version definitive-gestion integree du littoral et des bas

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GESTION INTEGREE DES ZONES
COTIERES ET DES BASSINS FLUVIAUX
Définition d’un cadre conceptuel
et de critères d’évaluation des projets
« Eaux Internationales du FFEM »
Avril 2005
AVANT - PROPOS
La présente étude a été réalisée à la demande du Comité de pilotage du Fonds français
pour l’environnement mondial afin d’éclairer l’action du Fonds dans le domaine des eaux
internationales et particulièrement sur le thème de « la gestion intégrée des zones
côtières et des bassins fluviaux » à la croisée des problématiques multiples
continentales et marines.
Cette étude a été effectuée par une équipe des spécialistes de l’IFREMER, de l’IRD, du
CIRAD, du CNRS et du CEMAGREF avec le pilotage du secrétariat du FFEM,
Christophe du Castel.
Pour le FFEM, elle constitue un document de référence pour l’élaboration de sa stratégie
dans le domaine des eaux internationales et pour la définition de projets de
développement durable innovants et démonstratifs.
Le Secrétaire général du FFEM
Marc-Antoine Martin
NOTE DE SYNTHESE
INTRODUCTION
Les zones côtières sont à l’interface entre les continents et les océans. Outre les
échanges entre terre et mer, la zone côtière est aussi caractérisée par les nombreuses
interactions entre systèmes biotique et abiotique, eux-mêmes largement influencés par
leur exploitation anthropique. Les systèmes côtiers dans le monde subissent en effet des
pressions humaines croissantes, sous forme de demande accrue d’espace et des autres
ressources naturelles. Ces pressions résultent de la croissance démographique et du
développement économique (agriculture, industrie, tourisme, transport) particulièrement
accentués dans ces zones d’interfaces. Par ailleurs, ces dernières sont sujettes à des
pressions naturelles résultant des systèmes d’échanges à grande échelle entre
l’atmosphère, l’eau et les sols, y compris le changement climatique et l’élévation du
niveau de la mer.
Les modifications des flux de matière et d’énergie dans la zone côtière résultent la
plupart du temps des activités de l’homme. Une partie importante de ces changements
n’est pas générée dans la zone côtière elle-même mais plus en amont, au niveau des
bassins versants. Les modifications du couvert de ces derniers (urbanisation,
déforestation, mises en culture) et les aménagements liés aux usages de l’eau
(stockage, prélèvements, rejets), modifient considérablement la répartition et le régime
des écoulements, ainsi que la quantité et la nature des matières solides et dissoutes
transportées.
Si le principe de base d’une gestion intégrée des ressources en eau et de
l’environnement à l’échelle du bassin versant est aujourd’hui largement recommandé, il
reste encore à concevoir des systèmes de gestion qui permettraient de prendre en
compte les relations physiques et socio-économiques entre bassins versants et zones
côtières correspondantes aux diverses échelles de planification.
Dans cette perspective contemporaine d’intégration, et à l’issue de sa seconde période
quadriennale, le FFEM a souhaité se doter d’un cadre conceptuel et des critères
d’évaluation nécessaires à l’élargissement de son champ d’intervention à la contribution
des bassins versants dans la vaste thématique de la qualité des Eaux internationales.
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ETAT DE L’ART
INTERNATIONAL
On ne peut ignorer le débat international intense sur la gestion de l’eau. A la suite des
conférences de Dublin et de Rio (1992), les institutions internationales se sont
multipliées. Une vaste consultation a permis récemment d’aboutir à une « Vision
mondiale de l’eau », entérinée lors du Forum mondial de l’eau de La Haye (mars 2000),
et son plan d’action dont plusieurs éléments touchent à la Gestion Intégrée des
Ressources en Eau ou GIRE (IWRM, Integrated Water Resources Management).
En Europe, la Directive cadre sur l’eau pourrait bien devenir la première directive de
développement durable de l’Union Européenne. Sa caractéristique principale est
l’utilisation des bassins hydrographiques (districts) en tant qu’unité de base de toutes
les actions de planification et de gestion des ressources en eau, fondée sur l’implication
de tous les acteurs concernés.
La toute récente Recommandation de l’Union Européenne sur la mise en œuvre de la
gestion intégrée des zones côtières, ne peut que renforcer cet instrument déjà très
intégrateur qu’est la Directive Cadre Européenne sur l’Eau.
Plusieurs grands programmes internationaux s’intéressent directement aux interrelations
entre bassin versant et zone côtière. Nous en citerons trois considérés comme
particulièrement représentatifs et utiles à l’objet de cette note :
-
le LOICZ (Land-Ocean Interaction in the Coastal Zone), qui relève du Programme
International Géosphère-Biosphère (PIGB) ; il est donc à caractère scientifique et
porte sur une thématique à caractère hautement global (les processus bio
géochimiques) ;
-
le GIWA (Global International Waters Assessment), qui est une initiative du PNUE
soutenue par le Fonds pour l’Environnement Mondial pour ses propres besoins ;
-
la LMES (Large Marine Ecosystems Strategy), programme démarré dans le sillage
de Rio 92, qui développe une approche d’évaluation globale des 64 grands
écosystèmes marins répertoriés dans le monde, en relation étroite avec les 66
grands bassins définis par le GIWA.
________________________________________________ 3 ______________________________________________
NATIONAL
Le système français a été érigé en « modèle » après plus d’un quart de siècle de
succès dans la gestion des ressources en eau du pays par les Agences de Bassin, puis
de l’Eau, créées par la loi sur l’Eau de 1964 :
-
Il s’agit d’abord du mouvement général de démocratisation et de décentralisation,
qui conduit à donner aux citoyens un droit de regard sur ce qui touche le plus
directement leur vie de tous les jours ;
-
Il s’agit ensuite de la mise en œuvre effective des principes pollueur-payeur et
usager-payeur au travers des redevances perçues au niveau des bassins versants
par les agences, établissements publics dotés de l’autonomie financière ;
-
Il s’agit enfin du savoir-faire technique et économique reconnu de l’école
française de gestion de l’eau (grandes entreprises françaises de distribution d’eau et
d’assainissement, formes institutionnelles originales, ingénierie).
Révisée en 1992, la loi sur l’Eau a créé les Schémas Directeurs d’Aménagement et de
Gestion des Eaux (SDAGE). Avant même que la Directive Cadre sur l’Eau ne soit
publiée, la préparation et la mise en œuvre des SDAGE a permis d’intégrer l’ensemble
des territoires, du haut des bassins versants jusqu’aux zones côtières sous une même
politique pour la gestion des eaux et des systèmes aquatiques.
Cependant, le système français a ses limites et demande à être
adapté aux conditions rencontrées, non seulement sur le plan
financier mais également pour ce qui est des cadres
réglementaires et législatifs et, non des moindres, les aspects
culturels.
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CADRE CONCEPTUEL
Comme pour la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) par bassin, il est
maintenant largement reconnu que la Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC)1 est
indispensable pour créer les bases du développement durable. Au niveau national, la
gestion des ressources marines et côtières reste limitée à la zone économique exclusive
des pays, mais ces derniers sont de plus en plus impliqués dans des conventions
régionales qui, au nom du même principe d’approche intégrée, les amènent à se
préoccuper du devenir de la qualité des eaux trans-frontières.
Au nom du continuum physique, écologique et social des bassins versants et de leurs
zones côtières, il est proposé de rapprocher ces deux démarches (GIRE et GIZC) aux
principes identiques, et de mettre en œuvre une approche qui englobe le bassin versant,
le littoral et les eaux côtières (incluant la zone économique exclusive des pays), pour
aboutir à leur gestion intégrée aux diverses échelles de planification territoriale requises.
Selon la même approche que le GIWA, dans le cadre géographique des 66 sous-régions
qu’il a sélectionnées dans le monde, l’objectif à terme est, par emboîtement d’échelles,
de passer progressivement d’une approche locale à une approche régionale puis
globale incluant les eaux internationales.
De manière générale, dans un diagramme croisant échelles de temps et d’espace, les
questions à traiter vont majoritairement se situer sur la diagonale, ajoutant ainsi la
complexité des objets à celle des aspects dynamiques (Tab.1). Pour ne pas compliquer
le tableau outre mesure, nous avons volontairement omis de mentionner les conflits
entre usages et leurs répercussions importantes sur les plans social, économique et
écologique.
De nombreuses définitions de la gestion intégrée des zones côtières existent. Nous nous sommes inspirés de celle
proposée par le GESAMP (Joint Group of Experts on the Scientific Aspects of Marine Environmental Protection) : un
processus continu et dynamique de rapprochement des intérêts du gouvernement et des communautés, de la science et
de la gestion, des acteurs économiques et du public, pour la préparation et la mise en œuvre de plans de protection et de
développement des ressources et des éco-socio-systèmes côtiers.
1
________________________________________________ 5 ______________________________________________
Tableau 1 : Les différents impacts croisés des activités humaines
sur le bassin versant et la zone côtière
(impacts de préoccupation majeure en gras et italique).
Activités
humaines
Impact sur les
processus liés à l’eau
Impact sur le transport
solide
Impact sur le transport
d’autres substances
Urbanisation,
tourisme
Accélération des
transferts par
imperméabilisation des
sols
Exploitation des eaux de
surface et souterraines
Phénomènes de
subsidence dus au
pompage excessif des
nappes phréatiques
Exploitation des eaux
de surface et
souterraines.
Abaissement de la
nappe, intrusion saline.
Dégradation des
milieux aquatiques
(zones humides, etc)
Changements dans le
régime de ruissellement.
Changements dans la
production de sédiments
Pollution causée par les
déchets solides et liquides.
Erosion dans le bassin
versant causée par des
changements dans
l’occupation du sol.
Pollution causée par les
organiques (pesticides et
herbicides).
Eutrophisation due aux
substances nutritives.
Erosion dans le bassin
versant.
Augmentation des flux
solides
Rejets particulaires
Rejet accru de substances
nutritives.
Agriculture
Exploitation
forestière
Industrie
Exploitation des eaux de
surface et souterraines
pour les traitements et le
refroidissement.
Energie
hydraulique
Changements du
régime fluvial.
Changements dans le
régime de transport
solide, sédimentation.
Exploitation de Risque accru
Changements dans le
pétrole et de
d’inondations causé par régime de transport
gaz
les phénomènes de
solide causé par les
subsidence.
phénomènes de
subsidence.
Grandes
Changements dans les Changements dans le
infrastructures débits et les régimes en transport solide.
physiques
aval
Navigation de
Changements dans le
plaisance et
transport solide causés
commerciale
par le dragage.
Pêche et
aquaculture
Dégradation des
milieux aquatiques
Pollution thermique.
Pollution des eaux de
surface et souterraines
causée par le stockage et
l’élimination de déchets.
Pollution des eaux de
surface et souterraines
causée par le stockage et
l’élimination de déchets.
Pollution au cours de la
construction et la
maintenance (vidanges)
Pollution, déchets
domestiques et
déversement
d’hydrocarbures.
Eutrophisation causée par
les substances nutritives.
________________________________________________ 6 ______________________________________________
CRITERES D’ELIGIBILITE DES PROJETS
Dans le cadre global des priorités géographiques du FFEM, l’éligibilité d’un projet est
jugée de façon qualitative et combine plusieurs critères : le projet doit être un projet de
contribution durable au développement de la société ou du pays concernés, il doit
comporter un enjeu d’environnement mondial, être novateur par rapport à la pratique
habituelle (démarche, technique, institutionnel) et être susceptible de reproductibilité.
En second lieu, mais tout aussi éliminatoires, viennent les critères d’éligibilité par rapport
au montage du projet (montage financier défini, financement FFEM minoritaire,
opérateur crédible, dispositif de suivi-évaluation défini).
Lorsque plusieurs projets recevables sont en concurrence, le FFEM utilise des critères
de hiérarchisation qui vont porter particulièrement sur les opérations concrètes de
développement, l’effet de levier du projet, la mobilisation du secteur privé, et enfin les
thématiques prioritaires.
C’est dans ce contexte qu’il convient de resituer les critères spécifiques qui vont pouvoir
être attribués aux projets de gestion intégrée des zones côtières et des bassins
fluviaux, sous le volet Protection des eaux internationales du FFEM. Dans le cas de ce
type de projet à très forte multi-fonctionnalité, outre le choix des thématiques
prioritaires, ciblé sur les échanges (biophysiques et socio-économiques) entre bassin
versant et zone côtière, le critère de reproductibilité2 nous paraît particulièrement
fondamental puisque c’est lui qui va permettre d’apprécier la capacité du projet à mettre
en œuvre des pratiques de gestion intégrée (connaissance, partenariat, participation) qui
soient transposables à d’autres unités géographiques et ainsi, de proche en proche,
créer les conditions d’une gestion cohérente des grands ensembles régionaux.
Quant à l’échelle d’intervention, elle devra répondre aux critères généraux suivants :
-
une approche écosystémique ;
-
une approche spatiale par bassin hydrographique élargi à la zone côtière, dont la
gestion implique l’allocation durable de ressources limitées entre les différents
usagers ;
-
une gestion de l’information qui réponde aux besoins des gestionnaires et des
usagers ;
-
un cadre juridique, des arrangements institutionnels et des partenariats ;
-
la participation du public et la résolution des conflits à travers l’identification des
priorités ;
-
des plans d’action avec des objectifs clairs, mesurables, réalistes et faciles à
communiquer.
2
Selon le Conseil scientifique et technique du FFEM, la reproductibilité « signifie que le projet doit être l’initiateur de
nouvelles pratiques et que son objectif est par conséquent de tester sur tous les plans, de la technique à l’économie et à
l’acceptabilité sociale, les conditions dans lesquelles il pourra être généralisé et pris en charge normalement par le
marché ».
________________________________________________ 7 ______________________________________________
CRITERES DE SELECTION
ET D’EVALUATION DES PROJETS
Sur la base du développement qui précède, il est proposé de construire un système
simple de critères de sélection et d’évaluation des projets qui corresponde aux critères
d’éligibilité du FFEM et permette l’élargissement du champ d’intervention de sa
thématique « Protection des eaux internationales, dans une démarche d’apprentissage
de la synergie entre développement local et environnement mondia »l. Dans ce qui suit,
nous parlerons volontairement de « critères d’évaluation », au sens où ils incluent les
critères de sélection des projets, mais permettent également de fournir des indicateurs
utiles au processus de suivi-évaluation des projets.
Avant de développer plus avant les conditions de la
reproductibilité d’un projet de gestion intégrée zone côtière
versant, il est indispensable de focaliser l’ensemble de la
démarche sur des thématiques spécifiques que le FFEM
retiendra comme prioritaires.
Les récents (2001) travaux (2001) du GESAMP (Joint Group of Experts on the Scientific
Aspects of Marine Environmental Protection), associés aux critères définis par le
Programme Global d’Action pour la Protection de l’Environnement Marin contre les
Pollutions générées par les Activités à Terre (GPA/LBA), nous semblent être une
excellente référence à cet effet.
De la matrice des impacts majeurs présentée par le GESAMP, il ressort clairement que
l’effort doit porter en priorité sur :
-
la gestion des altérations physiques et biologiques des habitats et des
écosystèmes ;
-
la gestion des apports, en particulier les changements de débits et de régimes
(déplacement de la salinité, creusement, comblement), les rejets d’eaux usées
(domestiques et industrielles), et les surcharges en nutriments ;
-
la gestion de la mobilisation des sédiments.
En terme d’impacts, les enjeux principaux sont :
la qualité des écosystèmes et des ressources naturelles (renouvelables et non
renouvelables),
la durabilité du développement économique et social,
la santé publique et, dans une moindre mesure, la sécurité alimentaire.
________________________________________________ 8 ______________________________________________
C’est dans le cadre de ces thématiques prioritaires qu’il est à présent possible de définir
plus avant les conditions qu’un projet doit réunir pour garantir ses capacités de
reproductibilité. Nous proposons cinq types de capacité ou « piliers » de la
reproductibilité des projets :
•
•
Pilier 1 – la capacité d’apprentissage par l’éducation, la formation, la prise de
conscience des enjeux, et le partage des résultats entre les acteurs du
développement socio-économique et de la protection environnementale sur un
territoire intégrant bassin versant et zone côtière. L’objectif est ici la mise en
œuvre des processus d’apprentissage pour renforcer les capacités humaines, en
s’assurant que les principaux acteurs puissent acquérir et partager un niveau de
connaissance et de technicité suffisant pour permettre le développement des quatre
autres piliers.
Pilier 2 – la capacité de décrire et de mesurer les mécanismes qui régissent
les fonctions naturelles des écosystèmes terrestres et côtiers et les
interactions entre milieux et activités humaines, et de disséminer les
connaissances vers les utilisateurs (décideurs et usagers). L’objectif ici n’est pas
d’avoir une approche tout azimut, mais de développer les connaissances et les
activités de surveillance nécessaires à la résolution des problèmes prioritaires sur un
espace aux interactions particulièrement complexes (bassin versant-zone côtière). Il
s’agit de s’appuyer sur un « collectif » (scientifique/gestionnaire) qui ait une vision
d’ensemble des différents territoires qui composent cet espace complexe.
•
Pilier 3
•
Pilier 4 – la capacité de fourniture de services, d’infrastructures et de produits
•
Pilier 5
– la capacité de créer les conditions juridiques et institutionnelles
ainsi que les partenariats nécessaires à la gestion durable d’un système
complexe (au-delà de la durée du projet). L’objectif est d’évaluer la capacité locale
et nationale de mettre en place des politiques, des dispositifs juridiques, des
mécanismes institutionnels, et des instruments économiques performants, incluant la
participation des acteurs et la négociation des partenariats.
pour un développement équilibré entre zone côtière et bassin versant, aux
niveaux local et national. Large regroupement qui peut concerner les infrastructures
pour la collecte des eaux usées, leur traitement, la fourniture d’eau d’irrigation, d’eau
potable, les réservoirs, ou encore tous les services afférant à l’usage des ressources
renouvelables. Ces aménagements pour le développement supposent l’existence de
programmes d’investissements et pose la question de la pérennisation des
financements.
– la capacité de prendre en compte l’existant et de susciter les
conditions politiques, juridiques et institutionnelles favorables aux
emboîtements d’échelle dans le cadre des arrangements nationaux et
internationaux existants. L’objectif est ici, à partir de la connaissance du contexte
politique, juridique et institutionnel existant, de contribuer à travers le projet à créer
les conditions de mise en compatibilité des dispositifs propres à chacun des territoires
(bassin versant, zone côtière), non seulement dans la zone couverte par le projet
mais au-delà, pour étendre les résultats du projet à des ensembles plus vastes et
ainsi aborder les thématiques prioritaires de manière régionale puis globale.
________________________________________________ 9 ______________________________________________
Les cinq piliers sont ainsi constitués d’un certain nombre d’objectifs se rapportant aux
quatre thématiques prioritaires du FFEM telles que mentionnées plus haut. Ces objectifs
sont aisément transposables en indicateurs utiles à une sélection de départ mais
également pour le suivi même et l’évaluation des projets. Le suivi de ces indicateurs (qui
s’ajoutent aux indicateurs classiques de résultats) sera d’autant plus opérationnel qu’un
point zéro aura été ainsi fait dès le départ du projet. Sur cette base, il serait demandé
aux promoteurs du projet, au cours des principales étapes de développement de ce
dernier, d’examiner dans quelle mesure le projet a permis de développer les capacités
décrites plus haut.
La grille récapitulative (Tab.2) permet d’envisager l’analyse systématique et comparée
des projets.
Tableau 2 : Les cinq piliers de reproductibilité d’un projet
bassin versant / zone côtière.
Thématiques prioritaires
Altérations physiques et biologiques – Apports - Mobilisation des sédiments
Pilier 1
Pilier 2
Pilier 3
Pilier 4
Pilier 5
Processus
Développement Adaptation aux
Développement Extension par
d’apprentissage
et
cadres
des
emboîtement
dissémination
politique,
infrastructures et
d’échelles
des
juridique et
des services
connaissances
institutionnel
Bassin versant
Dispositifs
Secteur public
Information
Recherche
interdisciplinaire juridiques
Secteur privé
Zone côtière
Education
Cadres
Surveillance
institutionnels
Programmes
Mise en cohéFormation
d’investissements rence
Production de
technique
l’information
Participation
Mécanismes de
Formation
gestionnaires
Dissémination de Instruments
financement
l’information et
économiques
représentation
Partage de
Partenariat
l’information
Outils et
Communication
technologies
La note détaillée développe le tableau 2 et propose de faire de ces questions autant
d’indicateurs auxquels il est possible d’attribuer une valeur sur la base d’une notation
ternaire simple (1 à 3 : faible, moyen, fort) qui permette ensuite de pondérer les
moyennes.
________________________________________________ 10 ______________________________________________
L’application des critères d’évaluation sur un projet qui n’a pas encore démarré portera
essentiellement sur les potentialités estimées de mise en œuvre de la construction des
cinq piliers de sa reproductibilité. Ces potentialités peuvent être estimées d’après la
présentation du contexte, des objectifs et des activités qui sont décrits dans la fiche
d’identification du projet. L’estimation peut être complétée par un certain nombre de
questions adressées aux auteurs du projet, sur la base des indicateurs proposés sous
chacun des piliers. Ce sont en effet ces indicateurs, adaptés au contexte du projet (leur
liste n’a pas la prétention d’être exhaustive), qui permettront de donner une valeur
indicielle à chacun des piliers de reproductibilité du projet, plus particulièrement à l’issue
de la phase de préparation du projet.
________________________________________________ 11 ______________________________________________
SOMMAIRE
1.
INTRODUCTION ……………….………..….……………………..………………..
13
2.
ETAT DES LIEUX ………………………………………………..………………....
14
2.1.
2.2.
2.3.
2.4.
15
16
19
22
3.
LOICZ : Land-Ocean Interactions in the Coastal Zone ……………….
GIWA : Global International Waters Assessment ………………..…….
LMES : Stratégie pour l’étude des grands écosystèmes marins ……
La gestion de l’eau ……………………………………………………………
PROPOSITION D’UN CADRE CONCEPTUEL ……….…………………………. 24
3.1. L’approche écosystémique …………………………………………………
28
3.2. L’approche spatiale ………………………………………………………….. 31
3.2.1. Le système « naturel » ……………………………………………………… 31
3.2.2. Le système humain ……………………………………………….…………. 34
4.
VERS UNE STRATEGIE DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES
ET DES BASSINS VERSANTS ………………………………………….………… 41
4.1.
4.2.
4.3.
4.4.
Thématiques prioritaires et enboîtement d’échelles ………………..….
La connaissance ………………………….…………………….………..…...
Les institutions et le partenariat ……………..……………………………..
La participation du public ………………….……………………...…………
43
46
51
55
5.
DEFINITION DES CRITERES D’EVALUATION …………….…………..………. 57
6.
EXEMPLE D’APPLICATION ……………………………………………………….. 63
7.
REFERENCES ……………………………………………………………………….. 66
8.
ANNEXES …………………………………………………………………………….. 68
________________________________________________ 12 _________________________________________________
« La terre constitue un tout
marqué par l’interdépendance »
Déclaration de Rio, 1992, Article 1
par des problèmes de pollution et/ou de salinisation
des nappes phréatiques, et d’écoulement des eaux
usées en mer.
1. INTRODUCTION
Les zones côtières sont à l’interface entre les
continents et les océans. Outre les échanges entre
terre et mer, la zone côtière est aussi caractérisée
par les nombreuses interactions entre systèmes
biotique et abiotique et leur exploitation par l’homme.
Les systèmes côtiers dans le monde subissent en
effet des pressions humaines croissantes, sous
forme de demande accrue d’espace et des autres
ressources, de développement industriel ou encore
de développement du tourisme et des activités de
transport. Ils sont de plus sujets à des pressions
naturelles résultant des systèmes d’échanges à
grande échelle entre l’atmosphère, l’eau et les sols, y
compris le changement climatique et l’élévation du
niveau de la mer.
Les déviations des flux de matière et d’énergie dans
la zone côtière résultent la plupart du temps des
activités de l’homme. Une partie importante de ces
changements n’est pas générée dans la zone côtière
elle-même mais plus en amont, au niveau des
bassins versants. Les modifications du couvert de
ces derniers (urbanisation, déforestation, mises en
culture) et les aménagements liés aux usages de
l’eau (stockage, prélèvements, rejets), modifient
considérablement la répartition et le régime des
écoulements, ainsi que la quantité et la nature des
matières solides et dissoutes.
Se préoccuper de la santé des écosystèmes côtiers
nécessite donc de remonter de la mer vers la terre
pour prendre en compte les activités et les
changements intervenant au niveau des bassins
fluviaux qui leur correspondent.
L’urbanisation galopante du littoral (15 méga-cités de
plus de 9 millions d’habitants, sur les 25 existantes
actuellement dans le monde, sont sur la côte)
provoque également une utilisation accrue des
ressources en eau, tant pour l’alimentation en eau
potable que pour l’irrigation. Dans de nombreuses
régions, la distribution géographique de la
consommation en eau potable correspond à la
concentration territoriale des déchets, se traduisant
L’irrigation, premier consommateur de la ressource
en eau, se développe préférentiellement à l’aval des
bassins versants et dans les plaines côtières,
favorisant ainsi les conflits entre usages. Au
problème de la non-filtration et de l’accélération du
passage des flux de l’amont vers l’aval, va se
juxtaposer le problème crucial de la rareté de l’eau et
de ses conséquences particulièrement dramatiques
pour les populations. Ces phénomènes pourraient
encore s’accentuer dans certaines zones, sous le
double effet du changement climatique (élévation du
niveau de la mer) et des phénomènes de
subsidence. Sur le littoral, le problème de la Gestion
Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) ne peut être
ainsi dissocié de la gestion des zones côtières.
Si le principe de base d’une gestion intégrée des
ressources en eau et de l’environnement à l’échelle
du bassin versant est aujourd’hui largement
recommandée, il reste encore à concevoir des
systèmes de gestion qui permettraient de prendre en
compte les relations physiques et socio-économiques
entre bassins versants et zones littorales
correspondantes aux diverses échelles de
planification. Dans cette perspective contemporaine
d’intégration, et à l’issue de sa seconde période
quadriennale, le FFEM a souhaité se doter d’un
cadre conceptuel et des critères d’évaluation
nécessaires à l’élargissement de son champ
d’intervention à la contribution des bassins versants
dans la vaste thématique de la qualité des Eaux
internationales.
________________________________________________ 13 _________________________________________________
2. ETAT DES LIEUX
Une culture politique internationale s’élabore depuis les années 80 autour d’une triple
idée, inscrite dans la déclaration de Rio de 1992 : la vulnérabilité des ressources
planétaires, l’interdépendance des acteurs vis-à-vis de ces dernières, et leur
responsabilité devant les générations futures pour leur préservation. C’est le concept de
développement durable avec ses quatre piliers (social, économique, environnemental et
culturel) qui vise avant tout à créer une communauté de valeurs à l’échelle planétaire,
dont le contenu concret est non seulement variable selon les régions du monde, mais
encore en évolution constante avec la progression des connaissances et des valeurs
véhiculées par les sociétés en présence.
Ainsi, peu à peu, malgré les réticences, des espèces, des entités biologiques ou
territoriales sont qualifiées de biens communs par des textes internationaux ou du moins
de biens méritant une gestion particulière dont les conditions sont définies en commun.
Sont ainsi pris en compte, depuis près de 70 ans : certains patrimoines biologiques, des
biotopes ou gisements de ressources frontalières (grands fleuves, mers régionales) ou
spécifiques comme l’Antarctique, des espèces, le climat, la biodiversité, et plus
récemment l’eau, les sols, et les océans. Tout se passe comme si l’interdépendance
scientifiquement attestée des écosystèmes à l’échelle globale rendait de plus en plus
difficile une gestion publique séparée, par chaque Etat, de ses ressources et milieux
naturels.
Dans ce contexte, l’objectif global de la recherche en matière de gestion des zones
côtières et marines consiste à repérer, aux différentes échelles spatiales et temporelles
et selon les questions posées, les leviers et les variables clefs du système (naturel et
social) qui vont permettre des rétroactions entre le bassin versant et la zone côtière.
Dans ce qui suit, on a choisi de présenter brièvement trois initiatives internationales plus
particulièrement axées sur la description de ces échanges entre bassin versant et zone
côtière. La première, le LOICZ, est à caractère scientifique et porte sur une thématique à
caractère hautement global (les processus bio-géochimiques). La deuxième, le GIWA,
est plus directement axée sur le diagnostic régional et fait directement le lien avec la
dernière initiative présentée : la Stratégie Grands Ecosystèmes Marins (LMES). Il est à
noter que ces initiatives internationales ont toutes les trois adopté une stratégie
incrémentale ou d’emboîtement d’échelles, pour passer de l’observation locale à
l’observation régionale selon une approche normalisée au niveau global.
________________________________________________ 14 _________________________________________________
2.1. LOICZ : Land-Ocean Interactions in the Coastal Zone
Le LOICZ relève du Programme International Géosphère-Biosphère (PIGB) d’étude du
changement global. Il a démarré en 1993.
Les objectifs généraux du LOICZ (ELOISE pour le programme de l’Union Européenne)
sont les suivants :
a) Déterminer aux échelles globales et régionales ;
-
les flux de matériaux échangés entre terre, mer et atmosphère au niveau de la
zone côtière,
-
la capacité des systèmes côtiers à transformer et stocker la matière
particulaire et dissoute,
-
les effets des changements des conditions de forçage externes sur la
structure et le fonctionnement des écosystèmes côtiers.
b) Déterminer comment les changements en matière d’occupation des sols, de climat,
de niveau de la mer, et d’activités humaines, altèrent les flux et les retenues de
matériel particulaire dans la zone côtière, et affectent la morphodynamique côtière ;
c) Déterminer comment les changements des systèmes côtiers, y compris les réponses
aux différents apports de matière organique et de nutriments terrestres et
océaniques, sont susceptibles d’affecter le cycle global du carbone et la composition
en gaz traces de l’atmosphère ;
d) Evaluer dans quelle mesure les réponses des systèmes côtiers au changement
global vont modifier les modes d’exploitation de l’homme, et développer plus avant
les conditions scientifiques et socio-économiques pour la gestion intégrée de
l’environnement côtier.
Outre les observations terrain, le LOICZ met particulièrement l’accent sur la modélisation
des processus environnementaux clé et préconise dans ce sens de combiner les
travaux sur les dynamiques du carbone, de l’azote, du phosphore, des sédiments et de
l’eau dans la zone côtière, avec l’analyse socio-économique des principaux facteurs de
modification de ces dynamiques. De manière résumée, l’approche LOICZ vise ainsi à
encourager les chercheurs des différentes régions du monde à développer des modèles
de flux de carbone, d’azote, de phosphore et de sédiments, en premier lieu à l’échelle
locale puis à une échelle régionale ou de bassin.
Le cadre commun d’analyse développé à cet effet relève du système DPSIR (Driving
force-Pressure-State-Impact-Response), les pressions étant volontairement limitées aux
changements dans les cycles bio-géochimiques.
________________________________________________ 15 _________________________________________________
Pour rester réaliste en terme de capacités de mise en œuvre (financières, humaines), il
a été décidé de partir du local pour aller progressivement vers le régional et aboutir enfin
à des modèles plus globaux. Pour répondre à cet objectif d’emboîtement d’échelles, il a
fallu établir en première approche une typologie côtière (Annexe 2) dont les limites
géographiques peuvent être très variées puisqu’elle prend en compte un certain nombre
d’éléments situés entre 200 mètres d’altitude côté terre, et 200 mètres de profondeur
côté mer (la plus grande partie du plateau continental).
Sur le plan de la représentation globale, la grande difficulté du LOICZ est d’avoir affaire
à une bande côtière qui, mise bout à bout, a une longueur d’environ 500.000 km mais
une largeur de seulement 50 km en moyenne ! Quoiqu’il en soit, les larges unités
géographiques définies sur la base de cette typologie côtière sont considérées comme
autant de cadres qui doivent notamment permettre de :
organiser les bases de données ;
sélectionner certaines régions pour des études plus approfondies (télédétection,
surveillance à long terme) ;
emboîter les modèles locaux avec des modèles régionaux et globaux ;
analyse, compilation et compte rendu des résultats du LOICZ sous la forme de
synthèses régionales et globales.
Après neuf années de recherche en coopération, LOICZ achève sa première phase et
réalise actuellement un ouvrage de synthèse qui portera sur les habitats côtiers et les
ressources vivantes, l’eau et la zone côtière, les dynamiques à l’œuvre dans la zone
côtière, les impacts et les rétroactions des cycles du carbone, de l’azote et du
phosphore, et la science au service de la gestion.
Les cycles du C, N et P ont été modélisés sur plus de 200 sites, permettant d’établir un
ratio relativement simple entre densité de population et apports à la côte au niveau du
bassin versant. L’application multi-régionale du modèle DPSIR a permis d’établir des
comparaisons, d’analyser les tendances et de définir un certain nombre de bassins
prioritaires en matière d’interactions bassin versant-zone - côtière sous influence de
l’homme. Les promoteurs estiment qu’ils disposent à présent de jeux de données
suffisamment importants pour pouvoir les extrapoler à des zones peu renseignées,
selon la typologie côtière du LOICZ. Cette vision moyenne des apports ne répond pas
pour autant à la question des seuils au-delà desquels les systèmes changent
temporairement ou irrémédiablement.
La seconde phase du LOICZ est en cours de préparation. D’ores et déjà, il y a un bon
consensus pour une plus grande intervention des disciplines de dimension sociale, la
participation des acteurs locaux, et le couplage entre sciences de la nature et sciences
humaines. De manière intéressante, certaines thématiques clé semblent être déjà
sélectionnées en rapport avec les changements du Système Terre :
-
altérations hydrologiques et élévation du niveau de la mer aux échelles
globales,
________________________________________________ 16 _________________________________________________
-
changement climatique dans les régions polaires,
-
eutrophisation dans les régions tempérées,
-
érosion des sols dans les régions tropicales.
Exemple de projet associé au LOICZ : EuroCat
Dans le contexte global de la gestion des zones côtières, les
réponses politiques à tous les niveaux de gouvernance et de la
société, doivent devenir plus flexibles pour pouvoir prendre en
compte
les
changements
socio-économiques
et
environnementaux, y compris l’élévation du niveau de la mer (cf.
Annexe 3). Le futur étant marqué par l’incertitude, la prédiction
restera toujours un vœux pieux. Il est cependant possible de
formuler des scénarios susceptibles d’éclairer sur les
développements possibles du futur. C’est une des activités du
projet EuroCat dans l’estuaire de Humber en Grande Bretagne.
Sur la base d’une étude environnementale intégrée, trois
scénarios régionaux des devenirs possibles de l’estuaire ont été
construits à partir de quatre scénarios existants au niveau
national pour la période 2000-2040 : le scénario Business as
usual, scénario de base aligné sur le scénario national épousant
les tendances mondiales du marché, le scénario Policy target,
qui prend en compte les objectifs et le calendrier des directives
européennes, et le scénario Deep green, où la protection
environnementale devient hautement prioritaire pour retrouver
des niveaux bruit de fond, « naturels », de nutriments et de
contaminants dans l’ensemble du système bassin versant-zone
côtière. Les différentes situations socio-économiques et
environnementales décrites par ces scénarios vont faciliter
l’exploration des possibles mesures à prendre pour améliorer la
qualité de l’eau dans l’estuaire. Les travaux en cours portent sur
l’estimation des flux de nutriments et de contaminants selon les
différents cas de figure.
________________________________________________ 17 _________________________________________________
2.2. GIWA : Global International Waters Assessment
Le GIWA est une initiative du PNUE soutenue par le FEM pour ses propres besoins. En
effet, l’objectif global du GIWA est de développer un système global d’évaluation
environnementale qui puisse être utilisé par le FEM et ses partenaires pour identifier les
priorités d’actions atténuantes (mitigation) ou correctrices dans les eaux internationales,
et qui permettent de générer des gains environnementaux aux niveaux national, régional
et global.
L’un des principaux outils d’évaluation proposé par le GIWA est celui de l’analyse des
chaînes de cause à effet selon cinq grands domaines : la diminution des ressources en
eau exploitables, la pollution, la modification des habitats et des communautés,
l’exploitation non durable des pêches et autres ressources vivantes, et le changement
climatique.
Chacun de ces domaines a ensuite été subdivisé en un certain nombre de problèmes3
qui, au nombre de 23, représentent la base des analyses de cause à effet. Lors de la
construction d’une de ces chaînes (de cause à effet) autour d’un problème spécifique, il
convient d’éviter d’adopter une attitude par trop anthropocentrique, par exemple en
ignorant les besoins en eau douce de l’environnement lui-même ou la valeur intrinsèque
(fonctions / services) des zones humides. Il est important à cet égard de signaler que
l’approche du GIWA a été construite notamment à partir de l’Evaluation Mondiale des
Ressources en Eau Douce, publiée sous l’égide des Nations Unies (Comprehensive
Assessment of the Freshwater resources of the World, 1997).
Une approche globale du type GIWA nécessite des critères de délimitation
géographique des systèmes. Dans le cas des eaux internationales, il est logique de
considérer les grands bassins versants et les mers ou les lacs récepteurs qui leur sont
associés. L’approche GIWA ne nie pas pour autant la nécessité de subdiviser ces
grandes entités afin de pouvoir travailler à des échelles appropriées aux problèmes
environnementaux et à leurs causes. En tout, sur la base d’un ensemble de
considérations environnementales, biogéographiques et géopolitiques, 66 sous-régions
(Annexe 1) ont été définies et constituent les unités de référence de l’évaluation du
GIWA. Certaines d’entre elles font depuis longtemps l’objet d’accords politiques
internationaux à travers le programme Mers Régionales du PNUE, telles que la Baltique
(Commission d’Helsinki), la Mer Noire (Programme Environnemental Mer Noire du FEM)
ou encore la Méditerranée (Convention de Barcelone révisée).
3
Diminution des ressources en eau exploitables : Réduction des débits, Pollution des ressources en eau existantes,
Abaissement des nappes d’eau. Pollution : Microbiologie, Eutrophisation, Contaminants, Matières en suspension, Déchets
solides, Température, Radionucléides, Epandages. Modification des habitats et des communautés : Perte d’écosystèmes
ou d’écotones, Modification des écosystèmes ou écotones, y compris la structure des communautés et/ou la composition
en espèces. Exploitation non durable des pêches et autres ressources vivantes : Surexploitation, Pratiques de récoltes
destructrices, Prises secondaires et rejets excessifs, Diminution de vitalité du stock par contamination ou maladie,
Impacts sur la diversité biologique et génétique. Changement climatique : Changements dans les cycles hydrologiques,
Niveau de la mer, Radiations UV-B accrue due à la diminution de l’ozone, Changements des fonctions source/puits de CO2
des océans, Changements soudains de la circulation générale.
________________________________________________ 18 _________________________________________________
Après une longue phase préparatoire (Faisabilité, Mise en place des réseaux, Définition
du protocole d’évaluation), le GIWA est rentré dans sa phase analytique dans un certain
nombre des 66 sous-régions pré-sélectionnées, particulièrement dans celles où le travail
a déjà été bien avancé sous la forme d’Analyse Diagnostic Tranfrontières.
Les résultats attendus de ces exercices peuvent être résumés comme suit :
évaluation stratégique de l’état écologique et des priorités d’action dans les eaux
transfrontières (échelles régionale et globale) à l’usage programmatique du FEM et
de ses partenaires ;
mise à disposition des éléments d’information nécessaires au FEM, aux
organisations régionales et aux gouvernements, pour juger des actions qu’il convient
de privilégier dans les projets qui leur sont soumis ;
identification d’approches plus durables des usages de l’eau et des ressources
qui leur sont associées, aux niveaux national et local ;
protocoles pour la conduite d’analyses des chaînes causales et des diagnostics
transfrontières, à l’usage des projets Eaux Internationales du FEM ;
un important renforcement du levier des co-financements du fait d’une meilleure
orientation et d’une crédibilité accrue des futurs projets ;
une information de base aux niveaux régional et sous-régional qui devrait faciliter
la préparation des Analyses Diagnostics Transfrontières et accroître la capacité
d’évaluation des projets en cours de réalisation ou de soumission au FEM.
Comme signalé sur la liste des 66 sous-régions du GIWA (Annexe 1), 64 d’entre elles
correspondent à des Grands Ecosystèmes Marins qui font l’objet d’une stratégie de
recherche co-pilotée par la NOAA et l’UICN.
2.3. LMES : Stratégie pour l’étude des grands écosystèmes
marins
Ce programme, démarré dans le sillage de la Conférence de Rio (1992), consiste à
adopter une approche d’évaluation globale des grands écosystèmes marins répertoriés
dans le monde, soit 64 unités censées contenir 95% de la biomasse des captures
mondiales. Ces grands écosystèmes marins sont des régions marines englobant le bord
des bassins fluviaux et les estuaires, les marges continentales et les systèmes côtiers
des courants océaniques. Chaque région, qui peut être de 200.000 km² ou plus, est
caractérisée par sa bathymétrie, son hydrographie, sa productivité, et ses populations
trophiquement dépendantes.
________________________________________________ 19 _________________________________________________
A ce jour, outre les nombreuses études en cours, trente et un pays d’Asie, d’Afrique et
de l’europe de l’Est (Courant du Benguela, Mer Jaune, Mer Baltique, Courant du
Humboldt, Courant de Guinée) se sont engagés (niveau ministériel) sur cette approche
écosystémique régionale en termes de ressources marines et d’habitats et plus
particulièrement dans le domaine de la productivité des pêches, de la réduction de la
pollution et de l’eutrophisation, et de la restauration des habitats dégradés tels que les
récifs coralliens, les mangroves, et les zones humides.
Basée sur ces expériences, une stratégie d’approche en cinq modules a été mise au
point : (1) productivité, (2) ressources et pêche, (3) pollution et santé de l’écosystème,
(4) socio-économie, et (5) gouvernance. L’approche se veut donc résolument intersectorielle avec le soutien du FEM et de ses agences partenaires. Elle collabore avec
d’autres programmes complémentaires tels que les volets Ressources Marines Vivantes
et Côtier du GOOS (Global Ocean Observing System) qui, sur la base des
connaissances acquises, développe les systèmes de surveillance appropriés. A cette
échelle, les données issues des grandes campagnes océanographiques sont utilement
complétées par celles de l’observation spatiale.
Dans le système PNUE-PNUD/GEF, les connaissances ainsi acquises sont mises à
profit dans l’élaboration des Analyses Diagnostics Transfrontières (ADT), du Plan
d’Action Stratégique (PAS) régional, et des plans d’action nationaux qui en résultent. La
Méditerranée est un bon exemple de mise en place progressive de ces dispositifs de
gestion.
________________________________________________ 20 _________________________________________________
Les modules LMES
Productivité : plus particulièrement, l’activité photosynthétique,
la biodiversité zooplanctonique, et la variabilité océanographique.
La première phase du projet LME sur le courant de Guinée a visé la
mise en œuvre d’enregistreurs de plancton en continu à partir de
navires containers traversant le Golfe de Guinée toutes les cinq
semaines pendant cinq ans (1995-1999), en collaboration entre le
ministère des Pêches Ghanéen et la Fondation pour les sciences
océaniques Sir Allister Hardy de Plymouth (UK).
Ressource et pêche : dont l’étude de la biodiversité, les poissons,
les mollusques, les espèces démersales et pélagiques. Egalement
dans le Golfe de Guinée, une campagne multinationale (Bénin,
Cameroun, Ghana, Côte d’Ivoire, Nigeria, Togo) de chalutage de
fonds a eu lieu en 1998.
Pollution et santé de l’écosystème : ayant trait à l’eutrophisation,
les biotoxines, la pathologie, les maladies émergentes et les
indices de santé. Probablement les paramètres les plus délicats à
évaluer sur d’aussi grandes surfaces.
Socio-économie : estimation de la valeur des écosystèmes. Une
approche générique du calcul des biens et des services des LME
et des analyses d’impact sur ces biens et services, est dispo-nible
sur le site www.edc.uri.edu/lme.
Gouvernance : basée sur l’approche intégrée décrite par Constanza
et al (1998) selon six principes : responsabilité, identification des
limites du système, précaution, gestion adaptative, allocation des
coûts et bénéfices, participation. Cette approche a été initiée sur le
projet LME du courant de Benguela, piloté par une Commission du
même nom regroupant l’Angola, l’Afrique du sud, et la Namibie.
________________________________________________ 21 _________________________________________________
Toutes ces initiatives (LOICZ, GIWA, LMES), qui se veulent cohérentes et
complémentaires, relèvent de cadres institutionnels et de financements différents et ont
donc leur logique propre qui ne va pas nécessairement dans le sens souhaité de la
rationalisation des approches. Ceci étant dit, elles représentent un effort global
considérable de développement de la connaissance à l’échelle de grandes unités
régionales. Leurs acquis en font d’ores et déjà des cadres de référence pour
l’articulation des projets bassin versant-zone côtière s’inscrivant à l’intérieur de leurs
limites. Qu’en est-il plus en amont ?
2.4. La gestion de l’eau
Dans cet état de lieu, on ne peut ignorer le débat international intense sur la gestion de
l’eau. A la suite des conférences de Dublin et de Rio (1992), les institutions
internationales se sont multipliées : on citera entre autres le Conseil de concertation
pour l’approvisionnement en eau et l’assainissement (WSSCC), le Partenariat
international pour l’eau (GWP), le Réseau international des organismes de bassin
(RIOB), le Conseil mondial de l’eau (CME), l’Office international de l’eau (OIE), et le
Secrétariat international de l’eau (SIE). Une vaste consultation a permis récemment
d’aboutir à une « Vision mondiale de l’eau », entérinée lors du Forum mondial de l’eau
de La Haye (mars 2000), et son plan d’action (GWP, 2000) dont plusieurs éléments
touchent à la Gestion Intégrée des Ressources en Eau ou GIRE (IWRM, Integrated
Water Resources Management).
La Vision mondiale de l’eau recommande notamment de :
-
faire participer toutes les parties intéressées à la gestion intégrée ;
-
instaurer la tarification de tous les services d’eau en fonction de la totalité des
coûts ;
-
augmenter le financement public pour la recherche et l’innovation dans l’intérêt de
la population ;
-
reconnaître la nécessité de coopérer à la gestion intégrée des ressources en eau
dans les bassins fluviaux internationaux ;
-
accroître massivement les investissements dans le domaine de l’eau.
La valeur économique de l’eau est aujourd’hui un fait reconnu mais trop fréquemment
associé à la privatisation des services d’eau, objet de débat intense lors du dernier
Sommet de Johannesburg. L’eau a effectivement une valeur mais elle ne peut pas être
traitée comme un simple bien économique en raison de son caractère essentiel à la vie.
La Directive Cadre Européenne sur l’Eau ne dit rien d’autre lorsqu’elle déclare en
préambule que « l’eau n’est pas un bien marchand comme les autres mais un
patrimoine qu’il faut protéger, défendre et traiter comme tel ». En complément, on
mentionnera l’initiative de l’Académie de l’Eau qui a aboutit à « La Charte sociale de
l’eau » présentée à La Haye en mars 2000. Cette charte propose trois recommandations
qui résument bien le consensus international actuel sur ces questions :
________________________________________________ 22 _________________________________________________
-
gérer l’eau pour tous les hommes et leurs descendants, en préservant
l’environnement avec une politique de développement durable ;
-
associer étroitement les usagers aux choix d’aménagement ;
-
considérer l’eau comme un bien économique et social et prévoir son accès pour
tous.
Pour compléter ce tour d’horizon international de la gestion de l’eau, nous citerons
l’initiative « Gestion des grands fleuves », lancée en 1989 par le Canada puis soutenue
par les fonds multilatéraux de la Francophonie sous l’égide de l’Agence
Intergouvernementale de la Francophonie (Burton, 2001) : le projet a débuté en Afrique
de l’Ouest, sur les fleuves Sénégal et Niger (1990), puis s’est étendu à plusieurs grands
systèmes d’eau douce en Afrique de l’Ouest et de l’Est, et en Asie du Sud-Est. Le
Réseau francophone de gestionnaires d’écosystèmes fluviaux et lacustres qui s’est ainsi
progressivement constitué a permis de capitaliser un grand savoir-faire en matière de
développement des capacités de gestion par bassin.
Nous terminerons enfin avec la Directive Cadre Européenne sur l’Eau, aux vastes
implications pour la gestion des ressources en eau et des écosystèmes aquatiques
partout en Europe. Appliquée de manière exhaustive et opportune, la Directive cadre sur
l’eau pourrait bien devenir la première directive de développement durable de l’Union
Européenne. Sa caractéristique principale est l’utilisation des bassins
hydrographiques en tant qu’unité de base de toutes les actions de planification et de
gestion des ressources en eau, fondées sur l’implication de tous les acteurs concernés.
Les bénéfices escomptés de sa mise en œuvre sont :
-
une meilleure qualité écologique des écosystèmes d’eaux douces et d’eaux
côtières en Europe ;
-
une diversité biologique accrue (meilleure gestion des habitats/espèces situés
dans les zones aquatiques et humides) ;
-
une durabilité accrue de l’utilisation de l’eau (gestion et utilisation plus efficaces
des ressources en eau) ;
-
une pollution réduite des eaux douces et côtières ;
-
l’atténuation des conséquences des inondations et sécheresses ;
-
des politiques de l’eau plus efficaces et effectives, grâce à un meilleur ciblage des
interventions permettant de réduire les coûts.
La toute récente Recommandation de l’Union Européenne sur la mise en œuvre de la
gestion intégrée des zones côtières, ne peut que renforcer cet instrument audacieux et
résolument orienté vers le futur qu’est la Directive Cadre Européenne sur l’Eau.
________________________________________________ 23 _________________________________________________
3. PROPOSITION D’UN CADRE CONCEPTUEL
En moins de 20 ans, le débat sur l’eau est ainsi passé d’un niveau technique, axé
d’abord sur l’évaluation des ressources disponibles et la répartition entre les usages
dominants, à une approche multi-usages, englobant le cours d’eau et son bassin
versant. Très récemment, le Partenariat Mondial pour l’Eau (GWP, 2000) a confirmé
l’importance de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE). En Europe, elle
constitue l’un des principes fondamentaux de la Directive Cadre sur l’Eau comme
mentionné plus haut.
Comme pour les bassins fluviaux, il est maintenant largement reconnu que la Gestion
Intégrée des Zones Côtières (GIZC)4 est indispensable pour créer les bases du
développement durable. Au niveau national, la gestion des ressources marines et
côtières reste limitée à la zone économique exclusive des pays, mais ces derniers sont
de plus en plus impliqués dans des conventions régionales qui, au nom du même
principe d’approche intégrée, les amènent à se préoccuper du devenir de la qualité des
eaux transfrontalières.
Repères pour une « culture de développement
durable » (HCCI, Janvier 2005)
•
Mettre en œuvre autant que possible la synergie entre
les aspects sociaux, environnementaux, économiques
et culturels du développement durable (DD).
•
Tenter d’accorder l’action au mieux avec les outils de
gouvernance politique locale et internationale du DD.
•
Considérer que la lutte contre la pauvreté, la politique
de genre (égalité hommes/femmes), la protection de
l’environnement, ne sont pas des actions sectorielles,
mais des politiques transversales, intrinsèquement
liées.
4
De nombreuses définitions de la gestion intégrée des zones côtières existent. Nous nous sommes inspirés de celle
proposée par le GESAMP (Joint Group of Experts on the Scientific Aspects of Marine Environmental Protection) : un
processus continu et dynamique de rapprochement des intérêts du gouvernement et des communautés, de la science et
de la gestion, des acteurs économiques et du public, pour la préparation et la mise en œuvre de plans de protection et de
développement des ressources et des éco-socio-systèmes côtiers.
________________________________________________ 24 _________________________________________________
•
Articuler autant que possible l’action aux échelles
de territoires : local, national, sous-régional,
international.
•
Recueillir et prendre appui sur l’expertise locale,
mutualiser et transmettre l’information, organiser la
recherche et vulgariser les retours d’expérience.
•
Favoriser le lien entre l’action de terrain et la mise
en œuvre de l’éducation a la solidarité internationale
, a l’environnement et aux comportements durables
en Europe et dans les pays du Sud.
Au nom du continuum physique et écologique des bassins versants et de leurs zones
côtières, il est donc proposé de rapprocher ces deux approches (GIRE et GIZC) aux
principes identiques et mettre en œuvre une approche qui englobe le bassin versant, le
littoral et les eaux côtières (incluant la zone économique exclusive des pays). Selon la
même approche que le GIWA, dans le cadre géographique des 66 sous-régions
(Annexe 1), l’objectif à terme est, par emboîtement d’échelles, de passer
progressivement d’une approche locale à une approche régionale puis globale incluant
les eaux internationales.
Bien évidemment, le point de départ consiste à trouver un compromis entre une échelle
réaliste du point de vue de la tangibilité de l’impact d’un projet à moyen terme, et une
échelle englobant un bassin suffisamment grand pour pouvoir mettre en relation le
fonctionnement du bassin et ses effets sur le littoral et les eaux côtières.
De manière générale, dans un diagramme croisant échelles de temps et d’espace, les
questions à traiter vont majoritairement se situer sur la diagonale, ajoutant ainsi la
complexité des objets à celle des aspects dynamiques (Tab.1). Ainsi, les changements
importants des débits d’un grand fleuve auront des effets de longue durée sur le littoral
et bien au-delà, comme on a pu l’observer dans le cas du Nil pour la Méditerranée
orientale ou dans le cas du fleuve jaune (Huang He) pour la mer de Bohai : le fleuve
jaune n’a pas atteint la mer pendant quelques jours pour la première fois depuis
plusieurs millénaires en 1972, et pendant 7 mois consécutifs en 1997.
________________________________________________ 25 _________________________________________________
De manière générale, la définition de l’échelle d’intervention devrait s’appuyer sur les
critères suivants :
une approche écosystémique ,
une approche spatiale où par bassin hydrologique élargi à la zone côtière, dont la
gestion implique l’allocation durable entre les usagers de ressources limitées ,
la gestion de l’information où les systèmes de gestion de l’information doivent
répondre aux besoins des gestionnaires ,
des arrangements institutionnels et des partenariats ,
un cadre juridique ;
la participation du public ;
la résolution de conflits à travers l’identification des priorités ;
des plans d’action avec des objectifs clairs, mesurables, réalistes et faciles à
communiquer.
________________________________________________ 26 _________________________________________________
Tableau 1 : Les différents impacts croisés des activités
humaines sur le bassin versant et la zone côtière
(impacts de préoccupation majeure en gras et italique)
Activités
humaines
Impact sur les
processus liés à l’eau
Impact sur le transport
solide
Impact sur le transport
d’autres substances
Urbanisation,
tourisme
Accélération des
transferts par
imperméabilisation des
sols
Exploitation des eaux de
surface et souterraines
Phénomènes de
subsidence dus au
pompage excessif des
nappes phréatiques
Exploitation des eaux de
surface et souterraines.
Abaissement de la
nappe, intrusion saline.
Dégradation des
milieux aquatiques
(zones humides, etc.)
Changements dans le
régime de ruissellement.
Changements dans la
production de sédiments
Pollution causée par les
déchets solides et
liquides.
Erosion dans le bassin
versant causée par des
changements dans
l’occupation du sol.
Pollution causée par
les pesticides et
herbicides.
Eutrophisation due aux
substances nutritives.
Erosion dans le bassin
versant.
Augmentation des flux
solides
Rejets particulaires
Rejet accru de
substances nutritives.
Agriculture
Exploitation
forestière
Industrie
Exploitation des eaux de
surface et souterraines
pour les traitements et le
refroidissement.
Energie
hydraulique
Changements du
régime fluvial.
Centrales
thermiques et
nucléaires
Exploitation
de pétrole et
de gaz
Exploitation de l’eau de
surface pour le
refroidissement.
Risque accru
d’inondations causé par
les phénomènes de
subsidence.
Grandes
Changements dans les
infrastructures débits et les régimes en
physiques
aval
Navigation de
plaisance et
commerciale
Pêche et
aquaculture
Dégradation des
milieux aquatiques
Changements dans le
régime de transport
solide, sédimentation.
Changements dans le
régime de transport
solide causé par
l’affaissement de terrain.
Changements dans le
transport solide.
Changements dans le
transport solide causés
par le dragage.
Pollution thermique.
Pollution des eaux de
surface et souterraines
causée par le stockage
et l’élimination de
déchets.
Pollution thermique.
Pollution des eaux de
surface et souterraines
causée par le stockage
et l’élimination de
déchets.
Pollution au cours de la
construction et de la
maintenance (vidanges)
Pollution, déchets
domestiques et
déversement
d’hydrocarbures.
Eutrophisation causée
par les substances
nutritives.
________________________________________________ 27 _________________________________________________
3.1 L’approche écosystémique
La bonne marche de l’écosystème global (dont l’homme fait partie) passe par celle des
écosystèmes de moindre dimension.
Fondements et avantages de
l’approche écosystémique
Tous les éléments (physiques, chimiques et biologiques)
d’un écosystème étant interdépendants, les ressources
doivent être gérées comme des systèmes dynamiques et
intégrés plutôt que comme des éléments distincts. En
pratique, chaque intervenant doit pouvoir comprendre
les conséquences de ses gestes sur la durabilité des
écosystèmes. L’attention est donc davantage portée sur
les interrelations des différents éléments d’un
écosystème, ce qui favorise leur gestion intégrée.
La nature dynamique et complexe des écosystèmes
nécessite que l’approche écosystémique soit souple et
évolutive. L’accent est mis sur les questions à long
terme ou à grande échelle, ce qui permet d’adopter une
stratégie davantage orientée vers « l’anticipation et la
prévention » plutôt que la méthode la plus courante de
« réaction et correction ».
La complexité des problèmes et des enjeux soulevés au
sein d’un écosystème ne peut être abordée que par
l’intégration des préoccupations scientifiques, sociales
et économiques, pour lesquelles la recherche, la
planification, la communication et la gestion
environnementale
doivent
devenir
encore
plus
interdisciplinaires. Plus particulièrement, cette approche
offre un mécanisme permettant d’intégrer les sciences et
la gestion.
________________________________________________ 28 _________________________________________________
Dans cette approche, l’homme est partie intégrante de l’écosystème auquel il s’adapte
ou qu’il change pour ses usages, selon des cycles évolutifs (adaptatifs) successifs.
L’approche écosystémique a fondamentalement trait aux valeurs humaines lorsqu’il
apparaît qu’en dernier recours, c’est le système social qui impose ses limites et ses
contraintes sur la capacité de l’homme à gérer le système biologique (cf. Annexe 3).
Ceci n’empêche cependant pas de tenter de définir, pour pouvoir les mesurer, les
principaux aspects écologiques à prendre en compte, quel que soit l’écosystème (Vogt
et al., 1997) :
intégration de tous les éléments biologiques (biotiques) et non-biologiques
(abiotiques) ;
suivi des mouvements énergétiques et particulaires (eau, matières en suspension,
nutriments, polluants, etc.) dans et hors des limites de l’écosystème ;
utilisation de la monnaie courante appelée « énergie » pour mesurer les fonctions
de l’écosystème et la force des liens entre composantes de l’écosystème. En
pratique, ce sont les variations de l’accumulation de la matière organique ou du
carbone qui sont mesurées dans un espace et une période définis en tant que
processus d’assimilation de l’énergie (photosynthèse) ;
définition des limites ou de la plus petite unité écosystémique susceptible de
s’auto-maintenir ;
l’incorporation explicite des échelles spatiale et temporelle ;
la prise en considération de systèmes ou d’espèces qui sont fortement
interdépendantes et sujets à de forts effets rétroactifs. Ces effets peuvent s’exprimer
aux niveaux de l’espèce ou de l’écosystème, et peuvent être aussi bien générés par
des microorganismes et/ou des consommateurs ;
la prise en compte des cycles adaptatifs à des échelles spatiales et temporelles
définies, tout en identifiant l’ « histoire » (traces des perturbations ou des structures
passées) de l’écosystème ;
identification du degré de résilience de l’écosystème ou de sa capacité à
s’adapter aux changements tout en maintenant l’intégrité de ses fonctions.
________________________________________________ 29 _________________________________________________
L’homme dans l’écosystème (cf. Annexe 2):
l’exemple de l’effondrement des pêcheries
Bien que le niveau de captures de la pêche mondiale semble être resté
relativement stable dans les dernières décennies, l’analyse des données
(Pauly et al. 1998) montre que leur composition dominante est passée de
grands poissons carnivores aux planctivores et à des petits invertébrés. Ce
glissement peut être quantifié en assignant une fraction de niveau
trophique à chaque espèce, selon la composition de leur alimentation. Les
valeurs attribuées à ces niveaux trophiques vont de 1 pour les producteurs
primaires à plus de 4,6 pour quelques prédateurs de bout de chaîne comme
le thon dans les eaux pélagiques du large ou les mérous pour les poissons
de fond. De l’agrégation des données en provenance de toutes les zones
marines, la tendance des 45 dernières années montre un déclin du niveau
trophique moyen de plus de 3,3 à moins de 3,1. Dans l’Atlantique NordOuest, le niveau trophique moyen est maintenant en dessous de 2,9. Il n’y a
plus beaucoup de marge pour des baisses supplémentaires, puisque la
plupart des poissons ont des niveaux trophiques compris entre 3 et 4. De
fait, beaucoup de pêcheries dépendent maintenant des invertébrés, qui
sont plutôt dans les bas niveaux trophiques.
Les tendances globales montrent une baisse de niveau trophique de 0,1
par 10 ans. Ce chiffre est probablement sous-estimé, particulièrement dans
les pays tropicaux en développement, où les données transmises font peu
la distinction entre les espèces. De plus, les analyses faites jusqu’à
présent, ne considéraient pas la baisse de niveau trophique qui s’opère
chez les espèces du fait de la mortalité (par pêche) accrue des individus
plus âgés, qui ont tendance à se situer à des niveaux trophiques plus
élevés que les jeunes de la même espèce. Il est donc fort probable que le
maintien des tendances actuelles va conduire à un effondrement généralisé
de bon nombre de pêcheries. Toutes les observations faites montrent qu’il
est probablement illusoire de vouloir estimer les débarquements futurs par
extrapolation des tendances actuelles.
Les coûts engendrés par cette situation restent très difficiles à évaluer du
fait que l’exploitation massive des stocks est souvent associée à un
remplacement des petites pêches traditionnelles par la pêche industrielle.
Les petits pêcheurs perdent leur moyen de subsistance et ont tendance à
se déplacer vers les pôles d’emploi, les villes. Les coûts de cette
conversion de membres de la société d’un état productif en un état
improductif, sont pris en charge par l’ensemble de la société et non pas
attribués au phénomène de remplacement des pêcheries. (D’après Ludwig,
2002).
________________________________________________ 30 _________________________________________________
3.2
L’approche spatiale
Face à la complexité des environnements littoraux et fluviaux, il s’agit de développer une
analyse suffisamment simple des traits fondamentaux de ces écosystèmes et de leurs
interactions avec les usages de l’homme, qui puisse être validée par les scientifiques et
utilisée par les gestionnaires, ainsi que par tous les groupes d’intérêt concernés.
L’approche systémique, malgré ses limites, est un moyen commode pour aborder le
bassin fluvial à différentes échelles spatiales, qu’il s’agisse du bassin dans sa totalité ou
des habitats marins, côtiers et fluviaux individualisés. Dans cette approche systémique,
on distingue deux composantes principales : le système naturel et le système humain
qui interagissent et, au bout du compte, s’adaptent aux changements pour aller vers un
même destin.
3.2.1.
Le système « naturel »
Dans le cas de l’approche intégrée bassin versant – zone côtière, on prendra en compte
les limites propres à chaque question abordée, ce qui signifie qu’un problème donné de
gestion détermine les limites du système. Ainsi, une approche systémique d’un
problème local du littoral (ex : déforestation de la mangrove pour l’aménagement des
bassins de crevetticulture), qui ne résulte pas spécifiquement d’un impact du bassin
fluvial, se limitera à la portion du littoral concerné. Les questions liées aux apports
sédimentaires ou de nutriments exigeront par contre une approche systémique qui
englobe la totalité du bassin et parfois au-delà (apports atmosphériques).
Dans la pratique, on considérera comme unités de référence les différents « territoires »
à l’intérieur des limites géographiques du bassin versant (ou ligne de partage des eaux)
côté terre, et des limites plus souples côté mer, adaptées au problème de gestion mais
toujours dans le cadre d’une problématique régionale (identifiée par exemple dans le
cadre des Analyses Diagnostics Transfrontières). L’annexe 2 propose une typologie
simple des différentes formations littorales concernées.
L’approche bassin versant / zone côtière peut être considérée comme une approche à
moyenne échelle qui s’inscrit dans un cadre plus large, mettant en relation les trois
composantes abiotiques des systèmes naturels que sont l’atmosphère, l’hydrosphère et
la lithosphère, et la composante biotique plus connue sous le nom de biosphère (Fig. 1).
________________________________________________ 31 _________________________________________________
Figure 1 : Composantes naturelles du système et interactions entre
éléments de la composante abiotique (d’après PNUE-PAM, 1999).
Dans ce système, l’atmosphère, l’hydrosphère et la lithosphère sont reliées par leur
structure géologique, géophysique et écologique. Plus déterminantes sont néanmoins
les relations établies par les processus naturels majeurs que sont les écoulements
hydrologiques, le transport des sédiments et des diverses matières en suspension, ainsi
que les transferts d’énergie et de substances nutritives.
Les sous-systèmes géographiques qui nous intéressent plus particulièrement dans cet
ensemble sont le cours d’eau et son bassin versant, l’estuaire et le littoral.
Dans le système littoral, quatre zones sont en interaction : les eaux côtières (ZEE pour
les Etats côtiers), la bande littorale, l’estuaire et la plaine côtière.
L’air, l’eau et le substrat marin en sont les principales composantes abiotiques bien que
leur influence respective diffère selon les zones.
Les processus d’échanges au sein de l’hydrosphère continentale et marine régulent
dans une large mesure la production des ressources renouvelables et interviennent sur
la qualité de l’eau et la dynamique de la ligne de côte.
La bande littorale est le lieu des transports sédimentaires longitudinaux à la côte, mais
aussi des lessivages des marées hautes et des houles ainsi que du transport éolien.
C’est la zone d’interface par excellence entre terre et mer qui, à ce titre, peut se révéler
très productive biologiquement comme c’est le cas dans les zones d’estuaire.
D’un point de vue hydrologique, la plaine côtière est le lieu de transition de tous les
apports, en surface mais également en profondeur, du fait des cours d’eau souterrains
et de leur importance dans l’alimentation des réserves aquifères.
________________________________________________ 32 _________________________________________________
Les apports des sources souterraines
dans les eaux côtières
Dans sa large revue, Buddemeier (1996) indique qu’il y a de
plus en plus évidence d’apports significatifs de nutriments
et de contaminants en provenance des sources d’eau
souterraines qui sont directement rejetés dans les eaux
côtières et les océans (failles sous-marines), du fait de la
dégradation croissante de leur qualité. Les processus
physiques et chimiques en jeu sont complexes et très
variables dans le temps et dans l’espace, et de nouvelles
méthodes
d’observation
sont
demandent
à
être
développées. Dans les zones où les structures géologiques
sont particulièrement sujettes à des sorties d’eaux
souterraines, et où les eaux côtières sont particulièrement
sensibles à l’eutrophisation, il serait prudent d’appliquer des
normes strictes de gestion des nutriments (sources
d’énergie, fertilisants) dans les bassins versants
correspondants (D’après GESAMP, 2001).
Le bassin fluvial comprend le fleuve principal alimenté par son réseau hydrographique.
Très schématiquement, on distinguera les petits bassins de tête qui représentent les
zones d’alimentation du système fluvial, puis plus en aval, la zone de transfert où les
liens entre le bassin versant et le cours d’eau sont moins directs, et enfin, dans la partie
basse, la zone de dépôt, en interaction directe avec les sédiments côtiers. Dans ce
système, la circulation des flux dans chacune des parties du bassin obéit à la même
logique amont-aval. Pour une section donnée de cours d’eau, c’est donc l’ensemble du
bassin amont qui doit être pris en compte, parce que c’est l’ensemble du bassin qui est
concerné par les fonctions de production (redistribution du forçage climatique :
précipitations, énergie, évaporation) et les fonctions de transfert (naturelles ou
artificielles).
Le cycle hydrologique d’un bassin versant peut être représenté par un système simple
où les précipitations se déplacent à travers un certain nombre de réservoirs grâce à une
série de processus de transfert et contribuent au débit d’eau, à l’évaporation et aux
infiltrations profondes des eaux souterraines. On aura ainsi :
Précipitation – Débit – Evaporation – Changement dans le stockage
=
zéro
________________________________________________ 33 _________________________________________________
Bien évidemment, comme dit précédemment, ce bilan global prendra des formes très
différentes selon chaque unité de surface, les unités aval recevant les écoulements
superficiels et sub-superficiels des unités amont.
Prélèvement et consommation d’eau
L’utilisation de l’eau ne change pas la quantité globale présente
à l’échelle planétaire. Sauf exceptions rarissimes, les usages
humains de l’eau ne dissocient pas la molécule d’eau, ni ne la
créent : ils en changent la phase (état solide, liquide ou gazeux),
la composition chimique, la localisation et donc l’accessibilité
(en prélevant dans un aquifère et en rejetant dans l’atmosphère
ou dans une rivière, en infiltrant l’eau prélevée en rivière dans le
sol, en l’évaporant ou encore en stockant l’eau dans une
production végétale et en transportant celle-ci). Ce sont donc
bien à la fois une atteinte à l’accessibilité, une modification des
flux et des stocks localisés (épuisement d’une réserve
souterraine fossile) et le passage de circuits lents à des circuits
rapides de cette eau qui sont en cause et non l’exploitation
irréversible d’une ressource globalement finie. Les bilans
globaux n’ont donc pas grand sens : ils ne font qu’additionner
des bilans locaux, alors que les pluies de l’Amazonie n’ont
jamais résolu les problèmes d’approvisionnement en eau des
pays méditerranéens.
C’est la distribution dans l’espace et dans le temps des
usages par rapport aux ressources qui importe. (d’après
Roche, 2000).
3.2.2.
Le système humain
Les éléments du système humain sont reliés par les structures démographique, sociale
et administrative. Ces liens sont d’autant plus forts que les zones concernées ont des
densités élevées comme dans le cas des zones urbaines. Ces zones sont
particulièrement affectées par les mouvements de population, les flux de marchandises
et de produits et, non des moindres, les flux financiers, qui sont aujourd’hui des
processus globaux.
________________________________________________ 34 _________________________________________________
Il convient de rappeler au passage que l’homme ne gère pas plus le bassin versant que
la zone côtière, mais au mieux gère ses propres activités en regard de son accès aux
ressources et des contraintes propres aux milieux naturels qui les constituent.
Il exerce par contre des activités à forts impacts sur les milieux naturels, bien au-delà de
la zone stricte d’activité, qui se rapportent à :
des changements dans l’occupation des sols d’un bassin fluvial ou d’une région
entière, liés au développement urbain, l’exploitation des ressources minières, la
déforestation ou encore les changements de pratiques agricoles ;
la construction d’infrastructures de stockage (barrages), de prélèvements
(irrigation) ou toute autre forme de réservoir, ainsi que les pratiques de dragage
(navigation, exploitation de matériaux) ;
les rejets de déchets solides et de substances de toutes sortes, y compris les
nutriments.
________________________________________________ 35 _________________________________________________
Rivières, barrages et cycles biogéochimiques
Les rivières jouent un rôle important, bien que mal quantifié,
dans les cycles globaux du carbone et des nutriments tels que
l’azote, ainsi que du fer et de la silice. Les barrages, dont le rôle
est de régulariser les apports d’eau tant par rapport aux
demandes qu’aux crues, interceptent une part non négligeable
des transports solides des cours d’eau. On estime ainsi que
globalement les barrages ont réduit les apports de sédiments à
la mer de 25 à 30%. La baisse d’apports en nutriments signifie
également une baisse de fertilisants pour le plancton océanique
qui lui-même joue un rôle fondamental dans l'absorption du
dioxyde de carbone de l’atmosphère (le GIECC∗ estime qu’en
l’absence de plancton océanique, les concentrations de dioxyde
de carbone seraient 55% plus hautes qu’elles ne sont
aujourd’hui). Si cette baisse d’apports en nutriments est
largement compensée par les rejets des activités humaines
(fertilisants agricoles, eaux usées et rejets industriels) pour ce
qui est des nitrates et des phosphates, il n’en va pas de même
pour les silicates, peu produits artificiellement. Les silicates
sont essentiels au développement des diatomées, plancton à
squelette siliceux, qui jouent probablement le premier rôle dans
la séquestration du carbone (par rapport aux autres espèces
planctoniques). Les apports en silicates dissous du Danube ont
ainsi été réduits des 2/3 suite à la construction d’un barrage, ce
qui a entraîné des changements drastiques dans la composition
des espèces phytoplanctoniques en Mer Noire, où les
diatomées ont été progressivement remplacées par les
coccolithophoridés et les flagellés. Les barrages, lorsqu’ils sont
mal conçus, influent également sur la biodiversité par
fragmentation des écosystèmes aquatiques, isolant les espèces
migratrices en amont ou en aval, et stoppant net leurs
mouvements migratoires. (d’après International Rivers Network,
2002).
Pour pouvoir agir plus efficacement sur tous ces problèmes, une analyse plus
rigoureuse et quantitative du système est indispensable où, à l’exemple du LOICZ pour
les cycles biogéochimiques (DPSIR), les processus sous-jacents sont décrits et
modélisés dans et entre les différents compartiments du système naturel (cf. Annexe 4).
________________________________________________ 36 _________________________________________________
La description des fonctions et des infrastructures de soutien des usages du littoral
suivra ainsi les mêmes délimitations faites entre eaux côtières, bande littorale, estuaire
et plaine côtière. Cette dernière tient en l’occurrence une place particulièrement
importante puisqu’elle abrite la plupart des fonctions économiques, publiques et
sociales, soutenues par des infrastructures massives, au premier desquelles figure
l’urbanisation.
Pour ce qui est des usages du bassin fluvial, la situation est complexe du fait du très
grand nombre d’usages potentiels qui englobent :
-
les usages domestiques (alimentation en eau potable, abreuvement du bétail) ;
les usages agricoles et industriels, y compris la production énergétique ;
les usages in situ qui n’exigent pas de prélèvement (navigation, tourisme et loisirs,
etc.).
A ces usages, s’ajoutent toutes les interventions de protection contre les risques. En
effet, la diminution des ressources en eau exploitables et les déséquilibres entre
ressources et demande des usages, conduisent à gérer la demande et à mettre en
œuvre des politiques globales ayant par exemple pour objectif :
-
la lutte contre les inondations par ajustement (action dans les zones directement
exposées aux inondations), réduction (action sur le bassin versant), et/ou protection
(le long du cours d’eau) ;
-
la lutte contre la sécheresse qui prend essentiellement trois formes :
l’augmentation de l’offre, la réduction de la demande, et la réduction des impacts,
notamment par anticipation ;
-
la réduction de la pollution, préoccupation majeure pour la préservation de la
qualité des eaux côtières.
________________________________________________ 37 _________________________________________________
Le poids majeur de l’agriculture dans
l’état des prélèvements et des usages de l’eau :
L’agriculture représente aujourd’hui 70% des prélèvements d’eau
dans le monde (l’alimentation en eau potable, 10% et l’industrie,
20%). Par suite, les situations de surexploitation des ressources
en eau sont souvent liées à l’usage agricole. L’épuisement des
ressources disponibles met alors directement en cause
l’autosuffisance alimentaire des Etats les plus démunis en matière
de ressources en eau. L’accroissement de l’offre, qui a constitué
la réponse traditionnelle des politiques de l’eau, atteint aujourd’hui
ses limites et se heurte à des obstacles sociaux, économiques et
écologiques. L’enjeu devient la maîtrise de la demande en eau de
l’ensemble des usages et notamment agricole. Il repose sur de
nouveaux modes de production (ex : agrobiologie) et outils de
gestion tant techniques (efficiences du transport et lutte contre les
fuites), qu’économiques (incitations à limiter le gaspillage) et
institutionnels (responsabilisation des usagers, décentralisation,
transparence). Des expériences intéressantes apparaissent dans
certains pays. Elles mobilisent généralement une large gamme
d’instruments et accroissent l’implication des usagers.
Outre les incidences sur la quantité d’eau, l’agriculture influence la
qualité des eaux de surface et souterraines (eutrophisation,
pollution, salinisation, sédimentation), ainsi que l’intégrité des
écosystèmes aquatiques. Rappelons par ailleurs que les futurs
modèles agricoles et d’utilisation des eaux peuvent influencer et
être eux-mêmes fortement influencés par le changement
climatique. Par exemple, les plans visant à poursuivre l’irrigation
des zones semi-arides au sud de l’Union Européenne par le
développement d’infrastructures d’irrigation coûteuses et aux
répercussions importantes sur l’écosystème peuvent accélérer les
phénomènes de salinisation et de sodisation (processus
entraînant la défloculation des argiles et la réduction de la
perméabilité) entraînant l’accélération de la désertification.
Le système naturel est un système de ressources multiples mobilisées par l’homme pour
fournir des biens et des services à un système d’usages multiples. L’objectif d’une
gestion intégrant bassin versant et zone côtière est de gérer, dans son espace
d’intervention, l’interaction entre ces deux systèmes de manière à sauvegarder l’intérêt
des deux et à résoudre les conflits entre protection et développement.
________________________________________________ 38 _________________________________________________
On retrouve l’approche des relations de causes à effets chère à tout projet (et
notamment du GIWA) sur un fond de conflit latent entre les fonctions qu’offrent la nature
et les fonctions d’usage :
-
impact sur l’occupation du territoire, rentrant en conflit avec la fonction de
transport des milieux naturels ;
-
impact sur la quantité et la qualité des ressources naturelles, rentrant en conflit
avec la fonction de production des milieux naturels ;
-
impact sur la structure et la fonction des écosystèmes, rentrant en conflit avec
leur fonction de régulation et donc leur capacité d’adaptation (résilience) ;
-
impact sur les paysages (dits « naturels » ou non), rentrant en conflit avec la
fonction d’information des milieux naturels.
Dans ce contexte, on comprend bien que la question des usages, qu’ils s’exercent sur le
littoral ou sur le bassin versant, est intimement liée à la question de l’occupation des
sols, et que les politiques d’aménagement du territoire auront un rôle tout aussi
fondamental dans la gestion de ces impacts.
________________________________________________ 39 _________________________________________________
Tableau 2 : Les fonctions économiques de la nature
Fonction de transport
Fonction de régulation
(valeur indirecte)
Fournit l’espace et le substrat appropriés pour :
Régule les processus suivants :
1. l’habitat et l’urbanisation
2. l’agriculture, l’élevage, l’aquaculture
3. la conversion de l’énergie, l’industrie, le
tourisme
4. le transport, l’approvisionnement en eau,
l’électricité
5. les activités sociales (loisirs, sports)
6. la protection de la nature (paysages, etc.)
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
le climat local et global
l’équilibre énergétique local et global
le ruissellement et les processus associés
l’alimentation des eaux souterraines
la composition et la fertilité des sols
l’érosion et les transports solides
le stockage de l’énergie (biomasse)
le stockage et recyclage de la matière
organique et des nutriments
9. le stockage et le recyclage des déchets
10.les processus biologiques de la chaîne
alimentaire
11.la disponibilité des zones de reproduction
12.le maintien de la diversité biologique et
génétique
13. a composition chimique de l’atmosphère, de
l’hydrosphère, des sols, etc.
Fonction de production
(valeur directe)
Fonction d’information
(valeur d’existence)
Fournit les ressources renouvelables et non
renouvelables telles que :
Apporte des informations sur les valeurs non
monétaires suivantes :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
1.
2.
3.
4.
5.
l’oxygène et l’eau
les aliments
les ressources génétiques
les substances bio-actives
les matières premières
les sources d’énergie (pétrole, gaz,
bois, charbon)
7. le fourrage et les fertilisants
8. les ressources ornementales, etc.
les valeurs esthétiques et paysagères
les valeurs spirituelles et religieuses
les valeurs culturelles et artistiques
les valeurs historiques (patrimoine)
les valeurs scientifiques et éducatives
________________________________________________ 40 _________________________________________________
4. VERS UNE STRATEGIE DE GESTION INTEGREE DES
ZONES COTIERES ET DES BASSINS VERSANTS
La gestion des bassins fluviaux et celle du littoral repose sur deux histoires différentes.
La gestion des bassins fluviaux est essentiellement centrée sur une ressource, l’eau
(liée il est vrai à l’autre ressource que sont les sols), et sur ses usages multiples, ce qui
facilite une certaine multisectorialité au sein d’institutions spécialisées.
Le système français, lui-même largement inspiré du système de
gestion du bassin de la Ruhr, a été érigé en « modèle » après plus
d’un quart de siècle de succès dans la gestion des ressources en
eau du pays par les agences de bassin, puis de l’eau, créées par la
loi de 1964. Cet engouement pour le modèle français de gestion de
l’eau tient essentiellement à quelques éléments les plus visibles
ou du moins les mieux perçus par les techniciens et responsables
de l’eau des autres pays : décentralisation, concertation et mise en
place d’un système de financement.
Il s’agit d’abord du mouvement général de démocratisation et de
décentralisation, qui conduit à donner aux citoyens un droit de
regard sur ce qui touche le plus directement leur vie de tous les
jours. La gestion de l’eau, première ressource naturelle vitale,
paraît constituer un vecteur porteur du mouvement au nom duquel
le comité de bassin est couramment présenté comme le
« parlement de l’eau ».
Il s’agit ensuite de la mise en œuvre effective des principes
pollueur-payeur et usager-payeur au travers des redevances
perçues au niveau des bassins versants par les agences,
établissements publics dotés de l’autonomie financière. Quand,
partout dans le monde, on observe une réduction drastique du
budget de l’Etat central consacré aux grands travaux pour les
ressources en eau, ces redevances constituent un levier important
pour améliorer et rendre durable la gestion de la ressource en eau.
Il s’agit enfin du savoir-faire technique et économique reconnu de
l’école française de gestion de l’eau (grandes entreprises
françaises de distribution d’eau et d’assainissement, formes
institutionnelles originales, ingénierie) à une époque où un grand
nombre de municipalités, des mégapoles jusqu’aux petits centres
urbains, se trouvent confrontées à d’énormes difficultés
techniques et financières dans la gestion de ces services publics
(Académie de l’Eau, 1996).
________________________________________________ 41 _________________________________________________
Selon une étude de l’Académie de l’Eau (1996) sur neuf cas de
réforme des systèmes de gestion de l’eau dans autant de pays,
répartis sur quatre continents, les grandes tendances montrent
que :
-
le principe de base d’une gestion intégrée des ressources en
eau et de l’environnement à l’échelle du bassin versant est
unanimement admis. Dans la plupart des cas, le principe est
formellement appliqué et les limites du territoire de gestion
sont celles du bassin hydrographique ;
-
le deuxième principe important, qui consiste à introduire une
dimension économique dans la gestion de l’eau (principe
pollueur-usager-payeur), est également admis comme
fondement nécessaire pour assurer la viabilité du système,
bien que la mise en œuvre reste timide et que l’intervention
des états soit toujours présente pour financer les
investissements lourds ;
-
la principale difficulté est ainsi d’ordre financier : même si les
simulations théoriques montrent qu’un système de
redevances serait supportable, les retards accumulés dans la
protection de l’environnement demandent des investissement
s massifs, obligeant les régions à recourir au budget de l’Etat
ou à des financements externes. Affirmer seulement le
principe usager-pollueur-payeur est insuffisant et il n’est
jamais trop tôt pour se pencher sur les aspects financiers de
la décentralisation du pouvoir de décision.
La gestion du littoral quant à elle concerne de multiples ressources concernant autant de
secteurs d’activité différents. Outre la gestion de ces ressources, elle est marquée par
des régimes fondamentalement différents d’occupation des sols et d’attribution de ces
ressources selon qu’elles se situent à terre ou dans le domaine public maritime.
On a donc affaire à deux systèmes de gestion qui fonctionnent en parallèle, d’autant
plus que les impacts observés sur la zone côtière sont souvent liés à des réponses
décalées dans le temps et dans l’espace du système naturel mais également du
système social. La mise en évidence de ces différentes échelles de temps et d’espace
et des mécanismes de rétroaction entre les phénomènes amont et aval, est donc
fondamentale pour la mise en place de modes de gestion intégrant bassin versant et
zone côtière. Pour être réaliste, l’approche doit donc être incrémentale, avec des modes
d’action adaptés à chaque niveau d’intervention, local, national et régional
(international).
________________________________________________ 42 _________________________________________________
Le processus à engager est un processus pro-actif de planification de type stratégique
(anticipation des changements à moyen et long terme), qui permette d’identifier une
politique générale avec des objectifs et des lignes d’action.
Dans ce processus, l’accent est mis sur une identification partagée des objectifs et des
actions à mettre en œuvre. Le processus est en fait très semblable à celui prôné par la
démarche GIRE (Gestion Intégrée des Ressources en Eau) ou la démarche GIZC
(Gestion Intégrée des Zones Côtières), à la différence près que l’analyse (échelle,
caractéristiques, thèmes et modèles d’interaction) porte sur la structure et la dynamique
des relations existant entre les bassins fluviaux et le littoral, comme décrit
précédemment.
Le but de cette étude, tel que définit dans les termes de référence, n’étant pas de
s’attarder sur les différentes phases du processus de planification participative, mais
plutôt, dans le cadre de ce processus, de dégager des critères simples et utiles
d’évaluation de ce type de projet, nous proposons d’examiner plus avant quatre
éléments génériques qui nous semblent fondamentaux pour le succès de l’approche :
les thématiques prioritaires et les emboîtements d’échelles, la connaissance, les
institutions et le partenariat, la participation du public.
4.1. Thématiques prioritaires et emboîtement d’échelles
Du point de vue de l’écologie, il est aujourd’hui pratiquement impossible de prédire la
nature ou le degré de variations que les activités de l’homme peuvent infliger au niveau
de l’espèce (sinon sa disparition totale dont la cause humaine première est rarement
avérée). En fait, les grands écosystèmes comme les bassins fluviaux et les zones
côtières tendent à avoir un caractère d’état plus stable que leurs composantes
individuelles (communautés), qui sont plutôt oscillants ou chaotiques (qualité qui en
retour contribue probablement à la stabilité de l’ensemble ; cf. Annexe 3). Loin de se
désintéresser des seconds, il est donc assez logique, malgré les difficultés d’échelle, de
s’intéresser aux premiers, plus particulièrement aux flux bio-géochimiques qui les
traversent, eux-mêmes expression régionale de phénomènes globaux, comme le fait le
programme scientifique LOICZ.
Si l’on veut contrôler les flux de nutriments (on pourrait parler aussi de flux de certains
polluants) dans la zone côtière, et donc dans les mers régionales, il faut bien connaître
les sources et les puits naturels et anthropiques dans les différents sous-systèmes
aquatiques sur l’ensemble du bassin versant jusqu’aux sites d’accumulation en mer,
puis les délais de réponse (spatiale et temporelle) du système naturel aux impacts du
système humain. Les questions, simples en apparence, sont alors : quelles sont les
principales voies empruntées par les nutriments de la terre vers la mer et combien de
temps leur faut-il pour atteindre les sites de déposition en mer ?
Côté bassin versant, quel type d’émission (ponctuel ou diffus) est principalement
responsable des phénomènes d’eutrophisation en aval ? Du point de vue de la socioéconomie, il est nécessaire d’identifier les acteurs économiques et leurs pratiques
culturales, les modes d’occupation de l’espace et de production ou encore de la
croissance démographique prévisible et du type et de l’étendue des activités
économiques susceptibles de peser sur les apports en mer.
________________________________________________ 43 _________________________________________________
C’est le type de question que les plans d’action pour les mers régionales tels que
HELCOM (Baltique) ou OSPARCOM (Mer du Nord) ne font que commencer à se poser,
mais l’ouvrage est énorme car cela demande de structurer la coopération avec l’amont
représenté par plus d’organisations que de bassins versants.
De manière générale, le rapport du GESAMP (2001) établit une hiérarchisation des
impacts en fonction des critères retenus dans le cadre du Programme Global d’Action
pour la Protection de l’Environnement Marin contre les Pollutions générées par les
Activités Terrestres (GPA/LBA). Il en ressort clairement que l’effort devrait porter en
priorité sur :
-
la gestion des altérations physiques et biologiques des habitats et des
écosystèmes ;
-
la gestion des apports, en particulier les changements de débits et de régimes
(déplacement de la salinité, creusement, comblement), les rejets d’eaux usées
(domestiques et industriels), et les surcharges en nutriments ;
-
la gestion de la mobilisation des sédiments.
En terme d’impacts, les enjeux principaux sont :
la qualité des écosystèmes et des ressources naturelles (renouvelables et non
renouvelables),
la durabilité du développement économique et social,
la santé publique et, dans une moindre mesure, la sécurité alimentaire.
Nous proposons que ces priorités soient retenues pour la hiérarchisation des thèmes
figurant dans les projets soumis au FFEM. Nous reviendrons sur ce point fondamental
dans le chapitre qui suit.
Ces exemples montrent l’importance qu’un projet de gestion intégrée bassin versant /
zone côtière ne soit pas traité comme un projet local isolé mais dès le départ soit pensé
dans le cadre d’une stratégie régionale prévoyant des emboîtements d’échelles du type
GIWA.
Sur le plan de la planification, à laquelle le projet est censé contribuer, une politique
nationale de l’eau avisée devrait prôner l’échelle des bassins hydrographiques et
fluviaux, avec une mise en application locale. La solution, incontournable pour les
décideurs, réside alors dans l’intégration de la gestion locale et des stratégies subnationales (régionales, provinciales, etc.). A titre d’exemple, la loi française de 1992 a
prévu deux niveaux de planification de l’eau : celui des agences de l’eau, avec les
SDAGE qui fixent les grandes orientations, et celui de circonscriptions hydrauliques plus
petites (de 1000 à 5000 km²), avec les SAGE. Ces dernières ne couvrent pas
exhaustivement le territoire et sont localisées en fonction des enjeux locaux (conflits
d’usage notamment).
________________________________________________ 44 _________________________________________________
Les réductions d’échelle concordent avec les réductions d’horizon de gestion. On
élabore une stratégie et on planifie sur des grands ensembles qui définiront les principes
et les orientations qui devront ensuite être adaptés aux conditions de gestion
opérationnelle sur de plus petits espaces.
Considérations parallèles sur les impacts
de l’effet de serre et les changements d’échelle
La notion d’impact implique un choix implicite d’échelles liées à
l’organisation humaine. Un temps de référence largement
adopté est la génération ; l’échelle d’espace est déjà plus
variable : continentale pour l’ONU, régionale pour les Etats, elle
sera le bassin versant pour les gestionnaires de l’eau et la
parcelle pour les exploitants agricoles. Ainsi des acteurs
différents pourront se référer à des échelles temporelles et
spatiales différentes. La typologie des impacts dépend du choix
des « impactés », qui relève dès lors d’un choix économique et
politique. Si l’étude des impacts est très liée aux échelles
spatiales et temporelles caractéristiques de l’organisation
humaine, elle est également dépendante des échelles liées à
l’étude du climat et de sa variabilité. Ces échelles sont
désormais classiquement au nombre de trois :
- l’échelle globale ; il est ici question du climat, du système
atmosphérique, du système océanique. Dans ce compartiment, les interactions traitent à grande maille des couplages
de type océan atmosphère et les évolutions sont envisagées
sur des périodes de l’ordre du siècle.
- l’échelle régionale ; elle reçoit du compartiment global des
forçages de température, précipitations, radiation ; elle
convoque un grand nombre de disciplines scientifiques pour
l’étude des impacts du changement climatique sur les
grandes entités régionales allant des grands bassins
versants (bassins internationaux en général) aux systèmes
littoraux (grands écosystèmes marins). A cet étage, l’étude
passe par exemple par l’élaboration de fonctions de
production ou de transfert par lesquelles les hydrologues
décrivent l’utilisation faite par les sols des quantités d’eau
disponibles. Les problèmes d’adaptation peuvent être
illustrés à cette échelle, par exemple par l’étude des
modifications des contours forestiers sous scénario
climatique modifié.
________________________________________________ 45 _________________________________________________
- les échelles détaillées ; on y trouve le maximum d’interactions
entre les systèmes économiques individuels et les effets
physiques. C’est souvent à cette échelle que les institutions
scientifiques spécialisées interviennent en sciences humaines
et sociales sur les questions d’impacts, qu’il s’agisse du
bassin versant ou des eaux côtières. C’est aussi le plus
souvent dans ce compartiment que la gestion de ces impacts
est envisagée avec les services et agences gestionnaires.
Dans le cas de l‘effet de serre, les liens entre échelles sont
principalement traités de façon descendante parce que les
phénomènes ont d’abord été observés globalement. Il n’en va
pas de même dans le cas des cycles biogéochimiques dont la
mesure des flux et de leur altération ne peut être appréhendée
significativement qu’à une échelle détaillée, pour être ensuite
extrapolée de proche en proche, vers l’échelle régionale. C’est le
défi du programme LOICZ. Les impacts et leur gestion sont,
quant à eux, traités aux échelles détaillées bien que, dans le cas
de l’effet de serre, la compréhension globale de la variabilité du
système doive se faire au niveau agrégé de l’échelle régionale.
C’est le défi du programme GIWA. (D’après PIGB-PMRC, 2002).
4.2. La connaissance
La connaissance des différents systèmes, de leurs ressources et de leurs interactions,
est indéniablement importante mais, dans une telle démarche de gestion intégrée, n’est
pas une fin en soi. La Directive Cadre Européenne sur l’Eau va ainsi plus loin que les
SDAGE français en appliquant ce principe et en passant d’une politique de moyens à
une politique d’objectifs de qualité des milieux aquatiques. Le cadre de gestion mis en
place doit être suffisamment évolutif (adaptatif) pour pouvoir intégrer les connaissances
au fur et à mesure qu’elles progressent. Il faut entendre ici le terme « connaissance » au
sens large, englobant à la fois les données de type scientifique (recherche et suivi), les
savoirs populaires et traditionnels, et l’expertise des intervenants. On peut l’aborder
sous cinq aspects : la définition du besoin de connaissances, les programmes de suivi,
la gestion de l’information, l’intégration de l’information et l’utilisation de l’expertise
(Burton, 2001).
La définition du besoin s’appuie sur des informations provenant d’un vaste éventail de
domaines et de secteurs. L’objectif n’est pas de réunir des quantités extraordinaires
d’informations sur les différents systèmes, mais de dégager une appréciation
d’ensemble sur l’état des lieux, en se concentrant sur trois ou quatre questions centrales
préalablement identifiées.
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Il s’agit bien de dépasser les simples approches sectorielles et d’aborder les problèmes
transversaux d’organisation des territoires, du haut du bassin versant jusqu’à son milieu
récepteur, la zone côtière. S’il n’existe déjà, les données collectées participent à la
construction d’un système d’information géographique et au renseignement d’un certain
nombre d’indicateurs.
Les informations concernent également les données de base sur les acteurs, trop
souvent occultées : quelle est la relation de chaque groupe d’acteurs aux problèmes
environnementaux diagnostiqués, et chacun est-il en mesure de participer à
l’amélioration des situations environnementales observées ? Quelles sont les activités
dominantes et secondaires, comment s’organisent-elles ? Il s’agit de repérer les
logiques d’acteurs, les conflits avérés ou potentiels, les forces de résistance et de
changements éventuels. On peut ainsi espérer que les représentations produites
correspondent aux enjeux et soient reconnues par les acteurs concernés par la gestion
de l’eau.
L’expertise
La connaissance nécessaire à la gestion intégrée d’un
bassin fluvial ne se limite pas aux données scientifiques
recueillies et aux rapports techniques produits par les
institutions nationales ou régionales. Dans bien des
domaines, et notamment pour ce qui est des connaissances
requises à l’échelle locale, l’information scientifique et
technique « officielle » fait très souvent défaut. Par contre, il
existe une large base de connaissances et de savoir-faire
qui n’est pas accessible par les moyens traditionnels de
recherche de l’information. Il s’agit d’une part des savoirs
populaires et traditionnels et, d’autre part, de l’expertise des
professionnels qui oeuvrent déjà dans des programmes et
des projets, autant à l’échelle locale qu’aux niveaux national
et régional.
Ce travail nécessite notamment une équipe d’experts, capables d’organiser les données
et de construire un système d’information fonctionnel et approprié aux questions à traiter
(SIG, mais aussi grilles et cartes manuelles), de faire de la recherche documentaire, de
mener des entretiens avec des responsables et des usagers, et de rendre un diagnostic
sous forme d’un document clair, lisible et accessible.
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L’expérience en cours sur la mise en œuvre de la Directive Cadre Européenne sur l’Eau
montre que la connaissance relative aux usages et aux activités humaines sur le bassin
versant et dans la zone côtière, est acquise de manière superficielle mais ne permet en
général pas d’évaluer la performance de la gestion réalisée. Les données relatives à la
ressource sont par contre par tradition mieux connues, même si les durées
d’observation sont souvent insuffisantes.
Par ailleurs, dans le cas de l’eau, les aspects quantitatifs sont beaucoup mieux
documentés que les aspects qualitatifs. Il y a peu d’information sur la qualité et les flux
de sédiments, et les habitats sont décrits de manière superficielle ou incomplète. De
manière générale, il y a d’importantes lacunes en ce qui concerne l’homogénéité de la
couverture spatiale et temporelle de chacun des systèmes (fluvial et côtier) et à plus
forte raison entre eux.
Les programmes de suivi de la qualité des eaux (douces et salées) peuvent être mis
en place pour différents objectifs : fournir une information sur l’état et l’évolution des
écosystèmes aquatiques, fournir une information en temps réel pour une prise de
décision (en général, pour un objectif de santé publique), s’assurer que la qualité de
l’eau répond aux exigences d’un ou de plusieurs usages ou encore contrôler l’efficacité
des interventions.
La connaissance et la production des chiffres d’apport à la mer de toutes les substances
polluantes ainsi que des composés naturellement présents dans les eaux est un
problème récurrent dans toutes les régions du monde. Une stratégie efficace passe par
des zonages territoriaux des activités de surveillance du milieu pour pouvoir, selon le
type d’information que l’on cherche, à la fois en organiser les modalités concrètes
(stratégies d’échantillonnages, gestion de la donnée, etc.) et en structurer les résultats
(présentation des données, aires de représentativité des diagnostics, etc.).
S’il est relativement facile de définir et d’appliquer les critères de ce type de zonage en
milieu terrestre où la plupart des écosystèmes abordés ont une faible dynamique
spatiale (au sens géographique), il n’en va pas de même pour les écosystèmes marins,
y compris leurs substrats sédimentaires, qui sont soumis à des transports
hydrodynamiques de grande emprise spatiale et à des variations temporelles
considérables.
Il n’en reste pas moins que l’on doit tendre vers une cohérence fonctionnelle et
géographique des zonages pour, à terme, traiter dans le même référentiel, les
informations concernant la partie marine et la partie continentale. Dans ce sens, la
définition des limites de l’unité territoriale fonctionnelle bassin versant / zone côtière est
déterminante.
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Bassins et zones homogènes des
agences de l’Eau en France
- La loi sur l’Eau du 3 janvier 1992 affirme que l’eau et les
milieux aquatiques constituent un patrimoine fragile, commun
et utile à tous, qu’il faut protéger, partager et valoriser. Elle
recommande que les politiques de protection et de mise en
valeur des eaux douces et côtières soient menées avec
cohérence et continuité. La mer ne doit plus être considérée
comme réceptacle ultime des apports et des rejets du bassin
hydrographique qui la borde, elle doit s’y intégrer en matière
de gestion de ces apports. Pour traduire ces principes de
gestion équilibrée, la loi sur l’Eau a créé un nouvel outil de
planification à long terme des volontés locales à l’échelle du
bassin : le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion
des Eaux (SDAGE).
Les cinq bassins ayant une façade littorale ont inscrit dans
leur SDAGE, la volonté de protéger et restaurer les milieux
aquatiques et littoraux remarquables. Aux stratégies
communes (accentuer l’effort de dépollution bactérienne dans
les secteurs de forte fréquentation pour la baignade et
l’activité aquacole, protéger et restaurer les milieux aquatiques
et littoraux remarquables) s’ajoutent des préoccupations plus
régionales prises en compte dans le septième programme de
chaque agence de l’Eau. Un autre axe de la politique menée
par les agences de l’Eau est de rechercher une meilleure
cohérence des réseaux d’observation de la qualité des eaux
marines et des eaux douces. Cette réflexion s’est traduite en
amont par différentes approches du zonage, la plus avancée
étant probablement celle menée par l’agence de l’Eau RhôneMéditerranée-Corse, en collaboration avec l’IFREMER (Morel et
al, 1999).
La volonté, aujourd’hui universelle, de coordination des réseaux de surveillance ne
relève pas d’un objectif technocratique : il apparaît à tous les niveaux (conventions
internationales et régionales, directives européennes, dispositions nationales) que ces
informations ne révèlent leur richesse que quand elles sont rassemblées, corrélées et
synthétisées, de façon à faire apparaître les relations de cause à effet, les interactions
entre les compartiments physiques et biologiques, entre politique d’occupation des
espaces et altération des usages, entre court et moyen termes.
Outre la constitution des bases de connaissance nécessaires à la planification, le
programme de suivi représente un des outils (il alimente essentiellement les indicateurs
d’état mais pas de processus) d’évaluation du succès du plan et d’atteinte de ses
objectifs, tout du moins pour ce qui est de la réponse du système à la mise en œuvre du
plan, ainsi que de la performance des outils utilisés pour atteindre ces objectifs.
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Il est important ici de rappeler que les programmes de suivi n’ont pas à être
nécessairement hautement techniques.
La surveillance volontaire (très prisée dans les pays anglo-saxons) peut être un moyen
de faire participer les citoyens, fournissant ainsi une occasion tangible de participation
du public aux objectifs du plan et, de là, à l’intégrité de leur propre environnement.
De nos jours, les techniques d’observation spatiale permettent de passer à des échelles
parfaitement adaptées au suivi des grands bassins fluviaux et des mers régionales. La
télédétection satellite ou aéroportée permet aussi bien d’observer des changements
rapides (feux de brousse) que plus lents (évolution d’un trait de côte), mais est souvent
en défaut pour fournir une évaluation de l’occupation du sol qui soit adaptée aux enjeux
de gestion de l’eau dans les bassins versants. Les progrès technologiques attendus des
futurs outils satellitaires devraient permettre de combler une partie de ces lacunes en
offrant une précision accrue.
La gestion de l’information tout au long du processus de planification et de mise en
œuvre est une question fondamentale. En général, l’information ne manque pas mais
elle est difficile d’accès et surtout elle n’est pas synthétisée, ni vérifiée. La qualité et la
disponibilité des supports cartographiques sont très variables selon les pays et les
thèmes abordés. Souvent, l’échelle ne correspond pas aux besoins et l’information est
périmée. Dans ce domaine, la compétition est intense : des centres de cartographie
nationale existent un peu partout mais en général, on préfère développer son propre
service, si bien que l’on arrive à une dispersion des capacités en SIG dans les
différentes administrations nationales et les collectivités territoriales. Le développement
des technologies des banques de données et de leur mise en forme cartographique, en
association avec les nouvelles technologies de la communication (Internet), peut fournir
des outils puissants de mise en réseau des données en résolvant les problèmes de
propriété par la participation directe de leurs producteurs. Bien évidemment, le
développement de ces potentialités technologiques ne pourra se faire que si le contexte
institutionnel et politique y est favorable. La gestion de l’information conduit entre autres
à:
-
la réalisation de cartes de sensibilité et de vulnérabilité des différents écosystèmes
et de fiches d’identité décrivant les caractéristiques et les risques encourus sur les
zones les plus sensibles ;
-
l’analyse prospective et l’élaboration des scénarios des possibles changements dans
le futur ;
-
l’identification des priorités d’intervention avec leurs instruments politiques et
financiers appropriés.
L’intégration de l’information, outre son aspect technique (SIG et modèles type
DPSIR), aboutit souvent à un plan directeur dont les supports d’information sont
standardisés à l’intérieur d’un même bassin, comme c’est le cas des SDAGE en France.
Cela est certainement moins vrai à l’heure actuelle au niveau des organisations
régionales de bassin (ORB) dont les informations en provenance des pays membres
sont loin d’être normalisées.
________________________________________________ 50 _________________________________________________
Bien qu’encore au stade de développement, les systèmes développés par les agences
régionales comme l’Agence Européenne pour l’Environnement peuvent devenir des
moyens de connexion étroite des informations en provenance du bassin versant et
celles produites dans le cadre des conventions liées aux mers régionales.
Dans les deux cas, et quelle que soit la dimension du territoire prise en compte, une
autre dimension de l’intégration de l’information reste très peu abordée : celle de
l’intégration des informations environnementales avec celles provenant des différents
secteurs socio-économiques, en bref l’intégration des données économiques, réalité à
laquelle les gestionnaires ont à faire face constamment.
Dans le processus d’acquisition et de partage des connaissances, l’expertise est certes
indispensable mais elle est trop souvent réduite à l’expertise internationale alors que
beaucoup de pays bénéficient d’un vivier de professionnels en place dans les institutions
publiques ou privées. Tout projet devrait se soucier de l’identification de cette expertise,
éminemment inter-sectorielle et inter-disciplinaire dans le cas de l’approche intégrée
bassin versant / zone côtière. Les réseaux régionaux déjà existants pourraient être
renforcés en collaboration avec l’expertise internationale et les bailleurs de fonds.
Qu’il s’agisse des bassins fluviaux et de la GIRE (Gestion intégrée des ressources en
eau) ou des zones côtières et de la GIZC (Gestion intégrée des zones côtières), il s’agit
là d’un objectif majeur de mise en réseau des expériences aux niveaux régional et
mondial, qui est au cœur de la notion du développement des capacités humaines.
4.3. Les institutions et le partenariat
La gestion intégrée d’un bassin fluvial et de sa zone côtière fait appel à la prise en
compte d’un large éventail d’usages qu’il faut concilier tout en maintenant les fonctions
naturelles des écosystèmes. A ce jour, la gestion est encore éclatée entre secteurs
d’activité (y compris l’environnement) et l’aménagement du territoire. La mise en place
d’une gestion intégrée requiert donc une réflexion sur les institutions et les mécanismes
de coordination inter-institutionnelle, ainsi que sur tous les autres intervenants dans le
secteur privé et les populations locales.
La gestion des ressources naturelles, la gestion de l’environnement, l’aménagement du
territoire, correspondent à des politiques nationales que seuls les gouvernements sont
en mesure de mieux coordonner pour le développement d’une gestion intégrée. Il ne
s’agit pas de tout unifier sous une seule institution (ce qui est concevable pour les
bassins versants et les zones côtières pris séparément ne l’est plus dans une gestion
associant les deux), mais de mettre en place des mécanismes de coordination adaptés
aux conditions du pays, qui permettent d’assurer un ensemble de fonctions sur un
territoire cohérent, à partir de compétences et d’initiatives nombreuses, tant individuelles
que collectives, tant publiques que privées.
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Quelques exemples de processus nationaux
pour le développement de la GIZC :
Les programmes nationaux de gestion intégrée des zones
côtières des Etats-Unis (1972), du Sri Lanka (1981), et de la
Nouvelle-Zélande (1991) ont été lancés simultanément à la
promulgation d’une loi nationale. Dans ces trois pays, la loi a
procuré l’autorité et le cadre d’actions nécessaires pour
l’élaboration de plans plus détaillés et de systèmes de
réglementation au niveau national (Sri Lnaka) ou à des niveaux
de gouvernance plus régionaux (Etats aux USA ; Régions en
Nelle Zélande). Les Etats-Unis ont pu initier leur programme avec
tout l’arsenal juridique et financier nécessaire. En Nelle Zélande,
le gouvernement a procédé à l’harmonisation de plus de 100 lois
pour aboutir à la loi sur la gestion des ressources de 1991. Les
requis portent notamment sur l’intégration à tous les niveaux et
établissent des panels indépendants pour la révision des
politiques et des programmes nationaux et régionaux.
En Equateur, le programme national a été officialisé par Décret
Exécutif sans prévision particulière pour une nouvelle législation.
Une revue juridique attentive des textes a effectivement montré
que les lois existantes étaient suffisamment adaptées pour servir
les objectifs du programme.
Aux Philippines, les projets locaux ont devancé les programmes
nationaux. Après plus de dix ans d’expériences locales, une
coordination nationale a été mise en place. Le changement
législatif le plus significatif en matière de GIZC, tient au nouveau
code de Gouvernement Local qui donne des pouvoirs
substantiels aux Provinces et aux Communes, y compris la
juridiction locale sur les milieux aquatiques.
En Australie, la politique nationale de gestion des côtes a vu le
jour suite à un inventaire global des zones côtières. La politique
(plan stratégique) n’est pas axée sur la réglementation mais sur
l’incitation aux bonnes pratiques de gestion et sur le soutien
technique aux localités.
________________________________________________ 52 _________________________________________________
A l’exception des Philippines, chacun de ces pays s’est doté
d’une institution pilote pour la mise en œuvre de la politique
nationale GIZC (plan d’action). L’institution nationale pilote pour
les zones côtières peut ainsi être positionnée dans des
ministères ou départements très différents : Département du
commerce (NOAA) aux USA, Ministère des Pêches au Sri Lanka,
Cabinet du Président de la République en Equateur, Ministère de
l’Environnement
en Nelle Zélande et en Australie. Aux
Philippines, les principaux programmes GIZC sont partagés entre
deux ministères, Agriculture d’une part, et Environnement et
Ressources Naturelles d’autre part.
Le rôle de ces institutions pilotes peut également varier : au Sri
Lanka, le Département de Conservation des Côtes attribue des
permis (avec délégation mineure aux administrations de District),
tout en ayant des fonctions de planification. Ailleurs, l’institution
coordinatrice peut être plus orientée vers le suivi des politiques
et la planification, avec attribution de moyens financiers (USA,
Australie) ou techniques (Philippines) aux autorités locales.
Que ce soit dans la zone côtière ou sur le bassin versant, il est clair qu’il n’y a pas de
modèle idéal d’arrangement institutionnel qui puisse convenir à toutes les situations. Ce
qui importe, c’est la mise sur pied de mécanismes de coopération efficaces. Dans
certains contextes, cette fonction de coordination sera mieux assurée au sein d’une
organisation unique, alors qu’ailleurs la mise en place d’une telle institution susciterait
trop d’oppositions pour que le but premier puisse être atteint. Cette reconnaissance du
principe de subsidiarité apparaît clairement dans la Directive européenne sur la politique
communautaire dans le domaine de l’eau : c’est la responsabilité des Etats membres de
désigner « l’autorité compétente » qui sera chargée d’appliquer les règles prévues à la
directive de chaque district hydrographique (bassin). Il n’y a pas de modèle imposé mais
des objectifs à atteindre à un horizon temporel donné via la mise en œuvre d’un
programme de mesures. Cette autorité compétente devra ensuite être décrite en
fonction de son territoire, de son statut juridique et de ses responsabilités.
Dans le cadre d’une gestion intégrée bassin versant / zone côtière, le défi qui se pose
est celui de la coopération entre la ou les autorités compétentes agissant sur les deux
systèmes. Pour rester réaliste, il est avant tout nécessaire de « créer » les conditions de
cette coopération, en commençant par des questions précises sur la gestion du bien
commun qu’est la qualité de l’eau. Pour mettre en œuvre ces actions par objectif et ainsi
renforcer la coopération par la pratique, il est nécessaire de prévoir la négociation d’un
ensemble d’accords sous la forme d’accords volontaires ou de contrats particuliers.
________________________________________________ 53 _________________________________________________
Outre les engagements financiers sur les programmes d’action, ces contrats ont trait à
des engagements précis sur les politiques et les interventions que les partenaires
(collectivités territoriales, Etat) entendent mener sur l’ensemble du territoire concerné et
sur les modes de concertation envisagés (plan de développement, acquisition de zones
à protéger, regroupement de services sociaux). Avec les organismes privés, ces
contributions peuvent aller de la simple lettre d’engagement à la convention détaillée, de
la contribution financière (programme d’investissement) au sponsoring.
Enseignements et potentiels du partenariat
public-privé dans le secteur de l’eau
La population mondiale desservie par des opérateurs privés est
passée de 90 millions en 1988 (dont 40 en France) à environ 200
millions en 1998 et vraisemblablement aux alentours de 250
millions en 2000. L’ouverture des marchés aux opérateurs
privés, même si elle conduisait à 500 millions d’habitants
desservis par ceux-ci d’ici 10 ans, ferait passer la part des
populations urbaines ainsi alimentées aux alentours de 15%.Les
principaux opérateurs privés du secteur se partagent
aujourd’hui entre : (1) les groupes formés historiquement autour
des métiers de l’eau (les 3 français), spécialistes de la gestion
déléguée ; (2) les groupes privés propriétaires de leurs
infrastructures (BOT : Build, Operate and Transfer), qui
concernent en général une installation spécifique et rarement
un système complet ; (3) les entreprises municipales vendant
leur savoir-faire via des filiales spécialisées aujourd’hui
dominées par les majors comme Vivendi et Suez-Lyonnaise ; (4)
les grands groupes électriques dont on parle moins mais dont
le poids est largement à l’échelle des majors cités
précédemment.
Dans ce contexte économique, la concurrence internationale
porte tout à la fois sur le modèle d’organisation institutionnelle
(gestion déléguée par contrat, privatisation, système
d’économie mixte) et sur les marchés étroitement liés au choix
d’organisation institutionnelle des pays. L’enjeu économique de
ces choix oriente significativement les choix de financement
des institutions internationales qui en général privilégient le
financement d’investissements et d’équipements nouveaux
alors que l’effort devrait être porté davantage sur l’amélioration
et la modernisation des services existants, ce que la gestion
déléguée permet de faire. (D’après Roche, 2000).
________________________________________________ 54 _________________________________________________
On ne peut aborder la coopération entre institutions et le partenariat sans évoquer le
cas des bassins internationaux et des mers régionales. Si les configurations
géographiques du partage des eaux se posent de manière très différente dans les deux
cas (les pays qui partagent un bassin fluvial sont en général traversés par le fleuve
concerné ou frontaliers avec lui ; les pays qui partagent une mer régionale sont situés
autour de cette mer, à l’exception des Etats insulaires), les montages de coopération
internationale sont très proches. En général, tout commence par une coopération
technique de faible envergure qui vise un échange ou une collecte conjointe de
données. A mesure que la confiance mutuelle s’installe, et parfois sous la pression
d’évènements majeurs dus à des pollutions chroniques (eutrophisation) ou accidentelles
(marée noire) aux effets désastreux pour tout le monde, la coopération s’accroît pour
déboucher sur des accords ou conventions régionales, basés sur l’engagement
volontaire (non obligatoire) des pays.
En théorie, la plupart de ces conventions visent à présent le développement durable des
milieux concernés mais en pratique, leurs actions portent plutôt sur des domaines
particuliers comme l’hydroélectricité, la navigation ou encore la qualité des eaux. C’est
sur ce dernier thème qu’il pourrait se développer des liens forts entre structures
internationales amont et aval, notamment entre des Organisations Régionales de Bassin
(ORB) rénovées et les Secrétariats techniques des Conventions Mers Régionales. La
notion de Grands Ecosystèmes Marins (Large Marine Ecosystems) pourrait dans
certains cas représenter une échelle intermédiaire appropriée pour l’analyse des apports
et des effets d’un grand fleuve, mais leur définition réelle reste floue dans bien des
régions du monde (Cf. la liste des régions GIWA en Annexe 1).
4.4. La participation du public
La participation du public permet d’identifier les besoins et les préoccupations de tous
les usages de l’eau et d’engager un processus d’appropriation du contenu même de la
planification. Si tout le monde est aujourd’hui d’accord sur ce principe (et effectivement
tous les projets le mettent en avant), encore faudrait-il considérer ses différents degrés
de mise en œuvre concrète (Donaldson in Burton, 2001) :
-
l’éducation : très peu de liens existent entre les programmes d’éducation et la mise
en œuvre des projets à caractère très transversal comme la gestion intégrée des
bassins fluviaux et des zones côtières ;
-
l’information : l’information est en général fragmentaire ; elle porte sur des enjeux
particuliers comme la conservation de l’eau et la protection des habitats ; elle est la
plupart du temps développée et diffusée sans aucune intervention du public sur le
contenu et la décision de produire le document ;
-
la rétroaction du public sur l’information : la décision est prise mais le document
(la décision ou le plan d’action) est soumis au public pour commentaires ; c’est en
général lorsque des experts ou des élus ont discuté et adopté une politique qu’ils
veulent obtenir la réaction du public sur leur décision ; il peut ou non y avoir
engagement formel du promoteur à tenir compte des commentaires reçus ;
________________________________________________ 55 _________________________________________________
-
la consultation publique : il s’agit de la procédure (légale ou non) d’étude d’impact
environnemental où la consultation du public est exigée ; mais, il convient de
rappeler qu’en général, le public n’est informé de la proposition que bien après les
étapes de définition et de conceptualisation ; le processus est réactif et conflictuel
par nature, puisque le public est appelé à réagir à la proposition dans un mode où
souvent seule la critique est possible ; pour pallier ce défaut majeur, on peut avoir
recours à des comités consultatifs publics, ce qui ne garantit toujours pas que le
public puisse partager la responsabilité ou la propriété du projet puisque le besoin a
été établi sans lui et que la mise en œuvre pourra se faire sans son implication ;
-
la planification conjointe, reconnaît le droit des parties intéressées d’être à la table
de prise de décision ; on est dans le cas de la démarche de gestion intégrée, où le
processus démarre dès le début de l’étape de définition du besoin et de conception
du projet ; le groupe devient le promoteur et le champion du projet, ce qui le
responsabilise et lui donne un sentiment d’appropriation ;
La participation du public comme moyen de développement de la collectivité est
associée de près à la décentralisation et au développement des collectivités territoriales
pour la gestion des biens communs (l’eau, le domaine public maritime). Le but est
d’accroître les capacités de ces collectivités afin qu’elles puissent s’impliquer
significativement dans la gestion et la prise de décision. La démocratie représentative
s’appuie de plus en plus sur des formes de démocratie participative dans laquelle les
individus en tant que citoyens et partie prenante d’un territoire, s’impliquent ou
demandent à s’impliquer davantage dans les processus de prise de décision. Ainsi,
l’article 14 de la Directive Cadre Européenne sur l’Eau impose une participation active
du public allant bien au-delà de l’information du public pratiquée dans le cadre de la loi
sur l’eau française de 1992.
________________________________________________ 56 _________________________________________________
5. DEFINITION DES CRITERES D’EVALUATION
Sur la base du développement qui précède, il s’agit de construire un système simple de
critères d’évaluation des projets qui à la fois doit correspondre aux critères d’éligibilité du
FFEM et permettre l’élargissement du champ d’intervention de sa thématique Eaux
internationales dans une démarche d’apprentissage de la synergie entre développement
local et environnement mondial.
Rappelons les principaux critères d’éligibilité des projets soumis au FFEM : le projet doit
contribuer au développement du pays ou de la région, il doit comporter un enjeu
d’environnement mondial, être novateur par rapport aux approches classiques, et être
susceptible de reproductibilité. Dans le cas de la gestion intégrée des bassins fluviaux et
des zones côtières pour la protection des eaux internationales (type de projet à très forte
multi-fonctionnalité), le critère de reproductibilité5 paraît particulièrement fondamental
puisque c’est lui qui va permettre d’apprécier la capacité du projet à mettre en œuvre
des pratiques de gestion intégrée (connaissance, partenariat, participation) qui soit
transposables à d’autres unités géographiques et ainsi, de proche en proche, créer les
conditions d’une gestion cohérente des grands ensembles régionaux.
Le point de départ doit être les thématiques proposées comme prioritaires pour le
FFEM, sous son volet « Eaux internationales », à savoir (cf. chapitre 4.1) :
-
la gestion des altérations physiques et biologiques des habitats et des
écosystèmes ;
-
la gestion des apports, en particulier les changements de débits et de régimes
(déplacement de la salinité, creusement, comblement), les rejets d’eaux usées
(domestiques et industrielles) et les surcharges en nutriments ;
-
la gestion de la mobilisation des sédiments.
En terme d’impacts, les enjeux principaux sont :
la qualité des écosystèmes et des ressources naturelles (renouvelables et non
renouvelables),
la durabilité du développement économique et social,
la santé publique et, dans une moindre mesure, la sécurité alimentaire.
Selon le Conseil scientifique et technique du FFEM, la reproductibilité « signifie que le projet doit être l’initiateur de
nouvelles pratiques et que son objectif est par conséquent de tester sur tous les plans, de la technique à l’économie et à
l’acceptabilité sociale, les conditions dans lesquelles il pourra être généralisé et pris en charge normalement par le
marché ».
5
________________________________________________ 57 _________________________________________________
En référence à ces thèmes et enjeux prioritaires, on peut alors tenter de définir plus
avant les conditions qu’un projet doit réunir pour garantir ses capacités de
reproductibilité. Nous proposons ainsi cinq types génériques de capacité que nous
appellerons les « piliers » de reproductibilité d’un projet :
•
Pilier 1
•
Pilier 2
•
Pilier 3 – la capacité de créer les conditions juridiques et institutionnelles ainsi que
•
Pilier 4 – la capacité de fourniture de services, d’infrastructures et de produits pour
•
Pilier 5 – la capacité de prendre en compte l’existant et de susciter les conditions
– la capacité d’apprentissage par l’éducation, la formation, la prise de
conscience des enjeux, et le partage des résultats entre les acteurs du
développement socio-économique et de la protection environnementale sur un
territoire intégrant bassin versant et zone côtière.
– la capacité de décrire et de mesurer les mécanismes qui régissent les
fonctions naturelles des écosystèmes terrestres et côtiers et les interactions entre
milieux et activités humaines, et de disséminer les connaissances vers les utilisateurs
(décideurs et usagers).
les partenariats nécessaires à la gestion durable d’un système complexe (au-delà de
la durée du projet).
un développement équilibré entre zone côtière et bassin versant, aux niveaux local et
national.
politiques, juridiques et institutionnelles favorables aux emboîtements d’échelle dans
le cadre des arrangements nationaux et internationaux existants.
Le développement des capacités repose sur l’identification des besoins en matière
d’éducation, d’information, de technologies, de méthodologies, de cadres institutionnels,
de services et d’intégration politique, et les moyens mobilisés pour y répondre. Les
processus qui sous-tendent la formation de ces capacités étant complexes, il convient
d’en simplifier l’évaluation selon un certain nombre d’objectifs (indicateurs) propres à
chacun des piliers :
•
Pilier 1
- L’objectif est ici la mise en œuvre des processus d’apprentissage pour
renforcer les capacités humaines, en s’assurant que les principaux acteurs pourraient
acquérir et partager un niveau de connaissance et de technicité suffisant pour
permettre le développement des quatre autres piliers, plus particulièrement :
- l’information et la participation croisées des différents groupes d’intérêt dans le
processus de construction des chaînes de cause à effet sur une ou plusieurs des
thématiques prioritaires (altérations physiques des écosystèmes, eaux usées,
nutriments, mobilisation des sédiments) ;
- l’existence, la qualité et les domaines d’éducation nécessaire au soutien à moyen
et long terme des processus de gestion correspondants ;
________________________________________________ 58 _________________________________________________
- le développement de la formation technique en fonction des forces et des
faiblesses de l’existant ;
- le développement de la formation des gestionnaires et des opérateurs locaux ;
- le partage de l’information entre les communautés ou groupes d’intérêt, plus
particulièrement entre les deux systèmes zone côtière et bassin versant, et avec
les autres zones jouxtant ou extérieures à celle couverte par le projet.
•
Pilier 2
- L’objectif ici n’est pas d’avoir une approche tout azimut, mais de
développer les connaissances strictement nécessaires à la résolution des problèmes
prioritaires sur un espace aux interactions particulièrement complexes (bassin
versant-zone
côtière).
Il
s’agit
de
s’appuyer
sur
un
« collectif »
(scientifiques/gestionnaires) qui ait une vision d’ensemble des différents territoires qui
compose cet espace complexe, notamment à travers :
- la promotion de la recherche interdisciplinaire (sciences de la nature et
sciences sociales) et des activités de surveillance pour la connaissance et le suivi
des dynamiques propres aux écosystèmes terrestres et côtiers, des impacts des
activités humaines qu’ils subissent, et des réponses pour remédier à ces impacts
(ex : mise en correspondance qualité rivières – eaux côtières, intégration des
expertises hydrologie-océanographie côtière-géographie humaine) ;
- la production de l’information nécessaire et utile par rapport aux thématiques
prioritaires, son accessibilité, sa qualité et sa normalisation pour qu’elle puisse être
comparée et regroupée au sein d’entités géographiques plus larges, sur des
problèmes communs ;
- la dissémination de l’information, de manière à ce que les acteurs (décideurs,
gestionnaires, usagers) des deux systèmes, zone côtière et bassin versant, aient
le même niveau d’information par rapport à des espaces qui peuvent se situer en
amont ou en aval du territoire où ils se trouvent, et rapprochent ainsi
progressivement leurs représentations respectives du système bassin versantzone côtière ;
- les outils et les technologies au service de la collecte, du traitement et de
l’utilisation des données pour l’identification des priorités (scénarios) d’actions et
de prise de décision, et leur compatibilité avec les autres systèmes existants.
•
Pilier 3 – L’objectif est d’évaluer la capacité locale et nationale de mettre en place
des politiques, des dispositifs juridiques et des mécanismes institutionnels
performants, incluant la participation des acteurs et la négociation des partenariats,
notamment :
- la compatibilité des dispositifs juridiques régissant les cativités sur le bassin
versant et dans la zone côtière ;
________________________________________________ 59 _________________________________________________
- l’aptitude et l’efficacité des cadres institutionnels locaux, provinciaux (régionaux)
dans l’élaboration des politiques, la négociation des accords et la mise en œuvre
des plans d’action, ainsi que la coordination possible entre les cadres
institutionnels propres au bassin versant et à la zone côtière (problème de
continuité avec la gestion du domaine public maritime) ;
- les formes de la participation (outils, approches) permettant aux acteurs de
s’engager dans le processus de planification et de prise de décision ;
- la place faite aux instruments économiques en terme d’identification des
besoins, de leur utilisation et de leur rôle d’incitation ;
- les formes de partenariat envisagées et leur efficacité entre les différents groupes
d’intérêt, particulièrement pour les activités amont qui ont un impact sur les
activités aval (ex : forestiers-agriculteurs-pêcheurs-aquaculteurs).
•
Pilier 4 - Large regroupement qui peut concerner les infrastructures pour la collecte
des eaux usées, leur traitement, la fourniture d’eau d’irrigation, d’eau potable, les
réservoirs ou encore tous les services afférant à l’usage des ressources
renouvelables. Ces aménagements pour le développement supposent l’existence de
programmes d’investissement et pose la question de la pérennisation des
financements, qu’il s’agisse :
- du secteur public, aux niveaux local, régional et national, ce qui est disponible et
les besoins identifiés ;
- du secteur privé, les produits et services disponibles et les potentialités de
développement selon les stratégies à l’œuvre ;
- de manière générale, les programmes d’investissements, qui devraient être
moteurs pour des partenariats public-privé mis en œuvre de manière coordonnée
et sur des objectifs complémentaires entre l’amont et l’aval ;
- les mécanismes de financement locaux et régionaux qui vont permettre
d’assurer la pérennité des infrastructures et des services mis en place, ainsi que
de leur bon fonctionnement.
•
Pilier 5
- L’objectif est ici, à partir de la connaissance du contexte politique,
juridique et institutionnel existant, de contribuer à travers le projet à créer les
conditions de mise en compatibilité des dispositifs propres à chacun des territoires,
non seulement dans la zone couverte par le projet mais au-delà, pour étendre
l’impact des résultats à des ensembles plus vastes, et ainsi pouvoir aborder les
thématiques prioritaires de manière régionale puis globale, plus particulièrement :
- pour ce qui est du bassin versant et des arrangements nationaux et
internationaux dont il relève effectivement ou pourrait relever, en tant que
composante d’une grande unité régionale (bassin national ou international dans le
cas des grands fleuves) ;
________________________________________________ 60 _________________________________________________
- pour ce qui est du milieu récepteur ou zone côtière correspondante, et des
arrangements nationaux et internationaux dont elle relève effectivement ou
pourrait relever, en tant que partie d’une mer régionale ;
- en envisageant la mise en cohérence des deux systèmes politique-juridiqueinstitutionnel (bassin versant / zone côtière) sur la base de thématiques prioritaires
du FFEM (altérations physiques des écosystèmes, eaux usées, nutriments,
mobilisation des sédiments).
Les cinq piliers sont ainsi constitués d’un certain nombre d’objectifs se rapportant aux
quatre thématiques prioritaires du FFEM telles que mentionnées plus haut. Ces objectifs
sont aisément transposables en indicateurs utiles à une sélection de départ mais
également pour le suivi même et l’évaluation des projets. Sur cette base, il serait
demandé aux promoteurs du projet, au cours des principales étapes de développement
de ce dernier, d’examiner dans quelle mesure le projet a permis de développer les
capacités en terme :
-
de niveau d’information, d’appropriation et d’engagement des citoyens pour une
gestion durable des ressources du bassin versant jusqu’aux milieux côtiers ;
-
de ressources humaines effectivement disponibles, par l’éducation et la formation
aux principes et aux pratiques d’une gestion intégrée pour le développement durable
;
-
de ressources financières nécessaires au développement des actions et des
opérations d’investissement ;
-
d’engagement durable du système politique, juridique et institutionnel vers le
développement durable et concerté des territoires ;
-
d’engagement des institutions internationales pour le développement des cadres de
coopération nécessaires entre les pays et dans le respect des conventions
internationales.
Cette approche a aussi l’intérêt de permettre l’analyse comparée des projets selon la
grille récapitulative qui suit .
________________________________________________ 61 _________________________________________________
Tableau 3 : Les cinq piliers de reproductibilité d’un
projet intégrant bassin versant et zone côtière.
THEMATIQUES PRIORITAIRES
Altérations physiques et biologiques - Apports -Mobilisation des sédiments
Pilier 1
Pilier 2
Pilier 3
Pilier 4
Pilier 5
Processus
d’apprentissage
Développement
et
dissémination
des
connaissances
Adaptation aux
cadres
politique,
juridique et
institutionnel
Développement
des
infrastructures et
des services
Extension par
emboîtement
d’échelles
Information
Recherche
interdisciplinaire
Dispositifs
juridiques
Secteur public
Bassin versant
Surveillance
Cadres
institutionnels
Secteur privé
Zone côtière
Programmes
d’investissements
Mise en cohérence
Education
Formation
technique
Formation
gestionnaires
Partage de
l’information
Communication
Production de
l’information
Participation
Dissémination de Instruments
l’information et
économiques
représentation
Partenariat
Outils et
technologies
Mécanismes de
financement
Ces critères d’évaluation ne doivent pas être considérés de manière absolue mais
relativement à la ou les problématiques prioritaires du projet, qui doivent elles-mêmes
relever des thématiques prioritaires du FFEM. Il est proposé d’attribuer une valeur à
chacun des indicateurs du tableau 3 (sous chacun des piliers) sur la base d’une notation
ternaire (1 à 3 ; faible, moyen, fort) qui permette ensuite de pondérer les moyennes.
Bien évidemment, l’application des critères d’évaluation sur un projet qui n’a pas encore
démarré portera essentiellement sur les potentialités estimées de mise en œuvre de la
construction des cinq piliers de sa reproductibilité. Ces potentialités peuvent être
estimées d’après la présentation du contexte, des objectifs et des activités qui sont
décrits dans la fiche d’identification du projet.
L’estimation peut être complétée par un certain nombre de questions adressées aux
auteurs du projet, sur la base des indicateurs proposés sous chacun des piliers. Ce sont
en effet ces indicateurs, adaptés au contexte du projet (leur liste n’a pas la prétention
d’être exhaustive), qui permettront de donner une valeur indicielle à chacun des piliers
de reproductibilité du projet, plus particulièrement à l’issue de la phase de préparation
du projet.
________________________________________________ 62 _________________________________________________
6. EXEMPLE D’APPLICATION
L’exemple d’application qui suit porte sur un projet soumis au Comité de Pilotage du
FFEM du 26 mars 2004 et qui a ete retenu depuis : Gestion des écosystèmes fluviolacustres du Rio Magdalena, Colombie
RECAPITULATIF*
Thématique principale : Lutte contre l’érosion
et atténuation de ses impacts
Pilier 1
Education/Formation
Information
Education
Formation technique
Formation gestion
Partage information
TOTAL
2
2,2
1
3
2
1,4
Pilier 2
Connaissance
Interdisciplinarité
Production/Info.
Outils et
Technologie
2,4
Pilier 3
Gouvernance
2
Cadre institution2,2 nel
2
Participation
1,3
3
Instruments
réglementaires
et économiques 1
Partenariat
3
Pilier 4
Services
Secteur
public
Secteur
privé
1,9
Pilier 5
Coordination
Bassin/Mer
3
3
Bassins
versants
Zone
côtière
Mise en cohérence
3
3
1
2
2
* Le détail de la démarche est donné plus loin (Valeur minimale : 0 – Valeur maximale : 3)
Commentaires généraux :
o
La thématique centrale fait partie des thématiques
internationales » du FFEM (cf. page 33 de ce document).
prioritaires
« Eaux
o
La moyenne des indices (score 2,3) va dans le sens d’un projet pertinent dans le
cadre de la problématique du FFEM sur Gestion intégrée des bassins versants et
des zones côtières, en termes d’identification préliminaire du contexte, de
caractérisation de la problématique choisie (érosion et ses effets), d’identification du
cadre territorial, et de définition des objectifs.
o
L’analyse doit porter sur l’ensemble du projet qui est supposé former un ensemble
cohérent, et non pas sur chacun de ses objectifs et de ses composantes.
o
Les piliers portant la Gouvernance (score 1,9), la coordination inter bassins versants
et mer côtière (score 2), et l’ Education et la formation (score 2) sont les plus faibles.
________________________________________________ 63 _________________________________________________
o
Le projet a de solides appuis en termes de production des connaissances (score 2,4)
et de coordination avec les agences publiques et privées productrices de services
(score 3).
Gouvernance :
o
On note un écart qui pourrait être significatif entre le libellé de l’Objectif 2 qui parle
de « Stratégie » (au sens d’une ensemble cohérent de politiques, d’instruments et
d’acteurs) et la Composante 2 qui ne parle plus que d’ « outils et de méthodes » de
gestion de BV.
o
Il conviendra particulièrement de porter l’attention sur les capacités et les conditions
d’amélioration de la gouvernance pour garantir la pérennité. Par exemple, dans la
brève description des institutions, il n’est strictement rien dit à propos des CARs, les
Corporations Autonomes Régionales qui ont pour mandat de mettre en œuvre la
politique du Ministère de l’Environnement. Plus inquiétant, il est dit en dessous des
Risques et Conditionnalités (page 32) que les « CARs pourront connaître des
fortunes diverses ».
o
La participation n’est pas garantie si le Comité du pilotage du projet n’a aucune
représentation locale en son sein. Les CARs ne devraient-ils pas en faire partie ?
o
Malgré la présence et le rôle de CORMAGDALENA, il manque un comité technique
dans le montage institutionnel qui permettrait de faire la coordination technique entre
organisations intervenantes et de faire participer les groupes d’acteurs concernés.
Ce ou ces groupes techniques pourraient être sous la coordination des CARs
puisqu’il est dit qu’ils assureront la maîtrise d’œuvre.
o
Les conditions de la participation (score 1,3) ne semblent pas réunis ou tout du
moins ne sont pas exposées clairement, qu’il s’agisse de l’identification des groupes
d’intérêt, de la connaissance de leurs comportements, ou de leur information.
o
Pratiquement aucune mention n’est faite des instruments réglementaires et
économiques (score 1). Si l’on compte se reposer sur la garantie de fonctionnement
que semble représenter CORMAGDALENA, il conviendrait de faire une analyse
plus approfondie des forces et faiblesses de l’institution.
Coordination inter bassins versants et mer côtière :
o
Si la coordination inter bassins versants semblent assurer grâce à la participation
des institutions clé et la mise en œuvre des mécanismes institutionnels existants, il
n’en va pas de même avec la mer côtière bien qu’il soit fait rapidement mention de la
Convention de Carthagène.
o
La mise en cohérence de la gestion Bassin versant / Mer côtière nécessite de mieux
identifier les institutions nationales en charge du suivi de la Convention de
Carthagène et la coordination existante ou non avec le Schéma Directeur
d’aménagement du bassin.
________________________________________________ 64 _________________________________________________
Education et Formation :
o
La faiblesse apparente des conditions de la participation (cf. Pilier Gouvernance) se
reflète dans l’imprécision du système d’information et la faiblesse du partage de
l’information qui s’en suit, le dispositif décrit très succinctement sous la Conclusion
du diagnostic (page 18 : « brochure et séminaire spécifique ») ne paraissant pas à la
hauteur des ambitions dans ce domaine.
o
Bien que la formation apparaissent tout du long du calendrier prévisionnel du projet,
aucune précision n’est donnée sur sa nature et sur les groupes bénéficiaires.
Connaissances :
o
Les outils et les méthodes de diagnostic sont présentés de manière clairs, prennent
en compte l’existant et mettent en jeu les organisations clé dans le domaine.
o
A la critique du Comité Scientifique et Technique du FFEM sur l’ambition de la
modélisation, les auteurs répondent clairement sur les objectifs limités d’une telle
modélisation.
o
La description de l’intégration des résultats dans un système d’information qui soit
ensuite communicable aux décideurs et acteurs est par contre quasiment absente.
o
Enfin, l’interdisciplinarité a un score relativement faible du fait de la quasi absence
des outils et techniques de l’observation sociale pour la promotion de la participation
(Pilier Gouvernance).
Services :
o
La capacité de fourniture de services, d’infrastructures et de produits pour le
développement local et national semble assurer du fait de la participation
d’institutions publiques dotées financièrement (CORMAGDALENA) et chargées de
travaux importants (aménagement du canal du Dique) avec l’aide de partenaires
privés qualifiés (Ex : Compagnie Nationale du Rhône).
________________________________________________ 65 _________________________________________________
7. REFERENCES
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-
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durable appliques aux actions de cooperation et de solidarite
internationale. Haut Conseil de la Cooperation Internationale, Janvier 2005.
GIWA,
the
Global
International
________________________________________________ 67 _________________________________________________
8. ANNEXES
Annexe 1 :
Les régions géographiques du GIWA
Annexe 2 :
Classification des littoraux
Annexe 3 :
Représentation
schématique
du
cycle
évolutif des écosystèmes et de leurs quatre
fonctions de contrôle (d’après Gunderson et
Holling, 2002).
Annexe 4 :
Cadre général de l‘analyse DPSIR (Forces
motrices-Pression-Etat-Effet-Réponse).
D‘après le schéma des indicateurs environnementaux de l’OCDE (PNUE/PAM, 2001)
________________________________________________ 68 _________________________________________________
Annexe 1 : Les régions géographiques du GIWA
MEGA
REGION
(I)ARCTIQUE
1.Arctique
(II)
ATLANTIQUE
NORD
2. Golfe de Mexico LME ∗
3. Mer Caraïbes LME
4. Iles Caraïbes
5. Plateau Sud-Est LME
6. Plateau Nord-Est LME
7. Plateau Ecossais LME
8. Golfe du St. Laurent
9. Plateau Terre Neuve LME
10. Baie de Baffin, Mer du
Labrador, Archipel canadien
11. Mer de Barents LME
12. Mer de Norvège LME
13. Plateau des Féroé
14. Plateau islandais LME
15. Plateau du Groenland
oriental LME
16. Plateau du Groenland
occidental LME
17. Baltique LME
18. Mer du Nord LME
19. Biscay Celtique LME
20. Ibérique LME
21. Mer Méditerranée LME
22. Mer Noire LME
23. Mer Caspienne
24. Mer d’Aral
(III)
PACIFIQUE
NORD
∗
SOUS-REGION
25. Golfe d’Alaska LME
26. Courant Californien LME
27. Golfe de Californie LME
28. Mer de Bering Ouest LME
29. Mer de Bering Est LME
30. Mer d’Okhotsk LME
31. Courant Oyashio LME
32. Courant Kuroshio LME
33. Mer du Japon LME
34. Mer Jaune LME
35. Mer de Bohai
36. Mer de Chine Est LME
37. Archipel Hawaïen LME
MEGA
REGION
SOUS REGION
(IV)
AMERIQUE
DU SUD EST
38. Plateau de Patagonie LME
39. Courant du Brésil LME
40. Plateau Brésil Nord-Est LME
40a. Brésil Nord-Est
40b. Amazone
(V) AFRIQUE
41. Courant des Canaries LME
42. Golfe de Guinée LME
43. Lac Tchad
44. Courant du Benguela LME
45. Courant Agulhas LME
46. Courant côtier des Somalies
LME
47. Lacs de la vallée du Rift,
Afrique de l’Est
48. Golfe d’Aden
49. Mer Rouge LME
50. Golfe Persique
51. Jourdain (système fluvial
fermé)
52. Mer d’Arabie LME
53. Baie du Bengal
(VI) OCEAN
INDIEN
54. Mer de Chine du Sud LME
55. Fleuve Mekong
56. Mer des Sulu-Célèbes LME
57. Mers indonésiennes LME
58. Plateau Nord Australien LME
(VII) SUD-EST 59. Bassin Mer de Corail
ASIE &
60. Grande Barrière de Corail
PACIFIQUE
LME
SUD
(VIII)
PACIFIQUE
SUD-OUEST
61. Great Australian Bight
62. Petits Etats insulaires
63. Plateau Néozélandais
64. Courant Humboldt LME
65. Pacifique équatorial Est
66. Antarctique LME
(IX)
ANTARCTIQ
UE
Large Marine Ecosystem
________________________________________________ 69 _________________________________________________
Annexe 2 : Classification des littoraux
La résistance géologique, les régimes de précipitations et de vent expliquent en
grande partie la genèse du littoral. A court terme, ces paramètres peuvent être
considérés comme étant stables et les formations littorales peuvent être décrites
principalement par les processus géomorpho-dynamiques. Sur des périodes plus
longues, les processus écologiques et biologiques prennent de l’importance,
aboutissant par exemple à la formation de zones humides et de mangroves. En
milieu tropical, un processus biologique tel que la formation de récifs coralliens
est directement à l’origine de la formation des plages.
Il convient de mentionner enfin tous les ouvrages de protection du littoral, tels
que digues, revêtements, brise-lames et digues d’estuaire ou marines, qui en
certains endroits, ont complètement modifié la forme des littoraux.
Sur cette base, on propose la classification suivante :
1. Côtes à processus géomorphologiques dominants
Côtes rocheuses
Falaises
Plages de galet
Plages de sable
Laisses de vase
2. Côtes à processus géomorphologiques et biologiques conjoints
Dunes
Marais salants
Mangroves
Zones humides et lagunaires
Herbiers marins
3. Côte à processus biologique dominant
Formation de récifs coralliens
4. Côte à influence humaine dominante
Digues, revêtements
Brise-lames
Digues d’estuaire ou marine, etc.
________________________________________________ 70 _________________________________________________
Annexe 3 :
Représentation schématique du cycle évolutif des
écosystèmes et de leurs quatre fonctions de
contrôle (d’après Gunderson et Holling, 2002).
On a longtemps considéré que les phases successives d’un écosystème étaient
contrôlées par deux fonctions : l’exploitation, pendant laquelle il y a une rapide réaction
ou recolonisation d’une zone récemment impactée, et la conservation, pendant laquelle
il y a lente accumulation et stockage d’énergie et de matériaux. En écologie, les espèces
en phase d’exploitation sont qualifiées de stratèges r, et celles en phase de
conservation, de stratèges K, où r représente le taux de croissance instantané d’une
population et K, le niveau maximal atteint par une population. Les espèces de type r
sont caractérisées par une propension à la dispersion extensive et une croissance
rapide dans un milieu de forte compétition (que le meilleur gagne), alors que les
espèces de type K tendent à avoir des taux de croissance plus lents et se développent
dans un milieu plus compartimenté. Pour un économiste ou un théoricien de
l’organisation, on retrouve ces fonctions dans le marché productif pour la phase
d’exploitation, et dans la hiérarchie bureaucratique pour la phase de conservation.
Mais une approche écologique plus approfondie montre qu’il manque deux autres
fonctions au système : celle de la libération (release) ou de la « destruction créatrice »,
selon les termes d’un économiste des années 50 (Schumpeter). Dans cette phase Ω,
l’accumulation de plus en plus compactée de la biomasse et des nutriments devient de
plus en plus explosive jusqu’à qu’elle soit soudainement libérée par des phénomènes
tels que les feux de forêt, les sécheresses, les invasions d’insectes ou un intense
broutage.
L’autre fonction (phase α) est celle de la réorganisation, dans laquelle le sol minimise les
pertes de nutriments et les réorganise pour qu’ils redeviennent disponibles pour la
phase suivante d’exploitation. Une partie de cette réorganisation comprend l’apparition
et l’expansion transitoires d’organismes opportunistes, les organismes pionniers. Ils sont
le fruit de la croissance de végétaux qui ont depuis disparus, de semences stockées
quelque part par le passé, et proviennent également de la dispersion de propagules
endémiques et exotiques.
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La phase de réorganisation est comparable à ce qui se passe dans l’industrie, lorsque
celle-ci innove et se restructure ou dans la société, lorsque sont mis en marche des
processus politiques et économiques en réponse à une phase de récession ou à une
transformation sociale.
Si la phase omega représente la fin, elle est immédiatement suivie de la phase alpha, le
commencement – une progression au moins aussi intéressante philosophiquement
qu’écologiquement !
Le cycle évolutif pris dans sa forme générale est une métaphore applicable à un certain
nombre de systèmes, bien qu’il doive être considéré comme indicatif, indiquant plutôt
des tendances avec un certain degré de prédiction aux différentes étapes. Les différents
acteurs et espèces, pionniers, passeurs, chefs, révolutionnaires et leaders, peuvent en
fait être présents tout au long du cycle, mais leur rôle et leur importance changent alors
que leur action agit sur le cycle.
Les quatre phases du cycle peuvent se superposer mais la séparation la plus nette aura
lieu entre les phases K (conservation) et Ω (libération), c’est-à-dire le glissement qui
s’opère lorsqu’une région stable s’écroule ou lorsqu’une perturbation déplace les
variables en un autre lieu plus stable. Cependant, même les séquences les plus
prévisibles, de la phase r à la phase K, peuvent être modifiées par des évènements
épisodiques ou extrêmes.
Quelques exemples d’application des quatre phases
du cycle évolutif (adaptatif) de Gunderson et Holling (2002)
SYSTEME
PHASES DU CYCLE EVOLUTIF (ADAPTATIF)
RÉFÉRENCE
r
K
Ω
exploitation
conservation
libération
Economie
marché,
entreprise
monopole,
hiérarchie
destruction
créatrice
Organisations
adhésion
bureaucratie
routine
catalyseurs
hérétiques
visionnaires
Westley 1995
Institutions
marché
d’objectifs
hiérarchies
sectarisme
isolement
Thompson 1983
Individus
sensations
réflexion
intuition
sentiment
Jung, dans Mann
et al. 1976
Ecosystèmes
α
réorganisatio
Holling 1986
n
invention
Schumpeter 1950
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Les auteurs de cette approche théorique perçoivent deux grands cadres d‘intégration: la
première consiste à intégrer les dynamiques de changement dans l‘espace, du local au
global en passant par le régional, et dans le temps, des mois au millénaire. On peut citer
comme exemple les impacts du changement climatique sur les écosystèmes régionaux
et sur la santé des populations locales ou la mondialisation économique sur l’emploi
régional et l’environnement ou encore l’apparition de nouvelles maladies comme le
SIDA, et leur propagation mondiale. Là encore, l’économiste dira que les systèmes
sociaux, économiques et écologiques sont de plus en plus conduits par les externalités,
que ce soit aux niveaux local ou régional. L‘écologiste dira, lui, que ces systèmes sont
de plus en plus couplés entre eux, si bien que les processus rapides et lents, locaux et
distants, ne peuvent être traités séparément.
Pour étudier ces phénomènes intimement couplés dans le temps et dans l‘espace, il n‘y
a pas d‘autre voie que l‘interdisciplinarité.
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Annexe 4 :
Cadre général de l‘analyse DPSIR (Forces motricesPression-Etat-Effet-Réponse). D‘après le schéma
des indicateurs environnementaux de l’OCDE.
(PNUE/PAM, 2001)
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Rédacteur : Yves Henocque, IFREMER
Comité de validation scientifique et
technique :
Patrick Le Goulven, IRD
Pierre Chevallier, IRD
Marcel Kuper, CIRAD
André Monaco, CNRS
Thierry Pointet, BRGM
Thierry Rieu, CEMAGREF
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