L’HUMOUR DANS LA RELATION INFIRMIÈRE – PATIENT :
UNE REVUE DE LA LITTÉRATURE
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 85 - JUIN 2006 39
Conditions d’utilisation
Certains résultats des recherches retenues ont été
catégorisés comme conditions d’utilisation de l’hu-
mour. Ces conditions sont reliées à l’infirmière et au
patient, appartiennent à la situation elle-même ou
sont présentes dans la relation infirmière – patient.
Conditions reliées à l’infirmière
Certaines conditions appartenant à l’infirmière sont
susceptibles d’influencer l’utilisation de l’humour et ses
effets. Ce sont l’intuition et la sensibilité, le jugement,
l’expérience, la personnalité et l’attitude envers l’utili-
sation de l’humour dans la pratique professionnelle.
L’humour repose sur l’intuition, la sensibilité et le juge-
ment de l’infirmière (Astedt-Kurki & Liukkonen, 94 ;
Astedt-Kurki & Isola, 2001 ; Thornton & White, 1999).
L’empathie est un pré requis pour utiliser l’humour dans
le contexte des soins. Ressentir comment les gens se
sentent, être instinctivement sur la même longueur
d’onde et introduire l’humour avec soin ont été relevés
par les 8 infirmières travaillant aux soins intensifs, de
l’étude phénoménologique de Thornton & White (1999).
On s’accorde à dire qu’il y a un temps et une place
pour l’humour. Chaque situation requiert du juge-
ment de la part de l’infirmière. Introduire l’humour
est fonction de saisir le bon moment et de relever
des indices, d’évaluer la situation. La notion de timing
est jugée essentielle (Thornton & White, 1999).
Toutefois, l’expérience de l’infirmière vient moduler
sa perception quant à ce qui est jugé approprié et
inapproprié (Thornton & White, 1999 ; Savage, 1995).
Pour Robinson (1991), personnalité et sens de l’hu-
mour sont intimement liés. La capacité de rire est
reliée à la capacité de jouer, d’imaginer, de tolérer
l’ambiguïté, l’incongruité et l’absurdité et à celle de
voir le côté drôle de certaines situations (Astedt-
Kurki & Isola, 2001).
L’étude de Sumners (1990) révèle que l’attitude des infir-
mières envers l’humour est positif tant dans la vie pro-
fessionnelle que dans la vie personnelle avec toutefois
des résultats systématiquement plus élevés dans cette
dernière sphère. L’âge intervient dans l’attitude ; les sujets
les plus jeunes ont exprimé l’attitude la plus négative
envers l’humour dans la pratique professionnelle alors
que les plus vieux ont exprimé l’attitude la plus positive.
Conditions reliées au patient
Certaines caractéristiques appartiennent au patient
et peuvent être catégorisées comme des conditions
qui encouragent ou restreignent l’utilisation de
l’humour.
Lorsque le patient a le sens de l’humour, qu’il l’utilise
dans sa vie quotidienne et qu’il initie lui-même l’hu-
mour, alors on a des indices que l’humour peut être
bénéfique (Astedt-Kurki & al., 2001 ; Isola & Astedt-
Kurki, 1997). Si l’humour est important pour les gens
dans leur vie en général, alors il conservera son
importance dans les situations de changement, au
moins une fois la phase critique passée (Askert &
Isola, 2001 ; Greenberg, 2003). Toutefois, si les
patients sont difficiles, timides ou effrayés, l’humour
peut être un moyen de communication efficace, selon
l’étude de Beck (1997). De plus, plusieurs infirmières
dans l’étude d’Isola & Astedt-Kurki (1997) considè-
rent que l’humour est plus important pour les
patients masculins que féminins.
Les croyances des patients, quant à l’humour, sem-
blent plaider en faveur de son utilisation. L’étude des-
criptive de Schmitt (1990) porte sur la perception de
35 patients d’un centre de réadaptation quant aux
effets du rire sur l’humeur du patient, sur l’infirmière
et sur leur réhabilitation. La majorité des patients
ayant répondu au questionnaire, de type Lickert et
composé de 20 items, trouve que l’expérience du rire
est bénéfique et appropriée pour eux-mêmes et leurs
soignants, dans un hôpital de réhabilitation.
Bien que les qualités métrologiques de l’outil ne soient
pas présentées, il ressort, en ce qui concerne plus
spécifiquement l’infirmière, qu’une majorité de
patients sont en accord avec les énoncés suivants :
une infirmière qui rit avec ses patients aide ceux-ci à
se sentir mieux et une infirmière devrait rire plus avec
ses patients. Plusieurs patients verbalisent aussi leur
appréciation de l’utilisation de l’humour et de blagues
dans leurs interactions avec l’infirmière (Fosbinder,
1994 ; McCabe, 2004). L’étude de Jarrett & Payne
(2000) souligne qu’une atmosphère joyeuse, positive
et constructive d’une salle d’hôpital est appréciée par
les patients au sein d’un département d’oncologie.
Certaines conditions reliées à la personne soignée
indiquent que l’humour est inapproprié. Ces condi-
tions sont reliées à l’état de la personne ou à la situa-
tion de crise dans laquelle elle se trouve et à certaines
caractéristiques personnelles. Ces conditions sont
relevées majoritairement à partir de recherches impli-
quant la perspective d’infirmières.
Lors d’une phase critique sur le plan physique, lors
d’anxiété ou de stress élevé, (Greenberg, 2003 ;
Robinson, 1991 ; Sheldon, 1996), lors de douleur
intense ou abdominale (Lawler, 2002), chez une per-
sonne psychotique (Astedt-Kurki & Liukkonen, 1994),
l’humour peut être inapproprié à moins que ce ne
soit le patient lui-même qui l’initie. Lorsque la phase
critique est sous contrôle, on peut se permettre l’hu-
mour après coup (Robinson, 1991). Sheldon (1996)
ajoute que l’humour peut être inapproprié lors de
différences culturelles entre l’infirmière et le patient.