CIVILISATION ANGLO-SAXONNE ET LOGIQUE DE LA

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ESIEA Cours de 4 e année.
CIVILISATION ANGLO-SAXONNE
ET LOGIQUE DE LA CONCURRENCE
Etat des lieux. Il y a aujourd’hui environ 540 millions d'Anglo-Saxons protestants dans le monde répartis en
Amérique du Nord, au Canada, en Angleterre, en Europe du Nord, en Europe germanique, en Australie et en
Nouvelle-Zélande : la civilisation anglo-saxonne dispose du plus vaste territoire du monde. Même si sa
croissance est modérée et sa croissance démographique très faible, c’est aujourd’hui la civilisation la plus
puissante, la plus riche et celle qui dispose des technologies les plus développées.
Matrice culturelle. La civilisation anglo-saxonne est issue de la culture antique des peuples germains issus
du Nord de l’Europe. Ses deux principales caractéristiques originelles sont, d’une part, une conception du
monde fondée sur la guerre totale et d’autre part, une forme primitive de démocratie communautaire fondée
sur une Assemblée des Hommes Libres qui prend les décisions et arbitre les conflits. Ces deux
caractéristiques : considérer la vie comme un combat et préciser les règles de la confrontation sociale (à
travers une conception spécifique des libertés civiles et d’un droit jurisprudentiel) se fondent dans une
« logique de la concurrence » très bien illustrée par les doctrines évolutionnistes et libérales. D’un point de
vue culturel, on peut diviser l’histoire de la civilisation anglo-saxonne en trois périodes. Du Ve au XIe siècle,
celle des Germains et des Scandinaves. Du XIIe au XIXe siècle, celle de l’Angleterre. Au XXe siècle, celle
des Etats-Unis, première puissance mondiale.
Du Ve au XIe siècle . Au Ve siècle, soumis à la poussée des Huns à l’Est, les Germains envahissent l'Empire
Romain. Cette première vague de peuplement germanique sera renforcée par les invasions des Vikings du
VIIIe au XIe siècle. L’impact politique européen de ces invasions trouve son apogée au Xe siècle, avec la
formation du Saint Empire Germanique. Cette période voit un relatif déclin culturel car les Germains
s’assimilent à l’aire culturelle romaine et la spécificité de leur civilisation antique est en grande partie
gommée par la christianisation et la montée de l’Europe féodale. Il faudra attendre la Réforme du XVIe
siècle, pour que les peuples germains et scandinaves retrouvent une grande partie des valeurs de leur culture
antique à travers le protestantisme puis, deux siècles plus tard, avec le libéralisme et l’évolutionnisme.
Du XIIe au XIXe siècle . C’est en Angleterre que la matrice culturelle anglo-saxonne se recompose
lentement à travers une tradition de lutte pour les libertés civiles dont les principaux acquis sont : la Magna
Carta, charte constitutionnelle de 1215, l’Habeas Corpus Act de 1679 qui limite les emprisonnements
arbitraires, puis les garanties constitutionnelles des Bills of Rights de 1689. Ce renouveau identitaire
s'amplifie avec la Réforme, qui s’ancre au nord de l’Europe, puis avec la révolution industrielle dont les
Anglo-Saxons sont les principaux acteurs et où le protestantisme tient lieu d’éthique du travail. A travers
l'industrialisation, la maîtrise des routes maritimes et la colonisation, l'Angleterre accède à la suprématie
mondiale entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Les caractéristiques de la matrice culturelle anglo-saxonne
s’affirment à travers la théorie économique libérale et l’évolutionnisme de Darwin et, surtout, la suprématie
mondiale du modèle socioculturel de l’empire britannique.
Au XXe siècle. Dès la fin du XVIIIe siècle, les Etats-Unis s'affranchissent de la tutelle coloniale anglaise et,
avec le XXe siècle, l'Amérique impulse un troisième cycle de puissance des Anglo-Saxons. Les Etats-Unis
radicalisent leur modèle culturel, protestant et libéral, par rapport aux pays anglo-saxons d’Europe qui
évoluent vers des formes de sociale démocratie en raison de leur coexistence de mille cinq cents ans avec les
pays latins. Les deux caractéristiques de la culture antique des Germains sont reprises à travers les deux
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premiers amendements de la constitution américaine de 1775, le premier sur les libertés civiles et le
deuxième sur le droit de détenir des armes. Au XXe siècle, la croissance économique des Etats-Unis et ses
participations décisives aux deux guerres mondiales, lui valent de conquérir le statut de première puissance
mondiale. Avec sa puissance économique et technologique, avec la suprématie incontestée du dollar comme
monnaie mondiale de référence, avec le rôle de l’anglais comme langue internationale des affaires, la
civilisation anglo-saxonne est la figure de proue de ce début du XXIe siècle.
MATRICE ORIGINELLE :
LE MYTHE DU COMBAT COSMIQUE ET LA GUERRE TOTALE
Le combat et les libertés. Malgré l'imprécision des sources, due à l'absence de culture écrite, les deux
traits communs aux cultures des différents peuples germains et scandinaves de l'antiquité sont, d'une part,
une pratique radicale de la guerre totale et d'autre part, une conception très pragmatique des libertés
civiles. Leur conception de la guerre totale s'inscrit dans leurs mythes, leur religion et dans des mœurs
d'une efficience brutale. Leur tradition des libertés civiles se manifeste dans le rôle de “l'Assemblée des
Hommes Libres” qui statue dans toutes les grandes décisions du groupe, concernant la guerre et la justice,
et donnera naissance au droit jurisprudentiel, très particulier, de la common law et à la lutte des AngloSaxons pour les libertés civiles.
Le mythe cosmique du combat. La création et l’équilibre de l’univers résultent d’un combat cosmique
entre les dieux, qui maintiennent l’harmonie des mondes, et les géants, porteurs du chaos. Le combat est
donc la règle universelle de l'existence, toutes les formes de vie s'affrontent sans fin aux frontières de
l'ordre et du chaos, du Bien et du Mal, de la vie et de la mort. Un aspect très particulier à ce mythe des
Germains et des Scandinaves est que, dans ce combat universel, ce sont les forces du chaos qui finissent
par l’emporter, plongeant le monde dans la désolation, marquant la fin d'un cycle et le début d'une
renaissance. Dans le combat, ce n’est donc pas l’issue qui importe, puisque le « Crépuscule des Dieux »
est l’arrêt d’un destin prévu et annoncé, mais la qualité de l’affrontement et les hauts faits héroïques qui
perpétuent la loi cosmique du combat. Ainsi, les hommes doivent prolonger l'action des dieux et lutter
sans se préoccuper des circonstances, l'essentiel étant dans le combat lui-même. Ce mythe exprime une
autre idée clef : dans un univers de l'affrontement généralisé, la défaite, à terme, est inéluctable.
Seuls les héros vont au paradis. La principale occupation des Germains est la guerre, où les hommes
reproduisent sans fin le combat que se livrent les dieux. Ils vénèrent la force et le courage, ils considèrent
comme un déshonneur de revenir vivant d'un combat où leur chef a péri. Dans leur religion naturaliste, les
cérémonies se déroulent dans des bois sacrés où ont lieu des sacrifices sanglants d'animaux et d'humains.
La destinée de l'être humain après la vie terrestre est logique : les Walkyries viennent chercher les héros
morts sur le champ de bataille et les mènent au paradis où ils aideront les dieux dans leur lutte contre les
géants. Ceux qui meurent de vieillesse, de maladie ou d'une défaite honteuse, vont à la demeure glacée de
la Géante de la Mort.
Les paradoxes de la Guerre Totale. Après la bataille, les Germains sacrifie nt souvent les vaincus au
Dieu de la Guerre. A cette pratique de la Guerre Totale, s'ajoute le fait que, pendant les invasions, les
Germains abattent les membres les plus faibles du clan qui retardent la marche de la tribu. De telles mœurs
relèvent soit de la barbarie la plus rudimentaire, soit d'une forme radicale de rationalité. Le sacrifice des
vaincus ou des faibles donne aux Germains une réputation terrifiante. Cela dissuade nombre d’adversaires
de les affronter. De même, le sacrifice des membres de la tribu qui retardent la marche du groupe,
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augmente sa mobilité et donc les chances de survie globale du clan. C'est le paradoxe de la guerre totale :
celui qui a des mœurs guerrières terrifiantes dissuade l'adversaire et se bat donc moins que d'autres ; celui
qui choisit la mort, n’ayant rien à perdre, jouit d’une supériorité morale qui lui donne plus de chances
d’emporter le combat... et de ne pas mourir !
Conquérants ou fuyards ? Pendant les invasions barbares qui abattront l’Empire Romain, les Germains,
pris dans le déferlement des peuples des steppes, sont eux-mêmes talonnés par les Huns, encore plus
barbares qu'eux. Les invasions germaniques seraient-elles moins l’effet d’un esprit conquérant que d’une
fuite devant d'autres barbares encore plus sauvage s ? C’est la limite de la Guerre Totale : dans une
existence vouée à l’affrontement, on finit toujours par trouver plus fort et plus sauvage que soi. Un
système fondé sur un perpétuel combat, produit des combattants efficaces mais, in fine, plus de vaincus
que de vainqueurs.
SOCIETE :
L'ASSEMBLEE DES HOMMES LIBRES
ET LA TRADITION DE LUTTE POUR LES LIBERTES CIVILES
L’Assemblée des Hommes Libres. Les Germains ont toujours eu une grande autonomie vis-à-vis du
pouvoir de la noblesse et de l'Etat. Ils développent très tôt une tradition des libertés civiles qui limite les
prérogatives du pouvoir central. L'Allemagne, confrontée à cette tradition d'autonomie juridique des villes
et des royaumes, sera un des derniers pays européens à faire son unité nationale. Dans les villages des
Germains, tous les problèmes importants, concernant principalement la justice et la guerre, se discutent en
public devant l’Assemblée des Hommes Libres qui prend les décisions. Devant cette assemblée, les nobles
font des propositions que le peuple peut accepter ou refuser. Les Scandinaves ont des traditions analogues.
Cette forme de démocratie rudimentaire est la deuxième caractéristique commune de la culture des
Germains. Germains et Saxons, christianisés, pris dans la montée de l’Europe médiévale, vont occulter
longtemps une grande partie des fondements de leur culture traditionnelle, jusqu'à la Réforme protestante.
L'héritage démocratique se maintiendra à travers une vision jurisprudentielle du droit et une tradition de
lutte pour les libertés civiles.
Le Droit sans l’Etat. Le tribunal de l’Assemblée des Hommes Libres fonde le droit coutumier sur des
décisions communes raisonnables qui font office de jurisprudence. Contrairement à la tradition latine,
chez les Germains ce n’est pas l’autorité politique ou judiciaire qui édicte les lois, mais la société ellemême, par l’intermédiaire des cas qu’elle soumet aux tribunaux. Les affaires juridiques sont formalisées
en cas (casuistique) et les jugements rendus font office de règles de jurisprudence. La casuistique,
empruntée aux jurisconsultes romains, permet pour chaque affaire de déterminer si elle relève d'une
jurisprudence antérieure et, si ce n'est pas le cas, d'édicter une nouvelle règle. Ainsi, le droit évolue avec
les problèmes soulevés par la société civile. La Loi n’a pas pour but de réglementer les comportements a
priori. Les individus sont libres de contracter entre eux tous les accords qu’ils désirent. Tout ce qui n’est
pas expressément prohibé est permis.
Le combat pour les libe rtés civiles. Les Saxons ayant importé les traditions politiques et juridiques des
peuples germains, les Anglais se battront très tôt contre leurs princes pour obtenir des garanties
constitutionnelles sur les libertés civiles. En 1215, les Saxons obtiennent la Magna Carta, moyennant leur
soutien à leur souverain normand, Jean sans Terre. Cette charte garantit l'autonomie juridique des villes et
de l'Eglise, le droit pour chaque homme d'être jugé par ses pairs et la proportionnalité entre les délits et les
peines. Contre la dynastie absolutiste des Stuart, plus d'un siècle de lutte, de 1567 à 1688, permettra
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d'arracher l'Habeas Corpus qui limite l'emprisonnement arbitraire dans une Europe où l'arbitraire féodal
s'exprime en lettres de cachet et en ordonnances régaliennes. En 1689, un siècle avant la Révolution
Française, après avoir chassé les Stuart, les Saxons obtiennent de Guillaume d'Orange les Bills of Rights,
qui marquent l'avènement de la première monarchie constitutionnelle. La lutte pour les libertés civiles ne
relève pas d'une vision abstraite mais de la volonté de résoudre des problèmes pratiques : indépendance
juridique, procédures d'emprisonnement ou de relaxe, attributions de pouvoir fiscal, etc. Dans une société
qui accepte l'idée du conflit comme fondement du progrès politique, économique et juridique, il faut
garantir la règle du jeu à travers des droits concrets garantissant l'égalité des chances dans la concurrence
généralisée. De plus, les règles de droit doivent être édictées en dehors de tout cadre formel, pour ne pas
risquer de remettre en cause les libertés acquises.
L’héritage des Germains dans la culture américaine. Les deux premiers amendements de la
constitution des Etats-Unis illustrent cet héritage. Le premier amendement garantit les libertés : liberté
d'expression, liberté religieuse, liberté d’opinion et liberté de la presse. Le deuxième amendement assure
la liberté pour chaque citoyen de détenir une arme. Cet amendement, pris en 1775, était légitime dans le
contexte de la conquête de l'Ouest, mais il est plus difficilement compréhensible aujourd'hui dans le climat
de délinquance et de violence armée qui règne aux Etats-Unis. Il est maintenu : parce qu’il est légitime
pour l’idéologie libérale qui place l’idée du combat au centre de sa vision ; parce qu’il fait partie de la
tradition des libertés, très difficile à remettre en cause ; parce qu’il est ancré dans un inconscient collectif
nourri par les mythes guerriers antiques.
RELIGION :
LE PROTESTANTISME, LA PREDESTINATION
ET L'ETHIQUE DU CAPITALISME
Les causes de la Réforme. La Réforme protestante traduit un état de contestation général de l'ordre
théocratique médiéval imposé par Rome. Les mœurs de l’Eglise sont en pleine décadence : la plupart des
prélats, issus de la noblesse, vivent dans la débauche et la corruption, imités par un bas clergé ignare.
Cette corruption des mœurs de l'Eglise contraste avec un renouveau de ferveur du petit peuple où les
hérésies communautaires se multiplient. La bourgeoisie urbaine, forte de ses libertés civiles, de son rôle
économique croissant, de son puritanisme, dénonce elle aussi la corruption de l'Eglise. Pour la masse, la
Réforme n'est pas une révolte contre la religion, mais une révolte au nom de la religion, contre l'Eglise de
Rome. Les humanistes, formés dans les universités de la Renaissance, revendiquent l'exercice du libre
arbitre et remettent en cause le monopole étouffant de l’Eglise de Rome qui interdit depuis mille ans les
auteurs pré-chrétiens, philosophes grecs ou historiens romains. La montée des Etats nationaux européens
pousse aussi les princes à l'indépendance par rapport aux arbitrages dynastiques de la papauté. Ils veulent
aussi se débarrasser de la pression fiscale de l’Eglise, seule puissance à lever un impôt européen, la dîme.
Luther jouera aussi sur la tentation des Princes allemands de s'emparer des biens de l'Eglise : monastères
et ordres religieux détiennent presque un tiers du sol allemand.
Le protestantisme, entre la révolte et la réaction. Dans le nord de l'Europe, la révolte contre Rome
s'appuie sur la tradition de lutte pour les libertés civiles des peuples germains et parcourt toutes les classes
de la société. Dans sa lutte contre l'Eglise, Luther s'appuie sur cette révolte généralisée pour récuser la
primauté du Pape, l’infaillibilité des conciles et des dogmes. Une partie de la noblesse allemande lui
apporte son soutien et se sert du protestantisme pour accroître son autonomie politique par rapport à
l’Eglise et pour “nationaliser” les biens du clergé. Mais la révolte des anabaptistes et la Guerre des
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Paysans dégénèrent en massacres. Le protestantisme triomphant trahit alors ceux qui l'avaient soutenu.
Luther écrit “contre les bandes de paysans assassines et voleuses” et contre les humanistes qui réclament
le libre arbitre. Seule la bourgeoisie urbaine protestante renforce son autonomie municipale au prix d’un
contrôle accru des pasteurs sur la vie privée. Du point de vue des libertés politiques, la Réforme est
finalement un échec.
Le retour aux sources. Luther revient aux origines et conteste la tradition de l’Eglise et les ajouts qui ont
perverti l’esprit du christianisme. Sa traduction de la Bible en allemand justifie le rejet de tout ce qui ne
figure pas dans les Evangiles, notamment les rites institués par l'Eglise pour mieux contrôler les fidèles :
confession, culte des saints et des reliques. Le déroulement du culte est simplifié : prêche fondé sur la
bible, offices en langues locales, hymnes et sacrements limités aux deux qui figurent dans les Evangiles :
le baptême et l'eucharistie. La théologie protestante est fondée sur trois mots d'ordre : Dieu Seul, le Livre
seul, la Grâce seule.
“Dieu Seul”. La foi est un rapport à Dieu Seul. Luther conteste l’autorité de l'Eglise et du Pape. Nulle part
dans les Evangiles, il n'est fait mention d'une Eglise ou d'une hiérarchie sacerdotale à laquelle Dieu ou le
Christ aurait délégué la Grâce et qui, de ce fait, deviendrait intermédiaire obligé entre Dieu et les hommes.
Luther pense que chaque croyant est personnellement responsable de ses actes devant Dieu. De même,
aucun prêtre ne peut exercer la responsabilité spirituelle de condamner ou de pardonner les fautes. Dieu
Seul décide. Luther pense que “tous les chrétiens sont prêtres”. C’est la thèse du sacerdoce universel qui
donne à chaque chrétien le même pouvoir devant la parole ou le sacrement. La seule différence entre un
chrétien et un pasteur est que ce dernier est un “expert” de la Bible, qu'il a étudié la parole de Dieu et qu'il
peut l'interpréter pour répondre aux questions du croyant. Mais cette spécialisation religieuse du pasteur
ne comporte aucun monopole (comme pour les rabbins et les ulémas) et chaque croyant peut exercer cette
fonction. Le fait qu'aucune Eglise ne puisse revendiquer un monopole va aboutir à la multiplication des
Eglises et des sectes protestantes.
“L’Ecriture seule”. Chaque homme doit chercher le sens de sa foi dans l’Ecriture. Ni l'Eglise, ni le Pape
n'ont le pouvoir de décréter des dogmes ou de se poser en gardiens des Ecritures. Pour le véritable croyant,
seul compte le Livre qui contient la Parole de Dieu. Dans les temples protestants, le dépouillement,
l'absence de tout décorum religieux, soulignent la présence du seul élément apparent du culte : la Bible.
Puisque l'Eglise n'a pas d'autorité spirituelle, chaque homme est aussi responsable de son interprétation de
la Parole de Dieu. Cette liberté ouvre largement la voie aux théologiens qui ne sont soumis à aucune
autorité souveraine. Cette liberté théologique fait à la fois la force du protestantisme, de sa capacité
critique, d'autocritique et d'innovation, et sa vulnérabilité, son intellectualisme et son éparpillement
doctrinal. La diversité des Eglises se complète d'une diversité des interprétations de la Bible qu'on peut
regrouper en deux grands courants : la mouvance fondamentaliste, qui considère la Bible comme la Parole
de Dieu à appliquer dans son sens littéral, et la mouvance libérale, qui la considère comme une tradition à
interpréter de manière critique et contemporaine.
“La Grâce seule”. Le rapport à Dieu culmine dans la Grâce, qui est un don libre de Dieu et qui ne peut
être obtenue par les seules œuvres des fidèles. La Réforme prend son essor avec la “Querelle des
indulgences” : Luther condamne la pratique du clergé qui consiste à absoudre les péchés contre le
paiement en argent d'une indulgence, partielle ou plénière selon la somme déboursée, permettant de
rattraper une mauvaise action. Ce commerce des indulgences est une des ressources les plus rentables de
l'Eglise. Luther récuse aussi la doctrine des “œuvres”, qui permet d'acheter le salut par la charité. La
charité elle-même est entachée par le péché, car en voulant servir les autres, le croyant se sert d'eux et se
sert lui-même. On ne peut démêler la générosité du don et l'égoïsme du salut. La Grâce est un don libre de
Dieu à Ses élus.
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La doctrine de la prédestination. Comment Dieu donne-t-Il la Grâce ? Pourquoi ? Qui sont Ses élus ?
Pour répondre à ces questions, Luther et Calvin s'appuient sur la théorie de la prédestina tion tirée de la
Bible et développée par Saint Augustin au Ve siècle. La Bible montre que Dieu est un Créateur omniscient
et omnipotent. Il connaissait l'histoire de l'humanité et le destin de chaque homme avant même le
commencement des temps. L'omniscience implique que Dieu a prédestiné la vie de chaque homme, car si
nous sommes libres, c'est qu'il y a une limite à la toute puissance de Dieu, ce qui est inconcevable. Dieu a
donc prédestiné chaque homme. Grâce à Son omniscience, Dieu savait que la grande masse des hommes
serait corrompue par le péché originel, Il a donc prédestiné la majorité des hommes à la perdition. Il n'a
donné la Grâce qu'à une minorité qu'Il a librement choisie pour construire Son royaume. Dans l'Ancien
Testament, Dieu choisit en toute liberté Son peuple élu. Avec la nouvelle alliance universelle des
Evangiles, Dieu a choisi Ses élus au sein de toutes les nations. Pour St Augustin, sans Dieu, l'homme,
fondamentalement mauvais depuis le péché originel, est voué à la damnation. Seuls les élus témoignent de
la miséricorde divine. Les principales critiques faites à cette doctrine soulignent sa négation implicite de la
bonté de Dieu et de la possibilité du salut universel.
Retour à la liberté et au combat. Dans le protestantisme, on retrouve l'héritage de la tradition des
libertés civiles, à la fois : dans la responsabilité du croyant devant Dieu et devant le Livre, dans la liberté
des théologiens, dans la direction collégiale des Eglises et l'élection des pasteurs, dans le fait que les
Eglises sont fédérées mais non hiérarchisées. Aucune autorité terrestre n'interfère entre le croyant et Dieu.
Mais, dans un second temps, la doctrine de la prédestination, qui postule que tout est écrit, semble
s’opposer à l’idée de liberté et de responsabilité du croyant. En réalité l'opposition n'est pas directe : il y a
liberté terrestre et prédestination céleste. De plus, l'antagonisme entre élus et damnés se superpose au
mythe du combat entre les dieux et les géants, entre le Bien et le Mal. Les protestants retrouvent la logique
de la Guerre Totale : on est élu ou damné, pas de demi-mesure. Le protestantisme revendique la liberté et
l’égalité terrestre des croyants, débarrassés du pouvoir clérical, mais en même temps, il affirme l’autorité
de Dieu au Ciel et l’inégalité entre élus et damnés. Le catholicisme défend la position inverse : liberté et
égalité spirituelle devant Dieu, mais non liberté devant l'autorité de l'Eglise et inégalité temporelle des
hommes selon leur état.
La grâce et la richesse. Si Dieu a donné Sa grâce à une minorité, avant le commencement des temps,
comment le croyant peut-il s'assurer de faire partie des élus ? On ne peut être sûr des desseins de Dieu,
mais on peut observer les signes de Sa grâce : la richesse, par exemple, ne peut être accordée que par la
toute-puissance de Dieu, elle peut donc être considérée comme un signe de la grâce puisque Dieu ne la
donne qu'à une minorité. Inversement, la misère est un signe d’absence de la grâce. Au début de la
révolution industrielle, la doctrine de la prédestination est un discours de justification rêvé pour la classe
montante des bourgeois protestants qui commencent la révolution industrielle. Si les entrepreneurs sont
riches, ce n'est pas parce qu'ils exploitent les pauvres en leur imposant des conditions de travail terribles
dans les premières fabriques, mais c'est parce qu'ils ont été élus par Dieu. De même, si les pauvres sont
malheureux, ce n'est pas parce qu'ils sont exploités ou que la société est injuste, c'est parce que Dieu ne les
a pas élus, leur pauvreté est un signe d’absence de la grâce. Il n'y a donc pas de frein moral à l'exploitation
des pauvres car ils représentent le vice et leur misère est un prélude à la damnation. De plus, si un élu s'est
égaré parmi eux, seul un travail rigoureux peut le remettre sur la voie de la grâce. La richesse est signe
d'élection, la pauvreté de damnation.
Le Royaume et l'accumulation primitive. Mais il ne suffit pas de s'assurer de sa propre élection, le
bourgeois doit aussi s'assurer de l'élection de ses enfants car le Royaume de Dieu ne sera pas construit en
une seule génération. Les élus peuvent s'assurer de l’élection de leurs enfants en épargnant et en leur
transmettant, si Dieu le veut, un gros patrimoine. S'ils y parviennent, c'est que Dieu l'aura voulu, ce qui
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signifiera qu'Il a élu leurs enfants. L'argent est, sur le plan matériel, l'équivalent de la prière sur le plan
spirituel : deux manières de construire le Royaume. Cette transmission de patrimoines, grossis de
génération en génération, constitue la phase d’accumulation primitive du capital, qui va permettre
l'investissement et le décollage de la révolution industrielle. Les Protestants pensent s'assurer de la
construction du Royaume de Dieu, de leur élection et de celle de leurs enfants, grâce au travail et à
l'épargne ; en fait, ils sont en train de construire le capitalisme.
L'esprit puritain du capitalisme. Ces thèses sont celles de Max Weber qui, dans son ouvrage sur
“L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme”, explique comment la morale protestante va contribuer
au développement du capitalisme. Toutes les civilisations connaissent des formes de développement
économique mais aucune n'a développé de manière aussi systématique une synthèse aussi globale des
valeurs religieuses et économiques : la grâce que Dieu donne à Ses élus se manifeste dans la richesse et
dans la réalisation d'une tâche qui a un caractère à la fois sacré, le Royaume de Dieu, et profane, la réussite
économique. Selon Max Weber, ce rationalisme global, religieux et économique, est la marque de la
bourgeoisie issue de la Réforme protestante. Le puritanisme protestant et la tyrannie religieuse exercée sur
la vie quotidienne des bourgeois par les théologiens et les pasteurs, sont acceptés et sublimés dans une
discipline féconde : depuis l’éducation, qui permet aux protestants de se préparer aux professions
techniques, industrielles et commerciales, jusqu'à la vie professionnelle, qui permet d’accéder aux postes
d’encadrement de la révolution industrielle. Ce puritanisme partagé permet également de concilier la
concurrence et la confiance entre élus, stimulant ainsi l’esprit des affaires.
Time is money, ou l’éthique de la besogne. Le travail est conçu comme une vocation, comme une tâche
sacrée, comme une rationalisation quotidienne de la certitude d’être élu et de participer à la construction
du royaume de Dieu. Il faut donc consacrer tout son temps au travail et même optimiser son emploi du
temps puisque la durée est la mesure de la tâche impartie par Dieu, la mesure de la réussite et de la
richesse, signes de la grâce. D’où une condamnation de la paresse et de toute occupation futile, c’est-àdire autre que le travail : « le temps, c'est de l'argent ». Une idée scandaleuse pour la plupart des
civilisations dans lesquelles la réalisation de l’homme n'est pas fonction des valeurs économiques mais
spirituelles. Une idée novatrice à l'heure de l'industrialisation, de la spécialisation des tâches et du travail à
la pièce. Une idée qui est encore au centre du management anglo-saxon. De même, les bourgeois
protestants passent outre les tabous que l'Eglise catholique maintient sur l'argent ou sur le prêt à intérêt. Ce
n'est pas l'argent qui fait problème, c'est son usage : la dépense futile et la perdition, ou bien l'épargne,
l'investissement et l'élection. Le contrôle de gestion devient l'outil clef du capitalisme anglo-saxon. In God
we trust.
L'héritage protestant aux Etats-Unis. L’héritage du protestantisme et sa tradition de liberté ont fait des
Etats-Unis la nation la plus religieuse du monde. Les protestants forment la communauté la plus
nombreuse (52,7%), avec les baptistes, les méthodistes, les luthériens, les pentecôtistes, les presbytériens
et les épiscopaliens. Puis viennent les autres religions : catholique, orthodoxe, quaker, musulmane, juive,
bouddhiste, hindou, taoïste, unitariste, vaudou, satanique, etc. Plus de 95% des personnes interrogées en
1994 déclarent croire en Dieu. Il y a un lieu de culte pour 900 habitants, c'est-à-dire beaucoup plus que de
mosquées à Riad ou à Téhéran. Tout cela est lié à la richesse de l'Amérique qui est aussi la première en
valeur des dons faits aux églises : 38 milliards de $ par an. Si on ajoute à cela le chiffre d'affaires réalisé
par l'édition et la télévision religieuse, plus les produits ou services dérivés, le total doit être supérieur au
PNB de beaucoup de pays pauvres. La religion protestante a été le support idéologique de la révolution
industrielle et, juste retour des choses, la religion est devenue un marché énorme aux Etats-Unis.
Crise spirituelle ? Pourtant l'Amérique doute. Le sondage d'U.S. News & World Report (1994), montre
des tendances contradictoires. Côté positif : 78 % des Américains croient que Dieu entend les prières et
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intervient dans les affaires humaines, 80 % pensent que la Bible est la parole de Dieu, 78 % disent que le
président des Etats-Unis doit être un modèle moral et spirituel, 62 % affirment que la religion a une
influence croissante dans leur vie, 60 % assistent régulièrement à un service religie ux. Côté négatif : 90%
estiment que l'Amérique est moralement décadente, 65 % pensent que la religion perd du terrain. Dans les
couches populaires, les croyants affirment être gênés par le mépris croissant de l’élite culturelle et
considèrent que leurs valeurs spirituelles sont en butte à l’hostilité : de la télévision (62%), du Congrès
(47%) et de la presse (46%). Comment interpréter ces chiffres ? Pessimisme des Germains, ou sens de la
culpabilité très développé des protestants ? Mais la crise spirituelle a des raisons plus concrètes : sur un
marché religieux où les croyants se conduisent comme des consommateurs et les Eglises comme des
entreprises, la foi subit d'étranges mutations.
Consommation spirituelle et stratégies concurrentielles des Eglises. Les comportements religieux ont
subi une mutation spectaculaire. Les croyants ne se définissent plus par rapport à une confession donnée,
ils n'hésitent plus à changer de culte, ils sont plus éclectiques, plus tolérants, plus tournés vers leur propre
expérience et vers la satisfaction de leurs besoins personnels. Le croyant devient un consommateur qui
exige des services concurrentiels : offices religieux attractifs et spectaculaires, produits complémentaires
d’édition, de télévision ou de diététique, groupes de réflexion et de soutien moral, services psychologiques
divers concernant son état de parent, de conjoint, d’employé, de patron, d’amant ou d’ami, conseils pour
vaincre la toxicomanie ou pour perdre du poids, etc. 61 % des Américains désirent que les églises jouent
un rôle actif dans les difficultés de la nation, dans le problème des filles-mères adolescentes ou dans la
guerre des gangs. Cependant, c’est dans les régions où les croyances et les pratiques sont les plus fortes
que l’on trouve le plus fort taux de criminalité ! Sur ce marché du religieux “sur-mesure”, les églises et les
sectes se font concurrence comme des entreprises en mélangeant spiritualité et marketing pour proposer
leurs produits très diversifiés : séminaires, nouvelles théologies éclectiques, retraites spirituelles, groupes
de soutien et d’accomplissement personnel (comprendre ses enfants, avoir une relation harmonieuse de
couple, pratiquer une sexualité épanouie, être efficace au travail, cesser de fumer, se nourrir de manière
équilibrée), des églises offrent des parties de bowling, des cours de danse, ou autres offres
promotionnelles. Le protestantisme, qui avait donné un fondement moral à la révolution industrielle se
voit aujourd’hui investit par des comportements économiques. Retournement logique de l’histoire ?
L'effet laboratoire. Cette évolution étonnante montre plusieurs choses : d'abord que l'Amérique est le
laboratoire d'un phénomène qui se développe à l'échelle mondiale, notamment dans les anciens pays
communistes où les secte s pullulent ; ensuite que ces nouvelles formes de spiritualité rejoignent de vieilles
attitudes religieuses polythéistes antérieures au christianisme ; enfin, qu'on peut très bien combiner
l'archaï sme religieux et le progrès technologique : un des Etats les plus touchés par les débordements
religieux et sectaires et par l'idéologie New Age est la Californie et sa Silicon Valley.
STRATEGIE :
DE LA GUERRE SAINTE A LA GUERRE ABSOLUE
De la guerre totale . La conception antique de la Guerre Totale des Germains s'estompe dans l'Europe
féodale où l'armée des “Hommes Libres” a été remplacée par une armée professionnelle de chevaliers de
la noblesse. L’esprit de guerre totale des Germains reste cependant vivant à travers la politique de terreur
utilisée par Charlemagne pour convertir les Saxons au christianisme ou par les Chevaliers Teutoniques
vers l’Est de l’Europe. La Réforme va complètement réhabiliter la guerre antique des Germains, à travers
le retour à l'Ancien Testament et la redécouverte du récit de la Guerre Sainte. La Guerre Totale trouve sa
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théorie moderne au XIXe siècle, avec le concept de Guerre Absolue de Karl Von Clausewitz, mis en
pratique par les deux camps au cours de la IIe Guerre Mondiale. Malgré un développement des stratégies
maritimes indirectes de l’Empire Britannique et leur formalisation par des géopoliticiens comme Mahan,
Mackinder ou Spykman, la guerre totale reste l’ultime recours de l’affrontement chez les peuples anglosaxons, comme l’illustrent les bombardements sur l’Allemagne et le Japon pendant la Seconde Guerre
Mondiale ou sur l’Irak pendant la Guerre du Golfe. Cette tendance à l’escalade est couramment légitimée
par des références à l’Ancien Testament. Il nous faut donc revenir au récit de la Guerre Sainte pour
retrouver les justifications de cette doctrine radicale au sein du christianisme.
La Guerre Sainte. Pour la conquête de la Terre Promise, les Hébreux vont inaugurer une forme
d'affrontement radical qui révolutionne les formes de guerre pratiquées à leur époque. Les peuples de
l'Orient ancien font la guerre de manière limitée : les armées sont peu nombreuses, peu entraînées,
manquent de logistique. La guerre est aussi pragmatique que le commerce, on cherche à faire du profit
grâce au butin ou aux prisonniers, vendus ensuite comme esclaves. La conception des Hébreux tranche
radicalement : dans la Guerre Sainte, Dieu participe à la bataille à la tête de Son peuple élu, Il suggère une
ruse, ou Il intervient par un miracle (en abattant les murs de Jéricho). Dans les batailles contre les peuples
qui L'ont offensé par leurs croyances idolâtres, Il commande de tuer tous les adversaires, mais aussi toute
la population et de détruire tous ses biens par le feu. La destruction de l'adversaire et de ses biens sont le
tribut payé à Dieu pour la victoire.
Le désert, l'Alliance, les nombres et l’organisation. Après l'esclavage en Egypte, l’exode dans le Sinaï
permet aux Hébreux de retrouver leur culture nomade et de se retremper au feu du désert avant de se
lancer à la conquête de la Terr e Promise. L'efficacité de la Guerre Sainte procède de l'Alliance avec Dieu,
garante de l’alliance des douze tribus. L’Alliance permet d'instaurer un commandement militaire unifié et
de concentrer les forces des douze tribus dans l’action. L'organisation commence par le dénombrement
des hommes. Dans les guerres antiques, le nombre était un facteur moins efficace que les vertus guerrières
des nobles, qui décidaient de la bataille. Avec les Hébreux, le nombre devient un facteur décisif et entraîne
une rationalité globale. Les nécessités de la survie dans le désert conduisent à l'organisation du camp, puis
à celle de l’ordre de marche. Les tribus deviennent des machines de guerre capables de pratiquer la guerre
éclair et de provoquer la surprise. Pour la bataille, les manuscrits de la Mer Morte montrent qu'au contraire
des mêlées confuses de l’époque, l’armée des Hébreux se dispose en formation de combat, avance
calmement jusqu’à la ligne ennemie, utilise les armes de jet avant la mêlée, attaque pour casser le
dispositif adverse et traque l’ennemi en fuite jusqu’à la destruction totale. C’est la naissance d’une
conception globale de la stratégie qui mettra plus de 25 siècles à trouver une justification philosophique
avec le concept de Guerre Absolue chez Clausewitz.
Les valeurs guerrières du monothéisme . Paradoxalement, les valeurs qui vont révolutionner la guerre ne
sont pas d'ordre militaire mais d'ordre religieux. Contrairement aux motivations prudentes et pragmatiques
des armées de l’Orient Ancien, dans la Guerre Sainte, les Hébreux pratiquent une violence totale et
acceptent l’éventualité du sacrifice et de la mort pour Dieu, au nom de Sa vérité unique et de Sa Loi.
L’interdiction de la violence individuelle (“Tu ne tueras point”), permet de légitimer la violence collective
menée pour Dieu et avec Lui. L’égalité devant la Loi fait de chaque juif un guerrier se battant librement
pour un idéal commun et des Hébreux une armée du peuple capable d’une extrême cohésion au combat.
Comme pour les Germains avec leurs mythes guerriers, ou pour les Français de 1789 avec leurs idéaux
révolutionnaires, la Guerre Totale ne dépend pas de méthodes militaires, l'homme n'accepte de se sacrifier
que pour des idéaux plus grands que lui. On retrouve aussi dans la Guerre Sainte le paradoxe de la Guerre
Totale : la violence absolue produit un effet psychologique qui dissuade beaucoup d'ennemis potentiels et
réduit le nombre des combats.
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La stratégie directe et le jeu d'Echecs . La Guerre Totale relève d'une conception de la stratégie qu'on
peut formaliser comme un système de conflit bipolaire à “un contre un” où les adversaires se livrent à une
surenchère d’attaques et de contre-attaques en provoquant une escalade qui a pour but la victoire décisive
et la destruction des forces adverses. Le jeu d'Echecs représente un bon modèle de stratégie directe :
l'échiquier et les deux camps adverses illustrent l'espace limité du champ de bataille et de sa combinatoire
puissante. L'ouverture des hostilités est marquée par une bataille pour le contrôle du centre, afin d'avoir
ensuite la liberté de diriger son attaque aussi bien sur l'aile droite que sur la gauche. L'affrontement du
milieu de partie est marqué par un jeu de combinaisons qui se caractérise : par la concentration des pièces
sur un point faible du dispositif ennemi ; par le sacrifice qui permet de forcer le jeu adverse ; par la
puissance de calcul qui permet d'obtenir la supériorité numérique dans l'échange des pièces. La fin de
partie est marquée par la nécessité d’abattre le roi adverse (le Mat) et d'obtenir une victoire décisive en
détruisant les forces adverses.
Clausewitz et la Guerre Absolue . Clausewitz, officier prussien (1780-1831), va formaliser cette vision
de la guerre à travers le concept de Guerre Absolue, qui s'inspire de celui de Guerre Totale que la
Révolution Française, puis Napoléon, ont imposé à l'Europe. Le principe de la montée aux extrêmes de la
violence, ou escalade, est justifié ainsi : “Celui qui use sans pitié de la force et ne recule devant aucune
effusion de sang prendra l'avantage sur son adversaire si celui-ci n'agit pas de même…On ne saurait
introduire un principe modérateur dans la philosophie de la guerre sans commettre une absurdité”. Le
but de l'escalade est la destruction des forces adverses car : “Tant que je n’ai pas abattu l’adversaire, je
peux craindre qu’il m’abatte” : voici rationalisées les conceptions antiques de la Guerre Sainte des
Hébreux et de la Guerre Totale des Germains.
La Seconde Guerre Mondiale. Les atrocités commises par les puissances de l'Axe sont connues.
L'Allemagne nazie et le Japon pratiquent la Guerre Totale par le génocide. En stratégie, ils utilisent plus
volontiers la guerre éclair. Mais les Alliés anglo-saxons ne seront pas en reste. Ils illustrent la rationalité
meurtrière de la Guerre Totale, à la fin de la IIe Guerre Mondiale, avec leurs bombardements sur
l'Allemagne et le Japon. En Février 1943, à la conférence de Casablanca, alors que l'ennemi est
virtuellement battu, les Alliés anglo-saxons décident de “détruire et disloquer le système militaire,
industriel et économique allemand et de miner le moral de son peuple jusqu'au point où sa capacité de
résistance armée se trouvera totalement affaiblie ”. Les Alliés s'arrogent, en pleine guerre, le droit de
bombarder les populations civiles : 1 350 000 tonnes de bombes sur l’Allemagne vont faire 300 000
morts, 700 000 blessés. A la conférence de Postdam, les Alliés annoncent “la destruction inévitable et
complète des forces armées japonaises”. Les bombardements qui dévasteront Tokyo feront 83 000 morts
ou disparus, puis l’arme nucléaire fera 74 000 morts et 84 000 blessés à Hiroshima, 40 000 morts et 40
000 blessés à Nagasaki. Malgré l’héritage des conceptions indirectes et plus modérées de la stratégie
maritime issue des traditions britanniques, la montée aux extrêmes de la violence a provoqué un retour à la
conception “atavique” de la guerre, des Alliés anglo-saxons. Emportés par l’escalade du conflit, ils ne
tiennent pas même compte des avertissements de leurs propres géopoliticiens, qui avaient prévu que
l'écrasement total de l'Allemagne et du Japon ouvrirait au communisme les portes de l'Europe de l'Est et
de la Chine.
La liberté et la dissymétrie de l'attaque et de la défense. Clausewitz théorise aussi le rôle de la notion
de liberté dans la guerre à partir du principe de “dissymétrie de l'attaque et de la défense”. Au début d'un
conflit, l'avantage revient à l'agresseur qui peut créer la surprise sur le moment et le lieu de l'attaque tout
en dynamisant le moral de ses troupes grâce aux premières victoires. Mais, si l'attaquant n'emporte pas une
victoire décisive (par la destruction des forces adverses) avant le point culminant de l'attaque (le moment
où le gros de ses forces sont en action), l'avantage revient au défenseur. Celui-ci connaît mieux son
territoire, combat près de ses réserves stratégiques, peut susciter des actions de francs-tireurs à l'intérieur
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des lignes ennemies. De plus, le moral de ses troupes est mobilisé pour la sauvegarde de la patrie pendant
que celui de l'agresseur baisse. Ce principe des guerres de libération nationale, théorisé à partir des échecs
militaires napoléoniens en Espagne et en Russie, montre l'efficacité des principes conjugués de combat et
de liberté de la culture anglo-saxonne.
ECONOMIE :
LIBERALISME, ILLUSION DE LA JUSTICE SOCIALE
ET REDEPLOIEMENT DES USA
Le libéralisme . Avec la doctrine libérale, les valeurs de combat et de liberté vont être redéployées sur le
marché qui devient le nouveau champ de bataille de la culture anglo-saxonne. L'affrontement économique
est régulé par la concurrence et la liberté s'exprime à travers une nouvelle théorie de l'Etat : laisser faire les
hommes et laisser passer les marchandises pour assurer le développement des nations sur le marché
mondial grâce au libre-échange. La doctrine libérale se développe d'abord en Angleterre, depuis le XVIIIe
siècle. Après la IIe Guerre Mondiale, pris dans leur contexte européen, les Anglais développent le
keynesianisme, les Allemands l'économie sociale de marché. Ce sont les Etats-Unis qui vont radicaliser la
doctrine libérale.
Les lois naturelles. Au XVIIIe siècle, le mot libéral signifie tolérant. En Europe, le libéralisme est la
doctrine d'une bourgeoisie éclairée qui lutte contre l'absolutisme de l'Eglise et de l'Etat. Il est fondé sur
une confiance presque naï ve dans les effets bénéfiques de la liberté et sur l'idée qu'un système de lois
naturelles, qu'on peut constater mais non changer, gouverne l'activité humaine et tend spontanément au
meilleur équilibre (Voltaire, Rousseau, Montesquieu). Que ce soit dans l'éducation, dans la politique ou
dans l'économie, il faut laisser l'enfant, puis l'homme, évoluer d'eux-mêmes : laisser dire, laisser faire,
laisser penser, s'ils font des erreurs, ils en pâtiront et se corrigeront d'eux-mêmes. Cette doctrine est reprise
par les libéraux en économie : il faut laisser faire les entrepreneurs pour créer des richesses, s'ils se
trompent, ils s'élimineront d'eux-mêmes par la faillite.
Le travail, source de la richesse. L'école des physiocrates considère que seule la terre crée vraiment de la
richesse en démultipliant le grain semé, les hommes ne font que transporter et transformer cette richesse.
Cette position reflète la tradition catholique qui voit la nature comme la mère nourricière. Avec Adam
Smith, dans le prolongement de la morale protestante, c'est le travail qui est considéré comme la source de
la richesse. D'où une condamnation de l'aide aux pauvres, qui doivent être mis au travail. D'autre part,
augmenter la richesse revient donc à améliorer l'efficacité du travail, d'où des principes de spécialisation,
de division des tâches, d'économies d'échelle et de contrôle de gestion qui fondent le développement
industriel.
La main invisible du marché . Selon Adam Smith, la concurrence va non seulement créer de la richesse,
mais entraîner un plus grand bien pour le plus grand nombre. La théorie libérale est bâtie sur l'hypothèse
d'entrepreneurs indépendants qui ne cherchent qu'à satisfaire leur intérêt particulier. Ces entrepreneurs
entrent dans le jeu de la concurrence qui ne laisse survivre que les plus aptes sur le marché. Malgré sa
dureté, la sélection naturelle des entrepreneurs favorise une création de richesse plus importante et
entraîne une amélioration générale des conditions d'existence. En n'obéissant qu'à son intérêt particulier,
l'entrepreneur va, à son insu, dans le sens de l’intérêt général. De même, la concurrence entre les nations
favorise le développement mondial par le libre-échange si celles-ci se spécialisent pour bénéficier d'un
avantage comparatif dans la division internationale des tâches. Chacune, poursuivant son intérêt
particulier, contribue à l'intérêt général.
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Malthus et la paupérisation. Dans son “Essai sur le principe des populations” de 1798, Malthus, plus
pessimiste, montre que la concurrence sur le marché enrichit une minorité tout en appauvrissant la
majorité. C'est la thèse d’une paupérisation liée au phénomène de croissance démographique. Sa
démonstration est la suivante : supposons que, pour augmenter le bien-être des ouvriers, on veuille leur
donner trois shillings de plus par jour pour que chaque famille puisse acheter une livre de viande de plus
par jour, qu’arrive-t-il ? Face à la recrudescence de la demande, comme la quantité de viande produite
n'augmente pas, c'est le prix de la viande qui augmente et on se retrouve au point de départ. Il ajoute que si
les producteurs étaient incités à augmenter la production de viande, ce serait de toute façon au détriment
du prix du grain. Ceci remet en cause la thèse selon laquelle la rencontre des intérêts particuliers dans la
concurrence aboutit à satisfaire l'intérêt général.
Marx et la lutte des classes. Le marxisme est une doctrine anglo-saxonne qu'il faut distinguer du
communisme slave plus tardif : d'abord parce qu'il se développe parallèlement à l'organisation du
mouvement ouvrier, comme un négatif du libéralisme qui est la doctrine de l'entrepreneur ; ensuite parce
qu'il reprend les valeurs de combat et de liberté à travers des lois qui fonctionnent indépendamment de la
volonté humaine, comme pour les Germains, les protestants ou les libéraux. Pour Marx, le moteur de
l'histoire est la lutte des classes qui remplace le combat des dieux et des géants chez les Germains. Ce
combat évolue selon un déterminisme économique (matérialisme historique) qui se superpose au
déterminisme religieux des protestants (prédestination). En revanche, Marx partage le matérialisme des
libéraux et leur conception du travail comme source de la richesse, mais il en déduit que l'entrepreneur
extorque une plus-value illégitime et que le capitalisme, fondé sur l'exploitation du plus grand nombre,
doit être abattu par la révolution et le communisme.
L'aliénation capitaliste. A travers sa critique du capitalisme, Marx souligne le danger de l'aliénation à
une conception du monde purement économique. En suivant une logique de marché, on préférera produire
des biens futiles pour une demande solvable, plutôt que des biens utiles pour une demande non solvable.
En s'identifiant à une logique économique promue au rang de loi naturelle, l'homme s'identifie à la
machine industrielle dont il devient un rouage. Il oublie que ce n'est pas l'humanité qui doit avoir des fins
économiques, mais l'économie qui doit avoir des finalités humaines. Marx, qui fonde une “critique de
l'économie politique”, n'avait pas anticipé les rigidités de l'économie planifiée et de la bureaucratie. A la
fin de sa vie, il prend conscience des facteurs culturels à travers ses travaux inachevés sur le mode de
production asiatique. Ces facteurs culturels joueront un rôle clef dans l'évolution totalitaire et
bureaucratique des communismes russe et chinois. En revanche les Anglo-Saxons allemands et
scandinaves, qui ont culturellement synthétisé les apports du libéralisme et du marxisme, ont créé des
régimes sociaux-démocrates égalitaires et performants.
Le libre-échange. La tradition des libertés civiles du monde anglo-saxon s'exprime à travers sa théorie de
l'Etat qui doit laisser faire les hommes, laisser passer les marchandises, assurer une politique monétaire
saine pour que les revenus ne soient pas grignotés par l'inflation, et être le garant des règles du jeu. En
effet, une des conditions de fonctionnement du marché est que les agents économiques ne puissent pas
modifier les règles à leur profit. Le paradoxe est que, face à la montée des monopoles susceptibles de
contrôler les prix, c'est l'Etat qui devra prendre des mesures antitrust pour protéger les “lois naturelles” du
marché ! Sur le plan international, la doctrine libérale préconise le libre-échange, la division internationale
des tâches et la spécialisation concurrentielle des nations. Pendant la colonisation, le libre-échange
provoque en fait un processus de développement inégal : les pays du sud s'appauvrissent en vendant leurs
matières premières à bas prix sous la contrainte, pendant que les puissances européennes s'enrichissent
grâce à leurs produits manufacturés. Aujourd'hui ce sont les pays industrialisés du sud, notamment
asiatiques, qui sont partisans du libre-échange pour avoir accès aux marchés des pays développés, et les
Etats occidentaux qui sont pris d'états d'âme protectionnistes.
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Le dilemme du prisonnier. Si l'économie libérale a largement démontré sa faculté à créer de la richesse,
il n'en est pas de même pour sa faculté à la distribuer. Contrairement à ce que pensait Adam Smith,
l'hypothèse de la lutte des intérêts particuliers engendrant la satisfaction de l'intérêt général est loin d'être
fondée. La théorie des jeux et le dilemme du prisonnier donnent une bonne illustration du problème.
Imaginons une situation de conflit entre deux Etats qui n'ont globalement pas intérêt à se faire la guerre
mais qui craignent chacun d'être surpris par l'autre. Comment ces acteurs raisonnent-ils si nous nous
plaçons dans l'hypothèse libérale où ils ne communiquent pas et ne tiennent chacun compte que de leur
intérêt particulier ? “Si X se prépare à m'attaquer, j'ai intérêt à anticiper son attaque. Si X ne se prépare
pas à m'attaquer, j'ai d'autant plus intérêt à l'attaquer pendant qu'il n'est pas prêt”. Si chacun ne réfléchit
qu'à son intérêt (ne pas être battu), chacun a intérêt à attaquer dans tous les cas, même si personne ne veut
la guerre. Pour sortir de ce dilemme, il faut négocier, il faut un médiateur, il faut raisonner selon l'intérêt
commun des deux pays et sortir de l'hypothèse libérale.
Les crises du capitalisme. Le dilemme du prisonnier exprime l'idée que, contrairement à l'hypothèse
libérale, pour satisfaire l'intérêt général, les stratégies coopératives sont globalement plus performantes
que les stratégies concurrentielles. C'est ce que nous montre l'histoire des crises du capitalisme. Que ce
soit dans la crise de 1929, la dévaluation du dollar de 1971 ou le Lundi Noir de Wall Street de 1987, le
mécanisme est à chaque fois le même : face à une crise qui s'accélère, les détenteurs d'actions ou de
devises se mettent à vendre massivement. Ce faisant, chacun d'eux obéit bien à la logique libérale qui est
de tenter de protéger son intérêt particulier en se défaisant d'une valeur menacée, c'est ce qu'on appelle une
anticipation rationnelle. Seulement, comme ils le font tous ensemble, ils accentuent la chute des cours et
amplifient la crise au détriment général. Les anticipations rationnelles des particuliers sont totalement
irrationnelles du point de vue de l'intérêt général. On peut donner un contre-exemple avec la crise de 1981
où le Mexique, écrasé par le poids de sa dette extérieure, menace d'un moratoire les banques créancières.
C'est l'ensemble du système financier et monétaire qui est menacé car les autres pays endettés d'Amérique
Latine menacent d'emboîter le pas. Les banques se réunissent au Club de Paris et le Fonds Monétaire
International va jouer le rôle du médiateur de la théorie des jeux. Il propose que toutes les banques
rééchelonnent leur dette, moyennant son engagement sur une aide au Mexique. Les banques, qui savent
que toutes leurs créances peuvent disparaître dans une faillite en cas de moratoire, acceptent toutes de
coopérer et la crise est évitée grâce à une rationalité collective.
L'illusion de la justice sociale. C'est l'ultra libéral F.A. Hayek, prix Nobel d'économie, qui enterre
définitivement le mythe de l'intérêt général et même “l'illusion de la justice sociale” dans les économies de
marché. L'économie de marché favorise le progrès car nous pouvons tous y bénéficier des contributions,
matérielles ou intellectuelles, que chacun peut faire librement en suivant sa propre voie, sans se voir
imposer de finalités communes telles que la justice sociale et l'intérêt général, qui limitent la liberté. Ce
principe de liberté rend le marché imprévisible. Certains y réussissent sans mérite particulier, d'autres,
brillants, y échouent à cause du hasard ou de circonstances imprévisibles mais, même si cela nous indigne,
cela ne signifie pas que quelqu'un ait été injuste. Une société ne peut imposer de finalités communes ou
générales sans restreindre la liberté individuelle. Seuls des systèmes totalitaires, comme une dictature, ou
“clos” comme l'armée ou le couvent, peuvent être planifiés au détriment de l'initiative individuelle qui fait
toute la richesse d'une économie de marché.
La catallaxie. Hayek définit une société libre et pluraliste, sans finalités communes imposées aux
individus, à travers le concept de catallaxie. Dans une société libre, chaque individu contribue aux projets
de milliers de gens qu'il ne connaît pas, il n'imagine même pas l'usage qui sera fait des biens et des
produits ou des services qu'il propose et c'est précisément cette ignorance qui permet à des gens différents,
poursuivant des buts divers, de contribuer ensemble à la richesse et à la diversité. Une société libre ne doit
pas être fondée sur des fins communes qui uniformiseraient cette diversité. La catallaxie ne peut
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fonctionner qu'avec des règles négatives de juste conduite (ne pas voler, ne pas tuer) pour qu'il y ait égalité
des chances. Elle doit également reposer sur des procédures d'action pour générer la confiance et
l'efficacité du management. Pour Hayek, l’intérêt général ne consiste pas à garantir la justice sociale mais
à assurer la liberté de chacun, seule garante du progrès.
Le néo-libéralisme des années 80. Il est indéniable que le dynamisme de la doctrine libérale, associé à la
dimension continentale de l'économie américaine et à la pugnacité de l'éthique protestante de la besogne
ont assuré la formidable puissance des Etats-Unis et de ses grandes entreprises. Il est tout aussi indéniable
que cette puissance persistera encore longtemps. Mais, dans les années 70, au moment où les travaux de
Hayek connaissent une diffusion importante, les pays asiatiques vont relativiser ses postulats en surgissant
sur le marché international avec des méthodes étatiques, collectivistes et claniques. Dans les années 80, la
justification libérale de l'individualisme exacerbé, conduit aussi l'Amérique et ses entreprises à une
situation difficile. Deux facteurs principaux vont contribuer à cette crise : le développement d'une
économie à dominante financière et la professionnalisation du management des entreprises, tous deux
découlant des propos d'Hayek.
Un actionnariat spéculatif. La caractéristique majeure de l’actionnariat aux Etats-Unis dans les années
80 est que 67% du capital des entreprises est détenu par les ménages. L'Amérique, avec le Canada, sont
les seuls exemples de capitalisme populaire dans le monde (les Européens pratiquent le “noyau dur”, avec
des actionnaires de référence, et les Asiatiques l'auto-contrôle, par des participations croisées). La crise
rampante des années 70 et la dérégulation financière ont poussé les Américains à investir massivement
dans des produits financiers pour protéger leurs revenus contre l'inflation. Mais les Américains ont une
vision spéculative du marché boursier : ils cherchent à faire des bénéfic es à court terme sans vraiment se
préoccuper du sort des entreprises dont ils ne sont que des actionnaires occasionnels. Cette spéculation de
masse favorise les OPA et OPE qui ont pour effet de pousser les actions à la hausse. Les caisses de retraite
et les compagnies d'assurance (28% du capital) sont moins opportunistes mais doivent suivre le
mouvement pour valoriser leur capital.
La pression financière de Wall Street. La pression financière sur les entreprises s'accentue plus encore
avec l'endettement des Etats-Unis. La dette publique étant financée par l'émission de Bons du Trésor qui
servent des taux d'intérêt très élevés, les entreprises doivent servir des dividendes encore plus
rémunérateurs pour garder la confiance des milieux financiers. Les entreprises doivent présenter des
rapports trimestriels par centres de profit pour qu'on puisse distinguer ce qui est rentable et supprimer ce
qui l'est moins, sans tenir compte d'une stratégie globale à moyen ou long terme. Ceci implique également
d'écarter les retours sur investissements à long terme (notamment R&D et formation). La logique
financière prend le pas sur la logique industrielle et un banquier ne prête que pour une activité rentable
sans tenir compte d'une stratégie d'ensemble.
L'illusion managériale. Autre facteur déterminant, l’apparition, dans les années 60, de managers
professionnels armés d'une nouvelle science à dominante financière. Un marketing conquérant et des
études de marché sophistiquées complètent la panoplie du manager moderne capable de gérer n'importe
quelle activité. Cette nouvelle génération de managers se pose comme garante des profits de l'entreprise et
est prise au mot par les actionnaires qui, exigeant la rentabilité promise, poussent à une stratégie centrée
sur le profit. L'effet de cette mutation est de réduire le champ stratégique de l’entreprise et de priver ces
mêmes managers de toute autonomie en les cantonnant au profit à court terme. Ils s'y plient d'autant plus
volontiers que salaires, primes et maintien dans leur poste sont liés aux profits et que, d'autre part, ne
connaissant pas toujours les activités qu'ils gèrent, ils ne peuvent prendre de risques au mépris de leurs
critères financiers.
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L'entreprise-objet. L'entreprise n'a donc plus pour objet principal de produire, d'innover, de créer des
services ou des emplois, mais bien de valoriser le capital financier de ses actionnaires. L'entreprise n'existe
plus en propre, la vague d'OPA des années 80 montre que la logique du profit et les stratégies d'achatrevente l'emportaient sur la logique industrielle. La logique de l'entreprise-objet va encore plus loin
puisqu'il devient aussi rationnel de vendre une entreprise parce qu'elle est très rentable que parce qu'elle ne
l'est pas assez. Pendant les années 80, cette logique a contribué à des phénomènes de désindustrialisation
excessive et de dépendance des entreprises américaines par rapport à leurs concurrentes européennes et
asiatiques.
Le redéploiement des années 90. Malgré la pauvreté (35 millions de pauvres dans le pays le plus riche du
monde), malgré l'endettement et la baisse relative de puissance économique des Etats-Unis (le PNB qui
avait dépassé les 35% du PNB mondial à la fin des années 70 est redescendu à moins de 25%), les années
90 montrent encore une fois les capacités de redéploiement de l'Amérique dues à la pugnacité de son
idéologie libérale et entrepreneuriale. Après une cure d'amaigrissement et de recentrage, ses grandes
entreprises reviennent plus fort que jamais sur le marché mondial. Le chômage est redescendu à un niveau
historique de moins de 5% (malgré ou à cause de l'absence de politique sociale?). Enfin, des prises de
position dynamiques sur les nouvelles technologies assurent encore à l'Amérique une relative avance sur
l'Asie et sur l'Europe.
Microsoft illustre bien l'offensive des entreprises US sur le marché mondial, avec leur leadership
technologique et leurs comportements prédateurs. La micro-informatique, marché de 20 milliards de
dollars, est le secteur qui permet le mieux d'apprécier la diffusion des nouvelles technologies grâce à
l'ordinateur individuel. Microsoft l'a emporté sur beaucoup de ses concurrents plus en pointe, avec une
stratégie de suiveur, assez japonaise, en rachetant et en intégrant des logiciels conçus par d'autres (MSDOS, copie du système du Macintosh d'Apple avec Windows, etc.). On estime aujourd'hui que Microsoft
détient 90% du marché des systèmes d'exploitation et des principaux logiciels de bureautique. Bill Gates,
son fondateur, est considéré comme l'homme le plus riche du monde, avec une fortune évaluée à 40
milliards de $. Mais l'entreprise est aussi accusée de pratiques monopolistiques : elle impose à ses clients
des produits intégrés à son système et qui concurrencent illégalement les produits rivaux. Après avoir
commencé à enquêter en 1990, la Commission Fédérale antitrust a imposé en 1995 à Microsoft de cesser
de lier les droits de licence de Windows à ceux d'autres logiciels. En octobre 1997, le Ministère de la
Justice demande à un tribunal de lui infliger une amende de 1 million de $ par jour pour avoir imposé aux
constructeurs informatiques d'installer systématiquement son Internet Explorer avec son système
Windows. Mais Microsoft a beaucoup de défenseurs parmi ses clients, ravis de trouver des logiciels peu
chers et intégrés, et même parmi la classe politique américaine. Ce cas illustre bien la position ambiguë de
l'Amérique qui oublie quand il le faut sa doctrine libérale pour assurer son monopole technologique.
Internet, commerce électronique et commerce inter-entreprises. Le redéploiement de l'économie US
se joue aussi sur la montée du réseau Internet, qui relie entre 35 et 50 millions de clients potentiels en
1996 (et qui reste en progression exponentielle). En l'an 2000, les serveurs commerciaux devraient
représenter 65% des sites Internet. Les entreprises de vente par correspondance, les agences de voyage, les
compagnies d'assurance, les banques et les entreprises de haute technologie s'installent massivement sur le
Net, le monde anglo-saxon en tête. En 1995, le CA mondial d'Internet a été estimé à 2 milliards de francs.
En 1996, il est passé à 6 milliards de francs. Pour l'an 2000, les estimations oscillent entre 200 et 750
milliards de francs (en France le commerce électronique dépasse le Minitel en 1999). Ma is le commerce
électronique et les ventes de produits de grande consommation sont modestes par rapport au commerce
industriel inter-entreprises. Selon le rapport de Forrester Research, ce commerce “biz-to-biz” avait une
valeur de 8 milliards de $ pour 1997 et devrait atteindre 327 milliards de $ en 2002, soit une croissance de
près de 5 000 %. Là encore, ce sont les entreprises américaines, les plus en pointe et les premières
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installées sur le Net, qui donnent le ton. L'entreprise Cisco System Inc., qui contribue au développement
du Net en vendant ses routeurs aux opérateurs de télécom ou aux fournisseurs d'accès, a mis ses produits
en vente on line en 1996. Après une année, l'entreprise enregistre un chiffre d'affaires de 5 millions de $
par jour et de plus d'un milliard de $ par an. Dell Computer Corp, qui vend ses ordinateurs aux entreprises,
réalise un chiffre d'affaires de 1 million de $ par jour, en croissance de 20% par mois, dans la prise de
commande de systèmes informatiques sur mesure.
Le rôle d'Internet dans la mondialisation économique . En plus des facilités de communication interne
(Intranet), Internet est en train de bouleverser les méthodes des entreprises. Les serveurs peuvent
permettre la mise au point de systèmes informatiques de gestion intégrés, qui facilitent l'exécution de
l'ensemble d'une transaction : consultation du catalogue, simulation de configurations sur mesure et de
prix, vérification de la disponibilité en stocks en temps réel, prise de commande, transfert de paiement et
déclenchement de la livraison. Disponibilité 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. La mise en ligne de
catalogues, de tarifs, de fiches techniques et de photos permet des économies considérables d'impression,
de stockage et de distribution, par rapport au support papier. Gain de temps et de coûts industriels :
General Electric a économisé 50% du temps et 30% des coûts consacrés à ses approvisionnements en
matières premières et en produits semi-finis. Coûts évités de démarchage commercial, facilitation des
appels d'offres internationaux, intégration mondiale des stratégies commerciales, etc. Un ensemble
d'avantages qui rend, par exemple, la prospection internationale accessible pour les petites entreprises.
Malgré le tassement de cette croissance technologique depuis l’an 2000, l’essoufflement des start-up et de la
« nouvelle économie », c’est dans ce domaine que l'Amérique conserve une de ses meilleures chances de
maintenir son actuelle suprématie.
MANAGEMENT :
LA SELECTION NATURELLE DES HAUTS POTENTIELS
Enquête sur une course d’obstacles. L'exigence de compétitivité libérale s'exerce non seulement sur les
entreprises mais aussi sur les hommes. L'exemple le plus extrême est celui du sort réservé aux cadres à
“haut potentiel” (HP). Une étude sur les HP, menée par Human Resource Management dans 33 grandes
entreprises américaines, décrit le parcours de sélection des hauts potentiels en 3 étapes : 1°) les
éliminatoires se jouent à partir d’un vivier d'environ 20% de la population cadre : rotation de poste rapide
et planifiée, formations personnalisées et lourdes sollicitations en temps de travail ; 2°) il reste en
moyenne 6% du groupe initial pour la demi-finale : performances exceptionnelles en continu, compétence
au management des hommes et des structures, sens stratégique ; 3°) la finale se joue avec 6% des demifinalistes : missions de confiance, projets, responsabilités. Entre les éliminatoires et la finale, moins de
deux pour mille des HP parviennent à leur objectif. Que deviennent les 998 autres ? Quels sont les effets
secondaires de cette compétition dans l'entreprise ?
Le durcissement concurrentiel. Ces expériences provoquent d’abord un durcissement concurrentiel
généralisé des rapports humains dans l’entreprise. Le haut potentiel devient l’ennemi de tous les autres HP
(puisqu’on en garde 2 pour 1 000), de ses supérieurs (puisqu’on lui “promet” leur place) et de tous les non
HP de l’entreprise (puisqu’on en fait un privilégié). Résultat, le HP devient une cible. La plupart d'entre
eux vivent assez mal cette situation : ils sont censés représenter un idéal et sont traités en parias. Ils en
concluent que les autres sont des envieux ou des loosers et ils réagissent en durcissant leur comportement.
C’est le cercle vicieux : plus ils provoquent d’hostilité plus ils se durcissent et plus ils s'endurcissent...
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Comment faire bouger l’entreprise... sans déranger personne. Le paradoxe que doit résoudre un haut
potentiel est que, d’un côté, sa direction lui demande de foncer, de prendre des initiatives mais que, de
l’autre côté, il est freiné par un rythme collectif qui est plus lent, par des supérieurs hostiles, ou encore par
des manœuvres d’obstruction de son entourage qui le pousse à la faute. C'est le stress management
quotidien.
Des raccourcis du turn over à la logique du presse-citron. Quand les promesses de promotion ne sont
pas tenues assez vite, ce qui est souvent le cas, le HP se lance dans le turn over. Il est encouragé en cela
par les chasseurs de têtes qui se chargent de lui expliquer qu'une carrière va plus vite en changeant
d’entreprise au bon moment. Du coup, se crée un autre cercle vicieux : l'infidélité des HP provoque la
méfiance des entreprises, et la méfiance renforce l'infidélité, ... etc. Devenues suspicieuses, les entreprises
passent alors à la logiqu e “presse-citron” : maximum de travail et de promesses, contre minimum
d’avantages de salaire et de carrière.
La logique du putsch. Si leur carrière ne se déroule pas à la vitesse promise, certains jeunes HP tentent le
putsch contre leurs supérieurs. Globalement, le nombre de putschs manqués est plus élevé que le nombre
de réussis à cause du manque d’expérience humaine et d'appuis des HP. Mais, ratées ou réussies, de telles
batailles ne contribuent pas à détendre les rapports humains, ni à améliorer le st atut des HP.
De la fragilité des surhommes. La majorité des hauts potentiels (HP) sont les premiers sacrifiés dans ces
expériences. Ils sont souvent les victimes d’un double discours de la direction qui laisse entendre que le
pouvoir est à prendre tout en exigeant le respect de la hiérarchie. Le résultat de cette sélection naturelle est
qu'elle démotive le plus grand nombre par le partage entre HP et non HP, et qu'elle provoque un
durcissement généralisé des rapports humains allant à l’encontre de l’intér êt général. Enfin, l'effet le plus
paradoxal est d’éliminer la plupart des HP par la casse, l’enlisement, l'amertume et, souvent, la névrose.
On touche ici la limite d'un système de compétition généralisée qui créé plus de battus que de battants.
Comparaisons managériales. L'exemple développé ci-dessus étant extrême et typiquement américain, il
faut le pondérer avec une comparaison entre des attitudes managériales anglo-saxonnes très différentes,
selon les cultures américaine, britannique, scandinave, alle mande ou suisse. Toutes ces cultures partagent
un même pragmatisme mais elles diffèrent sur la forme. La décontraction souriante des Américains peut
tout à coup laisser place à l'affrontement ouvert. A l'autre extrême, le formalisme autoritaire des
Allemands ou des Suisses est largement pondéré par une attitude raisonnable dans la discussion.
Communication, réunions . Aux Etats-Unis, les réunions ont une atmosphère informelle (on s’interpelle
par le prénom), le sourire et l'humour sont de rigueur, pour positiver l'atmosphère de travail. La
communication est ouverte et directe. On évitera les remarques critiques faites en public car elles peuvent
déclencher des réactions très agressives. Pour le travail on va tout de suite au cœur du sujet, la réunion a
en général un ordre du jour, on traite de données précises et objectives (prix, marges, quantités, bénéfices,
planning, etc.), les informations détaillées sont appréciées. Les digressions et les changements de sujet
passent mal s'ils ne sont pas justifiés. La rencontre suivante est planifiée en fin de réunion. A l'autre
extrême, les réunions avec les Allemands sont très formelles (utilisation des titres, des noms de famille et
tenue stricte), elles servent à informer, à ordonner ou à prendre des décisions dans un contexte très
cloisonné, où chacun ne s'occupe et ne parle que de son domaine. A mi-chemin entre ces deux attitudes,
les Anglais sont informels mais guindés, leurs réunions sont plus créatives, on admet toutes les
contributions de qualité, les sujets peuvent être divers et l'atmosphère est consensuelle. L'attitude
informelle et souriante des Américains génère des malentendus avec les Latins pour qui une telle
familiarité relève des relations privées. Or pour les Américains, cette attitude est superficielle et sert
uniquement à faciliter les relations. La distinction entre vie professionnelle et personnelle reste très forte.
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De la bureaucratie libérale. Un des facteurs qui permet d'interpréter le comportement des Américains et
des Allemands est leur tendance commune à une certaine forme de bureaucratie. L'héritage protestant des
Allemands, leur souci d'efficience, a évolué dans une conception presque obsessionnelle de l'organisation
et du respect des procédures qui est une des causes de la réussite de l'industrie allemande et aussi de sa
rigidité tempérée de pragmatisme. Chez les Américains, compte tenu de l'atmosphère libérale qui favorise
la concurrence entre les hommes, les procédures sont développées de manière parfois paranoï aque pour
éviter les conflits inutiles ou pour se donner les moyens de les résoudre. Les entreprises suivent les
tendances du juridisme américain, elles édictent de nombreuses procédures touchant tous les aspects de la
vie de l'entreprise (tâches, carrières, attitude au travail, etc.), les font évoluer (à cause du harcèlement
sexuel, beaucoup d'entreprises ont, par exemple, interdit aux hommes de prendre l'ascenseur seul avec une
femme) et les réunissent dans des recueils remis aux nouveaux employés. Comme c'est le respect des
procédures qui permet de trancher les conflits, les Américains s'y soumettent et l'expression consacrée est :
“de se couvrir le cul”.
Leadership et management. Les patrons américains jouissent d'une autorité indiscutable, souvent
tempérée par le charisme et par une capacité à déléguer (souvent faible chez les Latins). Pour éviter les
conflits, l'autorité est définie à chaque niveau (tâches, objectifs, délégation). Des instructions et des
procédures détaillées sont liées à chaque tâche. Les patrons allemands sont autoritaires, il est impensable
de les contredire, mais ils délèguent volontiers. Anglais et Scandinaves ont un management plus souple et
des rapports hiérarchiques plus ouverts.
Planification. Le respect de la ponctualité, des horaires de travail et des engagements de planning est un
point commun à tous les Anglo -Saxons, sauf aux Anglais, qui ont plus de souplesse. Il faut arriver à
l'heure mais aussi partir à l'heure, le temps, comme l'argent, est géré et planifié. Le travail est fondé sur
des informations concrètes, objectives. De même pour la communication écrite, qui doit être plus efficace
que brillante et qui doit accompagner tout projet. Dès qu'un changement intervient, l'information doit être
précisée par écrit, justifiée et communiquée aux personnes concernées. Les Anglo-Saxons ont du mal avec
les Latins ou les gens du sud qui ont un management fondé sur les rapports personnels, la variabilité des
mœurs et l'improvisation.
POLITIQUE :
LA DEMOCRATIE CONTRE L'ETAT
La tradition des libertés civiles. L'Amérique a forgé le modèle politique le plus radical de la culture
anglo-saxonne. Depuis la Déclaration d'Indépendance de 1776 et la rédaction de la Constitution entre
1787 et 1788, la conception américaine de la démocratie se caractérise par l'extrême méfiance des citoyens
envers l'Etat, toujours suspecté d'arbitraire et de possibles atteintes aux libertés. Après la guerre
d'indépendance contre l'Angleterre, les Pères Fondateurs sont divisés et beaucoup craignent le pouvoir
d'un Etat centralisé et d'un exécutif puissant. Dans cette méfiance envers le pouvoir, même s'ils ont
arraché leur indépendance à l'Angleterre, les Américains sont les dignes héritiers de cette tradition de lutte
des Saxons pour les libertés civiles. C'est pour remédier à cette méfiance envers l'Etat que les rédacteurs
de la Constitution instituent un système très antagonique de séparation des pouvoirs, se livrent a une
énumération presque obsessionnelle des attributions de pouvoirs de chaque instance et rédigent plusieurs
amendements, à commencer par le premier, qui garantissent les libertés civiles, et précisent même dans le
IXe que : “L'énumération de certains droits dans la Constitution ne devra être interprétée comme
annulant ou restreignant d'autres droits conservés par le peuple”.
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Un système de conflit institutionnalisé. Les Etats-Unis sont toujours régis par la constitution élaborée en
1788 pour un pays qui ne comptait alors que 4 millions d'habitants. Cette constitution s'est étendue des 13
Etats fondateurs de la Côte Est, aux 51 Etats actuels, elle a survécu à la Guerre de Sécession et aux plus
graves crises politiques ou sociales, elle a permis une croissance économique sans précédent, ainsi que
l'accession des Etats-Unis au rang de grande puissance mondiale. Le secret d'une telle adaptabilité ? C’est
que le système politique défini par la constitution est le plus important système de conflit institutionnel
généralisé jamais établi pour bloquer toute tentative d'arbitraire du pouvoir. L'antagonisme institutionnel
du système de séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le Sénat et la Chambre des Représentants, le
présidentialisme “accéléré”, la courte durée des mandats, le rôle politique de la Cour Suprême et des
juges, le système bipolaire des partis, le jeu des lobbies : tout cela fait du politique l'instrument
d'adaptation, par le conflit, d'une société en mutation constante.
Le présidentialisme accéléré. Le président américain jouit d'une marge de manœuvre limitée : par la
durée de son mandat de quatre ans, par l'interdiction de briguer plus de deux mandats (qui limite son
autorité pendant les deux dernières années du second mandat), par le contrôle du Congrès (sur toutes les
questions ayant un impact budgétaire, sur la ratification des traités, sur l'approbation des nominations de
fonctionnaires) et par le rôle très spécifique de la Cour Suprême qui contrôle la constitutionnalité de ses
actes. Dans l'affaire du Watergate en 1974, c'est la Cour Suprême qui a poussé le Président Nixon à la
démission en jugeant qu’il devait communiquer tous les documents qu'il avait refusés aux commissions du
Congrès. Mais si le Congrès peut gêner ou bloquer la politique présidentielle, il ne peut pas lui en imposer
une autre et le président peut user “d'accords exécutifs” non soumis aux ratifications. En bref, le président
“reste libre d'être aussi grand qu'il le peut” (T.W. Wilson) et ne peut imposer sa politique qu'à condition
de se battre sans cesse contre les différents obstacles politiques ou institutionnels que le système érige
systématiquement comme contre-pouvoir.
Le système de séparation antagonique des pouvoirs. Le Congrès est composé de deux chambres : le
Sénat (2 membres par Etat, élus pour 6 ans, et renouvelables par tiers tous les deux ans) et la Chambre des
Représentants (435 membres élus pour deux ans, répartis proportionnellement à la population de chaque
Etat). Non seulement ces deux chambres sont jalouses de leurs prérogatives respectives de contrôle sur le
pouvoir exécutif mais, de plus, la fragmentation des pouvoirs est portée à son comble par les commissions
permanentes (15 pour le Sénat et 22 pour la Chambre) et les sous-commissions (90 pour le Sénat et 150
pour la Chambre) qui ont des pouvoirs dilatoires sur toutes les propositions de loi qui leurs sont soumises.
Le blocage minoritaire. Grâce à cette fragmentation des pouvoirs, la volonté de la majorité peut donc
efficacement être contrée par l'action d'une minorité, voire par un seul représentant. Au Sénat, la tradition
de liberté (illimitée) d'expression peut, par exemple, être utilisée pour bloquer la volonté de la majorité et
il est exceptionnel que la majorité vote la limitation du débat, comme elle en a le droit. Toutes ces
pratiques, souvent attaquées, se maintiennent très bien dans la mesure où, d'une part, elles permettent à
chaque représentant d'accéder à une position d'influence à l'occasion d'un problème donné et, d'autre part,
qu'elles font partie de cette tradition de séparation antagonique du pouvoir qui permet de limiter l'arbitraire
de l'Etat.
Le gouvernement des juges. Autre garantie, les juges américains sont dotés d'un pouvoir politique
considérable du fait qu'ils fondent leurs arrêts sur la constitution et qu'une fois saisis d'une affaire, ils
peuvent ne pas appliquer ou même annuler les lois qui leur paraissent inconstitutionnelles. Ainsi, les lois
dont les effets restreignent les libertés tombent peu à peu sous les coups de la jurisprudence. Selon
Tocqueville, “se prononcer sur l'inconstitutionnalité des lois est une des plus puissantes barrières qu'on
ait jamais élevées contre la tyrannie des assemblées politiques”. Cette caractéristique du système
juridique donne un rôle d'acteur politique à la Cour Suprême : dans les années 30, la Cour Suprême avait
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voulu bloquer les lois sociales du New Deal ; dans les années 50 et 60, elle a renforcé les droits des
minorités et lutté contre la ségrégation raciale ; elle a aussi lutté contre la peine de mort et limité les droits
de la police, légalisé l'avortement, etc. En bref, la Cour Suprême peut se substituer à l'exécutif et au
législatif en donnant des solutions judiciaires à des problèmes politiques. Ce juridisme est une des
caractéristiques majeures et historiques de la société américaine : les Pères Fondateurs, rédacteurs de la
Constitution, sont des juristes et depuis, l'élite du pays sort traditionnellement des écoles de droit
d'Harvard ou de Yale. Les Etats-Unis sont le pays qui produit la plus forte densité d'avocats par habitant.
La société américaine est la plus litigieuse du monde en nombre de procès, ce qui est normal pour une
culture dont les doctrines reposent sur l'idée de conflit et où seul le droit définit la règle du jeu.
La démocratie bipolaire et l’American Way of Life. Les deux grands partis politiques américains se
distinguent moins par leur idéologie que par leur antagonisme “de classe”, beaucoup plus net que dans les
démocraties pluralistes européennes. Le Parti Démocrate défend les classes les plus modestes, les
minorités, et tente d'utiliser l'appareil de l'Etat à cet effet. Le Parti Républicain défend les classes
supérieures et est hostile à toute intervention de l'Etat. Mais l'affrontement rituel des partis ne provoque
pas vraiment d'enthousiasme : tout en s'affirmant fiers de leurs institutions, les Américains votent de
moins en moins, comme si leur confiance reposait plus sur les mécanismes institutionnels de la vie
politique que sur l'action des partis ou des politiciens. L'effet de ce morcellement antagonique des
pouvoirs permet à l'Amérique de s'adapter de manière souple dans la mesure où l'évolution des lois traduit
plus le changement des mentalités dans la société que l'action d'un président ou d'un parti. Mais comment
une société aussi méfiante envers l'Etat, aussi acharnée à défendre des libertés individuelles et dont les
habitants sont aussi portés au conflit, peut-elle construire un lien social et une nation ? Certainement pas à
travers son système politique mais bien grâce à son idéologie de l’American Way of Life dont les deux
composantes sont les mythes fondateurs qui ont sécularisé les valeurs protestantes et la philosophie
évolutionniste, qui synthétise les valeurs libérales et darwinistes en faisant des concepts de lutte pour la
survie et de sélection naturelle un mode d'emploi social et un modèle de sélection des élites.
Les mythes fondateurs . L'Amérique protestante se représente d'emblée son histoire comme un
recommencement de l'Ancien Testament. Le Peuple Elu fuit l'esclavage en Egypte (l'Angleterre), traverse
la Mer Rouge (l'Atlantique) qui engloutira l'armée du Pharaon. Parvenu sur la Terre Promise, il fonde la
Nouvelle Jérusalem et doit affronter Satan, la puissance du mal (les Indiens) qui s'oppose à sa mission
providentielle (justification du génocide). Tous les thèmes de l'Ancien Testament, qui font l'essentiel des
sermons protestants, sont repris et actualisés dans la vie politique américaine (Reagan appelait l'URSS
Harmagédon, lieu biblique de la désolation) et confortent la certitude ancrée d'être la nation élue de la
compétition économique mondiale.
L'évolutionnisme politique . L'évolutionnisme de Spencer est une philosophie qui synthétise les concepts
du libéralisme et du darwinisme. Avec “L'origine des espèces”, Darwin donne une explication globale de
l'évolution de l'ensemble des formes de vie depuis les origines. Le premier concept est emprunté à
Malthus qui, dans son “Essai sur le principe des populations”, démontre que les espèces s'accroissent de
manière géométrique alors que les ressources ne croissent que de manière arithmétique. Il s'ensuit une
lutte pour la survie dans laquelle espèces et individus s'affrontent pour accaparer les ressources. Dans
cette lutte, seuls les espèces et les individus les plus adaptés peuvent survivre grâce à certaines variations
de leur patrimoine génétique qui permettent une meilleure adaptation à leur milieu : c'est la sélection
naturelle, qui agit comme un filtre créatif de la nature. Enfin, grâce à l'hérédité, ces individus les plus
aptes à la survie et à la reproduction, transmettent leurs caractéristiques génétiques “supé rieures” à
l'ensemble de l'espèce. Ainsi, de la compétition généralisée et égoï ste des individus pour la survie,
résulterait un bien pour l'ensemble de l'espèce humaine à qui sont transmis les gènes des individus les plus
aptes. C'est le raisonnement d'Adam Smith, appliqué à la biologie.
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Self made man, winner and looser. Dans la culture populaire, la synthèse des doctrines protestante,
libérale et évolutionniste est illustrée par les images du self made man, du winner et du looser. Le self
made man est au centre du rêve américain où il incarne la liberté d'entreprendre et de réussir en partant de
rien. Pour les Latins d'Europe, qui entretiennent une méfiance non déguisée pour la réussite, le self made
man est un parvenu ; pour les Américains, et plus encore pour les immigrants, il incarne l'idéal de la
réussite, la seule valeur ne souffrant aucune discussion. Mais dans cette lutte pour la survie, tout le monde
ne peut pas gagner en même temps, la sélection naturelle fait son œuvre. Alors le self made man, qui
illustre les valeurs de liberté, laisse la place aux valeurs de combat et à leur résultat : le winner, le héros du
rêve américain, l'élu, le battant, qui rafle tous les honneurs, et le looser, le battu, l'incapable, le damné. Ces
images simples, et les doctrines qui leur sont sous-jacentes, tiennent lieu de consensus politique. La force
avec laquelle cette idéologie est ancrée dans la société est telle qu'elle est acceptée comme lien social,
même par les loosers. Pourquoi ?
La lutte pour la survie . Prenons l'exemple de la dérégulation des années 80 aux Etats-Unis : elle s'est
soldée par une attaque sans précédent contre les politiques sociales et le droit du travail, par une
déqualification des emplois et par un effondrement de la classe moyenne. Certes, al dérégulation du
marché du travail et la baisse des salaires ont permis de réduire efficacement le chômage, et surtout le
chômage de longue durée (au contraire, l'Europe qui a globalement choisi la protection des emplois, des
salaires et qui voit son chômage augmenter). Mais à côté des chômeurs, la méthode américaine a aussi
créé 35 millions de nouveaux pauvres et une fracture sociale beaucoup plus marquée qu'en Europe compte
tenu de la quasi-absence de politique sociale. La question qui se pose est la suivante : comment les classes
moyennes et modestes ont-elles pu accepter cette dérégulation sans qu'aucun mouvement social
d'envergure ne tente d'endiguer cette libéralisation sauvage ? Pendant toute cette période, il n'y a eu qu'une
seule grève aux Etats-Unis, celle des contrôleurs du ciel et elle a été matée en quelques jours dans
l'indifférence générale : l'armée a remplacé les contrôleurs civils, avec les risques que cela impliquait, les
grévistes ont dû renégocier leur contrat de travail à la baisse et les meneurs ont été licenciés. En France,
pendant la même période, il suffit de parler de réforme libérale dans une entreprise nationalisée pour que
la grève paralyse une partie du pays, que l'Etat nomme un médiateur et que les réformes passent au
placard. Pourquoi les Américains, surtout les pauvres, réagissent-ils si peu ?
L'économie aux commandes du politique. Si les attaques contre le droit du travail provoquent si peu de
réactions, c'est que ceux qui en sont les victimes sont considérés non pas comme des exclus, mais comme
des loosers, incapables de saisir leur chance ou de la garder. De ce fait, ils sont disqualifiés pour porter un
jugement sur le système. Ils n'y songent d'ailleurs même pas. Le discours sur la réussite est tellement
intériorisé qu'il fonctionne même en négatif chez les loosers. Nous avons vu comment l'économie s'est
mise aux commandes du marché religieux ; elle est également aux commandes du consensus politique.
PROSPECTIVE :
METISSAGE URBAIN, APARTHEID COMMUNAUTAIRE
ET REVOLUTION TECHNOLOGIQUE
Déclin des Etats-Unis ? A la fin des années 80, un débat s'ouvre sur l'avenir des Etats-Unis à partir du
livre de l'économiste Paul Kennedy sur “La montée et le déclin des puissances”. Sa thèse : la montée en
puissance d'une nation se joue à travers sa réussite économique et son déclin s'amorce dès qu'elle doit
consacrer une part grandissante de sa richesse à ses dépenses militaires, pour protéger ses intérêts dans le
monde. Paul Kennedy prédit le déclin absolu de l'URSS et le déclin relatif des Etats-Unis. Dans le débat
qui s'engage alors aux Etats-Unis, les “declinists” soulignent la baisse de la part américaine dans la
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production industrielle mondiale, l'endettement de l'Etat et des entreprises, la perte de productivité et de
compétitivité des entreprises, leur perte de suprématie sur un ensemble de fronts industriels et
technologiques, les achats d'entreprises américaines par des étrangers, les déficiences de la R&D et du
système d'éducation, la montée de la pauvreté, etc.
Ou renouveau ? Les “revivalists” soulignent la baisse des dépenses militaires et balaient l'ensemble des
arguments économiques en soulignant, d'une part, que la situation économique est redevenue normale par
rapport à la situation d'après-guerre qui était exceptionnelle e t, d'autre part, que les Etats-Unis ne se battent
jamais mieux que le dos au mur. Sept ans plus tard, la situation économique actuelle confirme leur
analyse. Autre argument, les Etats-Unis sont la seule puissance militaire capable de régler un problème
comme la Guerre du Golfe ; ce à quoi les declinists rétorquent qu'ils ne peuvent intervenir aujourd'hui que
sous le drapeau de l'ONU et grâce à des capitaux étrangers. Autre argument plus percutant : les Etats-Unis
sont le seul modèle socioculturel à avoir acquis une légitimité et une dimension mondiale avec des
marques (Coca, Mac Donald's, Levi's, IBM, Windows, etc.) qui définissent un standard de consommation
international. Dont acte.
L'immigration. Dernier argument massue : l'Amérique va tirer sa puissance future de... l'immigration ! J.
Naisbitt explique que les USA ont toujours accueilli plus d'immigrants que tous les pays d'Europe réunis
et que c'est ce qui a fait leur force. Les nouveaux immigrants latins et asiatiques, très motivés, vont à la
fois dynamiser l'économie américaine (ce sont déjà eux qui créent le plus de PME-PMI au Sud du pays) et
faire remonter la natalité, en recul chez les Anglo-Saxons. L'évolution est considérable par rapport aux
années 70 où, malgré des moyens énormes, les tentatives de fermeture des frontières du Sud à
l'immigration latine clandestine ont échoué. Avec les années 80, une volonté pragmatique d'intégration des
immigrants les plus entreprenants s'est manifestée avec des mesures de naturalisation très assouplies pour
les immigrants créateurs d'emplois (comme au Canada où des possibilités de naturalisation payante
réservées aux investisseurs ont drainé une part importante de l'immigration asiatique, et spécialement de
Hong Kong). Parallèlement, des “actions positives” ont été entreprises pour intégrer les minorités avec des
politiques de quotas dans les universités, l'administration et les entreprises, avec des lois antidiscriminatoires et avec l'idéologie politiquement correcte. Cependant, ces mesures sont remises en
question par des Américains blancs qui s'estiment défavorisés face à l'éducation ou à l'emploi. Des
universités et de grandes entreprises ont déjà cessé la politique des quotas.
Métissage urbain et apartheid communautaire. L'action positive aboutit à un double résultat : d'une
part, la création dans chaque communauté ethnique d'une bourgeoisie qui marque la réussite de
l'intégration des nouveaux arrivants latins et asiatiques mais, d'autre part, un enfermement des
communautés ethniques et des tensions intercommunautaires (surtout avec la communauté noire, qui reste
la plus défavorisée). On assiste alors à une double dynamique : de métissage, dans beaucoup de centresville livrés à la pauvreté, et d'apartheid communautaire des classes supérieures, retranchées dans des
lotissements périphériques gardés par des services de sécurité privés (environ un million d'agents de
sécurité privés aux USA). Malgré la violence entre les communautés, la réussite de l'intégration
économique des immigrants et la dynamique créative du métissage urbain font de l'Amérique le principal
laboratoire sociologique multiculturel de la mondialisation.
Nouvelles frontières. Nous avons vu que c'est aussi sur le front de la technologie que se joue la puissance
de l'Amérique. Dans ce domaine, il ne s'agit pas seulement d'innovation technologique mais aussi
d'évolution sociologique des comportements et des formes de travail. Parmi ces nouvelles tendances :
l'entrée des adolescents sur le marché du travail dans le domaine des hautes technologies, l'évolution du
phénomène entrepreneurial vers le travail indépendant, la manière dont les entreprises de pointe réagissent
à ce phénomène en inaugurant de nouvelles formes de rétribution pour fidéliser leurs employés créatifs.
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L'entrepreneur junior. Selon les statistiques du ministère du travail des Etats-Unis, 58 000 adolescents
travaillaient à temps partiel dans l'informatique en 1996, contre 4 000 il y a dix ans. Les nouveaux émules
de Bill Gates ou de Steve Job ont entre 14 et 19 ans (certains commencent même à 10 ou 11 ans), ils
proposent des services efficaces et pas chers, ils montent des entreprises sans investissements, ils créent
des services sur Internet, travaillent à temps partiel en continuant leurs études et adoptent des attitudes
étonnamment prudentes et avisées face aux grosses entreprises d'informatique qui se battent pour les
recruter. Le phénomène prend aussi une ampleur sensible en Europe du Nord où il s'amplifie avec l'aide
des services publics. Les psychologues soulignent, en vain, le danger de ces réussites trop précoces et les
névroses prévisibles du désenchantement.
Le travail indépendant à dimension mondiale . L'informatique a donné un nouvel élan au phénomène
entrepreneurial en permettant non seulement la création de petites entrepr ises performantes, mais aussi le
développement du travail indépendant dans un ensemble de secteurs très divers à forte valeur ajoutée.
Grâce à une informatique de plus en plus puissante et de moins en moins onéreuse, grâce au nouveau
réseau de communication mondial d'Internet, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, un
individu peut disposer d'outils qui lui permettent de travailler aussi efficacement que s'il appartenait à une
grande entreprise : recherche, ingénierie, service ; on peut communiquer, vendre ou travailler
individuellement à l'échelle mondiale.
Stock option et start up. Le travail indépendant et la possibilité d'autonomie professionnelle modifient
considérablement le rapport entre l'entreprise et ses employés. Les individus qui sont les plus prêts à une
démarche indépendante sont souvent les plus créatifs, c'est-à-dire ceux dont les entreprises de hautes
technologies ont le plus besoin. Il faut donc trouver des moyens nouveaux pour fidéliser ces employés que
les entreprises s'arrachent. Pendant les années 90, c’est dans les 6000 entreprises de hautes technologies de
la Silicon Valley, qui réalisaient ensemble un chiffre d'affaires d'environ 200 milliards de $ en 1996 (1 200
milliards de FF) et qui ont été le fer de lance du développement technologique américain, que le salariat a
évolué vers des formes mixtes. Des distributions substantielles d'actions et de stock options permettent
d'associer le personnel aux bénéfices. Plus encore, pour ne pas perdre totalement leurs meilleurs éléments,
ces firmes investissent dans les entreprises créées par leurs meilleurs collaborateurs. Ainsi se crée un
nouveau tissu économique très fluide, qui va de la grande entreprise au travailleur indépendant, en passant
par des start-up très pointues à croissance rapide. Ce tissu économique mixte et fluide préfigure le
maillage du monde post-industriel de demain. L’éclatement de la bulle technologique américaine de
l’année 2000 ralentit cette tendance mais ne remet pas en cause son principe de maillage. Plus encore, ce
sont les entreprises traditionnelles qui ont profitées de l’effondrement de la nouvelle économie pour
reprendre les méthodes (essaimage de petites structures et stock-options) et les marchés que les start-up
avaient initiées.
Une révolution culturelle paradoxale. Comme nous l'avons vu, les Etats-Unis restent largement en
pointe au plan économique, technologique et sociologique, avec l'évolution des comportements
professionnels. Si l'on ajoute à cela le multiculturalisme des minorités, c'est d'une véritable révolution
culturelle qu’il s'agit et de nombreux experts affirment que l'Amérique est tout simplement en train de
créer un nouveau modèle culturel qu'elle va imposer à l'échelle mondiale. Mais quel modèle culturel ?
La culture américaine est à la fois de moins en moins “blanche”, de moins en moins WASP, et de plus
en plus multiculturelle. Ainsi, pendant la dernière décennie, ce sont les Latins qui ont été les plus
présents dans la création d'entreprises aussi bien que dans celle des modes : cuisine tex-mex, musique
salsa, etc. Pourtant, malgré l'affaissement de la démographie et de la culture “blanche”, les Etats-Unis
ont réussi à amalgamer ce melting-pot culturel autour des valeurs protestantes de réussite. Le miracle
américain n'a pas fini de faire parler de lui.
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Résumé des idées clefs.
Matrice originelle. La mythologie des Germains et des Scandinaves relate un combat cosmique entre les
dieux, qui veillent sur l'harmonie des mondes, et les géants, porteurs du chaos. Dans ce combat, les géants et les
forces du mal finiront par l'emporter et par entraîner le monde dans la destruction avant la renaissance d'un
nouveau cycle. La défaite des dieux étant annoncée, ce qui importe est l'héroï sme qui perpétue la loi cosmique
du combat. La principale occupation des Germains est la guerre, où les hommes reproduisent sans fin le
combat des dieux et des géants. Seuls les héros vont au paradis ; lâcheté, maladie et mort naturelle conduisent
en enfer. Les mœurs guerrières incluent le sacrifice des enn emis vaincus à Wotan, le Dieu de la Guerre. On
peut soit en conclure à la barbarie, soit à une forme radicale de rationalité guerrière qui leur vaut une réputation
terrifiante, très dissuasive, qui minimise les risques d’affrontement.
Société. Les Germains de l’antiquité pratiquent une forme de démocratie communautaire. Toutes les décisions
importantes sont prises par l'Assemblée des Hommes Libres et le droit coutumier est fondé sur des décisions
communes qui font office de jurisprudence. Ce n'est pas l'autorité politique qui édicte les lois mais la société
elle-même, par l'intermédiaire des cas qu'elle soumet à l'Assemblée. Les Anglo -Saxons héritent de la tradition
d'autonomie juridique des Germains et se battent pour obtenir des garanties sur les libertés civiles. Dès 1215,
les Saxons obtiennent de Jean sans Terre la Grande Charte, qui garantit l'autonomie juridique des Cités et de
l'Eglise, le droit pour chaque homme d'être jugé par ses pairs et la proportionnalité des délits et des peines. Sous
la dynastie absolutiste des Stuart, les Saxons se battent, de 1567 à 1688, pour obtenir l'Habeas Corpus et limiter
les emprisonnements arbitraires. En 1689, ils chassent les Stuart et obtiennent les garanties constitutionnelles de
la Déclaration des Droits (Bill of Rights). Ces combats pour les libertés visent des droits concrets et des
problèmes pratiques abordés en dehors de tout cadre formel pour éviter de remettre en cause les libertés
acquises. Les Etats-Unis ont hérité de cette tradition de lutte pour les libertés civiles qui permet à la société de
se défendre des empiétements de l'Etat.
Religion. Au XVIe siècle la Réforme déclenchée par Luther est un mouvement de révolte contre l'Eglise
dont les causes sont à la fois religieuses (décadence des mœurs ecclés iastiques), économiques (pression
fiscale européenne et accaparement de biens fonciers), politiques (affirmation des identités nationales) et
socioculturelles (montée de la bourgeoisie et remise en cause du monopole culturel de l'Eglise). La Réforme
marque une libéralisation de la théologie et de l'organisation religieuse et un rejet de tout ce qui ne vient pas
de Dieu et de la Bible. Contestation de l'autorité de l'Eglise : les Eglises protestantes sont fédérées mais non
hiérarchisées. Contestation du magister ecclésiastique : tous les chrétiens sont prêtres, les pasteurs sont des
“experts” de la religion, sans autorité théologique instituée. Chaque homme doit chercher son salut dans sa
propre interprétation de l'Ecriture. Selon Calvin, le salut ne peut être obtenu que par la grâce à laquelle Dieu
prédestine Ses élus. La prédestination se manifeste à travers la réussite que Dieu accorde à Ses élus, d'où un
rationalisme économique et religieux qui devient le ferment de la révolution industrielle. L’héritage du
protestantisme et la fusion entre la religion et l'économie ont fait de l'Amérique contemporaine le plus gros
marché religieux mondial. La liberté théologique conduit les croyants à exiger des formes de spiritualité surmesure et les Eglises se battent à coups de publicité et de marketing concurrentiel. Retournement : le
protestantisme qui avait initialement servit de caution morale à la révolution industrielle est aujourd’hui
dominé par les comportements économiques des croyants.
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Stratégie . A travers le christianisme, les protestants retrouvent le modèle de la Guerre Sainte de l'Ancien
Testament, proche de celui de la Guerre Totale des Germains : en échange de sa participation à la bataille, Dieu
exige l'holocauste de tous les adversaires vaincus. Il faudra attendre le XIXe siècle pour trouver une théorie
rationnelle de cette logique de la Guerre Sainte. Elle est établie par Clausewitz, qui construit le concept de
Guerre Absolue devant la Guerre Totale que la Révolution Française, puis Napoléon, imposent à l'Europe. On
ne saurait introduire de principe modérateur dans la philosophie de la guerre : “ la montée aux extrêmes de la
violence” doit aboutir à la destruction des forces adverses pour mettre fin aux combats. Germains et AngloSaxons utiliseront la Guerre Totale pendant la IIe Guerre Mondiale : génocides juif et tzigane ou
bombardements sur l'Allemagne et le Japon. Clausewitz théorise aussi l'efficacité militaire de la notion de
liberté dans la guerre à partir du principe de “ dissymétrie de l'attaque et de la défense”, qui montre comment un
pays envahi peut reprendre l'avantage initial à un agresseur grâce à une guerre de libération nationale, à une
meilleure maîtrise du terrain et à des motivations supérieures à celles de l'envahisseur. Ainsi, la doc trine
rationnelle de la Guerre Absolue justifie les conceptions antiques des Germains.
Economie . Avec la doctrine libérale, le marché devient un nouveau champ de bataille sur lequel spécialisation,
division des tâches, économies d'échelle, contrôle de gestion, sont les armes de la concurrence. Selon Adam
Smith, en ne laissant survivre que les entrepreneurs les plus aptes à créer de la richesse, la main invisible du
marché ajuste les motivations personnelles des entrepreneurs à l'intérêt général : en produ isant une plus grande
richesse, ils contribuent « automatiquement » au bien du plus grand nombre. L'Etat libéral est censé laisser faire
les hommes et laisser passer les marchandises pour assurer le développement des nations sur le marché mondial
grâce au libre-échange. Cette vision optimiste est contredite, entre autres, par Malthus et sa thèse de la
paupérisation, par Marx et sa thèse de l'exploitation, et par Hayek qui affirme que le choix de la liberté rend
illusoire toute demande de justice sociale. Aux Etats-Unis pendant les années 80, la financiarisation de
l'économie et la spéculation boursière sur les entreprises ont conduit à une pression permanente sur la
rentabilité à court terme. Les entreprises, poussées à produire des dividendes, à écarter les investissements à
long terme perdent une part de leur autonomie stratégique. Ce “court termisme” a entraîné une perte de
suprématie sur de nombreux secteurs industriels et technologiques. Malgré une baisse relative de puissance,
l'économie US s'est redéployée dans les années 90, ses entreprises ont maintenu leurs marques mondiales et
gardées une avance technologique décisive.
Management. Le management anglo-saxon est fondé : sur des relations ouvertes (usage du prénom,
accessibilité des responsables) ; sur une volonté de positiver l’atmosphère de travail (remercier et gratifier
l’interlocuteur, éviter les critiques en public) ; sur une séparation entre les relations professionnelles et
privées ; sur des procédures (pour que chacun sache exactement ce qu’il a à faire et éviter les frictions) ; sur
des objectifs quantifiés (CA, prix, quantité, marges, etc.) ; sur une information objective (questions précises,
réponses détaillées, chiffres très appréciés, traces écrites) ; sur des méthodes pragmatiques (un problème à la
fois, un objectif par réunion, une idée par lettre, fax ou mail) ; sur des plannings dont les dates et les horaires
doivent être impérativement respectés. La remise en cause de cet environnement sécurisé peut générer des
relations très brutales.
Politique . Les Américains se méfient des possibilités d'empiétement de l'Etat sur les libertés civiles.
L'antagonisme institutionnel du système de séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le Sénat et la Chambre
des Représentants, le présidentialisme “accéléré”, la courte durée des mandats, le rôle politique de la Cour
Suprême et des juges, le système bipolaire des partis, le jeu des lobbies : tout cela fait du politique
l'instrument d'adaptation, par le conflit, d'une société en mutation constante. Le lien social n'est donc pas
fondé sur le politique mais sur l'idéologie de l’American Way of Life, où le self made man, le winner et le
looser, illustrent les valeurs de liberté et de combat. Le redéploiement économique des années 80 s'est soldé
par une attaque contre les politiques sociales et le droit du travail, par une déqualification des emplois, un
effondrement de la classe moyenne et une augmentation de la pauvreté, qui n'ont provoqué aucun
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mouvement social d'envergure. Dans la lutte pour la réussite, on ne peut accepter la concurrence permettant
de devenir un winner, sans accepter d'être un looser en cas de défaite.
Prospective, métissage urbain et apartheid communautaire . Dans les années 70, malgré des moyens
énormes, les tentatives de fermeture des frontières du sud à l'immigration latine clandestine ont échoué.
Avec les années 80, une volonté pragmatique de régulation des flux migratoires s'est manifestée à travers la
sélection des immigrants asiatiques ou latins les plus aptes à participer au développement des Etats-Unis.
Parallèlement, des “actions positives” ont permis d'intégrer économiquement les minorités avec des
politiques de quotas dans les universités, l'administration et les entreprises. Cette tentative a abouti à la
création d'une bourgeoisie dans chaque communauté ethnique, mais aussi au développement séparé des
communautés et à des affrontements ethniques. Aujourd'hui, les actions positives et les quotas sont remis en
question par les Américains blancs qui s'estiment défavorisés. Autre dynamique ethnique : le métissage
urbain, dans la pauvreté au centre des villes, et l'apartheid communautaire, dans des lotissements
périphériques protégés par des agents de sécurité privés. Les problèmes ethniques font des Etats-Unis le
principal laboratoire sociologique et multiculturel de la mondialisation. Prospective technologique. Les
années 90 ont vu le développement accéléré d’une économie fondée sur les nouvelles technologies et sur Internet.
Malgré le tassement de cette croissance technologique depuis l’an 2000, l’essoufflement des start-up et de la
« nouvelle économie », l'Amérique conserve, dans ce domaine, une de ses meilleures chances de maintenir son
actuelle suprématie.
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