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Le développement long et prolongé du lobe frontal et des FE ne doit pas occulter leur émergence
précoce et leur rôle essentiel dès le début de la vie. La performance au paradigme A-non-B (Piaget,
1936) est souvent considérée comme un des premiers signes de l’émergence des FE chez le
nourrisson. L’erreur A non B est caractérisée par le fait que l’enfant retourne chercher un objet dans
une cachette antérieure alors qu’il n’y est plus. Pour ne plus commettre cette erreur, il lui faut
maintenir à l’esprit l’endroit où la récompense vient d’être cachée, et inhiber une réponse
précédemment renforcée. L’émergence de ces aptitudes et leur maîtrise, à travers la réussite à cette
tâche chez le tout-petit (entre 6 et 12 mois) a fait l’objet de corrélations anatomofonctionnelles avec
la maturation précoce du cortex préfrontal dorsolatéral, en particulier sur la base d’études
lésionnelles chez le macaque et d’études électrophysiologiques chez le nourrisson (Diamond, 2004).
Plusieurs études empiriques, conduites à la fin des années 1980 auprès de cohortes d’enfants
d’âge préscolaire et scolaire à partir de tâches « frontales » dérivées de l’adulte, ont confirmé le
caractère actif et prolongé des processus exécutifs tout au long de l’enfance et de l’adolescence (par
exemple, Levin et al., 1991 ; Welsh, Pennington & Groisser, 1991). La multiplication des travaux ces
15 dernières années a aussi permis l’émergence de modèles théoriques basés sur les analyses
factorielles, rejoignant la dynamique enclenchée chez l’adulte et la conception plurielle des FE. La
nature et le nombre de facteurs, à l’instar des calendriers développementaux, varient
considérablement (voir Lee, Bull & Ho, 2013). La conceptualisation des FE a néanmoins
progressivement pris forme autour de l’inhibition et de la mémoire de travail, recoupant les
propositions néo-piagétiennes ou le modèle interactif de Roberts et Pennington (1996), tout en les
élargissant à d’autres processus comme la flexibilité et la planification. Les données issues de ces
études suggèrent que les FE sont indifférenciées jusqu’à la fin de la période préscolaire (prévalence
des modèles unitaires jusqu’à 5 ans), après quoi émergent différents facteurs de plus en plus
spécialisés et indépendants. L’inhibition et la mémoire de travail seraient les premiers à se
différencier, à partir de 6-7 ans, avant que la flexibilité, longtemps tributaire de l’inhibition, ne se
dissocie à son tour (cette individualisation ne serait consolidée qu’en fin d’adolescence : Lee et al.,
2013). La place de la vitesse de traitement fait débat, certains auteurs l’identifiant comme un facteur
indépendant, alors que pour d’autres elle sous-tendrait la variance partagée entre les FE (par
exemple, Lee et al., 2013).
Deux modèles intégratifs et hiérarchisés spécifiques à la structure et au développement des FE
ont récemment été proposés (Dennis, 2006 ; Diamond, 2013). Dotés d’une vision plus large et
interactive des concepts liés aux FE, leur conceptualisation modulaire est imprégnée de l’approche
factorielle et découle des conceptions néo-piagétiennes. Le modèle de Diamond (2013) concrétise
plus particulièrement l’idée d’une ontogénèse hiérarchisée des diverses composantes exécutives,
assujetties à la fois à un développement différencié avec l’âge et à des interrelations
progressivement plus complexes. Le contrôle inhibiteur et la mémoire de travail (premières à se
différencier d’après les études factorielles) seraient les précurseurs du développement ultérieur de la
flexibilité, puis des FE de plus haut-niveau dont la planification et la résolution de problèmes, rendant
compte de calendriers développementaux différentiels.
Considérations sociodémographiques, environnement et culture
L’effet potentiel du genre et du statut socio-économique, mais aussi plus largement celui de la
culture sur le développement exécutif, constitue un questionnement central, interrogeant le
caractère universel des modélisations envisagées. L’étude de ces dimensions reste partielle et n’a pas
été formellement envisagée dans les propositions théoriques existantes.
Des différences structurelles évolutives importantes tout au long de l’enfance ont été identifiées
entre le cerveau des garçons et des filles, constituant une forme d’ancrage biologique aux différences
liées au genre mises à jour en psychologie (voir par exemple, Belfi, Conrad, Dawson & Nopoulos,
2014). Plusieurs données empiriques relatives à l’effet du genre sur les FE de l’enfant
transparaissent, qui favorisent l’idée d’un développement plus rapide chez les filles à partir de tests