Introduction
L’analyse économique ne s’est trouvée véritablement confrontée à la question de
l’environnement que depuis les années 1960. Certes, des bases théoriques avaient été posées bien
avant, tant pour les phénomènes de pollution - de Pigou (1920) à Coase (1960) -, avec
l’introduction de l’idée d’un écart entre coûts sociaux et coûts privés résultant de la présence
d’effets externes -, que pour l’exploitation et la gestion des ressources naturelles - Hotelling
(1931) pour l’économie des ressources épuisables et Gordon (1954) et Shaefer (1955) pour des
ressources renouvelables comme les pêcheries -, sans remonter aux problématiques et débats du
XIXe siècle. Les années 1950 avaient vu des contributions importantes comme l’article de
Samuelson (1954) sur les biens collectifs (désignés de façon impropre comme biens publics à
partir du point de vue initial adopté par Samuelson qui est celui des dépenses publiques), les
articles de Meade (1952) et Scitovsky (1954) sur les distinctions à opérer au sein des effets
externes, mais aussi le livre prémonitoire de Kapp (1950) sur les coûts sociaux de l’économie de
marché.
Un nouveau cycle d’inquiétude environnementale et de critique sociale s’est amorcé et
développé avec puissance, au milieu des années 1960. L’ouvrage de Rachel Carson sur les
menaces chimiques pesant sur les oiseaux date de 1962 ; l’article de Burton Weisbrod
introduisant pour la première fois l’idée de prix d’option dans un débat sur les modes de gestion
des parcs naturels date de 1964, tandis que le livre de Ezra Mishan sur les coûts de la croissance
économique date de 1967. Animé par une double prise de conscience scientifique et militante,
mais aussi pratique, par exemple s’agissant de la gestion de la ressource en eau, ce mouvement a
conduit les gouvernements des pays industrialisés à se doter de nouvelles structures ministérielles
dédiées à la protection et à la valorisation de l’environnement et des ressources naturelles (1969
aux États-Unis, 1971 en France, par exemple).
Dans ce contexte l’abord des problèmes d’environnement par les économistes a pu
prendre deux formes : celle du déploiement des ressources conceptuelles et méthodologiques déjà
acquises, qui n’exclut pas des innovations conceptuelles à l’intérieur d’un cadre donné ; celui de
la recherche d’un renouvellement théorique profond en réponse à un défi inédit. C’est ce qu’on a
observé. Depuis lors, le champ de l’économie de l’environnement est marqué par la diversité des
approches au moins autant que la discipline économique peut l’être de façon plus générale.