resumé abstract - Banque de données en santé publique

RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 85 - JUIN 2006
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MÉTHODOLOGIE
RESUMÉ
L’humour détient une place importante et
quasi omniprésente dans la communication
humaine. La recherche et la réflexion sur l’hu-
mour ont tenté d’en circonscrire ses causes,
ses effets, ses mécanismes d’action et de pro-
duction, ses buts et ses utilités. Cet article
vise à dresser un portrait général des études
scientifiques portant sur l’humour réalisées
dans le contexte de la communication infir-
mière-patient et à en faire une analyse à par-
tir de la théorie ancrée de Strauss et Corbin
(2001) pour en dégager les caractéristiques,
les conditions d’utilisation et les consé-
quences tant chez le patient que chez l’infir-
mière. Les résultats obtenus démontrent que
l’humour dans les soins est contextuel, situa-
tionnel et spontané. Il y a des conditions d’uti-
lisation de l’humour qui sont reliées à l’infir-
mière, au patient, à leur relation et à la situa-
tion. Pour le patient et dans la relation infir-
mière-patient, l’humour a des conséquences
psychologiques. Il peut être ou devenir un
mécanisme de coping pour faire face au stress
et améliorer la qualité de la communication.
Mots clés : humour, soins, communication,
relation, infirmière, patient, conditions,
conséquences.
Humour in the Nurse-Patient relation:
a literary review
Humour holds an important and almost omni-
present place in human communication.
Research and reflection on humour have tried
to define the scope of its causes, its effects, its
mechanisms of action and production, its pur-
poses and its uses. This article aims at drawing
up a general description of scientific studies dea-
ling with humour carried out in the context of
the nurse-patient communication and at making
an analysis of it from the fixed theory of Strauss
and Corbin (2001) to derive the characteristics,
conditions of use and consequences as much in
the patient’s as in the nurse’s. The results obtai-
ned prove that humour in care is contextual,
situational and spontaneous. There are condi-
tions of use of humour which are connected
with the nurse, with the patient, with their rela-
tion and with the situation. For the patient and
in the nurse-patient relation, humour has psy-
chological consequences. It can be or become a
coping mechanism to face stress and improve
the quality of communication.
Key words : humour, care, communication,
relation, nurse, patient, conditions, conse-
quences.
ABSTRACT
Hélène PATENAUDE,
Inf. Ph.D. en sciences de l’éducation, Professeur agrégé à la faculté des sciences infirmières
de l’Université Laval, Québec, Canada.
Louise HAMELIN BRABANT,
Inf. Ph. D en sociologie, Professeur adjoint à la faculté des sciences
infirmières de l’université Laval, Québec
L’HUMOUR DANS LA RELATION INFIRMIÈRE – PATIENT :
UNE REVUE DE LA LITTÉRATURE
L’HUMOUR DANS LA RELATION INFIRMIÈRE – PATIENT :
UNE REVUE DE LA LITTÉRATURE
MÉTHODOLOGIE
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 85 - JUIN 2006 37
L’HUMOUR DANS LA RELATION
INFIRMIÈRE-PATIENT : UNE REVUE
DE LITTÉRATURE
L’humour détient une place importante et quasi omni-
présente dans la communication humaine. Que ce soit
pour détendre, soulager les tensions, passer un mes-
sage, l’humour peut se manifester tant lors de
moments joyeux que tragiques.
La recherche et la réflexion sur l’humour ont tenté d’en
circonscrire les causes, ses effets, ses mécanismes d’ac-
tion et de production, ses buts et ses utilités. Des théo-
ries provenant de diverses époques et de divers hori-
zons ont cherché à l’expliquer. L’humour a été discuté
par les philosophes, les écrivains, les poètes, les anthro-
pologues, les psychologues, les sociologues… Aucun
consensus n’a été possible face à ce comportement
humain complexe. L’humour a fait l’objet de recherches
dans le domaine de la santé en général ainsi qu’auprès
de personnes en situation de maladie et auprès des infir-
mières. Il semble qu’il pourrait être bénéfique tant pour
l’une que pour l’autre.
L’humour peut avoir un impact physiologique et psy-
chologique, être considéré comme un mécanisme de
coping tant pour les personnes soignées que pour les
soignants ou encore comme un moyen de communica-
tion thérapeutique. La psycho-neuro-immunologie s’in-
téresse depuis quelques années aux effets d’émotions
positives sur le système nerveux et sur l’ensemble du
corps. Des résultats de recherches indiquent que le rire,
l’humour ou, plus globalement, les émotions positives
ont des répercussions sur les dimensions physiologiques
de la personne (Cousins, 1991 ; Fry, 1992 ; St-Arnaud,
2002 ;). Snowden (2003) et Fry (1992) concluent, à la
lumière de leur revue des écrits, qu’il existe encore peu
d’évidence formelle des effets positifs de l’humour et
que d’autres études sont nécessaires. Snowden (2003)
ajoute tout de même que la tendance va dans le sens
d’effets bénéfiques.
Dans le domaine de la santé, l’humour a été étudié en
tant que mécanisme de coping chez les patients atteints
de cancer (Johnson, 2002), les patients âgés (Townsend,
1994), les personnes en fin de vie (Langley-Evans &
Payne, 1997), ou chez les professionnels de la santé
vivant des situations de stress dans des milieux de soins
intensifs ou d’urgence (Rosenberg, 1991 ; Thornton &
White, 1999).
Plusieurs études ou réflexions portent sur l’humour dans
un contexte psychiatrique ou thérapeutique comme
moyen de communiquer entre le thérapeute et le patient
(Buxman, 1991) ou dans les thérapies de groupe (Minden,
2002). La possibilité de montrer la réalité sous un autre
jour, de modifier les perceptions restrictives des patients,
serait une des forces de l’humour en psychiatrie
(Struthers, 1999). Mais l’humour fait aussi partie de la
communication dans des contextes de soins plus géné-
raux et c’est dans cette optique que se situe cette recen-
sion des écrits. L’article vise à dresser un portrait géné-
ral des études portant sur l’humour réalisées dans le
contexte de la communication infirmière-patient et à en
faire une analyse plus fine pour en dégager les caracté-
ristiques, les conditions d’utilisation et les conséquences
tant chez le patient que chez l’infirmière. Mais d’abord,
quelques définitions tenteront d’en dégager la nature.
DÉFINITIONS ET IMPACT DE L’HU-
MOUR
Quelques définitions de l’humour issues de recherche en
soins infirmiers ont été proposées et les impacts phy-
siologiques, psychologiques de même que sa fonction
comme mécanisme de coping ont été explorés.
Pour Robinson (1991), une référence dans le domaine
de l’humour et la santé, le concept n’a pas été défini pré-
cisément, toutefois, il mérite qu’on en fournisse les para-
mètres. Humour et rire sont liés quoique différents, l’hu-
mour est une expérience cognitive, une forme de
communication alors que le rire est un comportement,
une expérience physique et physiologique. L’humour est
donc un phénomène physiologique, psychologique et
cognitif complexe. Robinson (1991) réfère à l’humour
comme étant une communication de type cognitif
menant à une réponse émotionnelle d’amusement, de
plaisir et qui résulte en une réponse de comportement
physique sous forme, par exemple, de rire. Astedt-Kurki
& Liukkonen (1994) présentent une définition suite à une
étude qualitative visant à décrire la signification de l’hu-
mour dans la démarche de soin d’infirmières. L’humour
peut être décrit comme une joie de vivre manifestée
dans les interactions humaines dans une forme d’amu-
sement, de plaisanterie, de jovialité et de rire. Sumners
(1990) propose une définition de l’humour à partir d’une
recension des écrits tout en y ajoutant des éléments de
soins : l’humour est une forme de jeu intellectuel carac-
térisé par un comportement spontané qui démontre de
la gentillesse et qui apporte un message d’affection, d’hu-
manisme et de «caring». Mais qu’en est-il des recherches
portant sur l’humour entre soignant et soigné ?
LIMITES DE LA RECENSION ET
MÉTHODES D’ANALYSE
La recherche des écrits s’est faite dans les banques de
données cinhal, pubmed, psylit, pour les années 1985
à 2005, à l’aide des mots clés suivants : humor, wit et
nursing.
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 85 - JUIN 2006
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Bien qu’en consultant des banques de données en
santé, il y ait une littérature importante sur l’humour
en soins infirmiers, elle est le plus souvent le fruit
d’une réflexion pratique et clinique. D’innombrables
exemples cliniques, études de cas et plaidoyers rela-
tifs à l’humour dans le milieu infirmier y sont réper-
toriés.
Ont été retenues les études empiriques, publiées en
anglais et en français, portant sur l’humour dans la
relation entre l’infirmière et le patient dans le
contexte des soins quotidiens, selon la perspective
de l’infirmière ou du patient. Les recherches citées
dans les références de ces articles ont aussi été
explorées.
Ont été exclues :
a) les recherches portant sur l’humour dans une
relation qualifiée de thérapeutique de même que
l’humour dans le contexte psychiatrique ;
b) les études portant sur l’humour comme méca-
nisme de coping individuel chez les personnes
saines, les patients ou les infirmières ;
c) l’humour entre les patients eux-mêmes et l’hu-
mour entre les infirmières.
Au fil des recherches sur les banques de données,
nous avons repéré quelques études portant de façon
générale sur la communication entre infirmière et
patient mais dans lesquelles l’humour était ressorti
comme un résultat d’analyse digne d’être mentionné.
Nous les avons joints dans l’analyse.
L’analyse s’est déroulée en deux temps. Tout
d’abord, les recherches sélectionnées ont été réper-
toriées dans un tableau (annexe 1) en fonction du
but, de l’échantillon et des participants, du type de
recherche et des méthodes d’analyse, des princi-
paux résultats. Ce tableau permet d’en faire un tour
d’horizon, de les comparer et d’en tracer un por-
trait global. On constate que la majorité des études
répondant aux critères utilisent une méthodologie
qualitative avec un nombre restreint de sujets. Des
études partent de la perspective des patients alors
que d’autres sont issues de celle des infirmières.
Finalement quelques unes ont étudié simultanément
les deux perspectives. Il n’y a pas de théorie qui
émerge de ces recherches, les résultats étant plutôt
de nature descriptive.
Dans un deuxième temps, nous avons examiné en
détail les sections des articles présentant les résul-
tats de recherche ainsi que les constats plus géné-
raux et nous les avons réorganisés en s’inspirant du
schéma organisationnel proposé par Strauss et
Corbin (2001). Pour comprendre la dynamique et la
nature évolutive d’un phénomène, Strauss et Corbin
suggère d’en analyser la structure et le processus. Les
conditions et les conséquences constituent la struc-
ture alors que les actions/interactions forment le pro-
cessus. Les conditions réfèrent au pourquoi l’événe-
ment survient et permet de situer les circonstances
dans lesquelles il se produit. Les conséquences por-
tent sur ce qui arrive suite à des actions/interactions.
Quant aux actions/interactions, elles indiquent com-
ment l’événement se produit entre les personnes
selon les conditions.
Les résultats des recherches retenues ont donc été
analysés de façon à dégager la structure de l’humour,
à répertorier certaines caractéristiques de cet
humour entre l’infirmière et le patient, les conditions
d’utilisation et les obstacles ainsi que les consé-
quences. Les actions et les interactions liées à l’hu-
mour n’ont pas été analysées. De plus, la dynamique
de l’humour ne peut être décrite car d’autres types
de recherches seraient nécessaires.
RÉSULTATS DE L’ANALYSE ET DE
LA SYNTHÈSE DES ÉCRITS
Cette section décrit les résultats de l’analyse en
profondeur des études retenues en fonction des
composantes de la structure du schéma organisa-
tionnel proposé par Strauss et Corbin (2001), soit
les conditions et les conséquences de l’humour.
Toutefois certaines caractéristiques du phénomène
se dégagent.
Caractéristiques de l’humour
entre l’infirmière et le patient
Les caractéristiques de l’humour entre l’infirmière et
le patient semblent faire consensus. La majorité des
études recensées concluent que l’humour dans les
soins est contextuel, situationnel et spontané
(Askert-Kurki, 94 ; Askert-Kurki, 2001 ; Beck, 1997 ;
Isola, 1997 ; Mallet, 1996 ; Robinson, 1991 ; Savage,
1995 ; Sheldon, 96 ; Sumners, 1990 ; Thorton, 1999).
Il surgit de situations ordinaires, inspiré par les cir-
constances du moment, des interactions. Robinson
(1991) rapporte, suite à l’analyse de 1060 anecdotes,
observées ou racontées, que dans 87.4 % des cas l’hu-
mour était non planifié, spontané et lié au contexte.
Cet humour peut être léger et pétillant ou plus écla-
tant mais s’accorde avec la situation des soins (Isola
& Astedt-Kurki, 1997). Bien qu’imprévu et spontané,
il peut être intentionnel, c’est-à-dire avec l’intention
d’amuser (Robinson, 1991). Il peut aussi être routi-
nier et planifié (Beck, 1997). Toutefois les infirmières
de l’étude de Thornton & White (1999) et celles de
Sheldon (1996) rapportent utiliser l’humour intuiti-
vement et non comme un acte conscient.
L’HUMOUR DANS LA RELATION INFIRMIÈRE – PATIENT :
UNE REVUE DE LA LITTÉRATURE
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 85 - JUIN 2006 39
Conditions d’utilisation
Certains résultats des recherches retenues ont été
catégorisés comme conditions d’utilisation de l’hu-
mour. Ces conditions sont reliées à l’infirmière et au
patient, appartiennent à la situation elle-même ou
sont présentes dans la relation infirmière – patient.
Conditions reliées à l’infirmière
Certaines conditions appartenant à l’infirmière sont
susceptibles d’influencer l’utilisation de l’humour et ses
effets. Ce sont l’intuition et la sensibilité, le jugement,
l’expérience, la personnalité et l’attitude envers l’utili-
sation de l’humour dans la pratique professionnelle.
L’humour repose sur l’intuition, la sensibilité et le juge-
ment de l’infirmière (Astedt-Kurki & Liukkonen, 94 ;
Astedt-Kurki & Isola, 2001 ; Thornton & White, 1999).
L’empathie est un pré requis pour utiliser l’humour dans
le contexte des soins. Ressentir comment les gens se
sentent, être instinctivement sur la même longueur
d’onde et introduire l’humour avec soin ont été relevés
par les 8 infirmières travaillant aux soins intensifs, de
l’étude phénoménologique de Thornton & White (1999).
On s’accorde à dire qu’il y a un temps et une place
pour l’humour. Chaque situation requiert du juge-
ment de la part de l’infirmière. Introduire l’humour
est fonction de saisir le bon moment et de relever
des indices, d’évaluer la situation. La notion de timing
est jugée essentielle (Thornton & White, 1999).
Toutefois, l’expérience de l’infirmière vient moduler
sa perception quant à ce qui est jugé approprié et
inapproprié (Thornton & White, 1999 ; Savage, 1995).
Pour Robinson (1991), personnalité et sens de l’hu-
mour sont intimement liés. La capacité de rire est
reliée à la capacité de jouer, d’imaginer, de tolérer
l’ambiguïté, l’incongruité et l’absurdité et à celle de
voir le côté drôle de certaines situations (Astedt-
Kurki & Isola, 2001).
L’étude de Sumners (1990) révèle que l’attitude des infir-
mières envers l’humour est positif tant dans la vie pro-
fessionnelle que dans la vie personnelle avec toutefois
des résultats systématiquement plus élevés dans cette
dernière sphère. L’âge intervient dans l’attitude ; les sujets
les plus jeunes ont exprimé l’attitude la plus négative
envers l’humour dans la pratique professionnelle alors
que les plus vieux ont exprimé l’attitude la plus positive.
Conditions reliées au patient
Certaines caractéristiques appartiennent au patient
et peuvent être catégorisées comme des conditions
qui encouragent ou restreignent l’utilisation de
l’humour.
Lorsque le patient a le sens de l’humour, qu’il l’utilise
dans sa vie quotidienne et qu’il initie lui-même l’hu-
mour, alors on a des indices que l’humour peut être
bénéfique (Astedt-Kurki & al., 2001 ; Isola & Astedt-
Kurki, 1997). Si l’humour est important pour les gens
dans leur vie en général, alors il conservera son
importance dans les situations de changement, au
moins une fois la phase critique passée (Askert &
Isola, 2001 ; Greenberg, 2003). Toutefois, si les
patients sont difficiles, timides ou effrayés, l’humour
peut être un moyen de communication efficace, selon
l’étude de Beck (1997). De plus, plusieurs infirmières
dans l’étude d’Isola & Astedt-Kurki (1997) considè-
rent que l’humour est plus important pour les
patients masculins que féminins.
Les croyances des patients, quant à l’humour, sem-
blent plaider en faveur de son utilisation. L’étude des-
criptive de Schmitt (1990) porte sur la perception de
35 patients d’un centre de réadaptation quant aux
effets du rire sur l’humeur du patient, sur l’infirmière
et sur leur réhabilitation. La majorité des patients
ayant répondu au questionnaire, de type Lickert et
composé de 20 items, trouve que l’expérience du rire
est bénéfique et appropriée pour eux-mêmes et leurs
soignants, dans un hôpital de réhabilitation.
Bien que les qualités métrologiques de l’outil ne soient
pas présentées, il ressort, en ce qui concerne plus
spécifiquement l’infirmière, qu’une majorité de
patients sont en accord avec les énoncés suivants :
une infirmière qui rit avec ses patients aide ceux-ci à
se sentir mieux et une infirmière devrait rire plus avec
ses patients. Plusieurs patients verbalisent aussi leur
appréciation de l’utilisation de l’humour et de blagues
dans leurs interactions avec l’infirmière (Fosbinder,
1994 ; McCabe, 2004). L’étude de Jarrett & Payne
(2000) souligne qu’une atmosphère joyeuse, positive
et constructive d’une salle d’hôpital est appréciée par
les patients au sein d’un département d’oncologie.
Certaines conditions reliées à la personne soignée
indiquent que l’humour est inapproprié. Ces condi-
tions sont reliées à l’état de la personne ou à la situa-
tion de crise dans laquelle elle se trouve et à certaines
caractéristiques personnelles. Ces conditions sont
relevées majoritairement à partir de recherches impli-
quant la perspective d’infirmières.
Lors d’une phase critique sur le plan physique, lors
d’anxiété ou de stress élevé, (Greenberg, 2003 ;
Robinson, 1991 ; Sheldon, 1996), lors de douleur
intense ou abdominale (Lawler, 2002), chez une per-
sonne psychotique (Astedt-Kurki & Liukkonen, 1994),
l’humour peut être inapproprié à moins que ce ne
soit le patient lui-même qui l’initie. Lorsque la phase
critique est sous contrôle, on peut se permettre l’hu-
mour après coup (Robinson, 1991). Sheldon (1996)
ajoute que l’humour peut être inapproprié lors de
différences culturelles entre l’infirmière et le patient.
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 85 - JUIN 2006
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Dean (2003) propose une réflexion intéressante sur
l’humour dans les soins aux autochtones et illustre
comment il peut être ou non bénéfique, selon la cul-
ture de chacun.
Conditions reliées à la situation
L’utilisation de l’humour auprès des patients nécessite du
discernement et est conditionnée par des expressions
comme «cela dépend du patient» ou «cela dépend de la
situation» (Lawler, 1991). Certaines situations présen-
tent des caractéristiques qui peuvent inciter à utiliser l’hu-
mour pour diminuer la gêne des deux parties et dans cer-
tains cas, à maintenir un contrôle social. Le contexte des
unités de soins et certains obstacles peuvent faire varier
la fréquence d’utilisation et les partenaires.
Si la situation est difficile, embarrassante, gênante,
l’humour aide l’infirmière, le patient ou les deux à y
faire face, et devient une forme de soutien au patient
(Astedt-Kurki, Isola, Tammentie & Kervinen, 2001 ;
Beck, 1997 ; Lawler, 2002 ; Mallett & A’Hern, 1996 ;
Walsh & Kowanko, 2002).
L’étude de Lawler (2002) porte principalement sur
l’intimité et la pratique soignante auprès d’une clien-
tèle adulte hospitalisée. Le but de l’étude est d’ex-
plorer ce que les infirmières savent et considèrent
comme allant de soi dans les relations avec les
patients. Parmi l’ensemble des résultats, on retrouve
une section portant sur l’utilisation de l’humour. Pour
arriver à gérer un événement inhabituel et embar-
rassant, Lawler (2002) observe que les infirmières
prennent un air détaché et utilisent souvent l’humour,
conjointement avec d’autres méthodes, pour mini-
miser la gêne potentielle, diminuer l’embarras et
dédramatiser la situation particulièrement dans des
contextes où le patient est incapable de contrôler ce
qui se passe en raison d’un processus pathologique.
Ceci permet de gérer des situations par rapport à
leurs propres sentiments et visent parfois à protéger
ceux du patient. C’est une façon de retrouver son
sang-froid qui peut être utilisée comme alternative à
la gêne. Parfois, c’est le patient qui fait comprendre
que l’humour est une façon de gérer certaines situa-
tions ; dans ce cas, il est relativement facile pour l’in-
firmière de le partager avec lui (Lawler, 2002).
L’embarras peut être présent chez le professionnel et
l’humour peut parfois servir d’écran évitant ainsi de
reconnaître, à la personne soignée, ses besoins. C’est
l’analyse soumise par Bauer (1999) dans son étude
phénoménologique auprès de 5 infirmières qui utili-
sent l’humour en regard de la sexualité de personnes
âgées en résidence. L’humour est alors utilisé pour
exprimer la désapprobation de comportements et
sert de contrôle social à ces comportements.
L’humour vise ainsi à atteindre la conformité en sanc-
tionnant le comportement d’une personne. Dans ce
contexte, l’humour servirait de mécanisme par lequel
on essaie d’atteindre un consensus de valeurs en refu-
sant aux personnes âgées la liberté de leur expres-
sion sexuelle. C’est l’unique étude recensée dans
laquelle les résultats indiquent que l’humour est uti-
lisé comme moyen de contrôle social.
Le contexte de l’unité de soins peut influencer la fré-
quence de l’utilisation de l’humour. Robinson (1991)
souligne que si le stress est peu élevé dans une unité
de soins comme dans une unité d’obstétrique ou de
médecine alors l’humour intervient plus fréquem-
ment entre le patient et l’infirmière. Par contre, si le
stress est élevé comme dans une unité de soins inten-
sifs, à l’urgence ou en salle d’opération, alors l’hu-
mour survient plus entre les professionnels.
Thornton & White (1999) indique dans son analyse
que les parents et enfants aux soins intensifs sem-
blent plus stressés que les autres. Les émotions sont
plus près de la surface. Parents et enfants peuvent
bénéficier de l’humour mais les infirmières partici-
pantes de l’étude sentent qu’une plus grande sensi-
bilité à leur égard est requise.
Selon Robinson (1991), les situations de soins en
milieu hospitalier peuvent souvent posséder des
caractéristiques qui sont des obstacles potentiels à
l’utilisation de l’humour tels que le fait que patients
et professionnels soient des étrangers ; qu’il y ait
peu de temps d’interactions sans savoir s’il y aura
continuité, un environnement avec des règles
sociales différentes, des soins critiques et la pré-
sence de tension.
D’autres barrières sont relevées par Isola & Astedt-
Kurki (1997) : lorsque le travail des infirmières est
orienté vers les tâches, le manque de temps, la dif-
ficulté d’entendre et de parler. Astedt-Kurki &
Liukkonen (1994) ajoutent comme obstacles
majeurs : l’absence d’humour chez l’infirmière, ne pas
connaître suffisamment le patient, un patient très
sérieux, lorsque l’infirmière a peu d’expérience et se
concentre sur les tâches de base ou si elle est étu-
diante stagiaire.
Conditions reliées à la relation
infirmière-patient
Une relation infirmière-patient doit être empreinte
de respect de la personne et de ses valeurs. L’humour
ne doit jamais insulter la personne ou violer sa
dignité. Dans l’étude de Greenberg (2003), pour les
3 patients et les 3 infirmières de cette étude, sans la
présence de sympathie, d’affection et de confiance,
l’humour ne peut être défini comme étant émotion-
nellement supportant et aidant. Une relation de
confiance devrait être théoriquement présente
comme antécédent d’humour.
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