Chapitre I-connaissances de base de la spectroscopie

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CHAPITRE I
CONNAISSANCES DE BASE DE LA SPECTROSCOPIE
I - DEFINITION
La spectroscopie est l'étude des rayonnements électromagnétiques émis, absorbés ou
diffusés par la matière. Celle-ci effectue une transition d’un état quantique à un autre état
quantique.
L'analyse des rayonnements en leurs différentes fréquences s'effectue à l'aide d’appareils
appelés spectrographes ou spectromètres : elle permet d'obtenir leurs spectres
électromagnétiques.
II – HISTORIQUE
L'histoire de la spectroscopie commence avec la théorie des couleurs proposée par Isaac
Newton en 1672. La lumière « blanche » est décomposée par un prisme en ses composantes
élémentaires (élémentaires puisqu'elles ne sont plus décomposées par un autre prisme)
constituant les sept couleurs de l’arc en ciel. Ces couleurs sont en fait une succession de
radiations visibles de longueurs d’onde continuellement variables.
En 1803, Inglefield suggéra qu'il pouvait y avoir des rayons invisibles au-delà du violet.
L'existence de ces rayons ultraviolets fut démontrée par Ritter et Wollaston.
Le rayonnement infrarouge fut découvert par Frédéric Wilhelm Herschel en 1800: en
mesurant les températures dans différentes zones du spectre solaire, il constata que le
maximum se situait en dehors du domaine visible.
Le physicien Gustav Robert Kirchhoff et le chimiste Robert Wilhelm Bunsen
énoncèrent, en 1860, le principe de l'analyse chimique fondée sur l'observation du spectre.
Leurs expériences prouvèrent que les sels des métaux alcalins et alcalino-terreux introduits
dans la flamme du brûleur de Bunsen ont des spectres caractéristiques de ces métaux.
Au début du XXème siècle, il n'existait que quelques spectromètres permettant d'étudier
ces radiations. Après 1945, leur nombre s'est accru dans des proportions considérables. Cela
est dû d'une part au développement de la technologie et d'autre part à l'utilisation croissante de
la spectroscopie par les physico-chimistes et les chimistes.
III – INTERACTION DES ONDES ELECTROMAGNETIQUES AVEC
LA MATIERE
Selon Max Planck, les échanges d'énergie entre matière et rayonnement se font par
quanta d'énergie : ∆E = hν. h est la constante de Planck. Elle est égale à 6,624.10-34
joule.seconde.
En d’autres termes, l’énergie rayonnée par la matière est proportionnelle à la
fréquence du rayonnement avec lequel elle interagit.
III.1 - Processus fondamentaux de l’interaction rayonnement - matière
Trois processus sont à la base de tous les phénomènes spectroscopiques.
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III.1.1 - Absorption
Si un système matériel est soumis à l’action d’un faisceau de lumière d’énergie donnée,
un photon peut être absorbé. Le système passe du niveau d’énergie Ei au niveau Ej : hν = EjEi.
III.1.2 - Emission
Un système d’énergie Ej peut émettre spontanément un photon pour descendre sur un
niveau inférieur Ei tel que hν = Ej-Ei.
Le plus simple exemple d'émission spontanée est la lampe à incandescence. Le filament
de tungsten est porté à une température d'incandescence par effet joule, dû au courant
électrique. Les électrons des couches externes des atomes de tungsten sont alors dans un état
excité et vont relaxer par émission d'un spectre continu d'ondes.
III.1.3 - Diffusion
Le choc entre la matière et une radiation de fréquence ν0 peut renvoyer le photon dans une
autre direction, avec ou sans modification de son énergie. On dit qu’il y a diffusion.
- Lorsque l’énergie n’est pas changée, le choc est dit élastique. Ceci correspond à la diffusion
Rayleigh ou diffusion élastique, qui conserve la fréquence de l’onde incidente (ν0 =νd ; νd :
fréquence de l’onde diffusée).
- Lorsque le photon emprunte ou cède de l’énergie au système, qui passe d’un état Ei à un état
Ej, le choc est dit inélastique. Ce phénomène porte le nom de diffusion Raman ou diffusion
inélastique.
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La fréquence de l’onde diffusée vérifie la relation : hνd-hν0=|Ei-Ej|
IV - LA NATURE DE LA LUMIERE : DUALITE ONDE - CORPUSCULE
IV.1 - Dualité de la lumière
VI.1.1. La théorie ondulatoire du rayonnement électromagnétique
De façon simplifiée, on peut considérer l’onde comme formée d'un champ électrique et
d'un champ magnétique périodiques en phase, perpendiculaires entre eux et
perpendiculaires à la direction de propagation de l'onde. Cette propagation se fait à une
vitesse d'environ 3.108 m.s-1.
Propagation de l’onde électromagnétique
La fréquence ν de l'oscillation périodique des champs caractérise la nature de la
radiation. La longueur d'onde λ, distance qui sépare deux maxima successifs, est liée à la
fréquence par la relation : λ = c/ν.
ν.
Tout rayonnement est porteur d’une énergie E dont la valeur dépend de la fréquence.
IV.1.2 - La théorie corpusculaire du rayonnement électromagnétique
La propagation de l’onde est bien décrite par la théorie ondulatoire. Cependant,
l’interaction du rayonnement avec la matière a conduit à attribuer également une nature
corpusculaire à l’onde électromagnétique.
Le rayonnement électromagnétique se comporte comme un flux de particules, les photons
ou quanta, se déplaçant à la vitesse de la lumière.
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L’énergie d’un photon est donnée par l’équation de Bohr :
E = hν
où h = 6,624.10-34 J.s est la constante de Planck et ν est la fréquence classique de l’onde.
IV.2 - Dualité de la matière
Postulat de de Broglie
Après la quantification du champ électromagnétique par Einstein en lui donnant un
caractère corpusculaire, Louis de Broglie, à son tour, reprend le dualisme ˝onde-corpuscule˝ et
attribue l’aspect ondulatoire à toute particule constituant la matière :
De la même façon que les ondes peuvent se comporter comme des particules, les
particules peuvent se comporter comme des ondes.
En 1924, de Broglie associa donc à toute particule matérielle douée d’une quantité de
mouvement p=mv une longueur d’onde dite onde de de Broglie : λ=h/p où h est la constante
de Planck.
V - PROBABILITE DE TRANSITION
En physique classique, il peut y avoir échange d’énergie entre une onde
électromagnétique de fréquence ν et un système possédant une certaine énergie mécanique
due à un mouvement périodique de fréquence ν0.
Schéma classique de l’absorption d’énergie électromagnétique
convertie en énergie mécanique
L’onde incidente (à gauche) est partiellement absorbée : elle a perdu de l’énergie, ce qui
se traduit par la diminution de son amplitude (à droite) notée Q. Cette énergie ∆E est
convertie en énergie mécanique par le système absorbant, dont l’amplitude Q0 augmente.
Cette absorption nécessite deux conditions
(i)
ν = ν0
(résonance)
r r
∂µ
≠0
∂Q
(ii)
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La condition (i) signifie que pour qu’une molécule puisse interagir avec une onde
électromagnétique, elle doit posséder un dipôle oscillant à la même fréquence que
la lumière.
La condition (ii) signifie que le mouvement doit provoquer, à la même fréquence,
la variation du moment dipolaire µ du système.
En physique quantique, dans un système dont l’énergie est quantifiée, le phénomène
d’absorption ou d’émission d’un photon de fréquence ν se traduit par le passage d’un état
initial à un état final.
Ce phénomène est soumis à 2 conditions, équivalents quantiques des conditions (i) et (ii) :
(iii) Ej – Ei = hν (résonance)
(iv)
Dans cette relation (iv) :
- La quantité vectorielle Mij est le moment de transition. On peut montrer que la probabilité
d’absorption ou d’émission par un système d’un photon hν est proportionnelle au carré de
cette intégrale.
-ψi et ψj sont les fonctions d’onde du système à l’état initial et final respectivement.
r
- L’opérateur µ̂ est l’opérateur associé au moment dipolaire. Ce moment peut être
électrique ou magnétique.
Le couplage rayonnement-matière peut s’effectuer entre le moment dipolaire électrique du
système et le champ électrique de la radiation. On parle alors de transitions dipolaires
électriques.
Le couplage peut également s’établir entre le moment dipolaire magnétique et le champ
magnétique de la radiation. On a affaire, dans ce cas, à des transitions dipolaires
magnétiques.
L’étude des conditions de transition précédentes par la mécanique quantique a conduit à
établir des règles de sélection en fonction des nombres quantiques. Elles précisent, parmi
toutes les transitions énergétiquement possibles celles qui donnent lieu à une transition : les
transitions permises, et celles qui n’y donnent pas lieu : les transitions interdites.
VI - DIFFERENTES FORMES D’ENERGIE
On distingue 4 modes de mouvement, et donc d’énergie, pour les molécules :
La translation
La rotation
La vibration
Electronique (déformation du nuage)
Une première simplification consiste à séparer le mouvement de translation uniforme
d’ensemble de la molécule dont l’énergie n’est pas quantifiée.
Ensuite, on distingue électrons et noyaux, particules de masses très différentes (les noyaux
sont 103 à 105 fois plus lourds). Les mouvements des électrons sont donc « beaucoup plus
rapides » que ceux des noyaux.
Les mouvements des électrons pourront être étudiés en considérant les noyaux comme
fixes (approximation de Born-Oppenheimer).
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Ceci revient à séparer les énergies : d’une part l’énergie électronique Ee et d’autre part
l’énergie due au mouvement des noyaux dont on distingue deux composantes : l’énergie de
vibration Ev et l’énergie de rotation Er.
Ainsi, on peut écrire l’énergie totale sous la forme : ET = Ee + Ev + Er. Ces trois énergies ont
des ordres de grandeurs très différents : Ee >> Ev >> Er.
On peut résumer ceci sur le diagramme d’énergie suivant :
VII- POPULATION DES NIVEAUX D’ENERGIE
Chaque particule élémentaire (atome, ion ou molécule) possède un ensemble unique
d'états énergétiques. La particule peut se retrouver dans l'un ou l'autre de ces états. Le nombre
de particules sur un niveau énergétique donné s’appelle la population.
La population sur chaque niveau par rapport à la population du niveau fondamental obéit à
la loi de distribution de Maxwell - Boltzmann : Ni / N0 = (gi / g0) e-((Ei-E0) / kT)
Ni : nombre de particules sur l'état excité i ; N0 : nombre de particules sur l'état fondamental 0
gi et g0 : dégénérescence des états i et 0 respectivement
Ei et E0 : énergie des états i et 0 respectivement
k : constante de Boltzmann (1,38.10-23 J.K-1) ; T : température en Kelvin.
A la température ambiante, l’agitation thermique, KT, vaut environ 2,5 kJ/mol. Le
premier niveau vibrationnel excité et le premier niveau électronique excité ont une énergie
supérieure à cette valeur.
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Une conséquence est que la population moléculaire, en l’absence d’autre mode
d’excitation, se répartit sur ces niveaux selon la relation de Boltzmann. En général donc, à
cette température, le niveau électronique fondamental est le seul niveau électronique peuplé;
le niveau vibrationnel fondamental est peuplé, quant à lui, par plus de 90 % des molécules,
quelques % se plaçant sur le premier niveau excité ; enfin, un certain nombre de niveaux
rotationnels sont largement peuplés.
VIII - LES TYPES DE SPECTRES
L’interaction de la matière avec un rayonnement électromagnétique provoque des
transitions qui se manifestent par des spectres de raies ou de bandes.
VIII.1 - Spectres de raies
Dans un atome, une variation de l’énergie électronique donne naissance à une seule raie
spectrale. La position de chaque raie correspond à une radiation monochromatique.
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VIII.2 - Spectres de bandes
Théoriquement, le spectre d’une molécule est un spectre de raies (quantification, valeurs
discrètes d’énergie). Cependant, outre les niveaux électroniques associés aux électrons des
atomes qui les constituent, il existe d’autres niveaux d’énergie correspondant à leurs énergies
de rotation et vibration entre lesquels on peut expérimentalement observer des transitions.
Ainsi, une transition entre deux niveaux électroniques peut conduire à une modification des
énergies à la fois de vibration et de rotation, donc à un ensemble de transitions d’énergies très
voisines ce qui conduit à un spectre de bandes.
IX- SPECTRE ELECTROMAGNETIQUE
La région visible du spectre de la lumière solaire ne représente qu'une petite partie du
spectre total. Il existe d'autres régions invisibles caractérisées par des longueurs d'onde
différentes et précisées sur la figure représentant le spectre électromagnétique. Ce dernier
représente donc un ensemble continu des ondes électromagnétiques connues, classées dans
l'ordre de leurs longueurs d'onde, de leurs fréquences et de leurs énergies.
Spectre électromagnétique
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X - LES DIVERSES SPECTROSCOPIES
Les spectroscopies s’intéressent à l’ensemble des sauts d’énergie possibles prévues par
nos connaissances sur la quantification des énergies atomiques et moléculaires. Ces sauts
couvrent une très grande gamme d’énergie sur l’étendue du spectre électromagnétique. Il en
résulte que les méthodes sont extrêmement diverses. On peut citer quelques exemples
X.1 - Spectroscopies des rayons γ
Les rayons γ sont très énergétiques. Leur interaction avec la matière provoque des
transformations à l’intérieur même des noyaux. Ils sont dangereux pour les cellules humaines,
dans lesquelles ils produisent des mutations. Les spectres des rayons γ sont caractéristiques de
l’espèce nucléaire.
X.2 - Spectroscopies des rayons X
Les spectres X correspondent à des modifications dans l’état des électrons internes. De ce
fait, ils ne dépendent pas des combinaisons chimiques dans lesquelles les atomes sont
engagés. Les spectroscopies X sont essentiellement employées pour l’analyse qualitative et
quantitative des éléments
X.3 - Spectroscopies dans l’UV et le visible
Les spectres dépendent essentiellement de la structure électronique des couches externes.
Cette région est concernée par divers types de spectroscopies atomiques et moléculaires.
X.3.1 - Spectroscopies atomiques
* Les spectres de particules atomiques analysées par un spectroscope permettent de
caractériser l’espèce en présence à l’aide des raies caractéristiques.
Ces spectres sont utilisés en astronomie (exemples : spectre d’émission de l’hydrogène ou
des alcalins).
* Il y a aussi les spectres d’émission atomique (spectres de flamme) ou d’émission ionique
(spectres d’étincelles), les spectres d’absorption atomique ou de fluorescence atomique de
flamme. Ils sont utilisés pour l’analyse qualitative et quantitative des éléments.
X.3.2 - Spectroscopies moléculaires
On distingue les spectroscopies d’absorption UV-visible et de fluorescence UV-visible.
Elles permettent l’étude qualitative et quantitative de certains composés moléculaires.
X.4 - Spectroscopies dans l’IR
Les spectres sont dus à des modifications dans l’état de rotation et de vibration des
molécules.
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X.5 - Spectroscopies en micro-ondes
On peut citer dans cette catégorie la spectroscopie de rotation en micro-onde qui est
concernée par les mouvements de rotation des molécules.
X.6 - Spectroscopies en ondes radio
Une spectroscopie se rattachant à cette région est la résonance magnétique nucléaire
(RMN). La technique consiste à induire des transitions entre les niveaux énergétiques que
peuvent occuper les spins de certains noyaux sous l’action d’un champ magnétique intense.
Remarque : On regroupe sous le nom de spectroscopies optiques toutes les spectroscopies
qui mettent en œuvre des radiations RX, UV, visibles et IR. Le terme de spectroscopies
hertziennes désigne les différentes techniques utilisant des micro-ondes et les ondes radio.
Dans le domaine optique, les transitions s’effectuent par le mécanisme dipolaire
électrique. Dans le domaine hertzien, les transitions relèvent souvent d’une interaction
dipolaire magnétique.
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