conséquence logique la volonté d’éviter toute
promiscuité entre les « races ». En même temps, ce discours légitime le colonialisme, en ce
qu’il discrédite les autres cultures. Paradoxalement, les monogénistes, avec leurs descendants
les évolutionnistes, justifieront eux aussi une position colonialiste. Dans leur optique, le blanc
est supérieur mais en vertu de conditions historiques.