FORMATION AUX MISSIONS INTERNATIONALES ET MULTICULTURELLES
ESIEA Cours de 4e année.
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© BERNARD NADOULEK 2001 PROFESSEUR ASSOCIE ESIEA
CIVILISATION ANGLO-SAXONNE
ET LOGIQUE DE LA CONCURRENCE
Etat des lieux. Il y a aujourd’hui environ 540 millions d'Anglo-Saxons protestants dans le monde répartis en
Amérique du Nord, au Canada, en Angleterre, en Europe du Nord, en Europe germanique, en Australie et en
Nouvelle-Zélande : la civilisation anglo-saxonne dispose du plus vaste territoire du monde. Même si sa
croissance est modérée et sa croissance démographique très faible, c’est aujourd’hui la civilisation la plus
puissante, la plus riche et celle qui dispose des technologies les plus développées.
Matrice culturelle. La civilisation anglo-saxonne est issue de la culture antique des peuples germains issus
du Nord de l’Europe. Ses deux principales caractéristiques originelles sont, d’une part, une conception du
monde fondée sur la guerre totale et d’autre part, une forme primitive de démocratie communautaire fondée
sur une Assemblée des Hommes Libres qui prend les décisions et arbitre les conflits. Ces deux
caractéristiques : considérer la vie comme un combat et préciser les règles de la confrontation sociale (à
travers une conception spécifique des libertés civiles et d’un droit jurisprudentiel) se fondent dans une
« logique de la concurrence » très bien illustrée par les doctrines évolutionnistes et libérales. D’un point de
vue culturel, on peut diviser l’histoire de la civilisation anglo-saxonne en trois périodes. Du Ve au XIe siècle,
celle des Germains et des Scandinaves. Du XIIe au XIXe siècle, celle de l’Angleterre. Au XXe siècle, celle
des Etats-Unis, première puissance mondiale.
Du Ve au XIe siècle. Au Ve siècle, soumis à la poussée des Huns à l’Est, les Germains envahissent l'Empire
Romain. Cette première vague de peuplement germanique sera renforcée par les invasions des Vikings du
VIIIe au XIe siècle. L’impact politique européen de ces invasions trouve son apogée au Xe siècle, avec la
formation du Saint Empire Germanique. Cette période voit un relatif déclin culturel car les Germains
s’assimilent à l’aire culturelle romaine et la spécificité de leur civilisation antique est en grande partie
gommée par la christianisation et la montée de l’Europe féodale. Il faudra attendre la Réforme du XVIe
siècle, pour que les peuples germains et scandinaves retrouvent une grande partie des valeurs de leur culture
antique à travers le protestantisme puis, deux siècles plus tard, avec le libéralisme et l’évolutionnisme.
Du XIIe au XIXe siècle. C’est en Angleterre que la matrice culturelle anglo-saxonne se recompose
lentement à travers une tradition de lutte pour les libertés civiles dont les principaux acquis sont : la Magna
Carta, charte constitutionnelle de 1215, l’Habeas Corpus Act de 1679 qui limite les emprisonnements
arbitraires, puis les garanties constitutionnelles des Bills of Rights de 1689. Ce renouveau identitaire
s'amplifie avec la Réforme, qui s’ancre au nord de l’Europe, puis avec la révolution industrielle dont les
Anglo-Saxons sont les principaux acteurs et où le protestantisme tient lieu d’éthique du travail. A travers
l'industrialisation, la maîtrise des routes maritimes et la colonisation, l'Angleterre accède à la suprématie
mondiale entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Les caractéristiques de la matrice culturelle anglo-saxonne
s’affirment à travers la théorie économique libérale et l’évolutionnisme de Darwin et, surtout, la suprématie
mondiale du modèle socioculturel de l’empire britannique.
Au XXe siècle. Dès la fin du XVIIIe siècle, les Etats-Unis s'affranchissent de la tutelle coloniale anglaise et,
avec le XXe siècle, l'Amérique impulse un troisième cycle de puissance des Anglo-Saxons. Les Etats-Unis
radicalisent leur modèle culturel, protestant et libéral, par rapport aux pays anglo-saxons d’Europe qui
évoluent vers des formes de sociale démocratie en raison de leur coexistence de mille cinq cents ans avec les
pays latins. Les deux caractéristiques de la culture antique des Germains sont reprises à travers les deux
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premiers amendements de la constitution américaine de 1775, le premier sur les libertés civiles et le
deuxième sur le droit de détenir des armes. Au XXe siècle, la croissance économique des Etats-Unis et ses
participations décisives aux deux guerres mondiales, lui valent de conquérir le statut de première puissance
mondiale. Avec sa puissance économique et technologique, avec la suprématie incontestée du dollar comme
monnaie mondiale de référence, avec le rôle de l’anglais comme langue internationale des affaires, la
civilisation anglo-saxonne est la figure de proue de ce début du XXIe siècle.
MATRICE ORIGINELLE :
LE MYTHE DU COMBAT COSMIQUE ET LA GUERRE TOTALE
Le combat et les libertés. Malgré l'imprécision des sources, due à l'absence de culture écrite, les deux
traits communs aux cultures des différents peuples germains et scandinaves de l'antiquité sont, d'une part,
une pratique radicale de la guerre totale et d'autre part, une conception très pragmatique des libertés
civiles. Leur conception de la guerre totale s'inscrit dans leurs mythes, leur religion et dans des mœurs
d'une efficience brutale. Leur tradition des libertés civiles se manifeste dans le rôle de “l'Assemblée des
Hommes Libres” qui statue dans toutes les grandes décisions du groupe, concernant la guerre et la justice,
et donnera naissance au droit jurisprudentiel, très particulier, de la common law et à la lutte des Anglo-
Saxons pour les libertés civiles.
Le mythe cosmique du combat. La création et l’équilibre de l’univers résultent d’un combat cosmique
entre les dieux, qui maintiennent l’harmonie des mondes, et les géants, porteurs du chaos. Le combat est
donc la règle universelle de l'existence, toutes les formes de vie s'affrontent sans fin aux frontières de
l'ordre et du chaos, du Bien et du Mal, de la vie et de la mort. Un aspect très particulier à ce mythe des
Germains et des Scandinaves est que, dans ce combat universel, ce sont les forces du chaos qui finissent
par l’emporter, plongeant le monde dans la désolation, marquant la fin d'un cycle et le début d'une
renaissance. Dans le combat, ce n’est donc pas l’issue qui importe, puisque le « Crépuscule des Dieux »
est l’arrêt d’un destin prévu et annoncé, mais la qualité de l’affrontement et les hauts faits héroïques qui
perpétuent la loi cosmique du combat. Ainsi, les hommes doivent prolonger l'action des dieux et lutter
sans se préoccuper des circonstances, l'essentiel étant dans le combat lui-même. Ce mythe exprime une
autre idée clef : dans un univers de l'affrontement généralisé, la défaite, à terme, est inéluctable.
Seuls les héros vont au paradis. La principale occupation des Germains est la guerre, où les hommes
reproduisent sans fin le combat que se livrent les dieux. Ils vénèrent la force et le courage, ils considèrent
comme un déshonneur de revenir vivant d'un combat où leur chef a péri. Dans leur religion naturaliste, les
cérémonies se déroulent dans des bois sacrés où ont lieu des sacrifices sanglants d'animaux et d'humains.
La destinée de l'être humain après la vie terrestre est logique : les Walkyries viennent chercher les héros
morts sur le champ de bataille et les mènent au paradis où ils aideront les dieux dans leur lutte contre les
géants. Ceux qui meurent de vieillesse, de maladie ou d'une défaite honteuse, vont à la demeure glacée de
la Géante de la Mort.
Les paradoxes de la Guerre Totale. Après la bataille, les Germains sacrifient souvent les vaincus au
Dieu de la Guerre. A cette pratique de la Guerre Totale, s'ajoute le fait que, pendant les invasions, les
Germains abattent les membres les plus faibles du clan qui retardent la marche de la tribu. De telles mœurs
relèvent soit de la barbarie la plus rudimentaire, soit d'une forme radicale de rationalité. Le sacrifice des
vaincus ou des faibles donne aux Germains une réputation terrifiante. Cela dissuade nombre d’adversaires
de les affronter. De même, le sacrifice des membres de la tribu qui retardent la marche du groupe,
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augmente sa mobilité et donc les chances de survie globale du clan. C'est le paradoxe de la guerre totale :
celui qui a des mœurs guerrières terrifiantes dissuade l'adversaire et se bat donc moins que d'autres ; celui
qui choisit la mort, n’ayant rien à perdre, jouit d’une supériorité morale qui lui donne plus de chances
d’emporter le combat... et de ne pas mourir !
Conquérants ou fuyards ? Pendant les invasions barbares qui abattront l’Empire Romain, les Germains,
pris dans le déferlement des peuples des steppes, sont eux-mêmes talonnés par les Huns, encore plus
barbares qu'eux. Les invasions germaniques seraient-elles moins l’effet d’un esprit conquérant que d’une
fuite devant d'autres barbares encore plus sauvages ? C’est la limite de la Guerre Totale : dans une
existence vouée à l’affrontement, on finit toujours par trouver plus fort et plus sauvage que soi. Un
système fondé sur un perpétuel combat, produit des combattants efficaces mais, in fine, plus de vaincus
que de vainqueurs.
SOCIETE :
L'ASSEMBLEE DES HOMMES LIBRES
ET LA TRADITION DE LUTTE POUR LES LIBERTES CIVILES
L’Assemblée des Hommes Libres. Les Germains ont toujours eu une grande autonomie vis-vis du
pouvoir de la noblesse et de l'Etat. Ils développent très tôt une tradition des libertés civiles qui limite les
prérogatives du pouvoir central. L'Allemagne, confrontée à cette tradition d'autonomie juridique des villes
et des royaumes, sera un des derniers pays européens à faire son unité nationale. Dans les villages des
Germains, tous les problèmes importants, concernant principalement la justice et la guerre, se discutent en
public devant l’Assemblée des Hommes Libres qui prend les décisions. Devant cette assemblée, les nobles
font des propositions que le peuple peut accepter ou refuser. Les Scandinaves ont des traditions analogues.
Cette forme de démocratie rudimentaire est la deuxième caractéristique commune de la culture des
Germains. Germains et Saxons, christianisés, pris dans la montée de l’Europe médiévale, vont occulter
longtemps une grande partie des fondements de leur culture traditionnelle, jusqu'à la Réforme protestante.
L'héritage démocratique se maintiendra à travers une vision jurisprudentielle du droit et une tradition de
lutte pour les libertés civiles.
Le Droit sans l’Etat. Le tribunal de l’Assemblée des Hommes Libres fonde le droit coutumier sur des
décisions communes raisonnables qui font office de jurisprudence. Contrairement à la tradition latine,
chez les Germains ce n’est pas l’autorité politique ou judiciaire qui édicte les lois, mais la société elle-
même, par l’intermédiaire des cas qu’elle soumet aux tribunaux. Les affaires juridiques sont formalisées
en cas (casuistique) et les jugements rendus font office de règles de jurisprudence. La casuistique,
empruntée aux jurisconsultes romains, permet pour chaque affaire de déterminer si elle relève d'une
jurisprudence antérieure et, si ce n'est pas le cas, d'édicter une nouvelle règle. Ainsi, le droit évolue avec
les problèmes soulevés par la société civile. La Loi n’a pas pour but de réglementer les comportements a
priori. Les individus sont libres de contracter entre eux tous les accords qu’ils désirent. Tout ce qui n’est
pas expressément prohibé est permis.
Le combat pour les libe rtés civiles. Les Saxons ayant importé les traditions politiques et juridiques des
peuples germains, les Anglais se battront très tôt contre leurs princes pour obtenir des garanties
constitutionnelles sur les libertés civiles. En 1215, les Saxons obtiennent la Magna Carta, moyennant leur
soutien à leur souverain normand, Jean sans Terre. Cette charte garantit l'autonomie juridique des villes et
de l'Eglise, le droit pour chaque homme d'être jugé par ses pairs et la proportionnalité entre les délits et les
peines. Contre la dynastie absolutiste des Stuart, plus d'un siècle de lutte, de 1567 à 1688, permettra
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d'arracher l'Habeas Corpus qui limite l'emprisonnement arbitraire dans une Europe où l'arbitraire féodal
s'exprime en lettres de cachet et en ordonnances régaliennes. En 1689, un siècle avant la Révolution
Française, après avoir chassé les Stuart, les Saxons obtiennent de Guillaume d'Orange les Bills of Rights,
qui marquent l'avènement de la première monarchie constitutionnelle. La lutte pour les libertés civiles ne
relève pas d'une vision abstraite mais de la volonté de résoudre des problèmes pratiques : indépendance
juridique, procédures d'emprisonnement ou de relaxe, attributions de pouvoir fiscal, etc. Dans une société
qui accepte l'idée du conflit comme fondement du progrès politique, économique et juridique, il faut
garantir la règle du jeu à travers des droits concrets garantissant l'égalité des chances dans la concurrence
généralisée. De plus, les règles de droit doivent être édictées en dehors de tout cadre formel, pour ne pas
risquer de remettre en cause les libertés acquises.
L’héritage des Germains dans la culture américaine. Les deux premiers amendements de la
constitution des Etats-Unis illustrent cet héritage. Le premier amendement garantit les libertés : liberté
d'expression, liberté religieuse, liberté d’opinion et liberté de la presse. Le deuxième amendement assure
la liberté pour chaque citoyen de détenir une arme. Cet amendement, pris en 1775, était légitime dans le
contexte de la conquête de l'Ouest, mais il est plus difficilement compréhensible aujourd'hui dans le climat
de délinquance et de violence armée qui règne aux Etats-Unis. Il est maintenu : parce qu’il est légitime
pour l’idéologie libérale qui place l’idée du combat au centre de sa vision ; parce qu’il fait partie de la
tradition des libertés, très difficile à remettre en cause ; parce qu’il est ancré dans un inconscient collectif
nourri par les mythes guerriers antiques.
RELIGION :
LE PROTESTANTISME, LA PREDESTINATION
ET L'ETHIQUE DU CAPITALISME
Les causes de la Réforme. La Réforme protestante traduit un état de contestation général de l'ordre
théocratique médiéval imposé par Rome. Les mœurs de l’Eglise sont en pleine décadence : la plupart des
prélats, issus de la noblesse, vivent dans la débauche et la corruption, imités par un bas clergé ignare.
Cette corruption des mœurs de l'Eglise contraste avec un renouveau de ferveur du petit peuple où les
hérésies communautaires se multiplient. La bourgeoisie urbaine, forte de ses libertés civiles, de son rôle
économique croissant, de son puritanisme, dénonce elle aussi la corruption de l'Eglise. Pour la masse, la
Réforme n'est pas une révolte contre la religion, mais une révolte au nom de la religion, contre l'Eglise de
Rome. Les humanistes, formés dans les universités de la Renaissance, revendiquent l'exercice du libre
arbitre et remettent en cause le monopole étouffant de l’Eglise de Rome qui interdit depuis mille ans les
auteurs pré-chrétiens, philosophes grecs ou historiens romains. La montée des Etats nationaux européens
pousse aussi les princes à l'indépendance par rapport aux arbitrages dynastiques de la papauté. Ils veulent
aussi se débarrasser de la pression fiscale de l’Eglise, seule puissance à lever un impôt européen, la dîme.
Luther jouera aussi sur la tentation des Princes allemands de s'emparer des biens de l'Eglise : monastères
et ordres religieux détiennent presque un tiers du sol allemand.
Le protestantisme, entre la révolte et la réaction. Dans le nord de l'Europe, la révolte contre Rome
s'appuie sur la tradition de lutte pour les libertés civiles des peuples germains et parcourt toutes les classes
de la société. Dans sa lutte contre l'Eglise, Luther s'appuie sur cette révolte généralisée pour récuser la
primauté du Pape, l’infaillibilité des conciles et des dogmes. Une partie de la noblesse allemande lui
apporte son soutien et se sert du protestantisme pour accroître son autonomie politique par rapport à
l’Eglise et pour “nationaliser” les biens du clergé. Mais la révolte des anabaptistes et la Guerre des
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Paysans dégénèrent en massacres. Le protestantisme triomphant trahit alors ceux qui l'avaient soutenu.
Luther écrit “contre les bandes de paysans assassines et voleuses” et contre les humanistes qui réclament
le libre arbitre. Seule la bourgeoisie urbaine protestante renforce son autonomie municipale au prix d’un
contrôle accru des pasteurs sur la vie privée. Du point de vue des libertés politiques, la Réforme est
finalement un échec.
Le retour aux sources. Luther revient aux origines et conteste la tradition de l’Eglise et les ajouts qui ont
perverti l’esprit du christianisme. Sa traduction de la Bible en allemand justifie le rejet de tout ce qui ne
figure pas dans les Evangiles, notamment les rites institués par l'Eglise pour mieux contrôler les fidèles :
confession, culte des saints et des reliques. Le déroulement du culte est simplifié : prêche fondé sur la
bible, offices en langues locales, hymnes et sacrements limités aux deux qui figurent dans les Evangiles :
le baptême et l'eucharistie. La théologie protestante est fondée sur trois mots d'ordre : Dieu Seul, le Livre
seul, la Grâce seule.
“Dieu Seul”. La foi est un rapport à Dieu Seul. Luther conteste l’autorité de l'Eglise et du Pape. Nulle part
dans les Evangiles, il n'est fait mention d'une Eglise ou d'une hiérarchie sacerdotale à laquelle Dieu ou le
Christ aurait délégué la Grâce et qui, de ce fait, deviendrait intermédiaire obligé entre Dieu et les hommes.
Luther pense que chaque croyant est personnellement responsable de ses actes devant Dieu. De même,
aucun prêtre ne peut exercer la responsabilité spirituelle de condamner ou de pardonner les fautes. Dieu
Seul décide. Luther pense que “tous les chrétiens sont prêtres”. C’est la thèse du sacerdoce universel qui
donne à chaque chrétien le même pouvoir devant la parole ou le sacrement. La seule différence entre un
chrétien et un pasteur est que ce dernier est un “expert” de la Bible, qu'il a étudié la parole de Dieu et qu'il
peut l'interpréter pour répondre aux questions du croyant. Mais cette spécialisation religieuse du pasteur
ne comporte aucun monopole (comme pour les rabbins et les ulémas) et chaque croyant peut exercer cette
fonction. Le fait qu'aucune Eglise ne puisse revendiquer un monopole va aboutir à la multiplication des
Eglises et des sectes protestantes.
“L’Ecriture seule”. Chaque homme doit chercher le sens de sa foi dans l’Ecriture. Ni l'Eglise, ni le Pape
n'ont le pouvoir de décréter des dogmes ou de se poser en gardiens des Ecritures. Pour le véritable croyant,
seul compte le Livre qui contient la Parole de Dieu. Dans les temples protestants, le dépouillement,
l'absence de tout décorum religieux, soulignent la présence du seul élément apparent du culte : la Bible.
Puisque l'Eglise n'a pas d'autorité spirituelle, chaque homme est aussi responsable de son interprétation de
la Parole de Dieu. Cette liberté ouvre largement la voie aux théologiens qui ne sont soumis à aucune
autorité souveraine. Cette liberté théologique fait à la fois la force du protestantisme, de sa capacité
critique, d'autocritique et d'innovation, et sa vulnérabilité, son intellectualisme et son éparpillement
doctrinal. La diversité des Eglises se complète d'une diversité des interprétations de la Bible qu'on peut
regrouper en deux grands courants : la mouvance fondamentaliste, qui considère la Bible comme la Parole
de Dieu à appliquer dans son sens littéral, et la mouvance libérale, qui la considère comme une tradition à
interpréter de manière critique et contemporaine.
“La Grâce seule”. Le rapport à Dieu culmine dans la Grâce, qui est un don libre de Dieu et qui ne peut
être obtenue par les seules œuvres des fidèles. La Réforme prend son essor avec la “Querelle des
indulgences” : Luther condamne la pratique du clergé qui consiste à absoudre les péchés contre le
paiement en argent d'une indulgence, partielle ou plénière selon la somme déboursée, permettant de
rattraper une mauvaise action. Ce commerce des indulgences est une des ressources les plus rentables de
l'Eglise. Luther récuse aussi la doctrine des “œuvres”, qui permet d'acheter le salut par la charité. La
charité elle-même est entachée par le péché, car en voulant servir les autres, le croyant se sert d'eux et se
sert lui-même. On ne peut démêler la générosité du don et l'égoïsme du salut. La Grâce est un don libre de
Dieu à Ses élus.
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