PaulBenichou,MoralesduGrandSiècle DanscetessaiPaulBenichouexposetroismoralesquis’affrontentaucoursduXVIIesiecle. LamoralehéroïqueetaristocratiquequepeutillustrerCorneille,lamoralereligieuseet jansénistedeB.PascaloudeRacineetlamoralemondainemiseenscèneparMolière. «LesJansénistespensaientquelesalutdel’hommedepuislepéchéd’Adametlachute ne peut résulter que d’une faveur gratuite de Dieu et non de l’effort humain, aussi incapable d’obtenir par lui-même la grâce que d’y résister; penser autrement c’était mettrel’hommeauniveaudeDieuetrendreinutileslavenueetlessouffranceduChrist, en attribuant à la créature le pouvoir de se sauver seule. En morale les Jansénistes étaientpartisansdelathèselaplusrigoureuse;qu’ils’agitdelavieindividuelleoude l’organisationdel’Eglise,ilss’enprenaientaurelâchementdesmœursetàlacorruption des principes du christianisme. Ils se heurtaient dans ce double domaine de la théologie et de la morale à la société de Jésus, promotrice d’une religion et d’une moraleplusaccommodantes,inspiréesdesvuesduthéologienMolinaetdescasuistes. La royauté et le haut clergé dans son ensemble persécutèrent presque sans arrêt le JansénismeetLouisXIVfinitparfaireraserlecouventdePortRoyalen1710(…) Jansénius estime après Saint Augustin que le péché originel ayant radicalement corrompu la nature de l’homme il n’a lus en lui-même, dans ses seules forces, le moyen d’avancer si peut que ce soit vers son salut. Il faut donc que la grâce soit absolument indépendante de nos mérites ou démérites naturels qu’elle soit absolumentgratuiteetirrésistible. D’une affirmation semblable, on imagine sans peine quels débats peuvent naitre: à quoisertlelibrearbitredel’hommesitoutdépendduchoixdeDieu?Quedevientla justicedeDieus’ilnechoisipassuivantlesmérites?Questionsauxquellesonpeuten opposerd’autres,quesoulèveraitladoctrinecontraire:oùestlasouverainetédeDieu si,notrechoixétantlibrelesiencessedel’être?Oùestnotrecorruptionsilesalutest depleinpiedaveclesméritesdenotrenature?[…]Cequis’affrontedansladiscussion cesontdeuxfaçondejugerl’homme[…]Ladoctrinedelagraceefficacereposesurune représentationparticulièrementsombredupéchéorigineletdelasuitequil’asuivi. Maisuneidéeaussientièredelachuten’estenfait,quelamiseenœuvrethéologique d’un parti pris de défiance et sévérité envers l’homme tel qu’il est sous nos yeux, envres sa nature et ses impulsions. La doctrine de la grace efficace est liée à une certaine attitude accusatrice à l’égard de l’humanité, et elle en est l’achèvement spéculatifetmétaphysiqueplutôtquelasource.» pp102-105FolioGallimard,1948